Nous voici à la deuxième édition du Printemps de l'évaluation. Il me semble important de rappeler que nous devons cet exercice inédit au président de la commission des finances, notre collègue Éric Woerth, qui a fortement oeuvré, évidemment soutenu par le rapporteur général, pour que ce temps de l'évaluation prenne davantage d'importance.
Auparavant, le sujet, on l'a dit, était traité de façon expéditive. Je rappelle que deux séances de la commission des finances publiques avaient suffi pour traiter la loi de règlement de l'année 2016 ! Depuis 2018, il s'agit non plus d'un simple débat de comptables, mais d'une occasion de demander des comptes au Gouvernement sur l'atteinte des objectifs fixés dans le budget initial et évidemment sur le bon emploi des ressources publiques. Cette nouvelle procédure a suscité l'adhésion sur tous les bancs de notre assemblée. Les auditions ont mobilisé l'ensemble des commissions permanentes, ce qui a conforté l'ambition du Parlement de se saisir de sa mission d'évaluation. Mais cette démarche doit-elle en rester là ?
Ainsi qu'il est indiqué dans la proposition de résolution, il convient d'améliorer le dispositif de performance et d'intensifier le rapport coûtefficacité de la dépense publique. Ce nouveau temps fort doit être, pour le Parlement, l'occasion de mettre l'accent sur les résultats du contrôle et de l'évaluation.
Lors de son audition en commission des finances, Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques et premier président de la Cour des comptes, a rappelé son soutien à l'initiative du Printemps de l'évaluation, qui permettra, à terme, à la loi de règlement de devenir une véritable « loi de résultats » et ainsi un temps fort de l'évaluation et du contrôle parlementaires.
Il a cependant relevé que le resserrement du calendrier de dépôt du projet de loi de règlement pose quelques difficultés. En effet, la réalisation des travaux de la Cour des comptes dépend évidemment de la complète disponibilité des éléments d'informations statistiques, budgétaires et comptables fournis par les services du ministère de l'action et des comptes publics, pour procéder au contrôle et à la certification. Or, il faut le reconnaître, madame la secrétaire d'État : ces données arrivent de plus en plus tard.
J'en viens à un axe développé lors de son audition par le premier président de la Cour des comptes, qui a un intérêt tout particulier à l'examen de cette proposition de résolution puisqu'il déplore la complexité croissante et le manque de lisibilité du budget de l'État. À ce sujet, son constat est sévère : « la dépense de l'État constitue un agrégat hétérogène, peu lisible et instable. Il est extrêmement complexe – sinon parfois impossible – de parvenir à en délimiter précisément les contours et à en apprécier les évolutions ». Tout est dit !
Le premier président a en outre indiqué que les crédits budgétaires ne correspondaient qu'à une partie du financement des politiques publiques, qui passe aussi par l'affectation de taxes dédiées et par un recours croissant aux fonds sans personnalité juridique. Il estime aussi fort légitimement que ces contournements portent atteinte à la cohérence du cadre budgétaire et limitent la capacité du Parlement à appréhender dans leur globalité les enjeux financiers associés à l'action de l'État. Il propose évidemment quelques pistes pour améliorer la performance du dispositif, et je pense que nous pourrions et devrions nous en inspirer : il suggère de mieux distinguer les objectifs stratégiques, de niveau politique, et les objectifs de gestion fixés aux responsables de programmes ; il invite à conduire des revues de dépenses et des évaluations de politiques publiques de façon régulière et selon un programme prévu dans la loi de programmation des finances publiques ; enfin, il conseille de rendre de vraies marges de gestion aux responsables de programme – j'y insiste – , en leur redonnant des perspectives de moyen terme par un renouveau des dispositifs de contractualisation et de fongibilité, notamment asymétrique. On pourrait ainsi renouer enfin avec l'esprit initial de la LOLF, hélas largement perdu – et je dois dire, en tant qu'ancien responsable de programme, que si cela fut le cas, madame la secrétaire d'État, ce fut souvent à cause de Bercy.
Dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, on insiste sur le fait que le volet qualitatif de l'évaluation reste insuffisamment développé. C'est exact. Toutefois, il serait bon que les indicateurs de performance donnent lieu à un véritable débat. Si l'association des rapporteurs spéciaux de la commission des finances aux conférences de performance peut être un premier pas, il faudrait aussi s'assurer que la définition des indicateurs de performance pour chacun des programmes ne soient pas l'apanage de l'exécutif, qu'ils soient véritablement coconstruits avec le Parlement, que celui-ci puisse prendre l'initiative d'en proposer et qu'aucun ne change sans que cela ait été validé par les commissions des finances des deux chambres. Autant de pistes pour améliorer notre évaluation, la faire sortir du champ technique et lui donner toute sa place dans l'espace politique.
Malgré ces lacunes regrettables, la proposition de résolution comporte des avancées certaines. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera en sa faveur.