Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Monsieur Roseren, s'agissant de la DETR et de la DSIL, j'ai déjà commencé de répondre en évoquant les indicateurs de performance. La transparence reste l'un des meilleurs indicateurs. Nous nous assurons que tout soit mis en ligne et que chacun puisse accéder à la liste des projets financés.

Monsieur Vigier, il ne me choque pas que l'État ait lui aussi ses priorités. Certains nous demandent comment nous finançons nos priorités dans le Grand plan d'investissement pour ensuite nous reprocher de mettre la DSIL à toutes les sauces et pour pointer son caractère discrétionnaire, à la main des préfets. Si les parlementaires estiment qu'il y a des abus ou des anomalies, ils peuvent nous en faire part par l'intermédiaire de questions écrites ou orales. Nous avons autorité sur le corps préfectoral et nous pourrons apporter les correctifs nécessaires. Mais pourquoi tout le monde pourrait-il mettre en avant ses priorités, ses logiques et ses critères de subvention, sauf l'État ?

La DETR répond à une logique transversale très intelligente. Elle repose sur un mode de fonctionnement spécifique à la France qui consiste à mettre tout le monde autour de la table pour créer du consensus local. C'est un outil plus souple, largement délégué à l'échelle départementale dans les faits même si sur le papier il relève de la région. Je n'ignore pas que les pratiques peuvent être différentes selon les préfets de région mais là encore, s'il y a des problèmes, plutôt que de les régler par un énième changement de règles, mieux vaut examiner les cas un par un.

Madame Louwagie, vous m'interrogez sur la part non utilisée de la DETR. Dans tout mandat municipal, il y a un faux plat au début, une joyeuse bosse au milieu et une augmentation importante à la fin. Pour faire écho à la juste interpellation de M. Jerretie qui s'inquiétait d'une sous-budgétisation des crédits de paiement, il n'y a pas de factures impayées : n'importe quel élu local, maître d'ouvrage d'un projet, présentant sa facture au préfet, la verra honorée, avec des crédits de paiement à la hauteur. C'est d'autant plus vrai que grâce aux séries statistiques, il est possible de prévoir les besoins pour les années qui suivent. Et je trouve légitime la demande d'indicateurs de performance portant sur le degré de maturité des projets. Il n'y a rien de plus rageant pour une région ou un département que d'engager des crédits pour des collectivités qui ne parviennent pas, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, à faire avancer leur projet. C'est de l'argent public bloqué, qui aurait pu profiter à un autre projet plus abouti. En clair, il n'y a pas de bas de laine dans un coin, hormis les 3 % correspondant au gel de la réserve de précaution.

S'agissant des communes nouvelles, nous pourrons faire un premier bilan rapidement. Pour la DGF, c'est vite vu : le bilan est positif puisque ces communes ont bénéficié d'une dotation bonifiée. C'est plutôt aux effets de seuil qu'il faudra être attentif. Certaines communes, du fait de leur agrandissement, sont désormais soumises aux dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Des travaux au Sénat ont déjà été consacrés à ce sujet.

Madame Pires Beaune, nous savons le travail titanesque que vous avez réalisé pour nourrir le débat sur la réforme de la DGF de propositions d'intérêt général. Comme le Président de la République l'a dit à M. Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, et à M. Morin, président de Régions de France, mais surtout à M. Baroin, président de l'AMF, et à son vice-président M. Laignel, si les associations d'élus souhaitaient se lancer dans une telle réforme, le Gouvernement se tiendrait à leur disposition pour le faire. Avec Jacqueline Gourault, nous savons toutefois d'expérience qu'on ne peut ouvrir un tel chantier sans une volonté de coproduction loyale, équilibrée, saine : il s'agit d'un dossier techniquement très complexe, aux enjeux considérables, puisque la DGF joue sur des logiques d'équité particulièrement puissantes, au coeur de la République. Encore faudrait-il laisser s'instaurer un climat dans lequel on ferait un peu moins de politique, en privilégiant la technique.

