Il s'agit donc d'une manne importante, dont l'État est privé, ce qui fait une ressource de moins au service de l'intérêt général. Disons-le clairement : toute manoeuvre d'évitement de l'impôt est un coup porté au pacte républicain. La fraude et l'évasion fiscales heurtent des principes constitutifs de notre droit, tel celui d'égalité et, plus spécialement, d'égalité de tous devant la charge publique. À ce titre, la fraude et l'évasion fiscales constituent les plus grandes menaces pesant sur le bien-être économique et social de nos concitoyens.
La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ne doit pas seulement être guidée par des considérations budgétaires ou économiques. Cela va bien au-delà : je pense à la solidarité due à chacune et chacun car en diminuant les recettes publiques, les fraudeurs réduisent la capacité des États à financer des politiques publiques ambitieuses.
Comment peut-on exiger de nos concitoyens qu'ils consentent à l'impôt si, dans le même temps, des multinationales évitent par toutes les voies possibles de participer à l'effort collectif alors même qu'elles s'appuient sur des infrastructures et des services publics financés par l'impôt, comme les routes ou les écoles ? Rappelons-le ici : le consentement à l'impôt constitue un des éléments fondateurs de notre vivre-ensemble. À ce propos, le groupe GDR propose d'inscrire la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales dans la Constitution : sur ce point il peut y avoir débat et le groupe Libertés et territoires émet des réserves.
Enfin, la fraude et l'évasion fiscales faussent la concurrence entre les acteurs économiques. Bref, ces actes de délinquance sont facteurs d'injustice et d'inefficacité. Voilà pourquoi nous devons, aujourd'hui plus que jamais, en faire l'une des priorités des pouvoirs publics.
Par le passé, de nombreuses initiatives ont déjà été prises. Je pense à la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ou encore au projet de loi contre la fraude, définitivement adopté le 10 octobre dernier qui renforce très opportunément les sanctions contre la fraude fiscale, sociale et douanière.
Ces dernières années, cette délinquance aux multiples facettes n'a cessé de progresser, tant en termes de poids pour les finances publiques, que de nombre d'acteurs impliqués et de complexité des schémas élaborés.
La nécessité de lutter contre l'évasion fiscale est une évidence qui s'est traduite par une prise de conscience internationale, laquelle s'est accrue depuis 2013 et se trouve désormais au coeur des enjeux politiques mondiaux. Panama Papers, Paradise Papers, LuxLeaks. .. autant de scandales qui choquent légitimement nos concitoyens. Le documentaire La très grande évasion, en cours de réalisation par Yannick Kergoat et Denis Robert, doit nous interpeller.
La fraude, l'évasion ou l'optimisation – agressive ou non – reposent sur des systèmes internationaux complexes, ingénieux et extrêmement bien organisés dans lesquels interviennent de nombreux acteurs. La grande fraude, c'est la fraude internationale, organisée et pensée pour se soustraire à l'impôt sur une grande échelle. La criminalité financière ne s'arrête pas aux frontières – elle s'en joue même !
Le groupe Libertés et territoires considère donc qu'il est impératif d'agir de concert avec nos voisins européens et, au-delà, au niveau de l'OCDE, dans un contexte d'internationalisation et de dématérialisation de l'économie. Ici réside l'une des principales difficultés relatives à la lutte contre l'évasion fiscale : la concurrence, pour ne pas dire la guerre à laquelle se livrent certains États en la matière. Le problème est international, la réponse doit donc l'être aussi. Ceci est devenu d'autant plus nécessaire que l'apparition de nouvelles formes de délinquance financière rend plus complexes les investigations et nécessite des enquêtes sur le plan international.
Notre pays est déjà engagé dans cette coopération mais nous constatons encore des cas de mauvaise application du système d'échange de données, notamment entre la France et les États-Unis dans le cadre du FATCA, le Foreign Account Tax Compliance Act. Il faut donc aller plus loin et plus vite.
L'ambitieux projet BEPS, Base erosion and profit shifting de l'OCDE propose plusieurs pistes pour lutter contre les pratiques d'évitement de l'impôt auxquelles se livrent les entreprises. De son côté, l'Union européenne avance aussi et, depuis 2015, a lancé de nombreuses initiatives renforçant les moyens de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.