La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence, en tribune, des élèves de la classe de CM2 de l'école élémentaire publique Cora Mayeko de Baie-Mahault, en Guadeloupe.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent vivement.
Cette classe est lauréate de la vingt-troisième édition du Parlement des enfants,
Mêmes mouvements
avec une proposition de loi visant à diminuer l'empreinte environnementale du numérique.
« Ah ! » et applaudissements.
Notre collègue Mathiasin les accompagne.
Je souhaite également la bienvenue aux trois autres classes finalistes de cette édition, qui viennent de l'école élémentaire publique du Quai à Tournon-sur-Rhône, en Ardèche, élèves accompagnés par notre collègue Victory,
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent
de l'école élémentaire publique de Nécy, dans l'Orne, élèves accompagnés par notre collègue Nury,
Mêmes mouvements
et de l'école internationale franco-anglaise de Londres, élèves accompagnés par notre collègue Holroyd.
Mêmes mouvements.
J'en profite pour remercier l'ensemble des collègues qui, sous la présidence de notre collègue Poulliat, ont assuré, avec l'aide des services de l'Assemblée nationale et de ceux de l'éducation nationale, les délibérations du jury. Je remercie aussi M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. J'encourage ces jeunes citoyens à continuer à s'engager dans notre vie démocratique.
J'associe à ma question mes collègues Véronique Louwagie et Jean-Pierre Door.
Monsieur le Premier ministre, une des principales préoccupations de nos concitoyens est la santé, c'est-à-dire la capacité du système de santé à répondre aux besoins de tous les Français. C'est un paradoxe déplorable que de constater que la politique publique qui est la plus en échec aujourd'hui est celle de la santé.
Cet échec – cette crise – prend plusieurs formes.
D'abord, on constate la résignation des services des urgences hospitalières : 120 d'entre eux sont actuellement en grève illimitée. C'est du jamais-vu ! C'est l'expression d'une détresse liée tout à la fois à l'explosion de la fréquentation, qui trouve sa cause, en amont, dans une prise en charge insuffisante par la médecine de ville, et à des mesures budgétaires, mises en oeuvre par les agences régionales de santé, qui décident de fermer des lits, de geler des crédits et de faire attendre des projets, comme celui de l'extension des urgences de l'hôpital de Lisieux.
Les personnels des urgences ont pris sur eux pendant des années, face à la dégradation de leurs conditions d'exercice. Aujourd'hui, ils n'en peuvent plus, et ce ne sont pas les 70 millions d'euros que vous leur avez annoncés, en catastrophe, en fin de semaine dernière qui changeront grand-chose.
Rendez aux hôpitaux les moyens qui leur ont été retirés depuis cinq ans !
Monsieur le Premier ministre, il existe d'autres dysfonctionnements dans votre politique de santé, des dysfonctionnements moins connus, certes, mais qui suscitent tout de même des interrogations.
Par exemple, les masseurs-kinésithérapeutes se font contrôler, puis sanctionner financièrement, s'ils ont un niveau d'activité supérieur à la moyenne départementale. On se trouve alors dans une situation ubuesque : des patients se font prescrire des séances de kiné par leur médecin traitant ; dans les territoires sous-dotés, des professionnels consciencieux acceptent de travailler davantage pour répondre aux besoins de la population, et ils se font sanctionner pour avoir pratiqué trop d'actes, alors que ces actes avaient été prescrits à un autre niveau.
Ne nous répondez pas uniquement que le plan « ma santé 2022 » va tout régler ! La situation est gravissime, et ce dès ce mois de juin 2019.
Monsieur le député, il y a un échec que je reconnais largement, c'est celui du manque d'anticipation des besoins de la population en matière de santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La politique de numerus clausus qui a été menée pendant trente ans a abouti au manque de médecins que nous connaissons aujourd'hui. J'ai hérité du problème – et je vous en remercie !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Aujourd'hui, il convient de réparer ; il convient de réparer un système de santé sous tension. Le symptôme le plus visible est la tension dans les urgences, qui pâtissent des difficultés de structuration et d'accès à la médecine de ville, à la médecine libérale.
Elles subissent également les effets des restrictions de ces dernières années en matière de remboursement des hôpitaux, notamment s'agissant de ce que l'on appelle les « tarifs hospitaliers ». Je rappelle, monsieur le député, que, cette année, pour la première fois depuis dix ans, les tarifs hospitaliers sont en augmentation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ensuite, oui, il est vrai que le plan « ma santé 2022 » va résoudre un certain nombre de problèmes. Il permettra notamment une meilleure délégation des tâches entre les professionnels. Il y a assez de travail pour l'ensemble des professions de santé pour que l'on puisse assurer un meilleur suivi des patients chroniques. « Ma santé 2022 » prévoit l'organisation de la médecine de ville en communautés professionnelles territoriales de santé, ce qui permettra à nos concitoyens d'accéder à des soins non programmés et désengorgera les urgences.
J'ai aussi annoncé un plan pour les urgences, afin de prendre en considération la souffrance que les professionnels expriment à juste titre face aux tensions et aux incivilités dont ils sont les victimes. Ce plan comprend des mesures immédiates afin de tenir compte des risques encourus face aux incivilités permanentes : il y aura une prime de risque de 100 euros net par mois, qui sera disponible dès le mois de juillet prochain, et une prime de coopération de 100 euros brut, lorsque les professionnels s'inscriront dans des protocoles de coopération.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ma question s'adresse à la ministre des outre-mer ; j'y associe ma collègue Justine Benin.
Permettez-moi tout d'abord de saluer les élèves de CM2 de la classe de Madame Milne, de l'école Cora Mayéko de Baie-Mahault, dirigée par Mme Bastide. Je salue également les élèves des trois autres classes finalistes.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Madame la ministre, la Guadeloupe connaît une situation socio-économique des plus difficiles, avec un taux de chômage qui se maintient, depuis plusieurs années, à 24 % de la population active et qui touche près de 50 % de nos jeunes. À cela s'ajoute une crise du secteur agricole et de la pêche, lequel ne représente plus que 2 % de la valeur ajoutée, et la crise sanitaire qui, déclenchée par l'incendie du CHU de Pointe-à-Pitre, frise la catastrophe.
Le corollaire de cette situation dégradée est que le pays se vide de sa jeunesse, qui émigre vers la France hexagonale mais aussi, désormais, vers l'Amérique du Nord. La délinquance est toujours prégnante malgré une nette baisse constatée depuis quelques années, grâce au travail remarquable des forces de gendarmerie et de police.
Ces derniers mois est apparue une nouvelle forme de délinquance, d'une violence inégalée, perpétrée par un binôme d'individus à scooter qui arrachent les bijoux en or des passants avant de se retourner pour faire feu sur les victimes.
Je me fais ici le porte-parole d'une population angoissée, relayant le cri du coeur du conseiller régional de la Guadeloupe, M. Georges Hermin, président de la mission locale, qui, dans une lettre, alerte le Président de la République en ces termes : « Chaque famille est touchée : celle de la victime, bien sûr, mais aussi celle du jeune qui a commis l'acte, et c'est ainsi qu'avec le temps, un pan entier de notre société s'effondre. » Il souligne que notre jeunesse a besoin de projets structurants.
Face à cette urgence, madame la ministre, pouvez-vous oeuvrer pour que se réunisse au plus vite la conférence régionale permanente de la jeunesse, afin de dégager des solutions fortes et pérennes pour redonner des perspectives aux jeunes Guadeloupéens et à leurs familles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LT.
Le Gouvernement, monsieur le député, partage l'ensemble de vos préoccupations. Vous le savez, l'avenir des jeunes ultramarins a été au coeur des Assises des outre-mer, dont plus de 1 700 jeunes ont rédigé le Livre bleu remis au Président de la République il y a un an.
Depuis qu'il est aux affaires, le Gouvernement a renforcé les mesures existantes. La première des questions est en effet l'accompagnement des jeunes, notamment à travers des outils tels que le dispositif garantie jeunes qui, renforcé pour la Guadeloupe, compte 329 bénéficiaires. Le nombre de volontaires pour le service civique, 1 400 jeunes, a lui aussi augmenté, et le RSMA – régiment du service militaire adapté – , dont tout le monde se félicite, bénéficie aujourd'hui à 1 027 jeunes, qui se trouvent ainsi engagés dans une formation.
Nous avons mis sur la table des moyens financiers considérables pour la formation, avec le PIC – plan d'investissement dans les compétences – , qui se déploie en Guadeloupe. Plus récemment, nous avons étendu, avec Mme la ministre du travail, les emplois francs dans les départements et régions d'outre-mer.
La dernière initiative, dont il faut se féliciter, c'est bien sûr le SNU – service national universel – , actuellement dans sa première phase. C'est la Guyane, il est vrai, et non la Guadeloupe, qui est concernée par cette expérimentation, pour laquelle 140 jeunes sont accueillis en Métropole. Le tour de la Guadeloupe viendra.
Dès lors que 82 % de nos concitoyens d'outre-mer conseillent à leurs enfants d'envisager leur avenir ailleurs que dans ces territoires, la deuxième question qui se pose est celle de l'attractivité. Vous le savez, nous y travaillons tous ensemble pour apporter des réponses. Nous devons avoir plus d'ambition collective pour les territoires d'outre-mer ; aussi ai-je lancé, en janvier dernier, la trajectoire 5. 0, pour préparer un monde durable. À ce propos, je veux féliciter à mon tour la classe présente dans les tribunes de cet hémicycle : elle a choisi la voie du zéro carbone, et formulé pour cela des propositions concrètes dans le cadre du Parlement des enfants.
Aux termes de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, ce que vous demandez, à savoir une réunion de la conférence régionale…
Mme Cendra Motin applaudit.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, le secteur des urgences connaît une crise d'ampleur nationale. Non seulement il est confronté à un manque de moyens humains, matériels et financiers, mais, en plus, les professionnels hospitaliers sont victimes quotidiennement d'actes de violence, verbale ou physique.
Dans les Vosges, le personnel hospitalier de l'hôpital de Remiremont lance son mouvement de grève aujourd'hui même. Et, au vu de la situation, ils ont bien entendu tout mon soutien. L'hôpital de Gérardmer, quant à lui, a vu une partie du financement de son service d'urgences remis en cause. Nous travaillons actuellement à une solution avec l'Agence régionale de santé.
Je pense sincèrement que vous êtes consciente du malaise des professionnels de santé et du fait que la crise des services d'urgence n'est que le symptôme d'un système de santé qui, dans son ensemble, est malade.
La semaine dernière, vous avez annoncé avoir débloqué une enveloppe de 70 millions d'euros. Malheureusement, au vu de l'ampleur de la situation, elle ne sera pas plus utile qu'un pansement sur une jambe de bois.
Madame la ministre, entendrez-vous la détresse des praticiens dans les services d'urgence ? Docteure, vos patients, que sont tous les services hospitaliers de France, sont malades. Il est de votre devoir de tout faire pour les remettre sur pied. Pour cela, les aspirines ne suffisent plus : c'est une opération lourde qui est nécessaire.
Quand et comment allez-vous adopter les solutions structurelles qui, demain, permettront aux urgences et au secteur hospitalier dans son ensemble de sortir de l'état de crise dans lequel ils sont ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LT.
Vous avez raison, monsieur le député, la situation requiert des réponses de fond – c'est le sens de la stratégie « ma santé 2022 », qui permet de remettre à plat l'organisation de notre système de santé – et des réponses d'urgence, pour les urgences, car j'entends la souffrance de leurs personnels soignants et les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Cette réponse, je l'ai annoncée devant l'ensemble de la communauté des urgentistes vendredi dernier. Elle se décline, pour prendre en compte les difficultés des personnels soignants, à travers deux mesures spécifiques : une prime de risque de 100 euros net par mois ; une prime de coopération, pour aider les professionnels à fluidifier le flux des urgences.
Deux autres mesures sont prévues pour les établissements. La première est le déblocage d'une enveloppe de 15 millions d'euros pour la période estivale, afin de les aider à recruter et à assurer des remplacements, car l'été, nous le savons, est pour eux une période de tension supplémentaire. À cette mesure, destinée aux trois prochains mois, s'ajoute une enveloppe plus globale, dans le cadre d'une réflexion sur les services d'urgence, dont beaucoup sont trop vétustes et trop étroits au regard du flux des malades, ce qui dégrade les conditions de travail.
Au-delà de ces mesures, j'ai installé une mission, …
… dirigée par le député Thomas Mesnier et le professeur Pierre Carli, qui, dans les trois mois qui viennent, me feront remonter toutes les propositions concrètes susceptibles de désengorger les urgences, de permettre l'installation, en aval des celles-ci, des patients en position couchée plutôt que sur des brancards et de fluidifier leur admission dans ces services. J'attends les préconisations de cette mission, qui me les remettra au fur et à mesure de l'été, avant la remise de son rapport, avant l'hiver, qui, nous le savons, est une autre période de tension.
Je prends parfaitement en compte la situation des urgentistes, et les accompagne au cas par cas, car le sur-mesure, en cette matière, est nécessaire : chaque service a ses difficultés propres, et nous sommes là pour l'accompagner.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
J'associe ma collègue Zivka Park à ma question.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à l'heure où les enfants se préparent à ranger cahiers et stylos, le Gouvernement et les équipes départementales sont à pied d'oeuvre pour préparer la prochaine rentrée scolaire. Le projet de loi pour une école de la confiance, sur lequel les deux chambres se sont accordées le 13 juin dernier, a occupé une bonne partie de nos échanges ces derniers mois. Je veux insister sur les mesures en faveur de l'école inclusive.
Avec Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, vous aviez présenté au mois de juillet 2018 une trajectoire et un plan d'actions d'ici à 2022. Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que les annonces de l'été dernier ont été suivies d'effet. Ainsi, on compte 20 000 élèves supplémentaires en situation de handicap scolarisés, un nombre d'accompagnants sous contrat public en progression ainsi qu'une extension des dispositifs facilitant la scolarité.
Au cours des deux dernières années, le budget dédié à la scolarisation d'élèves en situation de handicap a augmenté de 25 %, pour atteindre aujourd'hui 2,4 milliards d'euros. Cet investissement considérable témoigne de l'importance que le Gouvernement accorde à la scolarisation de tous les enfants.
Toutefois, il faut aller plus loin. La circulaire du 5 juin 2019 dédiée à l'école inclusive détaille des dispositions nouvelles qui s'appliqueront dès la prochaine rentrée, notamment la création d'une cellule d'écoute et de réponse aux parents, qui sera opérationnelle du mois de juin au mois d'octobre. Aboutissement de deux ans de réflexion avec des professionnels et des parents concernés, ce document témoigne du travail en profondeur et sincère qui a été mené.
Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a affirmé que l'objectif était désormais d'« en finir avec des systèmes qui bricolent des solutions pour les enfants en situation de handicap ». Monsieur le ministre, avec la secrétaire d'État aux personnes handicapées, vous annoncez un grand service de l'école inclusive dès la rentrée 2019.
Afin que chacun ait connaissance de l'évolution majeure qui est en train de s'engager, pouvez-vous expliquer ce que cela changera concrètement pour les élèves en situation de handicap, leurs parents, leurs accompagnants et leurs professeurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Madame la députée, l'expression « service public de l'école inclusive » est bien celle que nous avons utilisée dans le projet de loi pour une école de la confiance, pour signifier qu'il s'agissait d'un service public et des droits qui vont avec. Cela signifie que nous voulons que la rentrée scolaire soit la même pour les élèves en situation de handicap et pour tous les élèves : les choses doivent être prêtes au moment de la rentrée.
Nous avons mené avec Mme Sophie Cluzel, d'octobre 2018 à février 2019, une concertation très vaste avec tout le milieu associatif et l'ensemble des partenaires pour parvenir à des conclusions. Un gros travail parlementaire a été effectué par la majorité et par l'opposition. Tout cela nous a permis d'arriver aux résultats que vous avez commencé de décrire.
J'y reviens en quelques points. Il y a une réorganisation de l'éducation nationale pour mieux accueillir les enfants. Dans chaque département de France, une cellule d'écoute répondra dans les vingt-quatre heures à toutes les familles.
L'ensemble de nos directions des ressources humaines organiseront désormais la gestion des accompagnants d'élèves en situation de handicap – AESH – , qui ne relèveront plus de contrats aidés. Ce point est important : il n'y aura plus de contrats aidés en la matière, à la rentrée 2020. La très grande majorité des AESH bénéficient maintenant de contrats de trois ans.
Ces contrats, beaucoup moins précaires que des contrats aidés, débouchent, après leur renouvellement, sur un CDI. Des perspectives d'avenir sont ouvertes avec une formation de 60 heures, le plus possible en amont de la rentrée, et une rencontre avec les parents, également en amont de la rentrée.
Nous résumons la situation en disant aux enfants : « Avant, tu attendais d'avoir un AESH pour aller à l'école ; maintenant, tu vas à l'école, et un AESH t'y attend ! » C'est un changement qualitatif extrêmement important, qui s'accompagne de nouveaux moyens, avec la création de 4 500 postes d'AESH pour la rentrée prochaine.
En conséquence, vous avez raison, madame la députée, le budget a beaucoup augmenté en la matière. Il a même dépassé le chiffre que vous avez indiqué, puisqu'il atteint 2,8 milliards d'euros. Nous voulons tout simplement avoir une approche personnalisée et qualitative pour chaque élève en situation de handicap.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le Premier ministre, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 dispose : « [la Nation] garantit à tous [… ] la protection de la santé ». Malheureusement, avec la pénurie récente et de grande ampleur de médicaments, ce droit n'est plus effectif.
Un Français sur quatre a déjà subi cette pénurie. Face à cette situation, l'attitude du Gouvernement n'est pas acceptable. Le 13 décembre 2017, j'ai adressé une lettre à Mme la ministre des solidarités et de la santé, et j'ai reçu un accusé de réception. En avril 2018, j'ai de nouveau interrogé le Gouvernement, sans effet.
En février 2019, à l'occasion d'une question orale, le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé a reconnu le problème sans donner de solution.
Aujourd'hui, tous les territoires sont concernés, de mon département du Tarn-et-Garonne au CHU de Guadeloupe, qui manque de morphine, en passant par les pharmacies parisiennes, en rupture de cortisone, ou encore par les CHU parisiens, qui divisent parfois par deux des protocoles de prévention de certains cancers, faute de produits en quantité suffisante.
Monsieur le Premier ministre, vous avez trop attendu. Il faut des réponses claires. Cette pénurie est-elle due à un manque de matières premières ? Est-elle due à la quasi-disparition des usines de fabrication de molécules sur notre territoire ? S'explique-t-elle par une restriction volontaire organisée par certains laboratoires, en réaction à la politique tarifaire décidée par vous, et aussi par nous lors du précédent quinquennat ?
Quelles que soient les raisons de cette pénurie, l'État ne peut pas ne rien faire. Surtout, il ne peut accepter un quelconque chantage.
Vous allez sans doute me répondre « plan d'action ». Je l'entends, mais je vous demande des réponses concrètes aux trois questions que je viens de poser. Je vous demande surtout de faire usage de l'autorité de l'État, dont vous êtes le dépositaire en tant que Premier ministre, pour arrêter cette pénurie de médicaments.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Gilles Lurton applaudit également.
Madame Rabault, vous m'interrogez sur une question complexe et importante.