Je redis, à la suite du Président de la République, que la question de la DGF est ouverte tout comme celle de la fiscalité locale, qui est l'autre pilier des ressources des collectivités.

Vous demandez que les critères de la DETR soient revus. Aujourd'hui, il existe deux grosses enveloppes – une pour les EPCI, l'autre pour les communes – et deux grandes variables, la richesse ou la pauvreté, et la population : il est normal de donner plus à des collectivités dont la démographie est dynamique pour financer des projets structurants. La combinaison de ces critères aboutit à une DETR dite « spontanée », qui donne une photo de la situation de chaque département. Pour éviter des évolutions trop violentes d'année en année, on a mis en place des filets de sécurité qui limitent les diminutions à 5 % et les augmentations à 10 %. Faut-il jouer à chat perché en gelant les montants constatés à l'instant t pour être sûr que cela ne bougera plus ? Cela ne me paraît pas une bonne idée. Quand on est un peu girondin, il paraît normal de vouloir adapter les dotations à l'évolution des territoires. Je vois bien ce qu'il y a de séduisant à une révision, mais je vous invite à la plus grande prudence.

S'agissant de la loi NOTRe, un projet de loi portant sur l'engagement des élus locaux sera présenté en Conseil des ministres au mois de juillet prochain. Nous apporterons des correctifs à tous ces irritants auxquels ils sont confrontés au quotidien, notamment en matière de relations entre les communes et les intercommunalités, de gouvernance, de périmètres et de compétences. Il faut faire confiance aux élus sur la manière de s'organiser. Nous aurons l'occasion de coproduire tout cela avec le Parlement.

S'agissant des agences de l'eau, vous avez raison, madame Pires Beaune. Nous avons toutefois déjà pris des mesures mais elles restent méconnues. Le premier cycle des Assises de l'eau, dont j'ai eu la charge lorsque j'étais secrétaire d'État, a permis de mobiliser la Caisse des dépôts et consignations, qui propose une enveloppe de 2 milliards de prêts à des taux défiant toute concurrence sur des durées allant de soixante à soixante-dix ans, particulièrement propices à l'amortissement des investissements : ce n'est pas rien. Il faudra peut-être faire plus de publicité sur le terrain autour de ces « Aqua Prêts » comme la Banque des territoires les a nommés. Ils constituent des outils nouveaux pour boucler des tours de table financiers. À cela s'ajoute la difficile question du prix de l'eau : dans beaucoup de communes, s'il y a des fuites, c'est parce qu'il y a un défaut d'entretien mais aussi parce que l'eau n'a pas toujours été payée au prix où elle devrait l'être, il faut le dire aussi. La tarification dans certains territoires n'est pas celle qui conviendrait.

Je ne comprends pas votre idée d'obliger les collectivités territoriales à réserver une part de leur trésorerie aux catastrophes naturelles : par définition, la trésorerie est là pour faire face aux coups durs dans la logique de bon père de famille du code civil. L'idée d'une trésorerie forcée, imposée par le législateur me paraît poser problème. Mais nous pourrons en discuter si vous le souhaitez.

Quant aux critères de répartition de la DGF, ils seront mis en ligne à la mi-juin comme l'année dernière. Nous avons beaucoup mis la pression sur nos équipes pour parfaire la qualité des réponses aux situations individuelles.

Monsieur Dufrègne, je dois bien avouer que je n'ai pas compris votre question. Vous tenez toujours le même discours, que la DGF diminue ou qu'elle soit stable. Vous vous plaignez des mêmes choses alors que les dotations d'investissement sont portées à 2 milliards d'euros, soit un niveau beaucoup plus élevé qu'il y a cinq ans. Vous ne pouvez pas dire que l'État manque à tous ses devoirs à l'égard des collectivités territoriales alors qu'il n'y a jamais eu autant d'argent public mis sur la table pour leurs investissements. Cela finit par nuire à l'image de la République.

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