C'est la raison pour laquelle on ne peut pas s'interroger sur l'évolution des fonctions publiques sans réfléchir à une nouvelle vague de décentralisation et à la répartition des compétences. On sait très bien que les doublons existent. Ne pas le reconnaître, c'est ne pas vouloir regarder la vérité en face. Les doublons sont des lenteurs, et les lenteurs coûtent de l'argent et attisent le ressentiment de nos concitoyens.
Nos dépenses publiques ont augmenté de 2,6 milliards d'euros en 2018, dont 2 milliards pour les seules dépenses de personnel. L'ensemble des dépenses de personnel – compte d'affectation spéciale « Pensions » compris – s'élèvent à 130 milliards d'euros en 2018. Même si la croissance de la masse salariale a légèrement ralenti par rapport à 2017, puisqu'elle est de 2 % en 2018 contre 3,4 % en 2017, elle demeure supérieure à la moyenne de l'évolution constatée entre 2008 et 2017. En clair, les dépenses de personnel représentent désormais près de 39 % des dépenses du budget général. Record battu en Europe ! Pour autant, les services publics assurés dans d'autres pays de l'Union européenne sont-ils moins bons ? Je vous laisse libres de votre jugement, mais force est de reconnaître que certaines réformes conduites dans des pays voisins n'ont pas conduit à une dégradation du service public, même s'il y a moins de fonctionnaires. À cet égard, l'ancien ministre qui est intervenu avant moi a dit qu'il fallait rompre avec notre tendance à vouloir résoudre tous les problèmes par l'accroissement des dépenses publiques.
En outre, se pose la question du suivi de la masse salariale de l'État et de ses opérateurs. Comme on a voulu geler les dépenses de la fonction publique, on a créé des opérateurs, et on y a transféré 400 000 fonctionnaires. Pas vus, pas pris ! Mais un simple calcul prouve que ceux qui ne font plus partie des effectifs des trois fonctions publiques ont été transférés chez les opérateurs. Certes, un certain nombre de documents et d'index nous permettent de vérifier si ce qui avait été prévu en loi de finances initiale est bien appliqué, mais, là encore, nous sommes loin du compte.
L'État, comme une entreprise ou n'importe quelle collectivité, doit avoir des outils de pilotage, notamment le ressenti des concitoyens auxquels il rend des services publics. L'un des orateurs précédents évoquait la difficulté d'évaluer précisément le nombre de fonctionnaires de l'éducation nationale. Certains périmètres ministériels sont flous, et de nouveaux ministres veulent mener de nouvelles politiques ; ils doivent donc avoir recours à des agents pour les appliquer. En outre, il y a toujours des doublons et des lenteurs. Par exemple, les fonds européens gérés par les régions sont toujours contrôlés par des fonctionnaires de l'État, au sein même des préfectures de région. Tous ces fonctionnaires pourraient être transférés aux régions.
Nous déplorons enfin, comme beaucoup d'entre vous, la très faible information du Parlement sur l'exécution en cours. Nous avons la copie initiale, et après, nous ne voyons rien : c'est le brouillard total, et on s'aperçoit en définitive que l'exécution n'a pas été conforme aux prévisions. Il est donc nécessaire de pouvoir disposer d'un document budgétaire unique, annexé aux lois de finances, permettant le suivi détaillé de la masse salariale de l'État et de l'ensemble de ses composantes. Les parlementaires doivent être, à tout moment, informés et ne doivent pas découvrir la copie comme on découvre un compte administratif d'une mairie – je vois que M. Mattei acquiesce.
Enfin, nous regrettons l'absence d'étude d'impact systématique. On a quinze ou vingt ans d'expérience en matière de transferts de compétences. Se sont-ils traduits par davantage d'efficience, ou nous sommes-nous trompés ?
Cette résolution va dans le sens de la sincérisation des comptes publics et de l'amélioration de la transparence budgétaire. C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés et territoires la votera.