Elle est complexe parce qu'elle est au coeur de considérations redoutablement techniques, et je ne prétends pas être un spécialiste de la question du médicament et de ses flux d'approvisionnement et de production.
Je ne prétends pas l'être, et je ne revendique pas une telle expertise.
La question est importante parce qu'elle touche directement la santé de nos concitoyens et qu'elle concerne directement notre confiance dans le système de santé. Si l'on a déjà parfois des difficultés à avoir accès aux soins, le doute sur la capacité d'obtenir le bon médicament, la bonne molécule, pour des traitements qui sont parfois quasi quotidiens et quelquefois vitaux, est évidemment d'une très grande sensibilité pour nos concitoyens. Je ne prends donc pas du tout la question à la légère, et j'essaie d'y répondre le plus clairement possible.
Je ne nie pas les difficultés qui ont pu exister, depuis d'ailleurs parfois quelques années, et qui peuvent se développer, sur un certain nombre de segments, s'agissant de l'accès aux médicaments. Je le nie tellement peu qu'un plan fondé sur le rapport rendu par les parlementaires à ce sujet sera présenté dans deux à trois semaines – il est en train d'être finalisé – par la ministre des solidarités et de la santé, qui, vous le savez, connaît parfaitement ce sujet, et a pris un certain nombre d'initiatives.
Les causes de la difficulté d'accès que vous mentionnez sont variées. Elles tiennent parfois aux matières premières, parfois à des répartitions complexes du prix par pays, parfois à des logiques de production ou à une insuffisance du nombre d'usines. Je sais que de nombreuses pistes ont été évoquées par les parlementaires et par les acteurs du marché, et je sais que la ministre les a entendues.
Madame Rabault, j'ai bon espoir que le plan d'action qui vous sera présenté dans les deux ou trois semaines qui viennent permettra d'apporter des réponses concertées et crédibles en la matière.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, et j'y associe Pierre Morel-À-L'Huissier et l'ensemble des membres du groupe d'études « Sapeurs-pompiers volontaires » récemment créé à l'Assemblée.
Il est des sujets qui relèvent de l'intérêt supérieur de la nation et qui nous fédèrent au-delà des partis. Nos sapeurs-pompiers et notre modèle de sécurité civile sont de ces sujets qui font l'honneur de notre pays. On compte 250 000 sapeurs-pompiers en France. Toutes les sept secondes, pour chaque appel au secours, pour chaque personne en détresse, pour chaque catastrophe naturelle ou malveillante, ils répondent présents à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, 365 jours par an.
Près de dix ans après les tragiques inondations qui ont touché ma circonscription et fait vingt-cinq victimes, dans le secteur de Draguignan, les intempéries ont à nouveau frappé le sud de la France la semaine dernière. Quelques jours après la journée nationale d'hommage aux sapeurs-pompiers, je souhaite leur renouveler ici notre gratitude et notre reconnaissance.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.
La force de leur dévouement, la sincérité de leur engagement et leur sens de l'abnégation doivent trouver une traduction concrète dans nos travaux législatifs. Avec la mission « Volontariat sapeurs-pompiers », nous nous sommes attachés à donner des réponses aux nombreux défis à venir. Il nous appartient donc de les concrétiser ensemble dans les prochains mois.
Monsieur le ministre, vous le savez également : la directive européenne sur le temps de travail fait naître de grandes inquiétudes chez tous ceux qui s'engagent volontairement et qui sont autant de pierres de notre édifice républicain et de notre « vivre-ensemble ». Pour répondre à ces craintes, une solution s'affirme au fil des débats et des échanges : l'élaboration d'une nouvelle directive européenne qui viserait à sanctuariser l'engagement citoyen. Or je sais, pour y avoir beaucoup travaillé avec vous, que vous faites preuve de la plus grande détermination sur ce dossier, de même que le secrétaire d'État Laurent Nunez, d'ailleurs présent, il y a quelques jours, aux journées parlementaires de la sécurité civile.
Aussi, pouvez-vous nous indiquer où en sont les travaux issus du plan « Volontariat sapeurs-pompiers » et où en sont les réflexions qui permettront de sécuriser, au plan européen, notre modèle de sécurité civile ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie d'avoir rappelé ce qui, je crois, est un point commun entre tous les parlementaires attachés à leur territoire : le soutien fort, massif et franc à notre modèle, assez unique, de sécurité civile et à la mobilisation constante de nos sapeurs-pompiers. Il sont 248 000 dont 195 000 volontaires. Et, vous l'avez rappelé, toutes les sept secondes, ils se mobilisent, réagissent, agissent, sont présents quel que soit le motif pour lequel on les sollicite. Il faut évidemment les accompagner.
Vous avez évoqué le plan « Volontariat sapeurs-pompiers ». Il est indispensable parce qu'il est le symbole de cette société de l'engagement que nous souhaitons tous promouvoir. Il est aussi le symbole de l'efficacité de notre dispositif : si nous devions mailler par des professionnels l'ensemble du territoire, en particulier la ruralité, nous savons quelles en seraient les conséquences financières pour la collectivité publique et les collectivités locales en particulier. Aussi nous-faut-il, en la matière, nous montrer très offensifs. Un plan national a été lancé qui comporte trente-sept mesures – je sais que vous êtes de ceux qui en suivent l'application point par point – et nous veillons à atteindre les objectifs fixés. D'ici à la fin de l'année, de 80 % à 90 % de ces mesures seront opérationnelles.
En effet, vous l'avez souligné, tous les jours, nos sapeurs-pompiers sont soumis à rude épreuve et ils doivent être accompagnés – dans l'exceptionnel comme dans le quotidien. Notre modèle de sécurité nationale a prouvé sa solidité et sa performance mais il a besoin d'être protégé. Vous avez évoqué les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne « Matzak contre ville de Nivelle », lequel menace ce modèle. C'est pourquoi j'ai pris une double initiative : d'abord veiller à ce que nous puissions utiliser, le moment venu, toutes les adaptations possibles pour protéger le volontariat de la directive européenne ; ensuite, travailler avec les nouveaux députés européens français et ceux d'autres pays, tous bords confondus, mais aussi avec les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers volontaires, à l'élaboration d'une initiative européenne pour soutenir l'engagement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, récemment, la Guyane et les Antilles célébraient la liberté et la fin l'esclavage. Hélas, ces commémorations furent ternies par la multiplication d'incidents racistes, symptomatiques du retour en force des discours haineux, et cela près de vingt ans après l'adoption de la loi Taubira qui érigeait la traite et l'esclavage au rang de crimes contre l'humanité, autant pour les populations africaines, amérindiennes, malgaches qu'indiennes.
Ainsi, après les propos infamants de Christine Angot qui a comparé et hiérarchisé les souffrances, dans une indifférence assourdissante, voilà que Samaha Sam, chanteuse, et Wendie Renard, joueuse de l'équipe de France de football, essuient à leur tour une volée d'attaques racistes. Là encore, pas un mot, pas une réaction officielle. Est-ce par ignorance ou par mépris ? Si ce n'est du mépris, alors, madame la secrétaire d'État, donnons-nous les moyens de combattre l'ignorance. À l'instar de Nelson Mandela qui affirmait que « l'éducation est l'arme la plus puissante pour changer le monde », faisons de l'histoire des discriminations produites par la colonisation, les traites négrières et l'esclavagisme une composante majeure des programmes scolaires.
Traitons ces questions dans une perspective globale qui soit une vraie priorité. Renforçons et accélérons la pénétration de la loi Taubira dans la pédagogie, afin de faire évoluer encore plus vite les mentalités vers l'acceptation intelligente de nos différences. Finançons efficacement les travaux de recherche pour que ce moment douloureux de l'histoire de l'humanité soit enseigné en toute objectivité. Certes, la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, lancée par Jean-Marc Ayrault, procède d'une bonne intention ; cependant, elle ne saurait être l'alpha et l'oméga de la lutte contre le racisme et ses conséquences.
Madame la secrétaire d'État, décidons-nous collectivement à faire face à cette bête immonde qui gangrène notre société. Les pistes sont connues, il ne manque que l'audace pour agir. Et je souhaite à mon tour féliciter tous les élèves lauréats de la vingt-troisième édition du parlement des enfants.
De très nombreux députés des groupes GDR et SOC se lèvent pour applaudir. – M. Mbaye se lève et applaudit aussi.
Monsieur le député Serville, avec Marlène Schiappa, avec l'ensemble des membres du Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, nous sommes totalement mobilisés à vos côtés contre tout acte, toute expression ou toute manifestation de racisme ou d'antisémitisme. Au cours des années 2016 et 2017, le nombre de ces actes condamnables a baissé. En revanche, l'année 2018 n'a pas été bonne, en particulier en ce qui concerne les actes antisémites qui ont augmenté de 74 %. Et si les actes racistes et xénophobes ont très légèrement baissé, ils n'en demeurent pas moins inacceptables. Il en va de même pour les actes anti-chrétiens que nous devons continuer de condamner malgré une certaine stabilisation.
Je rappellerai, dans le même esprit que vous, monsieur le député, que chaque acte de racisme, d'antisémitisme est une atteinte à ce que nous sommes, aux principes mêmes de la République qui impliquent que nous assumions nos différences. C'est pourquoi nous devons rester mobilisés.
Il y a un peu moins d'un an, le Premier ministre a lancé un plan d'action visant notamment à renforcer les moyens de détection et de poursuite systématique de tels actes. Je vous ai donné quelques tendances et non des chiffres pour une raison simple : nous savons qu'ils sont faux. En effet, les victimes du racisme ne portent pas plainte de façon systématique – or nous devons les aider à le faire afin que des poursuites soient engagées et des sanctions prononcées. Le dispositif « pré-plainte en ligne » doit y contribuer.
Nous devons également agir contre la diffusion des propos racistes, en particulier sur internet. Dans quelques jours, vous examinerez la proposition de loi de Laetitia Avia qui sera un outil essentiel en la matière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il faut par ailleurs améliorer la prise en charge des victimes avec le développement des outils numériques mais aussi améliorer l'accompagnement et la formation. En effet, monsieur le député, vous avez raison : il faut insister sur la formation à la mémoire, à ce que nous sommes, à ce qui fait notre identité dans toutes nos différences car quand on respecte la mémoire on respecte les différences.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de la culture, il y a un an, le Gouvernement décidait de manière brutale la bascule vers le tout-numérique de France 4, la chaîne pour enfants du service public, pourtant en tête des audiences le soir après l'école. Cette décision rejaillit sur toute une filière d'excellence et d'avenir, celle de l'animation française, forte de près de 8 000 salariés, d'emplois d'avenir pour des jeunes venant de tous les horizons et de tous les territoires, de performances exceptionnelles à l'exportation. Les conséquences attendues de votre décision sont 55 % d'heures de programme en moins d'ici à 2021.
Très inquiets de la marche forcée ainsi entamée, producteurs et auteurs viennent d'adresser une lettre au Président de la République. « Le renforcement de l'offre numérique », écrivent-ils, « est une priorité qui doit tous nous associer et nous impliquer. En revanche, développer une offre numérique tout en supprimant une chaîne qui aujourd'hui assure la diffusion de près de 70 % de l'offre jeunesse animation de France Télévisions, et alors même que les usages linéaires pour les enfants restent dominants – 78 % – , est une hérésie profonde. »
Vous le faites au moment même où le groupe M6 rachète la principale chaîne privée concurrente, Gulli, montrant ainsi le potentiel et l'attractivité d'une telle offre linéaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – M. Jean Lassalle applaudit également.
Vous le faites sans compter avec l'arrivée sur le marché, dès le premier semestre 2020, de Disney et de sa plateforme numérique, de Pixar, de Fox et de Netflix, qui vient d'annoncer un engagement de 3,5 milliards de dollars l'an prochain dans les programmes jeunesse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et FI.
Or il sera impossible de rivaliser avec ces plateformes sans moyens substantiels et en supprimant notre seul avantage concurrentiel, la télévision numérique terrestre.
Et 76 % des Français sont contre cette suppression.
Monsieur le ministre, allez-vous donc faire droit aux demandes raisonnables et justes formulées dans la lettre que j'ai citée ? Il s'agit du report de la date couperet de septembre 2020 et de la subordination aux deux conditions suivantes de la fermeture de France 4 – et, ajouterai-je, de France Ô : premièrement, la couverture totale du territoire national en haut débit ; deuxièmement, une évaluation et un bilan dix-huit mois après le lancement des plateformes numériques, afin d'en mesurer les performances.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et FI et sur plusieurs bancs des groupes LR et GDR.
Suppression annoncée de Soir 3, dont les audiences atteignent des records – 700 000 à 1,5 million de téléspectateurs ; suppression de France Ô et de France 4 ; des économies supérieures à ce qui était prévu pour Radio France : monsieur le ministre, n'êtes-vous pas tout simplement en train de détruire ce qui fonctionne ? Quel ministre de la culture voulez-vous être...
M. le président coupe le micro de l'oratrice.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, FI et GDR.
Madame la députée, le Gouvernement a une grande ambition pour son audiovisuel public :
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR
il veut en faire une référence, je dirais même la référence, en Europe.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Pour y parvenir, nous devons adapter l'organisation de l'audiovisuel public et lui donner les moyens de s'ajuster aux usages de nos compatriotes. Car, vous le savez bien, la révolution numérique modifie la façon dont les Français regardent la télévision. Nous devons accompagner le volontarisme des directions des différentes entreprises de l'audiovisuel public pour transformer en profondeur l'offre proposée à nos compatriotes...
Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
.. afin de mieux se différencier du secteur privé et présenter davantage de contenus audiovisuels sur internet, où les jeunes les regardent davantage, nous le savons, que ne le font leurs aînés.
La future grande loi sur l'audiovisuel, …
… qui traitera naturellement de la régulation et du financement de la création, nous donnera l'occasion d'aborder la gouvernance
Exclamations sur les bancs du groupe FI
et de réorganiser l'audiovisuel public au service de nos compatriotes et de leurs usages.
Concernant la question spécifique de l'animation, il est bien évident que nous devons réorganiser les antennes sans supprimer les contenus liés à l'outre-mer – sachant que France Ô va fermer en 2020 –
Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI
Voilà pourquoi nous attendons avec ambition le projet des directions, notamment de celle de France Télévisions, pour montrer que les contenus d'animation seront toujours très présents, et même encore plus qu'auparavant sur les réseaux sociaux et sur internet, comme le seront les contenus liés à l'outre-mer.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ma question s'adresse à M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
J'y associe mes collègues de la « team maritime » parlementaire, notamment Didier Le Gac, député du Finistère, Audrey Dufeu Schubert, députée de la Loire-Atlantique, et Stéphanie Kerbarh, députée de Seine-Maritime.
Enfin, monsieur le ministre ; enfin, la France va prendre la vague bleue des énergies marines renouvelables. Le vendredi 14 juin était un jour important pour la transition énergétique. Ce jour-là, vous avez fait des annonces décisives.
Vous avez lancé le premier projet de quatre-vingts éoliennes au large de Saint-Nazaire...
... qui pourront fournir 20 % de la consommation électrique de la Loire-Alantique d'ici trois ans.
Vous avez également annoncé le résultat de l'appel d'offres pour le parc éolien au large de Dunkerque, où quarante-cinq éoliennes d'une puissance de près de 600 mégawatts assureront la consommation de 500 000 foyers.
Ce dernier projet constitue un tournant dans l'histoire des énergies marines renouvelables – EMR. En effet, il va bénéficier des avancées de la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite loi ESSOC : le permis enveloppe et la simplification des procédures administratives. En outre, le tarif proposé pour Dunkerque, inférieur à 50 euros du mégawattheure, montre la compétitivité de la filière française de l'éolien en mer.
Le dérèglement climatique nous impose de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Il nous faut atteindre la neutralité carbone dès 2050. Cet objectif est réaffirmé dans le projet de loi relatif à l'énergie et au climat. Or les EMR doivent prendre la place qui leur revient au sein d'un mix énergétique équilibré.
Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous confirmer l'objectif de un gigawatt par an, annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
En effet, madame la députée, nous pouvons dire : « Enfin ! »
Enfin, les éoliennes offshore vont sortir de mer en France et y produire de l'électricité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Jimmy Pahun et M. Bertrand Pancher applaudissent également.
À Saint-Nazaire – le premier projet à être réalisé – , elles produiront de l'électricité dès l'été 2022.
Mais, vous le savez, le parcours a été long, très long : la France s'est engagée dans la filière de l'éolien en mer en 2009 ; les premiers appels d'offres ont été attribués en 2011 ; les dossiers techniques ont été déposés en 2013 et les derniers recours rejetés en 2019. Il aura donc fallu huit ans de procédure pour aboutir, dont cinq à six ans de procédure contentieuse – je tiens à le dire, car on met souvent en cause la lenteur de l'État ou de l'administration ; en l'occurrence, ce sont des procédures contentieuses interminables qui ont entraîné blocages et retards.
Or de tels retards ont naturellement un coût.
Et ils ont freiné l'émergence d'une filière industrielle française de l'éolien en mer.
Nous avons tiré les leçons de ce long parcours en réduisant les délais par différentes mesures législatives que vous avez évoquées. Nous avons également renégocié les prix...
.. pour bénéficier des derniers progrès technologiques ; c'est ce qui a permis le projet de Dunkerque, que nous avons lancé avec le Premier ministre en novembre dernier.
Je n'ai pu choisir le lauréat que six mois plus tard. Le projet va pouvoir être lancé, à un prix particulièrement bas – en gros, le prix de marché, sans subvention.
Nous développons les éoliennes en mer parce que c'est dans notre intérêt écologique, mais aussi économique : il s'agit d'une filière industrielle ; il s'agit d'usines, implantées en France, qui créeront de l'activité et des emplois dans nos territoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Le Bénin, ce pays de l'Afrique de l'Ouest bien connu pour son modèle démocratique exemplaire, connaît des soubresauts politiques qui ont défrayé la chronique dans les organes de presse. Sous prétexte de réformes institutionnelles, c'est à une véritable chasse aux opposants à laquelle on assiste : les uns après les autres, les nombreux acquis sociaux obtenus lors de la Conférence nationale de février 1990 sont supprimés, alors que cette conférence historique avait ouvert la voie à la démocratie dans plusieurs pays d'Afrique, après tant d'années de parti unique. En avril dernier étaient organisées des élections législatives dont avaient été exclus les partis d'opposition. Malgré les nombreux appels au dialogue et les médiations internationales, le scrutin du 28 avril dernier a été maintenu ! Le mécontentement du peuple s'est traduit par un taux d'abstention record avoisinant 80 %. Cela n'a pas empêché la Cour constitutionnelle de proclamer les résultats, répartissant les quatre-vingt-trois sièges de député entre les deux partis du Président. Des manifestations d'une violence jamais connue au Bénin ont alors envahi le pays ; pour endiguer la contestation, l'armée a tiré à balles réelles sur les manifestants, occasionnant une dizaine de morts et de nombreux blessés.
C'est dans ce climat de peur et de terreur que, le 1er mai, deux de nos compatriotes étaient pris en otage par des djihadistes au nord-ouest du Bénin : chacun de nous se souviendra que lors de l'opération de sauvetage, deux de nos soldats, officiers mariniers, membres du prestigieux commando Hubert ont perdu la vie, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – Mme Olivia Gregoire applaudit également.
