L'écologie et la transition énergétique constituent des problèmes majeurs de notre société qui ne sont pourtant souvent qu'effleurés ou contournés, et les politiques menées dans ces domaines ne répondent plus aux enjeux économiques, sociétaux et écologiques auxquels nous sommes confrontés.
D'après le classement Environmental Performance Index publié par Yale, notre voisin helvétique a été en l'espace d'à peine deux ans propulsé de la seizième à la première place pour la santé environnementale. À l'origine d'un tel exploit, il n'y a pas de fermeture de voies de circulation ou encore d'arrêt complet du nucléaire, mais un objectif a été fixé dès 2001 et son échéance aura lieu dans un an. En vingt ans, vingt présidents de la Confédération helvétique se seront succédé, de même que quatre présidents français. À une autre échelle, le nombre d'alertes aux particules en Île-de-France a doublé cette année. Au programme de la Suisse : une baisse de la production d'énergie nucléaire et une hausse des énergies renouvelables, comme ce qui est proposé en France. Le mix énergétique suisse actuel, c'est 60 % de l'électricité produite dans les centrales hydroélectriques et 35 % dans les centrales nucléaires. La France a également développé ce concept d'objectif à long terme, en prévoyant d'abaisser à 50 % la production d'énergie nucléaire à l'horizon 2035. C'est bien loin du mix suisse, pour des raisons d'échelle comme pour des raisons géographiques, mais c'est aussi un objectif encore plus éloigné de celui de nos voisins allemands, qui ont opté pour une sortie maladroite et trop rapide du nucléaire à l'horizon 2022, pour se retourner vers le charbon, un choix pour le moins discutable.
Je voudrais m'attarder sur l'idée d'écologie pragmatique : ne pas sortir du nucléaire du jour au lendemain, mais réfléchir à des alternatives durables, sécurisées et, bien évidemment, réalisables. La bonne question n'est pas de savoir si le nucléaire est dangereux, mais s'il est plus ou moins dangereux que d'autres sources d'électricité à grande échelle comme le charbon ou l'hydraulique.
Le charbon a pris la place du nucléaire en Allemagne et, s'il est faux d'affirmer qu'il induit une hausse des émissions de CO2, les études ne mentent pas, notamment celles du WWF : elles mettent en évidence que le dégagement de particules fines est à l'origine de 23 000 décès prématurés en Europe centrale, principalement dans les pays producteurs d'électricité à base de charbon.
Quant à l'hydraulique, il pose des problèmes d'ordre environnemental mais aussi en matière de sécurité : souvenons-nous qu'une rupture de barrage survenue en Chine en 1975 fut l'un des accidents les plus meurtriers de l'histoire, avec des centaines de milliers de victimes ; il faut aussi déplacer des populations – de quoi noyer nos espoirs d'énergie propre.
Le nucléaire est l'objet de tous les fantasmes, en particulier à cause des catastrophes qu'il a pu occasionner. Cependant, pour rester objectif, les 5 000 cas de cancer et les 31 morts directs répertoriées par les Nations unies à la suite de l'accident de Tchernobyl font pâle figure face au bilan des autres modes de production énergétique. Et si, au contraire, le nucléaire sauvait des vies ? Il a été prouvé par Michael Shellenberger, distingué comme « héros de l'environnement » par le magazine Time, que l'utilisation d'énergie nucléaire a permis de sauver au moins 2 millions de vies en empêchant la combustion de biomasse et de matériaux fossiles. Envers et contre tout, il faut dire que la production d'énergie nucléaire a fait beaucoup plus de bien à notre société qu'elle n'a pu causer de mal. Alors pourquoi s'arrêter là quand on peut continuer les recherches susceptibles de combler certaines lacunes ayant causé des catastrophes qui restent certes gravées dans nos mémoires ?
Je citerai ici Steven Pinker : « Nordhaus et Shellenberger synthétisent ainsi les calculs d'un nombre croissant de climatologues : "Il n'existe pas de trajectoire crédible vers une réduction des émissions mondiales de carbone sans expansion considérable de l'énergie nucléaire. C'est la seule technologie à faible intensité carbonique dont nous disposons aujourd'hui ayant la capacité avérée de produire de façon centralisée de grandes quantités d'énergie électrique. " »
Madame la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, pensez-vous judicieux de diminuer la part de l'énergie nucléaire au profit d'énergies plus coûteuses, moins sûres et moins efficientes ? Nous n'avons pas encore parlé des énergies alternatives, l'éolien et le solaire. Un investissement dans la rénovation des centrales, la recherche sur le développement du nucléaire et les mesures de sécurité adaptées ne permettrait-il pas de faire un pas vers une production énergétique plus maîtrisée et plus propre ?