Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je voudrais tout d'abord vous remercier pour cette invitation. J'aurais vraiment aimé, lorsque j'étais sénateur, pouvoir faire la même chose : c'est un exercice très intéressant, pour les parlementaires surtout, mais aussi, je le dis très sincèrement, pour le Gouvernement, parce que cela permet d'examiner l'exécution budgétaire.

Je remercie les rapporteurs pour leurs commentaires. Cet exercice nous a permis de regarder où nous en étions vraiment de l'exécution du budget de l'année 2018, et c'est très intéressant. Je vais essayer de vous proposer un résumé assez synthétique de la situation.

Vous l'avez dit, madame Cariou, le budget du ministère a été exécuté en 2018 à hauteur de 5,34 milliards d'euros, alors que la LFI prévoyait 5,36 milliards d'euros. Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire que je n'y suis absolument pour rien : ce n'est pas moi qui ai préparé ce budget puisque je n'aurai été ministre que durant trois mois de cet exercice. Quoi qu'il en soit, c'est une réalité : ce budget avait été vraiment bien préparé.

Vous avez évoqué les 300 millions pour faire face aux aléas. Il est très important de s'y arrêter. Je crois que c'était une bonne chose de les avoir inscrits en 2018. Il se trouve que les aléas n'ont pas été aussi importants que prévu. Dans la LFI pour 2019, au contraire, 200 millions ont été inscrits, alors que les aléas sont beaucoup plus importants que l'année précédente : il faudra donc faire des ajustements. Mais là n'est pas le sujet de la rencontre d'aujourd'hui : nous en reparlerons peut-être au printemps de l'année prochaine. En ce qui concerne la mobilisation au titre des refus d'apurement par la Commission européenne, nous avions inscrit 178 millions d'euros – vous en avez parlé, sans donner le chiffre. Enfin, 75 millions d'euros ont servi à abonder le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) – ce n'est pas inintéressant.

Par ailleurs, grâce aux efforts qui ont été consentis pendant l'exercice – dont je prends ma part pour les trois derniers mois –, le ministère a contribué à l'objectif de baisse de la dépense publique. Nous avons en effet réussi à annuler 38 millions d'euros de crédits de paiement. Ce n'est pas beaucoup, mais cela mérite d'être signalé. En revanche, le financement des restes à payer de la sécheresse de l'été 2018 nécessitera, en 2019, un abondement de l'État évalué à 130 millions d'euros – vous le voyez, je joue la transparence la plus totale. Le montant des refus d'apurement par la Commission européenne devant être supportés par le budget national s'élèvera, selon nos estimations, à 170 millions d'euros. Nous avons aussi tenu compte du Brexit, même si vous ne l'avez pas évoqué : nous avons dû recruter 112 agents supplémentaires – en contrat à durée déterminée, il est vrai. En effet, le Brexit va bien finir par avoir lieu, à un moment ou à un autre, en octobre ou novembre ou plus tard : en ce qui nous concerne, nos équipes des services d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières sont en place, les bâtiments sont prêts, mais il a fallu financer tout cela.

Vous avez parlé de la peste porcine africaine : 5,2 millions d'euros ont été consacrés pour l'instant à cette crise. Le dispositif a plutôt bien fonctionné puisque la France est restée indemne. Je parle seulement ici de l'argent mobilisé en plus, pas du travail des fonctionnaires, évidemment. Vous n'avez pas évoqué en revanche la tuberculose bovine, qui est un véritable problème – nous l'avons abordé lors des questions d'actualité. Nous faisons de plus en plus de contrôles et découvrons donc de plus en plus de cas. Le surcoût par rapport à ce qui était prévu est estimé à 5 millions d'euros.

Voilà ce que je pouvais vous dire rapidement sur le budget considéré dans sa globalité. Je voudrais ajouter – je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, mais je le répète car c'est très important – que le budget de l'agriculture ne se limite pas aux crédits nationaux : les cofinancements venant de l'Europe apportent quand même plus de 9 milliards d'euros supplémentaires d'aides directes au développement agricole. Cela compte ! Et les 1,9 milliard de dépenses fiscales aussi.