La situation politique qui prévaut aujourd'hui est préoccupante, non seulement parce qu'il s'agit d'un pays avec lequel la France a des liens historiques très forts mais surtout parce que le Bénin, où la France compte de nombreux ressortissants, était une référence en matière de démocratie sur ce continent.
Voilà pourquoi je souhaiterais savoir quelle est l'appréciation du ministère des affaires étrangères sur la situation au Bénin et quelles actions il pourrait mener pour que ce pays ne sombre pas dans un cycle de violences permanent ? Cette situation ne s'inscrit-elle pas dans la compétition qui voit s'affronter les grands blocs dont l'objectif est la redéfinition d'un ordre mondial qui exclurait la France du continent africain ?
Applaudissements sur les bancs de groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Il est vrai que la France et le Bénin partagent une tradition de coopération forte depuis le retour de la démocratie en 1990. Et nous sommes très clairement préoccupés par la situation. La France, avec les autres États de l'Union européenne, a publiquement exprimé de vifs regrets concernant le déroulement des élections du 28 avril, lesquelles, en raison de la façon dont elles se sont déroulées, ont conduit à des violences causant, vous l'avez dit, des morts et des blessés, ce que nous déplorons.
La France appelle très clairement au calme et à la retenue l'ensemble des parties. Ce n'est que dans un dialogue apaisé que les choses pourront avancer. Le Président Talon, le 20 mai, a fait un discours à la nation : il convient désormais que les mesures d'apaisement soient appliquées dans les faits. Le ministère des affaires étrangères suit la situation avec attention, et ce n'est pas une clause de style : nous le faisons avec nos partenaires de la la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et de l'Union africaine. Et le ministère suit aussi avec attention la situation lorsque des individus sont précisément menacés. À ce propos, M. Ajavon, un homme politique du Bénin, s'est vu octroyer l'asile par l'OFPRA il y a quelques jours. Cela montre que nous sommes à la hauteur de notre tradition d'accueil.
Cotonou, c'est aussi le symbole d'un partenariat entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Et l'accord de Cotonou prévoit, en son article 96, un processus de consultation, et aussi que les valeurs des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit sont un pilier de notre coopération. La France forme le voeu que l'esprit de Cotonou, plus que jamais, continue à souffler.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-I.
Ma question, à laquelle j'associe les membres de la délégation aux droits des femmes, s'adresse à Mme la secrétaire d'État Marlène Schiappa.
Pourquoi poser une question sur l'excision ? Pourquoi parler de mutilations génitales féminines dans cet hémicycle ? Mais parce que, aujourd'hui, en France, 60 000 femmes vivent excisées… Je dis bien 60 000. Chaque année, à l'arrivée des grandes vacances, des fillettes, des adolescentes, sont envoyées dans leur pays d'origine, et ce qui aurait dû être un simple séjour dans la famille se transforme en cauchemar : piégées, ces fillettes, qui sont aussi les nôtres, reviennent abîmées, diminuées. L'excision, c'est cette mutilation aux graves conséquences physiques et médicales. L'excision, c'est une dignité arrachée, l'amputation du plaisir féminin qu'elles ne connaîtront jamais. Une femme excisée est une femme mutilée à vie. Pourquoi ? « La tradition, la coutume », voilà ce qui est invoqué pour justifier cette barbarie. Aujourd'hui, dans le monde, près de 200 millions de femmes vivent excisées, et trois millions sont menacées de l'être chaque année.
Les mutilations sexuelles sont un marqueur fort de l'inégalité entre les sexes et traduisent le contrôle exercé par une société sur les femmes. Puisqu'il n'y a aucun relativisme qui puisse expliquer qu'on réduise ou qu'on mutile, la France porte ce combat culturel de la lutte contre l'excision et le traduit par une véritable politique et par une véritable volonté d'éradication de cette barbarie. La tradition, si elle va à l'encontre de la dignité humaine, ne mérite pas d'être perpétuée.
Vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, ceux qui excisent les petites filles ne doivent avoir aucun répit, ni en France ni dans le monde.
Mmes et MM. les députés se lèvent sur tous les bancs et applaudissent longuement
Il y a un an et demi, j'avais posé une question au Gouvernement ici même, et aujourd'hui, je réitère par cette question notre engagement dans cette lutte ! Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous demande d'expliquer combien il est essentiel de porter ce combat au niveau international, notamment lors du G7 2019, qui sera, par la volonté présidentielle, un G7 féministe. Et pouvez-vous nous décliner les principales lignes du grand plan Excision que vous aviez annoncé en mars et qui sera présenté au début de l'été ?
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Je voudrais commencer en saluant votre engagement sans faille et de longue date sur ce sujet, ainsi que celui de vos collègues de la délégation aux droits des femmes.
Vous l'avez rappelé : environ 60 000 femmes vivent excisées sur le sol français. Et cette réalité, qui n'évolue pas année après année, est inacceptable. C'est pour cette raison que le Premier ministre m'a demandé de conduire un plan anti-excision, plus précisément un plan anti-mutilations génitales féminines, qui sera présentée ce vendredi à la Maison des femmes en Seine-Saint-Denis. Ce plan a été construit avec les associations de terrain, avec le GAMS – Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants – , avec « Excision, parlons-en ! », Equipop, l'ensemble des ONG concernées, ainsi qu'avec le collège des gynécologues-obstétriciens qui mène un travail important de sensibilisation et de prévention.
C'est un plan profondément interministériel comportant des mesures allant du repérage des jeunes filles déscolarisées à la sensibilisation et à l'information des primo-arrivants sur la réalité du droit français et des valeurs de la République, lesquelles passent par la dignité de la personne. Il comporte également un volet international très fort, sous l'autorité de Jean-Yves Le Drian et de Jean-Baptiste Lemoyne puisque l'Agence française de développement a comme objectif de financer des projets qui, pour la moitié d'entre eux, intègrent une dimension d'égalité filles-garçons, notamment par la lutte contre l'excision. C'est pour cette raison que j'étais le mois dernier au Burkina-Faso, où j'ai rencontré le Président de la République burkinabé et mon homologue pour pouvoir travailler avec les ONG, notamment UNICEF, dans les villages afin d'éradiquer ces pratiques néfastes.
La France rappelle qu'aucune tradition, quelle qu'elle soit, ne peut justifier que l'on mutile et que l'on torture des adolescentes et des femmes ; il n'y a rien, jamais, qui le justifie. C'est pourquoi le Gouvernement soutient et encourage les pays qui mettent en place des politiques publiques très fortes, lesquelles consistent par exemple, symboliquement, à engager les chefs de village pour enterrer les outils de mutilation et planter un arbre par-dessus afin que jamais personne ne puisse les déterrer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR. – M. Mansour Kamardine applaudit également.
Madame la ministre des outre-mer, vous êtes en train de finaliser le nouveau plan de gestion de la pêche à la légine dans les Terres australes et antarctiques françaises – TAAF. Or il fixe de nouveaux critères de sélection qui excluront, de fait, les vrais pêcheurs réunionnais.
Alors que ces pêcheurs, dont quatre-vingts artisans et côtiers, se sont regroupés, alors que la gestion des TAAF est assurée depuis La Réunion, alors que vous parlez de retombées économiques pour le territoire, alors que l'économie de la mer est un enjeu majeur et peut contribuer, avec de l'emploi à la clé, au développement de La Réunion, vous allez favoriser de gros armateurs qui jouent contre les intérêts de la France et contre ceux de La Réunion.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
En effet, sur les 6 000 tonnes de légines pêchées, 99 % partent à l'étranger en vue de leur transformation. Donc, rien pour La Réunion, rien pour la France ! C'est la preuve que la chasse au chômage n'est pas votre priorité. Bien au contraire : vous lui préférez la chasse aux demandeurs d'emploi, comme le montrent vos dernières annonces sur l'assurance chômage.
M. Ugo Bernalicis et Mme Mathilde Panot applaudissent.
Madame la ministre, l'outre-mer est-elle cette France des oubliés, des abandonnés, des éternels sacrifiés sur l'autel du mépris et de la politique des gros ? Vous êtes au service des riches ; cela se vérifie encore à travers ce nouveau plan.
Comment expliquer sinon le refus de votre gouvernement de permettre la réussite de nos territoires en souffrance ? Je le dis simplement : ça suffit !
M. Lassalle applaudit.
Ces pratiques sont en effet considérées comme de la magouille orchestrée par des requins terrestres.
Les petits pêcheurs, regroupés dans Réunion pêche australe, demandent un quota de pêche à la légine représentant seulement 8 % du volume global. Leurs prises seront transformées en totalité à La Réunion, avec des emplois à la clé.
Ma question est simple : êtes-vous prête à étudier cette demande et à sortir, enfin, des arrangements entre gros zozos qui totochent l'intérêt du peuple ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR. – MM. Jean Lassalle et Jimmy Pahun applaudissent également.
Monsieur le député, la légine est, vous le savez, une ressource très convoitée. Elle est d'ailleurs pêchée au coeur d'une réserve naturelle nationale exceptionnelle, dont nous souhaitons aujourd'hui obtenir le classement au patrimoine mondial de l'UNESCO.
La première de mes préoccupations est donc, vous le comprendrez, écologique. Nous allons préserver désormais, contrairement à ce qui a été fait pendant trop longtemps, cette ressource qui a été pillée. Ma volonté est de maintenir des exigences environnementales extrêmement élevées. Il faut rester maître non seulement de 100 % des navires mais aussi de 100 % des captures.
Il faut gérer cette ressource avec raison, et je refuse, pour ma part, d'entrer dans un débat autour d'intérêts privés. Avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, nous avons fixé trois objectifs, qui, vous le verrez, vous conviendront.
Il faut d'abord donner aux armateurs une visibilité pluriannuelle ; il sera donc possible de disposer d'une information relative aux quotas sur une période de six ans. Cela leur permettra d'investir, notamment dans le domaine de l'environnement, puisque nos exigences en la matière seront renforcées.
Il faut également mettre en place – vous pourrez participer à ce travail – une procédure de sélection transparente et, bien sûr, ouverte à tous.
Il est enfin nécessaire de simplifier les critères de répartition des quotas.
Vous avez raison, cette pêche a des retombées économiques importantes, puisqu'elle représente aujourd'hui 630 emplois directs et indirects, dont 90 % sont à La Réunion, et qu'elle a bénéficié de 112 millions d'euros d'investissements depuis l'an 2000.
Vous avez également raison d'affirmer qu'elle devra rapporter davantage, demain, à La Réunion, et ce, dans plusieurs secteurs : je pense notamment à ceux de la réparation navale, de l'avitaillement et de la transformation agroalimentaire. Cela doit créer une vraie dynamique à La Réunion.
Nous partageons tous les deux cette vision.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Pour la première fois, les critères de sélection seront transparents. De plus, et c'est susceptible de dissiper votre crainte, nous allons créer une commission indépendante chargée du classement des offres. Il n'est pas question de savoir aujourd'hui qui sera sélectionné. Si nous sommes d'accord sur ce plan…
M. le président coupe le micro de Mme la ministre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, nous sommes nombreux sur ces bancs à compter, dans nos circonscriptions, des petites unités de production hydroélectrique.
Véritables producteurs d'énergie renouvelable de nos territoires, les 1 800 petites centrales hydroélectriques françaises produisent chaque jour une énergie renouvelable de proximité qui n'émet pas de gaz à effet de serre, qui est complémentaire de toutes les autres productions d'énergie, qui alimente en continu le réseau de distribution et qui contribue donc à garantir la continuité de la fourniture électrique dans notre pays.
M. Jean Lassalle applaudit.
Aujourd'hui, nous savons faire des barrages équipés de passes à poissons efficaces et dotés de systèmes laissant circuler les sédiments. Hydroélectricité et biodiversité ne devraient donc plus être opposées.
MM. Erwan Balanant et Jean Lassalle applaudissent.
Pourtant, chaque jour, les hydroélectriciens nous font part de leur désarroi face à des réglementations toujours plus complexes, rendues encore plus néfastes par les interprétations variables qu'en font, d'un département à l'autre, les services de l'État.
M. Pascal Brindeau, M. Dominique Potier et Mme Valérie Rabault applaudissent.
Nous parlons quotidiennement, dans cet hémicycle, de lutte contre le réchauffement climatique, de baisse des émissions de gaz à effet de serre et de mix énergétique. Pourtant, lorsque je rentre dans mon département des Pyrénées-Atlantiques – qui ne compte ni centrale nucléaire ni éoliennes, et possède une seule unité de méthanisation et quelques panneaux solaires – , lorsque je vois que nous disposons d'un formidable potentiel pour la petite hydroélectricité mais que son essor est empêché, je me demande vraiment comment nous allons faire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et UDI-I. – M. Jean-Yves Bony et M. Jean Lassalle applaudissent également.
Monsieur le ministre d'État, alors que nous examinons actuellement en commission le projet de loi relatif à l'énergie et au climat, je vous pose trois questions simples : comment entendez-vous aider les services instructeurs à mieux prendre en compte l'usage énergétique lorsqu'ils traitent les demandes d'autorisation soumises dans le cadre de la loi sur l'eau ? Envisagez-vous de donner des signes en faveur de la pérennité et de la stabilité des petites unités de production d'hydroélectricité ? Quelle place comptez-vous donner à la petite hydroélectricité dans le mix énergétique français de demain ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM, ainsi que sur quelques bancs des groupes UDI, LR et LaREM.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Madame la députée, votre question porte sur la petite hydroélectricité, qui ne doit pas être confondue avec la grande, …
… en tout cas pas avec les grands barrages. Vous avez parlé de votre beau département des Pyrénées-Atlantiques en relevant qu'il ne comptait pas de grosse unité de production d'électricité. Or il dispose de barrages hydroélectriques.
J'ai d'ailleurs rencontré des élus locaux, notamment le président du conseil départemental, venu me voir pour demander que l'on sorte de la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons depuis de nombreuses années dans les Pyrénées-Atlantiques, comme dans d'autres régions, où des concessions n'ont pas été renouvelées.
Je vous confirme évidemment que l'hydroélectricité, la grande comme la petite, a toute sa place dans notre politique énergétique. D'ailleurs, hier soir, au cours de l'examen en commission du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, un amendement réaffirmant la nécessité de développer l'hydroélectricité au sein de notre production électrique a été adopté.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Il ne s'agit évidemment pas de dire ou de promettre aux Français que l'on va se lancer dans la construction de grands barrages.
Vous le savez sans doute, en tout cas je vous le confirme, mon ministère lance régulièrement des appels d'offres en la matière. Je vais d'ailleurs annoncer, cette semaine ou la semaine prochaine, plus de vingt nouveaux projets de petite hydroélectricité.
Ils bénéficieront, il faut le rappeler, d'une subvention, puisque l'électricité sera achetée 100 euros le mégawattheure, alors que le prix de marché avoisine les 50 euros. Le tarif a été fixé au double du prix de marché pour soutenir cette forme d'hydroélectricité.
Il faut, cependant, tout dire : des conflits d'usage de nos rivières naissent autour de ces petits barrages, voire autour de moulins.
Les pêcheurs, en particulier, ne manquent jamais de nous rappeler qu'il faut trouver le bon équilibre. Je suis tout prêt à travailler avec vous pour trouver des mesures qui permettront de concilier les objectifs en matière de biodiversité et en matière de petite production hydroélectrique.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, « Gentrification et paupérisation au coeur de l'Île-de-France », tel est le titre de l'inquiétante étude publiée le 3 juin dernier par l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France, qui révèle un creusement inédit des inégalités depuis quinze ans dans la région. Les fractures sociales et territoriales s'y sont lourdement aggravées. Si la région Île-de-France est la plus riche de notre pays, elle est hélas devenue la plus inégalitaire, avec un taux de pauvreté, supérieur à la moyenne nationale, de 15,9 %. La précarité, le cumul des difficultés, l'assignation à résidence, concentrés au sein de certaines villes, de certains quartiers sont une réalité contre laquelle le Gouvernement et la majorité sont totalement et quotidiennement engagés.
Exclamations sur quelques bancs du groupe GDR.
Élue d'une circonscription d'Île-de-France qui n'échappe pas à la montée des inégalités et à l'enjeu de la mixité, je veux associer l'ensemble des parlementaires de la majorité à ma question, car cette situation ne saurait, hélas, se résumer au seul territoire francilien : elle concerne l'ensemble de notre pays, puisque 9 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, dont 3 millions d'enfants.
Notre projet de société est au coeur du pacte républicain et de solidarité – ce pacte républicain qui doit permettre l'égalité des chances, qui promet l'égalité de destin et qui doit garantir à chacun de vivre dignement, de s'accomplir et de réussir.
Madame la ministre, notre majorité, votre gouvernement, mènent depuis deux ans une lutte acharnée pour résorber, à la racine même, les inégalités sociales et territoriales. Éducation, mobilité physique, mobilité professionnelle, accès au logement, plan pauvreté, plan de mobilisation en faveur des quartiers, plan logement : nous agissons, comme cela n'a jamais été fait auparavant, pour mettre enfin un terme à plusieurs décennies d'aggravation de la paupérisation.
Mêmes mouvements.
Madame la ministre, pouvez-vous d'ores et déjà indiquer à la représentation nationale les premiers résultats de ces actions et les mesures complémentaires déployées afin d'endiguer la pauvreté et l'exclusion dont sont encore victimes de trop nombreux Français ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
En effet, l'étude publiée début juin par l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France est sans appel et nous oblige. En région parisienne, vous l'avez rappelé, le taux de pauvreté ne baisse pas ; il est même orienté à la hausse depuis 2008, et dépasse malheureusement le taux national.
Ces chiffres et ces constats, qui ne sont pas propres à l'Île-de-France, ont précisément guidé l'élaboration de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Ce plan est le fruit d'une large concertation, et sa mise en oeuvre repose sur l'association de l'ensemble des acteurs à partir des territoires. C'est bien au sein et depuis les territoires que notre combat doit être mené, en partenariat avec les chefs de file, notamment les conseils départementaux. En Île-de-France, tous les départements ont manifesté le souhait de s'engager avec l'État. Deux conventions ont d'ores et déjà été signées – avec la Seine-Saint-Denis, « territoire démonstrateur » de la stratégie de lutte contre la pauvreté, et avec l'Essonne. Cette contractualisation, pour votre région, représente près de 20 millions d'euros alloués pour l'année 2019 afin de combattre la pauvreté.
Mais nous ne nous arrêtons pas là. Nous déployons, en parallèle, de nouvelles mesures pour mieux prévenir la pauvreté et accompagner les personnes vulnérables. Nous agissons contre les inégalités de destin qui se sont installées et qui, malheureusement, perdurent depuis trop longtemps. Je pense à des mesures de bon sens. Le service « Pajemploi + », que j'ai annoncé la semaine dernière, permettra à 800 000 employeurs parents d'enfants de moins de six ans de ne plus avancer le salaire et les frais liés au complément de libre choix du mode de garde ; 5,8 milliards d'euros pourront ainsi être réinvestis. Je pense également à la cantine à 1 euro, dans nos territoires ruraux, et aux petits-déjeuners gratuits. Par ailleurs, nous avons lancé une concertation sur le revenu universel d'activité et, prochainement, nous allons faire de même concernant le service public de l'insertion. Nous devons en effet mieux accompagner les personnes et combattre le non-recours aux prestations sociales. Ce sont 8,5 milliards qui seront investis dans les mesures sociales pour nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Géraldine Bannier applaudit également.
