Intervention de Fabrice Le Vigoureux

Séance en hémicycle du mardi 18 juin 2019 à 21h30
Effectifs et masse salariale de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Le Vigoureux :

Je propose un éclairage complémentaire à l'intervention tonique de ma collègue Cendra Motin en m'appuyant sur l'étude de cas de la gestion de la masse salariale par les grands opérateurs que sont les universités.

Le transfert de la gestion des personnels a en effet été identifié par les universités comme le défi le plus redoutable du passage à l'autonomie.

Les dépenses de personnel ont régulièrement augmenté et représentaient en 2018 près de 85 % de leur budget, soit 11,1 milliards d'euros de masse salariale en loi de finances pour 158 000 équivalents temps plein travaillé – ETPT.

En guise de comparaison, ces ETPT ont progressé de 3,6 % entre 2011 et 2017 alors que, dans le même temps, ceux des missions « Sécurités », « Défense » et « Justice » baissaient de 4,2 % et que les autres missions, hors éducation, en perdaient 13,7 %.

Depuis la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, l'université est passée d'une logique d'emplois budgétaires ouverts au titre de la loi de finances à une logique de plafond d'emplois global exprimée en ETPT, ce qui signifie qu'un agent est comptabilisé au prorata de ses horaires et de sa durée de travail dans l'année.

En outre, cette loi LRU a ouvert aux présidents d'université des marges de manoeuvre nouvelles en matière de recrutement de contractuels : ceux-ci représentent désormais près de 30 % des effectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Cela étant, en dépit de ces souplesses, de nombreuses universités connaissent ou ont connu des difficultés financières liées à la gestion de leur masse salariale.

Cet état de fait peut s'expliquer par plusieurs facteurs. En premier lieu, une partie des dépenses générales de masse salariale – mesures salariales, point d'indice, glissement vieillissement technicité, promotions – échappe de facto au pouvoir de décision des universités, car elles sont contraintes par des décisions nationales.

Ces dépenses ne reposent pas toujours sur des modèles d'allocation de moyens efficients, d'autant plus que les universités elles-mêmes ne sont pas toujours dotées d'outils adaptés pour conduire une évaluation fine de l'évolution de leurs emplois et de leur masse salariale.

J'ai pu en particulier, lors d'auditions menées dans le cadre de ce printemps de l'évaluation auprès de quelques opérateurs, mesurer leur très grande difficulté à chiffrer, même à courte échéance, le glissement vieillesse technicité.

D'autre part, les universités ne se saisissent pas toujours des marges de manoeuvre dont elles disposent. Elles peinent, faute de comptabilité analytique, à appréhender les coûts complets d'un projet de formation avant son ouverture effective, ce qui insécurise ou freine leur développement et la recherche de nouvelles ressources propres.

Les conditions de gestion de la masse salariale par les universités peuvent par conséquent être améliorées.

Aujourd'hui, deux plafonds de dépenses de rémunération cohabitent et ne font pas l'objet d'une gestion claire et intégrée : d'une part un plafond d'emplois rémunérés par l'établissement, et d'autre part un plafond d'emplois autorisés et financés par l'État.

Concrètement, une université ne peut donc recruter plus de fonctionnaires titulaires que ce qu'autorise le budget de l'État.

Il apparaît urgent de développer des outils de gestion pluriannuelle d'emplois et de compétences performants dans tous les établissements et de mieux intégrer la masse salariale sous plafond État et sous plafond établissement dans une gestion des ressources humaines commune.

Trop souvent, l'augmentation du plafond d'emplois ne se traduit donc pas par des créations effectives de postes : elle compense l'impact budgétaire des mesures salariales telles que le GVT.

Ainsi, le plan de création de 5 000 postes décidé, souvenez-vous, au cours de la précédente législature est apparu – et nous apparaît aujourd'hui – très artificiel, puisque plus d'un quart des crédits dégagés pour ces créations ont servi à tout autre chose qu'à financer ces dernières, ce qui pose un vrai problème de transparence et de suivi des crédits votés.

Afin d'améliorer la visibilité et la clarté des engagements quantitatifs pris par l'exécutif, il apparaît sans doute nécessaire d'inclure le coût du GVT et des autres mesures de masse salariale décidées par l'État dans le calcul de la subvention allouée aux opérateurs, en en prenant en charge une partie du coût, et dans une perspective – c'est très important – pluriannuelle.

La priorité, conforme à l'esprit de la résolution présentée ce soir, est ainsi d'améliorer significativement les outils de gestion pluriannuelle de la masse salariale qui sont aujourd'hui insuffisants.

Dans ce contexte, le dialogue stratégique et de gestion, expérimenté pour la première fois en 2018, doit être approfondi afin de permettre au ministère et aux établissements d'échanger de manière plus fine et plus fiable sur leur trajectoire de masse salariale.

Cette illustration s'inscrit donc pleinement dans le cadre général de la résolution et montre l'importance d'un chantier certes difficile, mais qui ne nous semble pas hors de portée.

En politique, comme en musique, la résolution soutenue par notre collègue Motin trouvera, du moins je l'espère, l'accord parfait.

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