Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du mardi 18 juin 2019 à 21h30
Relance de l'État en panne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

… notamment en matière d'aménagement du territoire, ce qui a engendré un fort sentiment d'abandon dans nombre de lieux qui se considèrent aujourd'hui comme des territoires de seconde zone – là où les axes de communication ne sont pas à la hauteur des attentes, là où le numérique se fait trop attendre, là où le mobile ne passe pas correctement, mais aussi là où les policiers et les gendarmes sont en nombre insuffisant et où l'insécurité gagne, là où l'hôpital se retire et où l'on a peur de l'accident de santé.

Le deuxième de ces constats, c'est que cette impuissance de l'État a aussi gangrené d'autres champs, comme celui du social, avec le sentiment tenace que le seul critère d'arbitrage est financier et budgétaire, et qu'on ne prend de décisions qu'en fonction de la sacro-sainte obsession de « réduire la dépense publique ». Ce que vivent les Français aujourd'hui confrontés aux indispensables réformes des retraites ou de l'indemnisation du chômage est tristement révélateur de cet état de fait.

Le troisième de ces constats, c'est que l'État est aussi perçu comme absent des grandes politiques d'envergure mondiale qu'il est pourtant le seul à pouvoir mener. Je parle ici du défi environnemental dont la mise en oeuvre a été abandonnée à des agences – agences régionales de santé, directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, Agence française pour la biodiversité, agences de l'eau – que les Français relient difficilement à l'État puisqu'elles conduisent leurs propres politiques à leur propre rythme en fonction de leurs propres contraintes. Il n'y a plus de lisibilité.

Au-delà de ces constats, je souhaiterais esquisser ici quelques préconisations.

Tout d'abord, dans une période de profondes mutations de notre société, et aussi de notre République, il n'est pas question de militer pour le statu quo ou le retour en arrière. Ne cherchons pas à aller vers plus d'État ; cherchons à aller vers « mieux d'État ».

On pourrait imaginer un État qui s'inspirerait des réalités de terrain en ouvrant la voie à la prise en considération des particularités territoriales. Il y va de la capacité de la France à continuer d'aménager son territoire afin que des gens y vivent partout.

Ensuite, il faut doter les territoires des moyens correspondant aux projets qu'ils ont pour leurs habitants, plutôt que de contraindre le pays tout entier à entrer dans un moule unique.

Enfin, l'État pourrait proposer aux territoires un contrat de gré à gré, pour atteindre ces objectifs, en mettant autour de la table tous les acteurs. C'est là que pourrait se nicher une nouvelle étape de décentralisation.

Ce mouvement, qui pourrait commencer rapidement, doit s'accompagner d'un autre, de déconcentration. Pourquoi vouloir rapatrier à Paris ou dans les grandes métropoles régionales tous les centres de décision publique ? Pourquoi poursuivre le mouvement de déshabillage progressif des services de l'État déconcentré, en particulier dans les départements ? Nous proposons, à l'inverse, d'imaginer un État qui s'incarne au plus près des Français, grâce notamment à des préfets de département et des services aux pouvoirs renforcés. L'État deviendrait un État conseil plutôt qu'un État sanction.

Outre l'amélioration de l'efficacité des politiques publiques, je crois profondément que ces virages seraient de nature à redonner aux Français de la considération pour leurs institutions, et donc à lutter contre l'avènement de forces politiques extrêmes qui souhaitent, elles, l'affaiblissement de nos institutions et donc de notre démocratie.

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