J'associe à ma question l'ensemble de mes collègues du groupe LR, ainsi que toutes celles et ceux qui débattront de ce sujet avec moi demain. Madame la ministre des outre-mer, « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Il y a un an, Mayotte a connu une des crises sociales les plus longues et les plus dures de son histoire. Dans la rue, les Mahorais vous ont réclamé plus de France et plus d'État, c'est-à-dire une maîtrise parfaite de nos frontières, plus de sécurité pour eux-mêmes et leurs enfants, et plus de développement. Vous leur avez proposé un plan d'urgence, c'est-à-dire l'une des jambes qui conditionne le développement de ce territoire. Un an plus tard, votre plan a montré ses limites. En visite sur place, vous avez reconnu que, dans les domaines de l'insécurité et de la lutte contre l'immigration, vous avez tout essayé. Bref, l'échec est là.
Face à ces aveux d'impuissance et de faiblesse, les Mahorais vous ont exprimé leur défiance et leur désaccord, le 26 mai dernier, parce qu'ils ont constaté qu'un an après, l'immigration est toujours d'actualité et la violence toujours vivace. La brigade des tee-shirts jaunes, que vous avez créée, a vu naître en son sein une brigade anti-BAC, c'est-à-dire anti-brigade anti-criminalité, qui s'oppose aux forces de l'État et a commis des exactions sur des jeunes dans des conditions abominables. Par la proposition de loi de programmation des infrastructures et de rattrapage pour Mayotte que j'aurai l'honneur de défendre demain en séance publique, les Mahorais vous proposent une coconstruction de la deuxième jambe nécessaire à leur développement durable. Cela permettrait, par exemple, de réaliser la piste longue à l'aéroport de Pamandzi ou un troisième quai de débarquement au port de Longoni.
Ma question est simple, madame la ministre : voulez-vous accompagner les Mahorais, qui n'ont d'autre souhait que de travailler et dont les problèmes ne sont pas résolus par le contrat de convergence, pour leur éviter la mendicité et la pauvreté ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-I. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.
Monsieur Kamardine, la réponse est oui, parce que c'est déjà fait.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous le savez, c'est déjà engagé. Vous savez que depuis que je suis à vos côtés, j'ai reconnu ici, moi-même, l'importance des défis auxquels nous sommes confrontés. J'ai d'ailleurs affirmé que Mayotte était l'île de tous les défis – défis sécuritaire, de l'immigration, sanitaire, éducatif – et que nous ne pouvions continuer comme ça. J'ai ajouté qu'il nous fallait combler très rapidement cet énorme retard. Je vous rappelle que le 18 mai 2018, nous apportions, dans cet hémicycle, avec l'ensemble des ministres, autour du Premier ministre, un certain nombre de réponses importantes, dont le volume financier excédait de beaucoup les demandes que vous exprimez dans votre proposition de loi. Je vais avoir plaisir à en débattre avec vous demain.
Point par point, nous allons pouvoir échanger sur notre vision des choses.
Vous verrez que nous partageons exactement le même point de vue et que nos engagements budgétaires vont au-delà de ceux que vous sollicitez.
Si j'avais été députée de Mayotte, j'aurais fait exactement la même chose que vous. Il est extrêmement important que tous les Français, au-delà de cet hémicycle, comprennent ce qu'est véritablement la situation à Mayotte, et pourquoi le Gouvernement est à ce point mobilisé. Chacun doit avoir conscience qu'avec les élus du territoire et, plus largement, dans le cadre d'une dynamique régionale, nous devons apporter à Mayotte des réponses à la hauteur des enjeux. Oui, vous avez raison : sur les questions d'immigration, nous devons agir encore plus fort. D'ailleurs, le Président de la République a annoncé un certain nombre de réponses, qui seront apportées très vite – je pourrai d'ailleurs les annoncer demain, avec vous tous, dans cette assemblée.
Tout ne sera pas réglé aussi vite qu'on le voudrait, à Mayotte, mais nous sommes sur la bonne voie, et je sais que vous êtes d'accord avec moi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Annie Genevard.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. François Jolivet et plusieurs de ses collègues pour le renforcement du pilotage et de l'évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques (no 2011).
La parole est à M. François Jolivet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Depuis deux ans, les députés de la majorité, en particulier ceux de la commission des finances, n'ont pas « tazonné », comme on dit chez nous, dans le Berry : l'activité a été intense, le rythme soutenu et l'esprit déterminé. La seconde édition du Printemps de l'évaluation s'inscrit dans cette dynamique de travail. L'enjeu est aussi une meilleure organisation de notre procédure budgétaire : nous souhaitons passer davantage de temps à évaluer l'application des lois de finances et peut-être un peu moins de temps à les adopter.
Le rapport des Français avec leur fiscalité est complexe, parfois contradictoire, souvent éruptif, toujours passionné. C'est pourquoi il est si urgent de rendre des euros aux ménages – 27 milliards de baisse de fiscalité d'ici à 2022 – ,…
… mais également aux entreprises, par exemple avec la trajectoire de réduction de l'impôt sur les sociétés. Cette stratégie efficace fait dire à la Banque de France que le rythme des créations d'emplois salariés s'est accéléré au premier trimestre de 2019 et que la croissance du pouvoir d'achat est la plus forte enregistrée dans notre pays depuis une douzaine d'années.
S'ils se félicitent de ces résultats, les parlementaires du groupe majoritaire ne seront jamais des spectateurs complaisants ; ils seront toujours des aiguillons vigilants à l'égard du Gouvernement, en particulier du ministre de l'action et des comptes publics et du ministre de l'économie et des finances. C'est pourquoi il est nécessaire de faire de l'évaluation et du pilotage des dépenses fiscales – aussi appelées « niches fiscales » ou encore « renoncements à la recette fiscale » – une priorité politique. Notre devoir d'explication des décisions publiques est décuplé, et nous devons récupérer de nombreuses citoyennes et citoyens, en particulier dans les départements ruraux. La crise des gilets jaunes nous a beaucoup appris, les erreurs politiques du passé aussi. Les résultats des élections européennes constituent non seulement un relevé des compteurs mais aussi un enrichissement de notre lettre de mission au service des Français.
Encore faut-il pouvoir tout expliquer. C'est là où le bât blesse, madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. En effet, malgré l'abondante littérature budgétaire, les évaluations des niches fiscales au regard de leurs objectifs et de leur coût pour les finances publiques restent encore trop imprécises. Le poids de ces dispositifs a crû ces dernières années, principalement du fait de la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – , mais pas uniquement. Le seuil symbolique des 100 milliards d'euros a été franchi en 2018 ; pour donner un ordre de grandeur, cela représente le total des dépenses publiques d'éducation de la maternelle au baccalauréat, ou 25 % des recettes réelles de fonctionnement en 2013 et 33 % en 2018.
Soyons clairs, l'objectif de cette résolution est non pas de raboter, mais de remettre les niches fiscales sous le radar qui fait aujourd'hui défaut. À la question proposée il y a quelques jours à certains lycéens au baccalauréat, « Est-il possible d'échapper au temps ? », nous pourrions fournir l'exemple de dizaines de niches qui sont reconduites ad vitam æternam, pour lesquelles le temps ne compte pas. Il est éloquent que, sur les 474 dispositifs recensés à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019 – nous ne sommes pas certains qu'il n'en existe pas d'autres – , seuls 450 aient un impact budgétaire. De même, le nombre de bénéficiaires n'est connu, dit-on, que pour un peu plus de la moitié des dépenses fiscales. Pour reprendre une expression de Pierre Desproges : « La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute ».
Sourires.
C'est d'ailleurs un paradoxe de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances : avant elle, le Parlement votait les mesures nouvelles et reconduisait les services votés ; elle a mis un terme à cette pratique pour les dépenses ordinaires, mais celle-ci perdure pour les dépenses fiscales. Ce n'est pas parce qu'une règle est vieille qu'elle est bonne !
Dès lors, nous proposons que soit organisé, lors de l'examen du projet de loi de finances, dans quelques semaines, un débat sur l'opportunité de maintenir des dispositifs soit non chiffrés, soit d'un montant peu significatif. Ce sont 161 dispositifs qui ne sont pas évaluables. Autant dire qu'il est acrobatique de savoir quels sont les effets de ces dispositifs fantômes, pour les contribuables comme pour les territoires. C'est pourquoi nous suggérons d'agir dans le temps en bornant successivement l'ensemble des niches fiscales et de faire évoluer notre Constitution financière, la loi organique relative aux lois de finances, afin de faire en sorte que toute prolongation de niche soit accompagnée d'une évaluation sur son efficacité et son efficience.
La Cour des comptes, dont nous connaissons la qualité des travaux, a déjà bien dit combien les niches fiscales étaient contestables. Ce n'est qu'une analyse de juriste, mais le rapporteur général a donné son point de vue sur certaines d'entre elles dans son rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes.
Surtout – c'est évidemment le plus exigeant – , nous appelons à un véritable pilotage des niches fiscales par les administrations centrales et déconcentrées de l'État. Actuellement, les ministères « métiers » ne suivent pas les niches fiscales, faute de données, mais aussi et surtout parce que la répartition des compétences entre les directions de votre ministère n'est pas claire. Nous souhaitons que les annexes « Voies et moyens » soient désormais enrichies d'une justification des niches fiscales par les administrations compétentes ; à cette fin, le Parlement souhaiterait être destinataire des comptes rendus des conférences fiscales et budgétaires conduites pendant l'élaboration du budget.
En conclusion, cette proposition de résolution constitue non pas une révolution, mais l'expression d'un volontarisme en matière de bonne gestion, qui devrait, nous l'espérons, emporter la conviction de chacun d'entre vous sur ces bancs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LT.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Il est opportun d'avoir choisi ce sujet important pour une proposition de résolution. Il avait été demandé aux rapporteurs spéciaux d'étudier les niches fiscales au regard du thème de leur rapport, et le rapport général mettra en valeur leurs conclusions. Je suis favorable à cette approche transversale.
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial, les niches fiscales – ou « dépenses fiscales », expression plus technique – représentent une centaine de milliards d'euros. Il n'y en a pas de bonnes ou de mauvaises par nature. Elles répondent à un choix. Soit l'impôt est sans aucun trou avec des taux plus faibles, option que l'on présente généralement comme la meilleure, soit il comporte de nombreuses exceptions ou exemptions et des taux plus élevés. La France a choisi la seconde option.
Le montant de 100 milliards ne dit rien du poids de certaines niches : celles-ci représentent entre 33 milliards et 34 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés, tandis que le CICE, qui va disparaître, compte pour 25 milliards d'euros et le crédit d'impôt recherche pour 5 milliards à 6 milliards d'euros. À côté, il existe toute une série de niches significatives, importantes pour leurs bénéficiaires, mais la concentration de la dépense fiscale sur quelques-unes d'entre elles est forte.
Peut-être conviendrait-il de réfléchir mieux et différemment. Tout d'abord, nous pourrions inventer moins de niches et en évaluer davantage. Il serait bien que nous réussissions à le faire, comme votre proposition de résolution nous y invite. Nous n'avons pas évalué les niches fiscales depuis longtemps : c'était en 2011. L'inspection générale des finances les avait étudiées pendant deux ans pour arriver à la conclusion qu'il fallait en supprimer près des deux tiers.
Nous devons nous interroger sur l'efficience des niches fiscales, afin de déterminer si ces dépenses fiscales ou réductions de la fiscalité, dès lors qu'elles existent, atteignent l'objectif d'intérêt général qui leur est assigné. C'est la seule question à se poser, même s'il est plus facile de le dire que de le faire. En effet, il faut affronter celles et ceux qui bénéficient des niches. Si nous supprimions, par exemple, toutes les niches fiscales sur l'impôt sur le revenu, à l'exception de celles sur les emplois à domicile et la transition énergétique, on pourrait baisser de près de 30 % l'impôt sur le revenu. Il faut regarder ces questions plus attentivement, comme nous y appelle cette proposition de résolution.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Face à une telle proposition de résolution, ma joie est grande, vous vous en doutez. Moi qui, l'an dernier, ai tenté, parfois avec succès, de supprimer certaines niches fiscales, je me réjouis que la proposition de résolution de notre collègue François Jolivet vienne renforcer le deuxième Printemps de l'évaluation.
Il s'agit d'un manifeste clair des attentes des parlementaires vis-à-vis des administrations publiques. Nous ne sommes pas en situation de disposer, d'ici à l'examen du prochain projet de loi de finances initiale, d'un chiffrage du coût des niches fiscales recensées dans le fascicule annexé « Voies et moyens » – surtout d'un chiffrage précis, car il n'est parfois qu'évalué – , et ce flou artistique ne peut pas convenir. J'ai lancé l'alerte l'an dernier en adressant plusieurs courriers en ce sens au ministre chargé de l'action et des comptes publics.
Je dois avouer être resté pantois en voyant entrer dans mon bureau, après la suppression d'une dépense fiscale à laquelle les documents budgétaires attribuaient zéro bénéficiaire et zéro euro de dépenses, un quarteron de personnes lésées. J'avais donc devant moi des fantômes, mais des fantômes bien réels !
Sourires.
De surcroît, il s'agissait d'un secteur important, celui de l'économie sociale et solidaire ; me connaissant, vous vous doutez bien que je n'aurais pas forcément supprimé cette niche si j'avais su qu'il existait des bénéficiaires !
La proposition de résolution va dans ce sens. Si nous enfonçons le clou avec plusieurs marteaux – quitte à prendre une enclume, car c'est peut-être ce qu'il faut faire avec certaines administrations – ,
Sourires
nous parviendrons sans doute à nos fins. À défaut, il faudra bien supprimer certaines niches pour voir s'il y a quelqu'un dedans – solution que j'appliquerai bien volontiers !
Quant à l'association des ministères sectoriels à la rédaction du fascicule « Voies et moyens », il s'agirait également d'un immense progrès. Trop souvent, comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, nous sommes confrontés à des administrations qui se renvoient la balle. Après un contrôle sur pièces et sur place à Bercy, je me souviens m'être entendu dire par une administration d'un autre ministère, à propos de la niche Pinel : « Surtout, ne faites aucun contrôle sur pièces et sur place chez nous, puisque nous n'avons aucune donnée ! » S'agissant d'une niche relativement coûteuse, cela m'a semblé particulièrement problématique.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de votre proposition de résolution et je lui donne un avis très favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je tiens à saluer la proposition de résolution de notre collègue Jolivet. Je ne pourrais retirer un mot de ce qu'il vient de dire. Je le remercie très vivement d'avoir proposé l'étude de cette thématique dans le cadre du Printemps de l'évaluation.
En matière de niches fiscales, notre collègue, d'autres avant lui, chacun d'entre nous ainsi que le Gouvernement, n'avons-nous pas déjà tout dit ? N'avons-nous pas inlassablement rappelé la nécessité impérieuse, pour les finances publiques et pour la lisibilité de notre système fiscal, d'être capables de mieux les évaluer et mieux les apprécier ? N'avons-nous pas relevé les manquements en matière de chiffrage, d'identification des bénéficiaires et d'estimation de la pertinence de ces dispositifs, désormais si nombreux ? Questions rhétoriques : vous connaissez tous la réponse !
En matière de niches fiscales, sommes-nous suffisamment éclairés et courageux ? À ce titre, la science économique est riche d'enseignements. Nous savons que des incitations, au-delà d'un certain seuil, suscitent des effets d'aubaine, que des niveaux de taxation découragent l'activité, l'innovation ou l'investissement, que certains dispositifs, en dépit des discours d'intention, manquent leur cible. La science s'appuie sur des chiffres concrets : ceux de la Cour des comptes, qui nous apprend que les dépenses fiscales, dans notre pays, augmentent plus rapidement que les recettes fiscales nettes.
Einstein définissait ainsi la folie : refaire toujours la même chose et attendre des résultats différents – celle-là, vous la connaissiez certainement.
Sourires. – Mme Cendra Motin applaudit.
Tandis que nous avançons avec une certaine lucidité, voire une certaine détermination, cette phrase devrait nous inspirer et même nous encourager à lutter contre certaines dérives.
Un impôt mité par les niches, ce n'est pas simplement un problème pour nous, parlementaires, pour les sages de la rue Cambon ou pour le Gouvernement. C'est un problème, je crois, pour la nation dans son ensemble. Sans vouloir être grandiloquente, je dirais que nous partageons, sur tous les bancs, selon des appréciations diverses, l'idée selon laquelle un système fiscal mal construit produit des inégalités et des iniquités qui minent peu à peu l'esprit de corps de notre pays.
Si la raison de l'existence d'une niche et son appréciation échappent à la représentation nationale, alors elles échappent à tous les citoyens. Quand les choses ne vont pas bien pour moi ou pour mon voisin mais qu'elles vont mieux pour d'autres, qui bénéficient d'avantages fiscaux que je ne comprends pas, car ils sont en partie illisibles, et que personne n'évalue ni ne remet en cause, cela pose problème, en définitive, pour notre système démocratique. Si les niches font des gagnants, elles font immanquablement des perdants, car les sommes en jeu sont autant de fonds qui ne sont pas consacrés à l'amélioration collective de nos systèmes d'éducation, de santé ou de justice.
On dénombre 161 dépenses fiscales non chiffrées et 252 dépourvues de toute indication du nombre de bénéficiaires, pour un montant de 24,1 milliards d'euros : ces chiffres mettent en question notre crédibilité de contrôleurs de l'action publique.
Je salue donc vivement la proposition de résolution, qui rétablit un cadre et procède d'une forme de courage, dont nous nous efforçons de faire preuve quotidiennement, au sein de la majorité comme des autres groupes parlementaires, dans l'approche de ces sujets : le courage de remettre en cause et de se remettre en cause, et un cadre pour le faire.
C'est donc avec une certaine forme d'humilité que nous devrions, année après année, sur le métier remettre notre ouvrage, en nous penchant par exemple sur ces 64 niches d'un montant epsilonesque, dont 44 n'ont pas changé de statut depuis 2015. Bien malin qui peut dire avec certitude lesquelles sont pleinement justifiées, pertinentes économiquement ou socialement !
Le cadre proposé viendrait résoudre un autre problème. S'il a toujours existé des niches, 56 % des dépenses fiscales en vigueur en 2018 avaient été créées il y a moins de vingt ans.
Nous sommes devenus accros à la subvention fiscale, et nous y avons malheureusement rendu dépendants de nombreux pans de notre économie, ce qui a pour conséquence directe la nécessité de procéder à un sevrage, au risque de provoquer des réactions de manque, sous peine, pour certains, d'une descente aux enfers de nos finances publiques.
Allons au bout de notre démarche et retrouvons la logique originelle des dépenses fiscales, qui n'est pas budgétaire mais relève du souci d'efficacité. Les objectifs doivent demeurer les mêmes : stimuler le développement de certains secteurs et lutter contre des abus.
Enfin, je formulerai une observation plus spécifique sur les dépenses fiscales relatives aux entreprises, à laquelle j'associe notre collègue Xavier Roseren. En la matière, notre travail consiste à distinguer inlassablement celles qui fonctionnent de celles qui sont contestables.