Pour ce qui concerne le GPI, nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements, je dois l'avouer. Des projets sont à l'étude ; pour l'instant, les choses n'avancent pas aussi vite que nous le souhaiterions. Pourtant, la perspective d'utiliser ces 5 milliards pour contribuer au développement est réelle.

S'agissant des opérateurs, je fais globalement le même constat que vous : un certain nombre d'entre eux sont en souffrance, notamment l'ONF et l'ASP. Pour ce qui concerne l'ASP, dont vous avez tous parlé, je ne sais si l'on peut parler de faillite de l'État, mais c'est en tout cas d'un véritable problème. Vous avez utilisé les nouveaux termes qui sont de rigueur – « poursuite du retour à la normale ». Je le dis franchement : le travail qui est fait depuis plusieurs mois déjà par l'ASP et son président pour essayer de sortir de ce marasme est excellent et, pour ma part, je ne veux pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il n'empêche qu'il est anormal que l'État fasse le constat de dépenses non payées et d'aides qui ne sont pas parvenues à leurs destinataires.

Je n'en fais pas un titre de gloire, mais nous avons totalement soldé les aides bio pour 2016 et réglé 94 % des aides au titre de 2017. Il avait été dit que les choses pourraient aller plus vite. C'est la raison pour laquelle nous parlons de la « poursuite du retour à la normale ». Malheureusement, je suis au regret de constater que cela ne va pas aussi vite que mon prédécesseur s'y était engagé et que ce que les services nous avaient annoncé. Quand je rencontre les organisations professionnelles agricoles et les personnes concernées, je ne peux pas me contenter de dire : « Regardez, on vient de solder 2016 ! ». L'année 2016, c'était il y a trois ans : il n'est pas anormal qu'elle soit soldée... Je ne peux pas non plus me contenter de dire : « Voyez, pour 2017, on en est à 94 % ! ». En effet, même si c'est bien par rapport à là d'où l'on vient, mais pour les 6 % qui restent – et même si, vous l'avez dit, madame la rapporteure spéciale, ce sont les dossiers les plus compliqués, voire qui n'arriveront peut-être pas au bout –, je ne peux pas me contenter de dire aux intéressés, qui attendent des aides : « Youpi, nous en avons fait 94 % ! ». J'essaie d'être aussi transparent que possible.

En ce qui concerne l'ONF, plusieurs mesures ont été prises : le directeur général a été remplacé et un directeur général intérimaire a pris ses fonctions, le rapport des inspecteurs généraux vient d'être remis et nous allons procéder à des arbitrages dans les jours et les semaines qui viennent, après avoir discuté avec les organisations syndicales. Une nouvelle direction sera mise en place. Nous avons bon espoir de réussir à repartir sur de nouvelles bases, parce que l'ONF est en souffrance alors qu'il s'agit – je tiens à le réaffirmer devant vous – d'un magnifique opérateur public pour la forêt, que ses agents sont hypermobilisés et très compétents. Je veux absolument soutenir l'ONF et continuer à le développer. Mon objectif est de faire en sorte que nous continuions à avoir un Office national des forêts public, qui soit un établissement public à caractère industriel et commercial et qui soit en mesure d'exercer sa mission le mieux possible.

Autre thème important, parmi ceux qui ont été abordés, celui de la fiscalité. Monsieur Pellois, vous avez évoqué la TICPE sur le gazole et le fait qu'elle soit rattachée au ministère de l'agriculture. Ce sont les aléas de l'administration : il se trouve que le gazole pour les pêcheurs est rattaché au ministère des transports, alors que les pêcheurs dépendent du ministère de l'agriculture, et que la TICPE est globalement rattachée au budget du ministère de l'agriculture, alors que 50 % proviennent du bâtiment et des travaux publics (BTP). À mon sens, cela n'a aucune espèce d'importance. Les choses pourraient être différentes, mais il faut bien que la TICPE soit rattachée à un ministère ; il se trouve que c'est le mien. Je n'ai pas d'autre réponse à vous apporter sur ce point. Cela dit, les choses peuvent bouger dans l'organisation des services de l'État.

