Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du mardi 18 juin 2019 à 15h00
Mobilités — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Plusieurs centaines de millions d'euros par an manquent en effet à l'appel pour mettre la partition en musique. On nous a fait voter, à guichets fermés, un plan pluriannuel d'infrastructures pour la mise en oeuvre duquel, on le sait déjà, il manquera au bas mot 500 millions d'euros par an. Ce n'est pas moi qui l'invente : récemment encore, des membres éminents de la majorité s'en sont émus dans une tribune publiée dans le journal Les Échos.

Et s'il vous plaît, ne nous faites pas le coup de l'héritage, ou alors avec modération ! Dire, par exemple, que rien n'a été fait avant, c'est oublier un peu vite les dizaines de milliards investis depuis dix ans pour la réalisation de routes, de lignes à grande vitesse, de kilomètres de réseaux de transports en commun et d'ouvrages rénovés. Dire que l'effort n'a pas été suffisant, pourquoi pas. Mais, entre le néant et l'insuffisant, il y a une marge. Nous avons fait plusieurs propositions pour trouver des sources de financement pérennes ; elles avaient, de surcroît, l'avantage d'engager un changement des comportements. Je pense, par exemple, à la suppression de l'exonération de la TICPE sur le kérosène. Nous avons également proposé un grand emprunt pour financer des infrastructures qui relèvent du temps long.

On l'a bien vu, des tabous demeurent, et le changement des vieilles habitudes n'est pas à l'ordre du jour. C'est d'ailleurs là un troisième défaut. Le texte fait l'impasse sur l'aérien, remettant cette question à plus tard, même si j'ai bien entendu, madame la ministre, votre volonté d'engager la réflexion. La décarbonation des transports, elle, n'attend pas. Il y aura toujours mille et une bonnes raisons de ne pas agir ou de renvoyer à plus tard. Du courage et de l'audace, voilà ce que l'on attend de nous.

De l'audace, il en faut également sur le plan social. Vous créez une prime « mobilités durables » en complétant un dispositif qui existait déjà. Super ! Mais pourquoi ne pas la rendre obligatoire ? Vous nous dites qu'il ne faut pas obliger les entreprises au prétexte qu'elles n'auraient pas respecté leurs obligations s'agissant des plans de déplacements. Avec ce genre d'argument, on ne risque pas de faire grand-chose. Autant leur laisser les clés de la maison France ! Le laisser-faire, en matière d'environnement, ce n'est pas le meilleur argument.

Le quatrième défaut, c'est de donner aux collectivités locales plus de compétences sans leur donner de véritables moyens pour les exercer : c'est une forme de décentralisation sans transfert de charge – ou plutôt avec seulement des miettes. Le risque est grand que, demain, les collectivités chargées des mobilités soient amenées à augmenter les impôts.

Le cinquième défaut, c'est d'être faible sur les outre-mer : nous souhaitions que les propositions de notre collègue Serge Letchimy soient reprises.

Le sixième défaut, c'est de renvoyer au projet de loi de finances la question du financement. Ce n'est jamais bon signe ! Avec ce texte vous bridez les trottinettes, mais, au moment de la discussion du budget, c'est Bercy qui risque de brider la loi sur les mobilités !

Le septième défaut, c'est d'abuser du joker Europe. Sur plusieurs sujets, et non des moindres, vous nous renvoyez à l'Europe, toujours à l'Europe. C'est une autre façon de dire : ce n'est pas nous, ce sont les autres. S'il faut attendre la renaissance de l'Europe pour avancer, la banquise aura complément disparu avant que nous ayons progressé, j'en ai peur.

Voilà sept défauts qui ne sont pas tout à fait les sept péchés capitaux de la LOM, mais qui nous invitent à nous abstenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.