Il consiste aussi à inscrire cette réflexion dans le cadre d'une recherche d'efficacité à long terme, en suivant par exemple une démarche de réexamen des impôts sur la production, qui grèvent notre compétitivité. Sur ce sujet, les réflexions sont en cours depuis des années mais les décisions se font attendre. Il ne fait pas de doute qu'elles doivent aboutir, pour une fiscalité plus juste, plus efficace et plus moderne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La proposition de résolution pour le renforcement du pilotage et de l'évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques, déposée par nos collègues du groupe La République en marche et présentée par François Jolivet, a tout son sens dans le cadre du Printemps de l'évaluation.
L'évaluation des dépenses publiques est un enjeu crucial et déterminant pour procéder à la diminution des prélèvements obligatoires, dont le groupe Les Républicains s'est engagé à soutenir la trajectoire, vous le savez. Nous ne pouvons admettre que la France ait figuré, en 2017, sur le podium des prélèvements obligatoires les plus élevés des pays de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – , avec un taux de 45,3 % du PIB. Les entreprises et les ménages paient désormais plus de 1 000 milliards de prélèvements obligatoires chaque année. Ce seuil a été franchi en 2017, et nous avons continué à nous en éloigner en 2018 et 2019.
Il nous faut, d'une part, améliorer le pouvoir d'achat des Français en réduisant les prélèvements obligatoires et, d'autre part, diminuer les impôts sur la production des entreprises, pour favoriser leur compétitivité.
Comment ne pas s'offusquer du niveau de notre déficit commercial, qui atteignait 59 milliards d'euros en 2018 ? Comment ne pas s'insurger en constatant la dégradation de la balance commerciale agricole, qui a toujours été excédentaire mais qui, d'après un rapport du Sénat, risque de devenir déficitaire à échéance de 2023 ?
Oui, pour que le pouvoir d'achat des Français s'améliore, nous devons agir sur l'excès des dépenses publiques ; c'est la seule méthode permettant de réduire durablement les impôts.
Les dépenses publiques comportent des dépenses fiscales, dont le montant a dépassé, en 2018, le seuil de 100 milliards d'euros, cela a déjà dit précédemment à cette tribune. De 2017 à 2018, le coût des 474 dépenses fiscales, ou niches fiscales, a augmenté de 6,7 milliards d'euros – soit une hausse de 7,2 % en un an – , passant de 93,4 milliards d'euros à 100,2 milliards d'euros.
Par ailleurs, la Cour des comptes indique : « Depuis 2015, le chiffrage du coût des dépenses fiscales en année n est systématiquement sous-évalué, en moyenne de 2,64 milliards d'euros, comparé au chiffrage en année n+1 ». Il s'agit d'un montant relativement important. La Cour des comptes ajoute : « Après une relative stabilité en 2014 et 2015, la hausse du coût des dépenses fiscales hors CICE tend à s'accélérer depuis 2016. »
En 2018, 22 dépenses fiscales avaient un coût supérieur à 1 milliard d'euros et 191 un coût compris entre 0 et 50 millions d'euros, dont 100 un coût inférieur à 10 millions d'euros. En outre, de nombreuses dépenses fiscales sont très anciennes et n'ont pas été révisées – comme vous l'avez indiqué, monsieur le président de la commission des finances, aucune évaluation n'a été menée depuis 2011.
Par ailleurs, 56 dépenses fiscales ont été créées avant 1970, dont 3 avant 1940, soit il y a quatre-vingts ans. Aucune n'a été revue depuis plus de vingt ans.
La multitude de petits dispositifs, dont l'efficacité, la pertinence ou l'impact ne sont pas nécessairement établis, valide bien entendu l'idée de procéder à un réexamen et à une évaluation.
En outre, la proportion des dépenses fiscales non chiffrées est passée, depuis 2011, de 8 % à plus de 13 % du coût total des dépenses fiscales recensées dans les annexes des projets de loi de finances initiale, lesquels ne tiennent pas compte des dispositifs notés epsilon, dont le coût est présumé inférieur à 500 000 euros, pour un coût pesant sur les finances publiques non déterminé. Sur ces 64 dépenses identifiées en 2018, 44 n'ont pas changé de statut depuis 2015. Une évaluation est indispensable pour vérifier que les dépenses fiscales atteignent les objectifs poursuivis.
Par ailleurs, cette évaluation nécessaire doit être précédée d'une étude d'impact documentée et fournie, que nous devons exiger, car c'est cela qui permettra de donner un cadre et de justifier les objectifs envisagés, souhaités et prévus. Oui, comme l'indique la Cour des Comptes, les évaluations sur lesquelles se fonde la programmation budgétaire sont lacunaires et l'efficience des dépenses fiscales mal connue.
De plus, le fait que le nombre des bénéficiaires de plus de la moitié des 474 dépenses fiscales recensées ne soit pas disponible, alors qu'elles représentent un tiers du coût total, empêche d'en mesurer l'impact. La démarche de performance doit être exigée par nous-mêmes, députés, à l'occasion de chaque Printemps de l'évaluation.
La proposition de résolution, qui tend à améliorer la qualité et la nature des informations communiquées, correspond à une intention partagée. Il est donc bien évident que le groupe Les Républicains votera pour.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et UDI-I.
Les niches fiscales – puisque c'est de cela qu'il s'agit dans la proposition de résolution – sont un objet fiscal qu'il n'est pas aisé de définir et qu'il est plus difficile encore d'évaluer. Pour ce faire, votre collègue Gérald Darmanin, madame la secrétaire d'État, a recouru à une métaphore fromagère, un peu inexacte au demeurant, comparant les recettes fiscales au gruyère et les niches aux trous dans le gruyère.
Sourires.
Pour ma part, je les définirai en reprenant les mots du fascicule « Voies et moyens » : « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne [… ], pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme ». Dès lors, la vraie difficulté est de définir celle-ci. Ainsi, les niches fiscales amènent à s'interroger sur les principes généraux de notre droit budgétaire.
Par ailleurs, la dépense fiscale est l'un des outils privilégiés de la fiscalité dite « comportementale », en ce qu'elle tend à orienter les comportements des contribuables vers des pratiques que la puissance publique entend promouvoir. La politique environnementale, fondée en partie sur des niches fiscales, en est un exemple de choix.
Cela posé, reconnaissons que les dépenses fiscales demeurent finalement mal connues : leur coût est globalement renseigné par le tome II de l'annexe « Voies et moyens » mais leur efficacité – le ratio coûtavantages – n'est pas calculée à partir d'outils spécifiques.
La Cour des comptes nous éclaire un peu. Elle a estimé à 100,17 milliards d'euros – excusez l'imprécision – le coût de ces 474 dispositifs en 2018. Cela représente l'équivalent d'un tiers des recettes fiscales nettes ou de 4 points de notre richesse nationale.
Le coût des niches fiscales est concentré sur quelques grands dispositifs de politique économique, comme le crédit d'impôt recherche, le crédit d'impôt pour l'emploi à domicile, le taux de TVA réduit pour les médicaments, l'aide au logement social ou encore aux travaux énergétiques – je ne parlerai pas du CICE puisqu'il va disparaître.
Les quinze plus grosses niches représentent 59 milliards d'euros, soit un peu moins de 60 % du total. Au-delà, nous nous trouvons face à de très nombreux dispositifs qui, à leur création, ont dû avoir leur utilité voire leur efficacité ; leur pertinence ou leurs effets ne sont plus forcément établis. Par exemple, la réduction d'impôt sur le revenu perçue au titre du différé de paiement accordé à des exploitants agricoles concerne vingt-deux personnes. Quant à celle au titre des dépenses réalisées sur certains espaces en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel – ces exonérations sur les marais, notamment – , elle bénéficie à 179 ménages !
À ce propos, madame la secrétaire d'État, votre collègue Gérald Darmanin a annoncé, dimanche dernier, que la diminution du produit de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros en 2020 serait financée par une diminution des dépenses fiscales de 1 milliard d'euros, soit 20 % du total. Il serait du reste intéressant que vous nous éclairiez, tout à l'heure, sur les pistes explorées, puisque la presse – qui nous informe souvent avant que les ministres ne viennent en commission – évoque par exemple le retour de l'indexation du gazole pour une partie des secteurs qui en bénéficient. Certains voudraient aussi s'attaquer au crédit d'impôt recherche, comme notre rapporteur général…
Bref, des idées circulent.
Nous estimons pour notre part qu'une revue de l'ensemble des niches fiscales qui viennent miter l'impôt sur le revenu et obérer sa progressivité est devenue nécessaire. Dans le contexte actuel d'exaspération fiscale, nous devons plus de transparence et d'efficacité à nos concitoyens.
Le groupe Libertés et territoires a fait des propositions en ce sens. Nous suggérons d'utiliser la méthode la plus bête possible, mais aussi la plus efficace : réduire de 10 % par an l'ensemble des niches fiscales existantes – soit une dizaine de milliards – tout en abaissant le barème de l'impôt sur le revenu à due concurrence. Ainsi, on ne nous dirait pas que nous ne pensons qu'à réduire le déficit, et nous n'augmenterions pas la pression fiscale sur les classes moyennes. Nous précisons d'ailleurs que des modulations pourraient être apportées en fonction des contraintes géographiques ou sociales de certains territoires, selon le principe de différenciation. On pourrait même peaufiner ce dispositif : les exonérations fiscales afférentes à un impôt x seraient affectées à la réduction de ce même impôt x – ce que l'on ne fait pratiquement jamais.
Cette revue des niches fiscales ne peut se faire sans la mise en place de véritables outils de pilotage politique. C'est le sens même de cette proposition de résolution, qui a tout le soutien de notre groupe.
Je rappelle néanmoins qu'en tant que membre de ce que la majorité appelle « l'ancien monde », j'ai participé aux travaux d'une mission d'information sur les niches fiscales en 2008. Cette dernière formulait quatorze propositions pour renforcer l'évaluation, l'information et l'expertise du Parlement, et certaines sont reprises, onze ans plus tard, dans la présente proposition de résolution. Je pense notamment à celle visant à créer une norme de dépense fiscale dans le fascicule « Voies et moyens » ou à la proposition tendant à mieux mesurer la performance des dépenses fiscales en fixant des objectifs et des indicateurs comparables à ceux appliqués aux dépenses budgétaires – ce serait assez logique, après tout, puisque les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires sont substituables.
Nous le constatons, le renforcement du contrôle budgétaire par le Parlement est un long, un très long chemin. Il est cependant indispensable – j'en suis intimement convaincu – à la séparation des pouvoirs et à l'exercice des responsabilités dans une démocratie mature.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LaREM et LR.
La France connaît un montant de dépenses fiscales parmi les plus élevés au monde : la Cour des comptes a recensé 474 dispositifs en 2018, pour un coût total de plus de 100 milliards d'euros – cela a été dit – , soit un tiers des recettes fiscales nettes de l'État.
Ces dépenses fiscales sont certes coûteuses pour l'État, mais aussi pour les contribuables, en ce qu'elles peuvent conduire, en contrepartie, à accentuer la pression fiscale sur ceux qui n'en bénéficient pas.
Elles peuvent toutefois s'avérer très utiles. En effet, elles peuvent répondre à des objectifs précis : favoriser l'emploi, inciter à l'investissement ou encore soutenir les économies d'énergie et la transition écologique. En cela, il serait injuste de les supprimer sans les évaluer afin d'en apprécier la pertinence et l'efficacité. Certaines sont en effet essentielles pour les Français ou les entreprises.
Nous pourrions citer par exemple le crédit d'impôt recherche, qui permet l'innovation en permettant l'installation et le maintien de centres de recherche partout en France. Néanmoins, pourquoi s'interdire de l'évaluer alors que son coût budgétaire était de 5,56 milliards d'euros en 2016, après et de 6,27 milliards d'euros en 2017 ?
C'est encore le cas du crédit d'impôt pour l'emploi des salariés à domicile, dont la suppression aurait des conséquences dramatiques pour l'emploi. Mais il convient de noter que les 10 % les plus aisés bénéficient de 43,5 % de cette niche fiscale, quand la moitié la plus modeste n'en bénéficie qu'à hauteur de 6,6 %.
Certains dispositifs sont donc trop inégalitaires. C'est aussi le cas de la niche fiscale Scellier, relative à l'immobilier : les 10 % les plus aisés en bénéficient pour plus d'1 milliard d'euros, quand 90 % de la population n'en tire profit qu'à hauteur de 178 millions d'euros.
Pire encore, parmi les 3 % de Français les plus aisés, 90 % atteignent les plafonds des niches fiscales, soit 10 000 ou 18 000 euros selon les cas. Ils profitent donc pleinement de ces dispositifs. Et 10 % des Français les plus riches bénéficient de 50 % des niches fiscales. Ces chiffres démontrent l'injustice du système de dépenses fiscales français et montrent qu'un meilleur pilotage s'impose.
D'autres dispositifs sont justes mais comportent certains écueils intrinsèques. Le crédit d'impôt pour la transition énergétique est bienvenu ; il a été instauré afin que les Français puissent alléger leur empreinte carbone. Mais les plus aisés ont-ils besoin de cela pour changer leur chaudière ? Dans les faits, cela leur permet surtout de réduire leur empreinte fiscale.
En plus d'être parfois inégalitaires, les dépenses fiscales sont très souvent peu efficaces et coûteuses. Le président de la commission des finances l'a dit, la dernière étude d'ampleur concernant les dépenses fiscales de l'État a été réalisée en 2011. Elle établissait une classification des niches en fonction de leur efficacité, en leur attribuant une note variant de 0 à 3. Il ressortait de cette étude que le coût des niches notées de 0 à 1, c'est-à-dire celles qui ne sont pas ou que peu efficaces, représentait 70 % du coût total de l'ensemble des dépenses fiscales. Ainsi, en plus d'être mal ciblées, en ce que beaucoup d'entre elles bénéficient aux plus aisés, les dépenses fiscales ne satisfont que peu leurs objectifs en matière d'emploi ou de soutien à l'économie ou à la transition écologique, alors que leur coût est conséquent.
Enfin, certaines missions concentrent trop de dispositifs, brouillant ainsi toute lisibilité et ajoutant de la complexité. Ainsi, la mission « Cohésion des territoires » concentre 93 des 474 dispositifs existants. Cet excès est la démonstration même qu'un meilleur pilotage des niches est indispensable.
L'organisation des dépenses fiscales est à la fois coûteuse et, à bien des égards, inefficace et injuste. Pour y remédier tout en préservant les niches qui sont efficaces et utiles, il convient d'en assurer un meilleur pilotage et d'instaurer une véritable évaluation. Encore faut-il nous en donner les moyens.
Pour toutes ces raisons, les députés Socialistes et apparentés voteront en faveur de la proposition de résolution relative au renforcement du pilotage et de l'évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques.
Applaudissements sur les bancs de la commission.
Poursuivant le Printemps de l'évaluation, nous sommes amenés à débattre d'une proposition de résolution relative au renforcement du pilotage et de l'évaluation des dépenses fiscales par les administrations publiques, déposée par notre collègue François Jolivet. C'est donc la question des dérogations fiscales qui est abordée ici, et ce n'est pas une mince affaire !
L'expression « dépenses fiscales » traduit l'idée d'un budget en creux, par rapport au budget en bosse que constitueraient les dépenses budgétaires. L'expression « niche fiscale », peut-être plus polémique, a le mérite de mettre l'accent sur le caractère inéquitable ou inutilement complexe de ces exceptions à la règle fiscale générale, dont ne bénéficient que certains contribuables.
Bref, si les expressions sont multiples, toutes rappellent la caractéristique première de la fiscalité à la française : une multitude d'exceptions et de très nombreux régimes particuliers, des exonérations aux crédits d'impôt en passant par divers mécanismes de calcul de l'impôt, concernant aussi bien la fiscalité des ménages que celle des entreprises, et mettant à mal la lisibilité et l'acceptabilité de notre fiscalité.
Au total, il y a donc 474 dépenses fiscales pour un total de 100 milliards d'euros, qui devrait toutefois diminuer mécaniquement à partir de 2020, sous l'effet de l'extinction du CICE, qui représente environ 20 milliards d'euros.
Cette fiscalité dérogatoire reste cependant mal maîtrisée : estimation du coût réel de chacune des dépenses fiscales, nombre de bénéficiaires, efficacité, effet levier d'une politique publique, tout cela reste encore mal connu pour une grande majorité de ces dispositifs.
Preuve en est par un seul nombre : 161 ; c'est le nombre de niches dont le coût n'est pas connu, soit un tiers des avantages fiscaux recensés. Si celui-ci ne suffit pas à convaincre de la nécessité de mieux évaluer les dépenses fiscales, je vous en donne un deuxième : 222 ; c'est le nombre de niches pour lesquelles nous ne connaissons pas le nombre de contribuables bénéficiaires, ménages ou entreprises.
À l'issue du grand débat national, nous avons tous partagé le même constat : la remise en cause de la fiscalité par nos concitoyens et le renforcement du sentiment d'injustice fiscale.
La majorité nous propose, par cette résolution, de renforcer les moyens d'évaluation et de pilotage des dépenses fiscales, pour nous permettre d'en vérifier l'utilité dans notre société. Nous saluons cette initiative, que nous soutenons et qui traduit la prise en considération des recommandations de la Cour des comptes en la matière.
Chers collègues de la majorité, je ne peux m'empêcher de vous rappeler tout de même que, lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, vous avez vous-mêmes augmenté le plafond des dépenses fiscales, avec un objectif de 25 % du budget général. Je crois que la cohérence nous amènera à abaisser ce plafond lors de la prochaine loi de finances ; ce serait un premier pas.
Notre satisfaction est d'autant plus grande que la résolution vise à responsabiliser tous les acteurs de la chaîne de décision publique, à commencer par le législateur.
Les enjeux inhérents la fiscalité dérogatoire sont essentiels : la maîtrise budgétaire de ces dispositifs, mais aussi leur efficacité, ou encore la simplification de la fiscalité. Il est devenu indispensable de conduire une réflexion d'ampleur sur ce sujet.
Pour cela et dans un souci de méthode, nous devons d'abord solder le problème de l'absence de consolidation des informations sur l'impact des niches fiscales sur les politiques publiques, et c'est tout l'objet de votre proposition de résolution. En effet, ce n'est que par une action volontaire, y compris dans l'application de la loi organique relative aux lois de finances, qu'une réforme significative de la fiscalité dérogatoire pourra être conduite.
Le Gouvernement a annoncé une diminution des niches fiscales destinées aux entreprises dès le prochain projet de loi de finances, alors même que vous convenez avec nous aujourd'hui que les moyens d'évaluation de ces niches fiscales sont insuffisants et non aboutis. J'espère donc que cette résolution trouvera sa traduction concrète dans les meilleurs délais, afin de nous permettre de voter le projet de loi de finances pour 2020 en toute connaissance de cause.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM et LR.
Saluons l'initiative de notre collègue Jolivet, auteur de cette proposition de résolution sur les niches fiscales. Celles-ci posent en effet un problème philosophique puisqu'elles mitent la base de l'impôt, dont on sait qu'il est plus efficace quand son taux est faible et son assiette, large.
La proposition de résolution a deux mérites : elle pose la question de l'évaluation et de la mesure des niches fiscales, ainsi que celle de leur efficience et leur efficacité.
