Les ministres de l'agriculture successifs ont beau clamer que leur objectif est de libérer la capacité d'entreprendre des agriculteurs, protéger les consommateurs et retrouver de la cohérence et de l'éthique dans les relations commerciales entre les fournisseurs de matières premières que sont les paysans, les transformateurs de l'industrie agroalimentaire et les distributeurs, la réalité est tout autre : nous en avons l'illustration avec la loi ÉGALIM, qui promettait d'inverser la construction des prix en partant des coûts de production. Nous avions alerté sur le fait que ce texte risquait d'accroître le déséquilibre du rapport de force commercial au détriment des agriculteurs, et le fait est qu'on observe que les premiers effets de cette loi se soldent par une déflation des prix de 1,5 à 4 % par rapport à 2018, des contournements de la loi, des pressions et menaces de sortie des produits.
Selon l'observatoire des négociations commerciales, 96 % des entreprises alimentaires interrogées à partir d'un panel de plus de 450 entreprises de toutes tailles et tous secteurs estiment que la situation avec la grande distribution n'est pas meilleure, voire qu'elle s'est dégradée par rapport à l'an passé. 71 % des entreprises de l'agroalimentaire ont aussi formulé des demandes de hausses de prix qu'elles justifient par la hausse des coûts des matières premières agricoles, demandes qui n'ont pas été prises en compte. S'appuyant sur ces données, l'Association nationale des industries alimentaires s'indigne de la situation, pointant des demandes de baisse de prix systématiques de la grande distribution à l'encontre des entreprises alimentaires, des pressions, du chantage, des menaces de sortie de rayons pour les produits si les entreprises n'acceptent pas les conditions imposées.
Acheter au prix toujours le plus bas reste le seul leitmotiv des distributeurs, aidés en cela par le dumping social et environnemental qui sévit en Europe. Même si vous reconnaissez, monsieur le ministre, que la guerre des prix continue, par exemple dans le secteur du lait, et qu'en dépit des accords passés par plusieurs industriels avec la grande distribution, rien n'est entrepris pour enrayer cette logique destructrice pour nos paysans, pour la qualité de notre alimentation et pour l'environnement, comme en témoigne la gestion des accords de libre-échange que sont le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) ou l'accord avec le Mercosur que le Gouvernement continue de soutenir contre toute logique économique et environnementale.