J'ai noté en gros sur mon papier « sincérité », parce que je crois que c'est le maître mot des débats de la loi de règlement en général, plus particulièrement sur la sous-exécution ou la sur-exécution des crédits. Je n'y ai jamais vraiment cru. Je n'y croyais pas quand j'exécutais moi-même le budget dans mes fonctions précédentes, et j'y crois encore moins depuis que je siège dans cet hémicycle !
Les pratiques internes à l'administration, qui visent à des délégations de crédits à 20 ou 25 % dans un premier temps, puis 90 % dans un deuxième temps, puis 100 % dans un troisième temps, c'est l'exemple de la police, parce que dès que vous passez en gendarmerie, c'est 25 % puis 100 %, avec des gels, des sur-gels, des recrutements. Ça, c'était le pompon, parce que quand on parle d'exécution, on parle aussi en termes de plafonds d'emploi, de nombre de personnes qu'on recrute. Quand vous êtes chef de bureau, vous pleurez toute l'année parce que vous êtes en sous-effectifs, il n'y a personne ; et là, on vous explique que vous avez une dizaine de recrutements sans concours catégorie C qui arrivent dans votre service le 29 décembre. Cela compte donc dans le plafond d'emplois de l'année n, mais vous ne les avez payés sur l'année en question qu'environ deux jours. Voilà une des nombreuses astuces qui échappent à la représentation nationale et qui font que ce dont nous discutons n'est pas tellement sincère.
Cette résolution vise à ce que nous ayons, au moment où nous discutons le projet de loi de finances, la photographie à un instant t de ce qui est exécuté au sein des différentes missions, programmes, et même actions, sous-actions, axes ministériels, tout ce que vous voulez. C'est une excellente proposition, d'autant que ce n'est pas très compliqué à faire, l'exécution budgétaire étant suivie par les plateformes Chorus et les responsables budgétaires, responsables de programmes, responsables d'unités opérationnelles. Vous pouvez même les avoir par centres de coût, la maille la plus fine. On a toutes ces informations en temps réel quand on est dans l'administration, alors qu'on n'est pas fichu de les avoir quand on est parlementaire et qu'on est au radar. C'est assez insupportable !
Il faudra quand même s'interroger un jour ou l'autre – je vais lancer un petit pavé dans la mare – sur la question de la fongibilité asymétrique. C'est la question qu'on pose aux concours de fonctionnaire pour savoir si on a bien lu la loi organique sur les lois de finances. Cela signifie que vous pouvez transférer des crédits de personnels que vous n'avez pas consommés vers des dépenses de fonctionnement, mais vous ne pouvez pas utiliser des crédits de fonctionnement non consommés pour embaucher des gens en plus. Si vous avez été vertueux en matière de dépenses – vous avez fait des économies d'électricité, de gaz, de papier par exemple – , vous vous dites que vous allez pouvoir embaucher un collaborateur supplémentaire. Eh bien non, ce n'est pas possible, parce qu'embaucher des fonctionnaires c'est un poids, une charge, tout ce que vous connaissez.
Maintenant, puisque vous n'avez prévu de recruter que des contractuels, peut-être faudra-t-il revoir cette histoire de fongibilité asymétrique, dès lors que vous pourrez vous séparer des agents public du jour au lendemain à travers les ruptures conventionnelles et autres artifices. Je verse tout cela au débat.
Ces sous-exécutions chroniques, répétées, résultent peut-être de cette fongibilité asymétrique, qui se voulait un instrument de bonne gestion et qui finit par justifier la faiblesse des moyens de l'État et des administrations pour agir.
Nous évoquions tout à l'heure les avis des contrôleurs budgétaires. Que ce soit sur le plan ministériel, avec les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, les CBCM, ou sur le plan régional, je n'en ai jamais vu un rendre un avis conforme. Je les ai toujours entendu dire : « Oui, mais sur telle ou telle dépense, je crois que vous allez vous casser la figure », et ce avant même que l'exécution du budget ait commencé. Il y a donc bien quelque chose qui ne fonctionne pas.
Souvent le diable se cache dans les AE, les autorisations d'engagement. Il y a un problème avec Bercy, qui refuse de donner ces fichues AE à tous les ministères pour que l'on puisse bénéficier d'une véritable sincérité budgétaire. Il faudra arrêter avec ce n'importe quoi-là ! Elles finissent tout de même par être lâchées – de même qu'en face, les crédits de paiement, les CP, parce qu'il faut bien payer les fournisseurs avec lesquels nous avons passé des contrats !
Je termine, d'un mot. Puisqu'il est question d'insincérité budgétaire, je ne sais toujours pas comment seront financées les différentes annonces faites par le Président de la République lors de sa conférence de presse, et encore moins celles faites par le Premier ministre ici même il y a quelques jours. Si quelqu'un a la réponse, je veux bien la connaître. Il faudra bien se mettre à rédiger une loi de finances rectificative ou, peut-être, en rédiger plus souvent, ce qui permettra de faire des points d'étape plus réguliers, quitte à ce qu'elles soient plus légères et que l'on y passe moins de temps.