Pour ce qui concerne la mesure et l'évaluation, il est vrai que nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Dans son rapport, la Cour des comptes notait que pour 171 des 474 niches fiscales répertoriées, soit près d'un tiers, on ne connaissait ni le nombre des bénéficiaires ni le montant des dépenses engagées. C'est évidemment quelque chose d'inacceptable pour le contribuable et qu'il faudrait résoudre.
D'autant que le nombre de niches fiscales créées durant la dernière décennie est élevé : 94 nouvelles, après les 172 créés dans les années 2000. L'Assemblée nationale – en tout cas moi et le groupe MODEM – est volontaire pour travailler à la mesure et à l'évaluation de ces dispositifs, madame la secrétaire d'État. Encore faudrait-il que nous puissions avoir accès aux données collectées par les administrations. Certes, nous pourrons nous appuyer sur la Cour des comptes, mais pourquoi ne pas confier au Parlement le soin de chiffrer les niches fiscales et aussi d'évaluer leur effet ?
La proposition de résolution de François Jolivet aborde également la question de l'efficience et de l'efficacité des niches fiscales, qui coûtent cher au budget de l'État alors qu'elles manquent souvent les objectifs de politique publique qui leur avaient été assignés.
À cet égard, je donnerai trois exemples.
En 2012, le plafond des livrets d'épargne réglementée, comme les livrets A, a été relevé de 15 300 à 22 950 euros, soit plus de 7 000 euros de placements supplémentaires. Les objectifs étaient nobles : il s'agissait, d'une part, d'encourager l'épargne populaire et, d'autre part, de stimuler la construction de logement social, alimentée par les fonds collectés sur le livret A. Or ce dispositif, qui coûte 1,5 milliard d'euros aux budgets de l'État et de la sécurité sociale par an, n'a absolument pas atteint ses objectifs. S'agissant du premier objectif, stimuler l'épargne populaire, les chiffres dont nous disposons – tous ne sont pas disponibles – tendent à montrer que ce ne sont pas les Français les plus modestes ou des classes populaires qui ont bénéficié du relèvement des plafonds. Quant au second objectif, financer le logement social, il a également été manqué, puisque les montants prélevés sur les livrets A à cette fin n'ont pas augmenté depuis 2012 : la collecte supplémentaire issue du relèvement du plafond n'a en aucun cas facilité la construction de logements sociaux. Deux objectifs de politique publique : deux échecs, pour un coût d'1,5 milliard d'euros par an.
Deuxième exemple : la baisse de la TVA – la taxe sur la valeur ajoutée – dans la restauration. Elle avait pour but de faire baisser les prix et d'augmenter les salaires des personnels du secteur. Là encore, les objectifs de politique publique n'ont pas été atteints, alors que le dispositif coûte chaque année 2,7 milliards aux budgets de l'État et de la sécurité sociale. En réalité, ce sont plutôt les marges des restaurateurs qui se sont renforcées. Il est vrai que l'on a essayé de corriger le dispositif, en relevant le taux de TVA dans la restauration. Cette fois, cela a conduit les prix à augmenter, alors qu'ils n'avaient pas baissé lorsque le taux avait été réduit. Une fois une niche fiscale créée, on ne sait jamais très bien comment s'en débarrasser après avoir constaté qu'elle n'atteint pas ses objectifs.
Dernier exemple : le pacte de responsabilité et de solidarité de 2016, qui a introduit une exonération de 1,8 point de cotisations patronales pour l'emploi d'un salarié rémunéré entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC. On sait désormais que la partie de ces allégements, concentrée sur les plus hauts salaires, n'atteint sans doute pas l'objectif de politique publique qu'on leur avait assigné, celui de créer des emplois. Peut-être faudra-t-il songer à reconsidérer ce dispositif, qui coûte chaque année 4 milliards d'euros au budget de la sécurité sociale.
Pour toutes les raisons évoquées, nous soutiendrons avec force cette initiative excellente, et invitons tous les groupes à faire de même.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-I.
Sur l'ensemble de la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gabriel Serville.
En préambule de mon intervention, j'aimerais vous faire part de ma réaction à la lecture du deuxième paragraphe de l'exposé des motifs. Vous indiquez que la solution pour restaurer le pouvoir d'achat et moderniser l'économie passe avant tout par la baisse des prélèvements obligatoires. Or bien d'autres moyens sont sur la table afin d'améliorer la vie de nos concitoyens : la revalorisation des salaires bruts en est un ; la justice fiscale, un autre.
Si l'on vous suit bien, les prélèvements obligatoires reposeraient indistinctement sur l'ensemble des Français. Tel n'est pas le cas, et force est de constater que le sort que vous réservez à nos concitoyens sur le plan fiscal est bien différent, qu'ils se situent en haut ou en bas de l'échelle des revenus et des patrimoines.
Alors que la vie chère et ses dépenses contraintes – logement, frais bancaires et d'assurance, alimentation – ont doublé dans le budget des plus pauvres en trente ans, la flambée parallèle de la TVA et de la CSG – la contribution sociale généralisée – est venue leur mettre le couteau sous la gorge. Ces prélèvements, qui pèsent lourd, les assignent à la précarité et à une incertitude perpétuelle.
La TVA et la CSG ont augmenté car il a fallu compenser les largesses fiscales octroyées bien souvent aux plus riches et autres grandes entreprises, sans aucune contrepartie ni ciblage, c'est un fait indéniable.
J'en viens au coeur de cette proposition de résolution, qui a trait aux dépenses fiscales, plus communément connues sous le nom de « niches fiscales ». Celles-ci ont littéralement flambé depuis quinze ans et se chiffrent désormais à 100 milliards d'euros. Ce montant est tout simplement ahurissant, avec des effets pervers qui le sont tout autant.
Pourquoi une telle flambée ? Les explications sont multiples. Pour nous, il est clair que ces crédits d'impôts symbolisent une nouvelle conception, exclusivement comptable, de l'exercice des responsabilités politiques. La dépense publique étant considérée, par principe, comme un mal absolu qu'il convient de contenir au plus bas niveau possible, le seul levier d'action restant est le crédit d'impôt.
D'ailleurs, en 2008, les présidents des commissions des finances des deux assemblées de l'époque, dont l'un est désormais à la tête de la Cour des comptes, ne s'y trompaient pas, indiquant que l'article 40 de la Constitution, qui interdit aux parlementaires de créer des dépenses publiques, était « devenu une machine à créer de la dépense fiscale ».
La prolifération des niches fiscales a fait de notre système fiscal un véritable gruyère. L'impôt est désormais mité et totalement illisible, ce qui tend évidemment à en fragiliser le consentement.
Or, quand le consentement à l'impôt est fragilisé, c'est toute la République qui se trouve ébranlée. Les derniers mois l'ont parfaitement démontré, car ces niches fiscales sapent également la justice fiscale et la progressivité de l'impôt.
L'impôt sur le revenu est un exemple idoine, avec 30 milliards d'euros de niches fiscales pour les particuliers, dont l'essentiel profite aux plus aisés. Voilà qui vient fracasser ce qui reste de progressivité dans le barème à cinq tranches.
Ce constat vaut aussi pour la fiscalité des entreprises. Les grands groupes, armés de leur bataillon de fiscalistes, parviennent à capter l'essentiel du montant des crédits d'impôts. Comme s'y ajoutent les pratiques d'optimisation internationale, le taux d'imposition des grands groupes est très largement inférieur à celui des TPE et PME – les très petites, petites et moyennes entreprises. Avouez-le, c'est franchement insupportable.
La proposition de résolution vise à mieux piloter et mieux évaluer les niches fiscales. L'intention est louable, tant l'information dont disposent les parlementaires à ce sujet est insignifiante.
À cet égard, je rappelle que l'article 34 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, adopté à notre initiative, prévoit la publication d'un rapport sur les huit dépenses fiscales les plus coûteuses parmi celles relatives à l'impôt sur le revenu, avec une distribution par décile de revenu du nombre de contribuables concernés. Cet article n'ayant pas été respecté, nous avons écrit au ministre pour recevoir des explications.
Évaluer, oui, mais pour quelle finalité ? Est-ce une fin en soi ? Bien sûr que non ! L'évaluation n'a de sens que si elle appelle l'action politique. Je vous pose la question : que comptez-vous donc faire de toutes ces évaluations ?
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine émet un avis favorable à cette proposition de résolution, sous réserve que les conclusions tirées de toutes ces études soient réellement mises en oeuvre dans les prochains PLF.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous combattons avec beaucoup d'énergie pour récupérer quelque menue monnaie, et on n'en trouvera pas beaucoup en jouant sur les niches fiscales. Elles sont nombreuses à avoir été révisées, et, chaque fois, on constate que cela pose problème. Lorsqu'on a voulu revoir le dispositif sur les zones de revitalisation rurale, on a constaté que de nombreux emplois en dépendaient et que les zones de revitalisation urbaine risquaient également d'être ennuyées.
Le sujet est très important mais je ne crois pas qu'on commence par le bon bout. Madame la secrétaire d'État, il faudrait le dire à votre patron, M. le Président de la République : il aurait dû commencer par reconstruire l'État – c'est ce que j'aurais fait. Dans notre pays, voyez-vous, l'État est à la fois un symbole – c'est autour de lui que notre pays s'est construit, avec l'appui des provinces, qui, d'ailleurs, n'ont pas été toujours très sages – et un outil de travail, au service de la personne ou de la majorité qui, comme l'on disait à Athènes, ont été choisies par le peuple pour le représenter et conduire ses affaires en son nom.
Force est de constater que nous n'en sommes plus tout à fait là. Au lieu de passer autant de temps pour récupérer quelques thunes – elles ne sont jamais de trop – , on ferait beaucoup mieux de regarder les impôts que paient ou non nos plus hauts fonctionnaires, pour commencer. On a pu voir qu'en examinant de près la situation des députés ou des sénateurs, on comprenait mieux. Il est dommage que cela n'ait pas été fait pour les hauts fonctionnaires ni pour ceux qu'on appelle les « capitaines d'industrie », alors qu'ils sont en réalité capitaines de finances. Je pense par exemple à Patrick Drahi, Alain Weill, Arnaud Lagardère, Bernard et Antoine Arnault ou François Pinault, milliardaires patentés qui paient relativement peu d'impôts en France. Il y a là de quoi curer en profondeur ou faire une bonne moisson ! Et je m'intéresse encore un peu plus à Xavier Niel. Ce sont eux l'entourage de votre président, qui l'ont fait élire, avec, bien sûr, les hauts fonctionnaires et leurs amis de l'étranger.
Oui, je fais attention, car ce que je dis me coûte très cher. C'est pourquoi je ne parle plus nulle part. Alors, pour une fois que j'en ai l'occasion, ne me faites pas perdre du temps !
Sourires.
Le Monde mène actuellement un travail de propagande pour présenter M. Xavier Niel – qui, il y a quelque temps, a fait un peu de prison – comme un simple actionnaire à titre individuel. Mais cet homme possède aussi SFR, L'Expansion ou encore Libération.
Il vient même de s'offrir Sotheby's, temple des ventes aux enchères, très important à Hong Kong. Alors où cet homme-là va-t-il payer ses impôts, quand on sait qu'il affiche un petit bénéfice de 8 milliards ou 9 milliards ? J'ai du mal à penser qu'il n'y ait pas quelque chose à gratter de ce côté-là…
Je conclus : tant que nous n'aurons pas fait la lumière sur ces points, nous n'avons aucune chance de retrouver l'État symbole ni l'État outil de travail ! Tout cela est une perversion, un mensonge ! Je vais le payer très cher mais je l'aurai dit !
Rires. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LT.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.
Comme cela a été rappelé, les objectifs de notre politique économique sont clairs : mieux rémunérer le travail, restaurer la compétitivité de nos entreprises, les préparer aux grandes transformations de l'économie et rétablir nos finances publiques.
Ce dernier objectif est essentiel pour la crédibilité de nos réformes. Il respecte deux principes. Premièrement, le principe d'efficience, en vertu duquel toute dépense publique doit être justifiée et produire des résultats, peut paraître basique, mais il a pu être oublié – c'est d'ailleurs ce qui nous a été reproché par une partie des Français à la fin de l'année dernière – , et il s'applique également aux dépenses fiscales. Deuxièmement, le principe de responsabilité, en vertu duquel chaque décideur public, qu'il soit fonctionnaire, chargé d'une fonction exécutive ou législateur, doit se sentir responsable des hausses de dépenses fiscales qu'il décide : nous ne pouvons plus laisser perdurer des dispositifs devenus inefficaces ; chacun doit prendre sa part pour identifier ceux qu'il convient de maintenir et ceux qui ne sont plus justifiés.
Ces dernières années, la fiscalité est devenue l'outil privilégié, voire presque exclusif, pour agir sur l'ensemble des politiques publiques. Les niches se sont multipliées, vous l'avez dit : 474 dispositifs ont été recensés en 2018, pour un montant de plus de 100 milliards d'euros. Dans ce contexte, le sentiment de ras-le-bol fiscal qu'ont exprimé une partie des Français nous oblige à être d'autant plus exigeants.
Mais, vous l'avez souligné, monsieur le président de la commission, il ne faut pas pour autant diaboliser la dépense fiscale : elle n'est pas mauvaise par nature. L'évaluation est indispensable, c'est certain, mais elle ne doit pas mener à la suspicion généralisée. Certaines dépenses sont efficaces, elles tirent la croissance de certains secteurs, elles aident les ménages. D'autres, en effet, méritent d'être revues ou améliorées.
Votre proposition de résolution respecte les deux grands principes que je viens d'évoquer. C'est pourquoi nous y serons favorables.
J'aimerais maintenant répondre plus précisément à chacune des propositions qui sont faites.
Nous partageons pleinement l'objectif recherché par vos deux premières propositions.
S'agissant de la première proposition, il est en effet indispensable d'évaluer l'efficacité des dépenses fiscales non chiffrées ou vraisemblablement peu utilisées et de les supprimer si nécessaire, en s'assurant qu'elles ne cachent pas un fantôme. Ce travail a déjà commencé. En 2019, le Parlement a adopté, après l'avoir enrichi, un article de suppression et de rationalisation des dépenses fiscales inefficientes : seize dépenses fiscales ont ainsi été supprimées. Ce travail va continuer dans le PLF pour 2020. C'est un chantier important que le Gouvernement et le Parlement doivent mener main dans la main. Dans le même temps, le Gouvernement, avec l'inspection générale des finances, travaille à un programme pluriannuel d'évaluation des dépenses fiscales.
La deuxième proposition concerne le bornage dans le temps de certaines dépenses fiscales. Nous avons avancé sur ce sujet dans les dernières lois de programmation des finances publiques : plus d'un quart des dépenses fiscales sont désormais bornées dans le temps, en nombre et en montants. Nous pouvons toutefois aller plus loin. Nous sommes donc favorables à votre proposition et allons réfléchir aux moyens de la concrétiser rapidement. Nous ne pouvons plus nous permettre de reconduire les yeux fermés des dispositifs qui ne sont pas efficaces ou pas utilisés. À défaut d'une modification de la LOLF, ce principe pourrait tout à fait s'inscrire dans le cadre d'une nouvelle révision de la loi de programmation. Le Gouvernement travaille actuellement à proposer au Parlement, dans le cadre des textes financiers de fin d'année, un dispositif de gouvernance renforcée des niches, qui pourrait se traduire par une généralisation du principe de bornage et la mise en oeuvre d'un programme pluriannuel d'évaluation, comme je l'ai déjà évoqué.
Je ne peux pas laisser dire ça et là que des dépenses fiscales comme le crédit d'impôt recherche n'ont pas fait l'objet d'évaluation. Ce dispositif a été assez largement évalué non seulement par la Cour des comptes mais également par France Stratégie et le Conseil d'analyse économique – je m'arrête là.
J'aimerais appeler votre vigilance sur deux points.
Premier point, les dépenses fiscales ne devront pas être traitées de manière uniforme. Les délais d'évaluation doivent être adaptés à chaque dispositif, pour ne pas réduire leur efficacité. J'ai eu l'occasion de lire des évaluations effectuées dans la précipitation, avec des méthodes peu rigoureuses, aboutissant à des conclusions assez fragiles techniquement. Si nous prenons des décisions sur le fondement de telles évaluations, nous risquons de nous tromper lourdement.
Deuxième point, il ne faudra pas créer d'instabilité fiscale. L'instabilité est dangereuse pour la croissance et l'investissement des entreprises. Les entreprises et les investisseurs ont besoin de stabilité. Or l'instabilité législative et fiscale est un sport très français, dont nous devons collectivement – j'insiste sur ce mot – nous en défendre.
Concernant votre troisième proposition, j'émettrai des réserves. Vous suggérez d'inscrire dans la loi organique le principe d'évaluation des dépenses fiscales. Je n'ai rien contre l'esprit de cette proposition mais je précise que l'évaluation préalable est déjà une exigence de la loi organique pour toutes les mesures législatives. La demande d'un niveau d'évaluation plus approfondi pour les dépenses fiscales ne paraît pas justifiée. De plus, la LOLF mentionne déjà l'évaluation des dépenses fiscales dans le contenu des rapports annuels de performance, les RAP.
Je comprends également que vous jugez nécessaire d'associer plus étroitement les ministères « métier », tant en amont que dans la phase de pilotage et d'évaluation. Je tiens tout d'abord à vous rassurer : la prise de décision gouvernementale ne se dispense jamais du processus interministériel.
La discussion des budgets, chaque année, avec les ministères porte sur les décisions à prendre mais aussi sur l'évaluation des mesures déjà prises pour savoir s'il est nécessaire de faire bouger les curseurs. Le pilotage budgétaire global est assuré par le ministère de l'économie et des finances ainsi que par le ministère de l'action et des comptes publics. Mais cette centralisation ne signifie pas que Bercy décide et évalue seul : la décision est collective, sous la direction du Premier ministre, et les responsables de programme, qui relèvent bien des ministères « métier », jouent un rôle de pilotage essentiel en matière budgétaire mais également sur les dépenses fiscales qui leur sont rattachées.
Vous évoquez en outre les conférences budgétaires et fiscales, qui sont en effet un bon exemple de travail interministériel efficace. Vous voulez rendre publics les comptes rendus de ces conférences. Or, ces discussions relevant très directement du travail préparatoire du Gouvernement en amont du projet de loi de finances, je pense qu'elles n'ont pas vocation à être rendues publiques.
Le Gouvernement se doit de justifier ses choix, d'en détailler les impacts et d'en définir les objectifs : c'est très précisément l'objet des études d'impact qui accompagnent chaque article du texte initial du PLF et de l'ensemble des documents budgétaires qui s'y ajoutent. Mais je le note et j'en prends acte, sans aucun doute pouvons-nous améliorer encore l'information du Parlement. Selon moi, tel est l'enjeu actuel.
Enfin, vous souhaitez une meilleure évaluation qualitative. Nous allons réfléchir aux moyens dont nous disposons et à la forme que celle-ci pourrait prendre. Je ne suis pas certaine que l'annexe « Voies et moyens » soit le support adapté, car il s'agit d'un document de chiffrage indispensable. Il existe des indicateurs de performances associés aux missions, dans les projets annuels de performance notamment, qui évaluent tant l'efficacité que l'articulation entre les dépenses et l'objectif d'intérêt général. Là encore, bien que les supports existent, je pense, comme vous, que nous disposons de marges d'amélioration, notamment si nous devons expliciter notre politique de la manière la plus concrète possible à l'intention des Français. Un grand nombre de documents annexés accompagnant le PLF contiennent de précieuses informations en matière d'évaluation. Sans doute faut-il encore en améliorer la lisibilité.