Vous avez évoqué les agences de l'eau : effectivement, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est concerné à hauteur de 0,5 équivalent temps plein... Je pense qu'il pourrait être associé différemment – pour employer un langage diplomatique – au travail des agences de l'eau. Nous travaillons avec mes collègues du ministère de la transition écologique et solidaire aux moyens de faire avancer les choses : je pense à l'irrigation, avec la possibilité de mettre en place des retenues cofinancées, afin d'accentuer la présence du ministère de l'agriculture dans le cadre des agences de l'eau. Nous avons une longue histoire derrière nous, et une longue histoire nous reste également à écrire.

L'augmentation de la RPD a été mise en place l'année dernière. Le rendement initial était de 140 millions d'euros et il est possible qu'il augmente, du fait du taux fixé. Je précise une fois encore – les choses sont absolument claires de ce point de vue – que 100 % du produit de base est reversé à l'agriculture biologique. En revanche, chaque euro collecté en plus du fait de l'augmentation financera la transition agroécologique dans son ensemble, et pas seulement le bio. C'est ce que je souhaitais et j'ai obtenu satisfaction dans le cadre d'un arbitrage.

C'est d'ailleurs aujourd'hui une grande journée pour le bio, puisque nous avons annoncé, avec l'Agence bio, l'augmentation des surfaces. En disant cela, je réponds en partie à M. Moreau : nous en sommes à plus de 7 % de la SAU en bio. C'est une grande réussite du plan « ambition bio », lequel est doté de 1,1 milliard. M. Moreau a raison : entre le plan « ambition bio », les PCAE et le fonds « avenir bio », on pourrait avoir tendance à se mélanger les pinceaux... Or je ne pense pas que ce soit le cas, car chacun joue bien son rôle. Cela dit, il faut un pilotage encore plus clair et une volonté affichée de faire en sorte que la transition agroécologique soit la ligne directrice de ce ministère et de l'agriculture française – et, pour ce faire, que les conversions en bio soient de plus en plus nombreuses. Du reste, on voit bien que cela répond à une demande sociétale : de plus en plus de nos concitoyens veulent avoir des produits bio.

Je veux répéter, à ce propos, que l'alimentation, dans notre pays, est la plus saine et la plus durable que l'on puisse avoir sur la planète. L'alimentation issue de l'agriculture française, qu'elle soit bio ou pas, transformée industriellement ou pas, est de grande qualité. Je tiens à le souligner car, tout en étant un fervent défenseur et promoteur du bio et de la transition agroécologique, je ne veux pas laisser dire – mais personne ne l'a fait ce soir – que tout ce qui ne serait pas bio ne serait pas de la bonne qualité, car n'est pas vrai ! En Europe, et ailleurs dans le monde, beaucoup de pays nous envient la qualité de notre alimentation.

Monsieur Moreau, vous avez évoqué le transfert de 4,2 % du premier pilier vers le second pilier. Je souhaite que, dans la négociation que nous menons concernant la PAC, nous n'allions pas plus loin : certains équilibres doivent être respectés. Il faut absolument que le premier pilier – les aides directes – soit préservé. Il y va de la résilience de nos exploitations. Nous travaillons en outre sur l'eco scheme : la position de la France, et de beaucoup de pays, consiste à dire que l'eco scheme doit être obligatoire dans le premier pilier – aux alentours de 20 %. Le mieux étant l'ennemi du bien, il vaut mieux s'assurer que nous fixons un niveau raisonnable plutôt que de vouloir aller trop loin. Nous devons avancer dans cette direction.

En ce qui concerne les produits phytosanitaires, je suppose que M. Potier aura des questions à poser : j'y reviendrai donc tout à l'heure...

Je me suis exprimé dès ma nomination, en octobre dernier, au sujet des TO-DE. Je souhaite que le dispositif soit pérennisé.

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