Vous l'aurez compris, nous partageons sans réserve les objectifs ambitieux que vous exposez dans votre proposition de résolution et nous sommes disposés à travailler avec vous autant que nécessaire pour les atteindre. Je réitère donc l'avis favorable du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-I.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 73
Contre 0
La proposition de résolution est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-I ainsi que sur certains bancs du groupe LR.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Laurent Saint-Martin et plusieurs de ses collègues visant l'amélioration des modalités de contrôle budgétaire par le Parlement (no 2017).
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La création du Printemps de l'évaluation, l'an dernier, en 2018, a permis au Parlement de s'approprier davantage la culture de la performance, de l'évaluation et de la responsabilité en matière budgétaire. Jamais auparavant, les ministres n'avaient dû défendre les résultats de leur administration devant le Parlement.
Plus nous contrôlons, plus nous sommes en mesure de peser, en amont, sur les arbitrages budgétaires rendus par le Gouvernement. C'est le sens des propositions de résolution que nous examinons cette semaine. Mieux nous évaluons les politiques publiques, plus l'autorisation de prélever l'impôt et d'engager les dépenses que nous donnons en décembre est éclairée. Plus le Parlement est fort, plus le consentement collectif à l'impôt et à la dépense que nous exprimons chaque année au nom des Français est respecté.
Rappelons-nous ce qu'était la pratique antérieure : le Parlement se désintéressait des résultats des politiques publiques et l'examen de la loi de règlement était un exercice de pure forme, expédié en à peine deux heures dans cet hémicycle. Je le dirai simplement : en refusant de s'approprier les pouvoirs de contrôle et d'évaluation dont ils s'étaient eux-mêmes dotés, le Parlement et les parlementaires s'étaient dessaisis de la matière fiscale et budgétaire.
Voilà la raison d'être du Printemps de l'évaluation : rendre au Parlement et aux citoyens les clefs de la fabrique de l'impôt et de la dépense publique.
Et pourtant, mes chers collègues, malgré les progrès notables accomplis, au regard de cette ambition, le compte n'y est toujours pas. Qui, hors du Parlement et de l'administration, sait à quelle aune nous mesurons l'efficacité ou l'échec de telle ou telle politique ? Quel est le sens des évaluations que nous effectuons lorsqu'elles ne portent que sur un fragment de politique publique ? Quelle est la valeur politique de nos conclusions lorsqu'elles sont approuvées par la seule majorité ? Pour être à la hauteur de ces enjeux, nous devons faire évoluer encore et encore nos pratiques.
Notre premier objectif est de permettre aux Français de s'approprier pleinement les conclusions de nos évaluations, donc les termes du débat fiscal et budgétaire, car notre véritable responsabilité est d'éclairer non pas les seuls commissaires aux finances, mais bien l'ensemble des Français. Or les indicateurs de performance restent encore trop abstraits, trop foisonnants, trop complexes pour que le citoyen s'en saisisse. Aussi je propose que leur nombre soit réduit, leur formulation revue, leur pertinence améliorée, et que le Parlement soit associé à leur révision.
Notre deuxième objectif est de nourrir davantage l'évaluation en suivant plus précisément les autorisations d'engagement et les crédits de paiement en cours d'exercice. Jusqu'à présent, l'évaluation s'apparentait à un sprint ; nous devons la transformer en véritable course de fond.
Notre troisième objectif est de renforcer la pertinence de l'évaluation. Nous avons encore trop tendance à mener nos travaux en ordre dispersé, chaque parlementaire s'intéressant au périmètre correspondant à son rapport spécial. Cela ne permet pas d'apprécier concrètement les résultats de certaines politiques publiques, qui dépassent le périmètre des seuls ministères ou des missions budgétaires. Je pense par exemple à la lutte contre le terrorisme, qui implique quatre ministères : l'intérieur, la justice, les armées et Bercy, au travers des douanes. Bien sûr, chaque rapporteur spécial pourrait évaluer l'efficacité de la lutte antiterroriste dans son seul champ de responsabilité. Mais quel sens cela aurait-il ? Que pourraient nous dire des conclusions, par nature partielles, de l'efficacité globale des moyens employés pour protéger les Français de la menace terroriste ? Aussi, avec mes collègues Nadia Hai, Romain Grau et Olivier Gaillard, mais aussi avec des membres de l'opposition, avons-nous proposé d'évaluer ensemble la politique antiterroriste dans sa globalité. Voilà un exemple transpartisan et trans-missions de l'évaluation des politiques publiques que nous devons mener.
Notre quatrième objectif est de faire de l'évaluation un moment de vérité politique. Les rapporteurs spéciaux de la majorité et de l'opposition évaluent, chacun de leur côté, les missions de leur rapport spécial. Cette logique, je crois, dessert la qualité et la visibilité des travaux d'évaluation que nous menons. Pour la première fois, cette année, le président de la commission des finances publie un rapport qui reprend les principales observations du Printemps de l'évaluation, et je l'en remercie. Je propose que nous allions plus loin, en tentant d'associer l'opposition aux travaux conduits en la matière par la majorité dans le cadre de la commission des finances. C'est un acte de confiance. C'est aussi un appel à la responsabilité : l'évaluation doit être politique ; elle ne saurait être politicienne.
Alors, oui, mes chers collègues, osons faire usage de nos propres pouvoirs ! Osons sortir le Parlement de l'état de minorité où il s'est lui-même placé !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
J'irai dans le même sens que le rapporteur spécial Laurent Saint-Martin. Le Printemps de l'évaluation est une bonne chose, je le dis sans appliquer la méthode Coué.
Je pense réellement que nous sommes sur un chemin de progrès. On le constate en lisant ces propositions de résolution, qui me semblent mieux écrites et mieux ciblées que celles, déjà excellentes, de l'an dernier. Les rapporteurs spéciaux ont conduit, cette année, un travail d'évaluation plus clair et plus net, sans se cantonner à l'analyse des crédits budgétaires et de l'exécution budgétaire de 2018.
En outre, le travail sur les indicateurs servant à mesurer la performance a été mené de manière transversale. Nous avons demandé à chacun d'eux d'étudier la qualité et l'efficience des nombreux indicateurs de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. La MILOLF, mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF, dont M. Saint-Martin est d'ailleurs le rapporteur, nous permettra si nécessaire de modifier nos règles budgétaires, même celles concernant la LOLF.
Je suis sensible – je l'ai déjà dit hier – à l'idée que cet exercice consiste en une revue de la dépense publique, comme on dit. Tel est l'objectif, au fond, que nous poursuivons. Le rapport général proposera, à partir des rapports spéciaux, une synthèse de l'exercice, afin que l'évaluation des politiques publiques, abordée sur un plan général, soit ancrée à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Il résumera aussi, par grands types, les principales conclusions des rapporteurs spéciaux, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.
Car vous avez eu raison de le relever, monsieur le rapporteur spécial, cette démarche présente surtout l'intérêt d'être transpartisane. Cela signifie, non que l'on met son drapeau dans sa poche, mais que l'on essaie de rendre compte de manière objective de l'efficience de la dépense publique. J'apprécie du reste votre dernière proposition : associer l'opposition aux rapports spéciaux de la majorité. Au demeurant, pourquoi la majorité ne s'associerait-elle pas aux rapports spéciaux de l'opposition ? Ainsi, la boucle serait bouclée.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Cette proposition de résolution s'inscrit dans la logique de celle invitant le Gouvernement à prévenir et à corriger les sur-exécutions et les sous-exécutions des lois de finances, que nous avons examinée hier. Il s'agit en effet de réaliser une évaluation et un suivi approfondi des consommations. À ce titre, je suis déjà favorable à ce texte, comme j'ai soutenu celui qui nous a occupés hier.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, qui êtes aussi – cela vient d'être rappelé – , rapporteur de la MILOLF, votre souci que les rapporteurs spéciaux participent de manière efficace aux conférences de performance me semble extrêmement important. Cette logique s'exprime clairement dans la proposition de résolution.
Vous avez également indiqué qu'il fallait engager systématiquement des revues annuelles de dépenses, comme le font d'ailleurs la quasi-totalité des autres pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Le dispositif de performance n'est qu'un outil, qui, pour être efficient, doit être complété par des travaux de revue de dépenses, comme l'a rappelé la Cour des comptes.
Enfin, le travail d'évaluation des rapporteurs spéciaux gagnerait beaucoup, vous l'avez dit, si les groupes d'opposition y étaient associés. Le constituant de 2008 avait été très clair : le contrôle de l'action du Gouvernement est d'abord l'oeuvre de l'opposition. C'est la raison pour laquelle, étant alors dans l'opposition, j'avais voté pour ce texte constitutionnel. Cela m'avait valu de fortes amitiés, au point que j'ai dû quitter le Congrès de Versailles un peu plus rapidement que prévu… Fort heureusement, l'arrivée devant les caméras d'un député plus médiatique m'avait évité que cette séquence ne soit diffusée, le soir, au journal télévisé !
L'esprit de collaboration avec l'opposition doit prévaloir maintenant, dans le tournant politique que nous connaissons. Il est à l'oeuvre dans la proposition de résolution, sur laquelle j'émets donc un avis très favorable.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je suis un nouvel élu et, depuis le début de mon mandat, je dois vous confier que, s'il y a un a priori que ces deux dernières années ont confirmé dans mon esprit, c'est que nous avons collectivement un véritable talent pour légiférer quantitativement. Nous envisageons la loi comme solution à tout ou plutôt, de façon récurrente et systématique, une nouvelle loi comme solution aux derniers défis auxquelles la force des choses nous confronte. En résulte une sédimentation spectaculaire qui fait souvent office de sable mouvant pour le pauvre hère qui risquerait de s'y aventurer.
C'est, entre autres, ce constat qui nous amène à soumettre à votre examen cette proposition de résolution. Une véritable amélioration du contrôle budgétaire et de l'évaluation, c'est la promesse d'une plus grande efficacité et d'un véritable toilettage budgétaire, à même de solidifier ce sable sur lequel nous marchons tous les jours.
L'année dernière, les efforts investis dans le Printemps de l'évaluation ont permis d'avancer sur le volet contrôle. Cette année, nous aurons une vigilance particulière pour le volet évaluation.
L'exercice d'évaluation qui nous occupe depuis plusieurs mois doit devenir une habitude et rapidement, je l'espère, un réflexe. Il s'agit d'honorer avec responsabilité les deuxième et troisième versants constitutionnels de notre mandat : contrôler le Gouvernement et à évaluer les politiques publiques.
Le renforcement de notre mission de contrôle est une étape vers le rétablissement de la confiance que nous sollicitons tous les jours de nos concitoyens. Il doit permettre à notre chambre de devenir une véritable instance de contrôle, exigeante et sincère, pour nous rendre enfin conscients de nos forces et de nos faiblesses. La proposition aboutissant à ce que le Printemps de l'évaluation devienne une revue annuelle des dépenses peut concourir à cet équilibre.
Cette revue annuelle est également une occasion, trop rare selon moi, de nous affranchir des différends politiques qui nous rassemblent ici, et qui s'expriment avec vigueur lors de la création de la loi, pour travailler collectivement à l'amélioration de sa mise en oeuvre. Sur ce plan, la recommandation de mieux associer l'opposition prend tout son sens, particulièrement dans notre commission, présidée à juste titre par l'opposition.
Je ne répéterai pas ce qu'a pu dire avec un bien plus grand talent et même brio mon collègue Saint-Martin, et me concentrerai sur un axe précis : la révision des indicateurs de performance en concertation avec le Parlement. Cette exigence, formulée dans la proposition de résolution, contient une triple ambition : pour le législateur, penser une mesure dans toutes ses dimensions, mais aussi dans le temps ; pour les administrations, se faciliter la tâche en calibrant des modus operandi analysables, révisables et quantifiables ; pour les citoyens, s'approprier le contrôle des finances publiques, dont ils sont l'alpha et l'oméga.
Disposer de ces indicateurs est indispensable pour la bonne conduite des politiques publiques, car comment diriger et contrôler une administration, comment suivre la performance sans critères d'évaluation ? Demandons à notre rapporteur général, qui est montagnard, si un alpiniste peut escalader un pic sans points d'ancrage auxquels attacher ses mousquetons.
Sourires.
C'est la même chose pour un rapporteur spécial : il lui faut s'appuyer sur des indicateurs solides et fiables pour accomplir sa mission.
Le président Chassaigne notait hier que la majorité était obnubilée par le mot « rationalisation ». Je suis, j'en conviens, du pays de Descartes, et, peut-être à tort, je m'évertue, tant bien que mal, à rendre l'action conforme à la raison. En octobre dernier, après un travail d'évaluation exhaustif, 38 millions d'euros de dépenses fiscales dont l'origine, l'objet et les destinataires avaient été perdus depuis les années 1970, ont été annulés dans le périmètre de mon rapport spécial. Ce sont autant d'euros rendus au contribuable français. Avançons sur ce sujet comme sur celui des niches fiscales : écartons les tabous, soyons audacieux, évaluons !
Je profite également de cette excellente occasion, madame la secrétaire d'État, pour rappeler une demande faite depuis plusieurs mois à votre cabinet au sujet des indicateurs de performance, relative au temps de réponse de la DLF – la direction de la législation fiscale – , aux questions des parlementaires. La capacité à obtenir ces données est la condition sine qua non d'une évaluation de qualité.
Avec cette proposition de résolution, il s'agit de s'approprier la culture du contrôle et de l'évaluation, pour que les prochains textes budgétaires soient vertueux, lisibles et efficaces. C'est pourquoi le groupe La République en marche votera pour.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous voici à la deuxième édition du Printemps de l'évaluation. Il me semble important de rappeler que nous devons cet exercice inédit au président de la commission des finances, notre collègue Éric Woerth, qui a fortement oeuvré, évidemment soutenu par le rapporteur général, pour que ce temps de l'évaluation prenne davantage d'importance.
Auparavant, le sujet, on l'a dit, était traité de façon expéditive. Je rappelle que deux séances de la commission des finances publiques avaient suffi pour traiter la loi de règlement de l'année 2016 ! Depuis 2018, il s'agit non plus d'un simple débat de comptables, mais d'une occasion de demander des comptes au Gouvernement sur l'atteinte des objectifs fixés dans le budget initial et évidemment sur le bon emploi des ressources publiques. Cette nouvelle procédure a suscité l'adhésion sur tous les bancs de notre assemblée. Les auditions ont mobilisé l'ensemble des commissions permanentes, ce qui a conforté l'ambition du Parlement de se saisir de sa mission d'évaluation. Mais cette démarche doit-elle en rester là ?
Ainsi qu'il est indiqué dans la proposition de résolution, il convient d'améliorer le dispositif de performance et d'intensifier le rapport coûtefficacité de la dépense publique. Ce nouveau temps fort doit être, pour le Parlement, l'occasion de mettre l'accent sur les résultats du contrôle et de l'évaluation.
Lors de son audition en commission des finances, Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques et premier président de la Cour des comptes, a rappelé son soutien à l'initiative du Printemps de l'évaluation, qui permettra, à terme, à la loi de règlement de devenir une véritable « loi de résultats » et ainsi un temps fort de l'évaluation et du contrôle parlementaires.
Il a cependant relevé que le resserrement du calendrier de dépôt du projet de loi de règlement pose quelques difficultés. En effet, la réalisation des travaux de la Cour des comptes dépend évidemment de la complète disponibilité des éléments d'informations statistiques, budgétaires et comptables fournis par les services du ministère de l'action et des comptes publics, pour procéder au contrôle et à la certification. Or, il faut le reconnaître, madame la secrétaire d'État : ces données arrivent de plus en plus tard.
J'en viens à un axe développé lors de son audition par le premier président de la Cour des comptes, qui a un intérêt tout particulier à l'examen de cette proposition de résolution puisqu'il déplore la complexité croissante et le manque de lisibilité du budget de l'État. À ce sujet, son constat est sévère : « la dépense de l'État constitue un agrégat hétérogène, peu lisible et instable. Il est extrêmement complexe – sinon parfois impossible – de parvenir à en délimiter précisément les contours et à en apprécier les évolutions ». Tout est dit !
Le premier président a en outre indiqué que les crédits budgétaires ne correspondaient qu'à une partie du financement des politiques publiques, qui passe aussi par l'affectation de taxes dédiées et par un recours croissant aux fonds sans personnalité juridique. Il estime aussi fort légitimement que ces contournements portent atteinte à la cohérence du cadre budgétaire et limitent la capacité du Parlement à appréhender dans leur globalité les enjeux financiers associés à l'action de l'État. Il propose évidemment quelques pistes pour améliorer la performance du dispositif, et je pense que nous pourrions et devrions nous en inspirer : il suggère de mieux distinguer les objectifs stratégiques, de niveau politique, et les objectifs de gestion fixés aux responsables de programmes ; il invite à conduire des revues de dépenses et des évaluations de politiques publiques de façon régulière et selon un programme prévu dans la loi de programmation des finances publiques ; enfin, il conseille de rendre de vraies marges de gestion aux responsables de programme – j'y insiste – , en leur redonnant des perspectives de moyen terme par un renouveau des dispositifs de contractualisation et de fongibilité, notamment asymétrique. On pourrait ainsi renouer enfin avec l'esprit initial de la LOLF, hélas largement perdu – et je dois dire, en tant qu'ancien responsable de programme, que si cela fut le cas, madame la secrétaire d'État, ce fut souvent à cause de Bercy.
Dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, on insiste sur le fait que le volet qualitatif de l'évaluation reste insuffisamment développé. C'est exact. Toutefois, il serait bon que les indicateurs de performance donnent lieu à un véritable débat. Si l'association des rapporteurs spéciaux de la commission des finances aux conférences de performance peut être un premier pas, il faudrait aussi s'assurer que la définition des indicateurs de performance pour chacun des programmes ne soient pas l'apanage de l'exécutif, qu'ils soient véritablement coconstruits avec le Parlement, que celui-ci puisse prendre l'initiative d'en proposer et qu'aucun ne change sans que cela ait été validé par les commissions des finances des deux chambres. Autant de pistes pour améliorer notre évaluation, la faire sortir du champ technique et lui donner toute sa place dans l'espace politique.
Malgré ces lacunes regrettables, la proposition de résolution comporte des avancées certaines. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Que nous demandent les Françaises et les Français ? Des comptes. C'est bien ce que faisait Jacline Mouraud en s'exclamant : « Qu'est-ce que vous faites du pognon ? » Or c'est à l'Assemblée nationale, plus généralement au Parlement, d'apporter des réponses à cette question.
De ce point de vue, la proposition de résolution de Laurent Saint-Martin va dans le bon sens. Nous la soutiendrons pleinement, parce qu'elle apporte à la question de l'évaluation des réponses à plusieurs niveaux.
Pour ce qui concerne l'administration, d'abord, la question des indicateurs de performance s'avère essentielle. Ce sont en effet eux qui vont responsabiliser et guider les gestionnaires de programme et permettre ensuite aux évaluateurs, dont le Parlement, de vérifier que les objectifs ont bien été atteints. Il est donc fondamental que les indicateurs de performance soient de qualité et l'association des parlementaires à leur définition est une très bonne chose.
Le Parlement doit, pour sa part, adopter pleinement la culture de l'évaluation, à travers la montée en puissance de celle-ci dans toutes les instances qui la pratiquent. Le Printemps de l'évaluation, nouvelle séquence inaugurée l'année dernière, est une très bonne chose car elle ouvre à l'Assemblée nationale une période de deux semaines au cours de laquelle les ministres viennent défendre l'exécution de leur budget, ce qui permet aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances de travailler tant sur les aspects budgétaires que sur l'efficacité des politiques publiques dont ils ont la charge. Dans ce domaine, les propositions formulées dans ce texte nous satisfont pleinement.
La société civile aurait pu elle aussi être associée à la proposition de résolution. Elle l'est, d'une certaine manière, dans l'exposé des motifs, par l'intermédiaire des indicateurs de performance. Il est vrai qu'un indicateur de performance devrait pouvoir être compris par n'importe lequel de nos concitoyens, afin que chacun puisse se réapproprier la gestion budgétaire et l'évaluation de son efficacité.
L'un des points que je trouve particulièrement intéressant dans ce texte, c'est la bascule d'un objectif gestionnaire vers un objectif politique. Trop souvent, les parlementaires se sont délestés de leur mission d'évaluation des politiques publiques sur la Cour des comptes, laquelle applique une grille de lecture gestionnaire. C'est son métier, et c'est absolument indispensable, mais il revient aux parlementaires d'adopter une approche plus politique, puisque certaines des politiques publiques n'entrent pas exactement dans le cadre des programmes et missions budgétaires de l'État.
Je souhaite saisir l'occasion afin de faire un peu de publicité pour le travail que j'ai réalisé avec Alexandre Holroyd dans le cadre du Printemps de l'évaluation. Nous nous sommes intéressés à la politique publique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, bon exemple de politique publique n'entrant absolument pas dans le cadre de la comptabilité publique de l'État. En effet, une reconduite à la frontière, qu'il s'agisse d'une mesure coercitive ou d'un retour aidé, mobilise à la fois des juges, administratifs et judiciaires, des policiers, des gendarmes et des fonctionnaires de l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cette politique étant gérée par plusieurs administrations en même temps, il est très difficile d'en reconstituer le coût. C'est pourtant l'exercice auquel nous nous sommes livrés, avec Alexandre Holroyd : nous avons dû rapprocher des données provenant de huit programmes et de cinq missions budgétaires différents, mais nous avons abouti au chiffrage de cette politique, chose qui était peu connue jusqu'alors. Il faudrait que nous puissions, aussi souvent que possible, adopter au Parlement une telle méthode d'évaluation des politiques publiques.
Je souhaite aussi saisir l'occasion pour vous exprimer mon inquiétude, madame la secrétaire d'État. Dans les articles 6 et 9 du projet de loi constitutionnel qui nous avait été soumis l'été dernier, la fonction d'évaluation du Parlement avait été préservée, voire renforcée. L'article 6, notamment, consacrait le principe du Printemps de l'évaluation, lequel, à ce jour, relève encore de l'expérimentation. Je m'inquiète de ne pas avoir retrouvé, dans la nouvelle version du projet de loi constitutionnel, le contenu de cet article 6, qui prévoyait d'inscrire dans la Constitution que, chaque année, les ministres viennent défendre l'exécution de leur budget devant la commission des finances. Je souhaite vivement qu'il y réapparaisse ; ce serait la meilleure manière de consacrer une expérimentation qui, à mon sens, est réussie.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés apportera un soutien ferme à la proposition de résolution de Laurent Saint-Martin.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il nous revient de dresser le bilan de la seconde édition du Printemps de l'évaluation et de tracer les perspectives d'amélioration de cette séquence de contrôle et d'évaluation menée par l'Assemblée nationale.
Je le dis et le répète : nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, nous réjouissons de la mise en place du Printemps de l'évaluation, qui permet aux députés de disposer du temps et des moyens nécessaires au contrôle et à l'évaluation de l'exécution budgétaire. Quand cela va dans le bon sens, il ne faut pas hésiter à le dire, et c'est ce que je fais à cette tribune. J'observe d'ailleurs que la commission des affaires sociales s'est inspirée des travaux de la commission des finances, en lançant pour la première fois cette année ce qu'elle a appelé le « Printemps social de l'évaluation », axé sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Le Printemps de l'évaluation s'est décliné en dix-huit commissions d'évaluation des politiques publiques. Le groupe Socialistes et apparentés a abordé ces réunions de manière constructive. Néanmoins, je tiens à dire qu'il n'est pas toujours simple, pour un groupe de taille modeste comme le nôtre, d'analyser les milliers de pages que comptent les rapports annuels de performance et les analyses de l'exécution budgétaire, pour un temps d'expression assez réduit, puisqu'il n'est que de deux minutes.
Je veux aussi saluer le travail des deux rapporteures spéciales issues de notre groupe, à savoir Valérie Rabault, notre présidente, et Christine Pires Beaune, notre redoutable whip de la commission des finances.
J'insiste d'ailleurs sur le fait que, dans son rapport sur la mission budgétaire « Remboursements et dégrèvements », cette dernière a mis en évidence le fait que l'année 2018 s'était caractérisée par une explosion du nombre des contentieux perdus par l'État en matière d'impôt sur les sociétés : la loi de finances initiale avait prévu des décaissements résultant de contentieux unitaires à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 840 millions d'euros ; or, en réalité, ces décaissements se sont élevés à 3,23 milliards d'euros, soit une différence de 2,4 milliards d'euros ou, en pourcentage, une augmentation de 284 %. La Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2018, note que ces décharges exceptionnelles d'impôt sur les sociétés n'ont pas été anticipées par l'administration et elle reconnaît ne pas avoir identifié de causes spécifiques communes à cette évolution des contentieux unitaires à l'impôt sur les sociétés. Pour nous, députés socialistes, cela signifie que l'État n'a plus l'expertise juridique suffisante pour défendre ses intérêts en cas de contestation sur le montant d'impôt sur les sociétés à payer.
Autre résultat notable de l'évaluation, Valérie Rabault a eu l'occasion de souligner l'inutilité du fonds pour l'innovation et l'industrie, créé l'an passé par le Gouvernement, et l'erreur que constituerait la privatisation d'ADP. Elle a également relevé que les dividendes totaux perçus par l'État au titre de ses participations en 2018 sont les plus faibles depuis 2012 : ils se sont élevés à 2,5 milliards d'euros contre une moyenne de 3,8 milliards d'euros sur la période 2012-2017.
Enfin, pour mettre en perspective ce que je viens de dire, je vous rappelle qu'hier, dans le cadre du volet du Printemps de l'évaluation se tenant en séance publique, notre Assemblée a débattu de la proposition de résolution des députés socialistes pour « relancer un État en panne » – c'est ce que nous considérons – , dans laquelle nous avons repris plusieurs éléments que nous avions identifiés lors des CEPP, commissions d'évaluation des politiques publiques.
En conclusion, nous partageons les recommandations contenues dans la présente proposition de résolution et nous voterons pour.
Applaudissements sur les bancs de la commission.
Nous débattons, à l'occasion du Printemps de l'évaluation, de la proposition de résolution visant l'amélioration des modalités de contrôle budgétaire par le Parlement.
Je souhaiterais commencer mon intervention par un petit aparté. Notre rôle de contrôle est nécessaire, voire essentiel. Ce nouvel exercice qu'est le Printemps de l'évaluation doit nous permettre aussi de mieux communiquer avec nos concitoyens. Nous avons tous retenu, je crois, dans le cadre du grand débat national, le questionnement de nos concitoyens sur la bonne utilisation des deniers publics. Ce Printemps de l'évaluation nous donne l'occasion de contrôler et d'évaluer la gestion budgétaire et l'efficience de nos politiques publiques. Néanmoins, si nous voulons mieux communiquer sur ces questions, nous devons, pour notre part, faire preuve de pédagogie s'agissant du contrôle que nous exerçons et, pour cela, nous contraindre à davantage vulgariser et à simplifier notre langue budgétaire – si je puis utiliser cette expression.
J'en viens à la proposition de résolution déposée par nos collègues de la majorité. Je tiens à les remercier – notamment le rapporteur spécial, Laurent Saint-Martin – , d'avoir choisi ce sujet, car cela me paraissait effectivement nécessaire.
Nous pouvons certainement partager un premier constat : l'envie partagée, sur l'ensemble des bancs de l'hémicycle, de nous saisir pleinement de notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement. Peut-être le non-cumul de mandat a-t-il cette vertu de permettre aux députés de se saisir désormais de ce rôle, au-delà de leur fonction première de législateur.
Les autres constats, que nous partageons, sont ceux qui justifient pleinement cette proposition de résolution.
Le premier est celui d'un déficit d'évaluation ex post des politiques publiques, ce qui, finalement, provoque leur instabilité. Sans évaluation au fil de l'eau, il est beaucoup plus difficile d'adapter et de faire évoluer nos politiques publiques au regard des objectifs initiaux et de ceux qui ont été réellement atteints. Les changements de politique sont donc souvent brutaux ; ils consistent en de grandes réformes, votées tous les cinq ans, plutôt qu'en de simples adaptations aux besoins de la société.
Ensuite, les indicateurs de performance sont trop nombreux et parfois inadaptés aux objectifs de qualité, d'efficacité et d'efficience qu'il nous revient d'évaluer. Cela tient sûrement, d'ailleurs, à ce que les objectifs de politique publique sont peu ou mal formulés initialement. La logique de performance appelle en effet la construction, de la part du Gouvernement mais aussi du Parlement, d'indicateurs utiles et efficaces.
Fort de ces constats, le groupe UDI-I soutient la proposition de résolution présentée par la majorité car elle vise pleinement à mieux associer le Parlement à l'évaluation des politiques nationales, notamment par une révision régulière des indicateurs de performance. Nous soutenons également l'idée que le Printemps de l'évaluation aboutisse à un exercice de revue annuelle des dépenses dépassant le cadre des missions budgétaires.
Pour autant, je crois que le présent texte aurait pu être plus ambitieux.
D'abord, il aurait pu doter le comité d'évaluation et de contrôle de notre assemblée d'un véritable rôle et de véritables moyens, notamment dans cette phase de contrôle budgétaire.
Ensuite, afin d'affirmer ce contrôle, nous aurions pu inscrire les commissions d'évaluation des politiques publiques dans le règlement de notre assemblée, afin de les institutionnaliser et de garantir leur organisation.
Enfin, question cette fois interne à notre assemblée, le renforcement des moyens humains paraît nécessaire. Les administrateurs doivent parfois accompagner trois à quatre rapporteurs spéciaux, en plus de leur travail sur les textes examinés en commission ou en séance.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les chantiers pour améliorer le contrôle budgétaire par le Parlement sont multiples. Certains sont simples à mettre en oeuvre, d'autres, beaucoup moins. Nous avons donc besoin de toutes les bonnes volontés pour assurer la pleine efficacité de ce contrôle, car c'est aussi une condition pour redonner du sens aux choix politiques.
Cette proposition de résolution est un premier pas, notamment en matière de relations de travail entre le Gouvernement et le Parlement. C'est pourquoi les députés Agir, les députés UDI et les députés indépendants, au sein de notre groupe, voteront pour.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et de la commission.
Le Printemps de l'évaluation est une innovation expérimentée l'année dernière, et nous en avons achevé la deuxième édition il y a quelques semaines. Certes, il permet de renforcer le pouvoir de contrôle budgétaire de notre assemblée – principe inhérent à toute démocratie et inscrit à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – , mais, pour citer la sagesse populaire, « l'hirondelle ne fait pas le printemps » : cet exercice, j'y reviendrai, mériterait en effet d'être amélioré.
Le pouvoir dont il est question est aujourd'hui scindé en deux, entre ce que l'on pourrait appeler un « automne de l'autorisation » – l'examen du projet de loi de finances initiale – et le Printemps de l'évaluation. Mais il ne faudrait pas confondre le contrôle de l'exécution de l'exercice précédent avec le débat que nous avons sur le projet de loi de finances de l'année n+1.
Les dispositions de l'un et de l'autre n'ont rien de commun puisqu'elles ne portent pas sur le même exercice annuel. Cependant, elles permettent d'améliorer les autorisations budgétaires pour les mettre plus en phase avec les réalités, grâce aux évaluations de l'exercice précédent fournies au Parlement. C'est un cercle vertueux.
Il s'agit avant tout d'une pratique politique du Parlement, grâce à laquelle il peut faire usage, dans une logique constructive, de sa faculté de contrôler et d'évaluer en dépassant le fait majoritaire. Cette fonction est essentielle au bon fonctionnement de nos institutions. En effet, seul le processus budgétaire est capable d'encadrer et d'éclairer des choix de gouvernance et de politique d'une manière concrète et réaliste, dans chacun des domaines.
Le projet de loi de règlement, instrument privilégié du contrôle budgétaire pendant l'exercice n+1, a toujours été examiné rapidement, parfois en quelques heures seulement, et il n'a jamais atteint l'objectif affiché dans la LOLF. Je demeure convaincu que le Parlement ne s'est pas encore totalement saisi de toutes les possibilités offertes par ce texte.
Parallèlement, nous estimons que le printemps de l'évaluation doit être renforcé pour devenir un véritable moment de vérité et être plus visible encore. L'une des pistes, à cet égard, est d'associer plus étroitement les groupes minoritaires et d'opposition. En effet, seules deux minutes d'intervention leur ont été accordées pour exprimer leurs avis et poser leurs questions sur l'exécution du budget. Comment croire que deux minutes suffisent pour balayer le champ d'une ou de plusieurs missions, pour savoir si l'autorisation parlementaire a été respectée, si l'exécution a été conforme à la prévision ou si le schéma d'emploi a été correctement exécuté ?
En l'état actuel des choses, on ne va pas assez loin dans la logique constructive que chacun appelle de ses voeux. Sans cette logique, aucun vrai débat politique ne sera possible, au cours de l'évaluation, sur le bien-fondé des choix budgétaire du Gouvernement, les alternatives possibles ou la cohérence des lignes d'action entreprises dans les différentes missions et programmes. C'est la raison pour laquelle le groupe LT approuve le quatrième point de cette proposition de résolution.
En outre, les rapporteurs spéciaux se sont souvent bornés à l'examen de la sincérité du budget, sans évaluer ni le rapport entre les moyens engagés ni l'atteinte des objectifs politiques fixés, et n'ont pas davantage interrogé les indicateurs des rapports annuels de performance.
Par ailleurs, je ne puis évoquer la mission de contrôle budgétaire du Parlement sans évoquer aussi le maintien des processus de gestion dérogatoire, comme les fonds sans personnalité juridique. En effet, ces derniers, qui ne sont pas mentionnés dans le budget de l'État, sont donc soustraits, totalement ou partiellement, à l'examen du Parlement et à son autorisation, principe pourtant essentiel de la démocratie parlementaire. Je pense, par exemple, au fonds pour l'innovation et l'industrie. Cela va à l'encontre des principes classiques d'unité et d'universalité budgétaires, dont on retrouve les prémices dès la Restauration, de 1814 à 1830.
Une révision semble nécessaire pour supprimer cette zone de flou budgétaire : il faudrait choisir clairement, selon les cas, entre une intégration au budget de l'État ou une véritable délégation à des opérateurs. Comme le disait Eugène Pierre, « dépenser sans loi, c'est voter l'impôt ».
M. Joël Giraud, rapporteur spécial, applaudit.
Pour illustrer la faiblesse des pouvoirs du Parlement en matière budgétaire, un ancien Premier ministre, Laurent Fabius pour ne pas le nommer, avait dit : « Le poids de l'initiative budgétaire du Parlement au regard du budget de l'État équivaut à celui du prix de l'enjoliveur d'une voiture au regard de l'ensemble du véhicule. »
Certes, aux termes des articles 24 et 44 de la Constitution, nous, représentants du peuple, votons la loi, contrôlons l'action du Gouvernement, évaluons les politiques publiques et disposons d'un droit d'amendement. Cependant, en matière budgétaire, le Parlement est véritablement corseté par les dispositions de l'article 40 de notre norme fondamentale, qui nous empêche de proposer des dépenses budgétaires.
Il nous est ainsi impossible de proposer l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires, impossible de renforcer les effectifs de l'éducation nationale, impossible de définir une véritable politique écologique. Impossible ! En clair, nous sommes mis dans l'incapacité de définir les moyens qu'il conviendrait de mobiliser pour mettre en oeuvre des politiques publiques. Cela limite sacrément nos pouvoirs ! Pour reprendre la comparaison de mon camarade président Chassaigne, nous avons à notre disposition une sorte de couteau de Lichtenberg, c'est-à-dire un couteau sans lame, auquel ne manque que le manche.
Sourires.
Voilà qui symbolise bien les équilibres – ou plutôt les déséquilibres – institutionnels de la Ve République, qui consacre la prédominance de l'exécutif et la verticalité du pouvoir, réduisant le Parlement, dans le meilleur des cas, à un rôle de contrôle et, au pire, à n'être qu'une chambre d'enregistrement.
L'impuissance parlementaire est donc consacrée au sommet de notre ordre juridique, ce qui est profondément rétrograde sur le plan démocratique. Il nous faut tourner au plus vite la page de la Ve République pour donner de véritables pouvoirs au peuple et à ses représentants.
Cet article 40, ce verrou, avait pour objectif de rationaliser les parlementaires, qui seraient par essence dépensiers. Force est de constater, au vu de l'état de nos finances publiques, que la vertu n'est pas dans le camp de l'exécutif. Pourtant, Bercy garde encore et toujours la main, non seulement pour la gestion des recettes et des dépenses, mais aussi pour l'expertise.
Sur ce dernier aspect, on perçoit néanmoins un frémissement du côté de l'Assemblée nationale. Les compétences des agents du secrétariat de la commission des finances sont un point d'appui essentiel, bien entendu. Nous allons disposer de moyens techniques complémentaires. De plus, le rôle de la Cour des comptes évolue, au service de l'Assemblée.
Mais le déséquilibre institutionnel est tel qu'un bond qualitatif puissant est nécessaire pour que le Parlement s'affirme véritablement comme un pouvoir en matière budgétaire. Le Printemps de l'évaluation poursuivait un objectif louable. Sa mise en oeuvre l'an dernier puis sa confirmation cette année nous laissent toutefois perplexes. Cette séquence relègue un groupe comme le nôtre à la marge et ne lui donne que des prérogatives riquiqui : deux minutes de temps de parole pour chaque mission – soit, à titre d'exemple, 300 millions par seconde pour porter un jugement sur les crédits du ministère de la défense – et un seul poste de rapporteur spécial. Ce sont là, tout le monde en conviendra, de bien maigres pouvoirs.
Cette répartition des postes et du temps de parole est d'autant plus discutable que l'essentiel des postes de rapporteur spécial sont accordés à la majorité. Très concrètement, cela signifie qu'il revient à la majorité d'évaluer l'action de son Gouvernement.
Si l'on souhaite une véritable évaluation des politiques publiques, si l'on souhaite que le Printemps de l'évaluation ne soit pas qu'un simple exercice d'auto-satisfecit mais un vrai « moment de vérité », comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial, il faudra confier à l'opposition davantage de responsabilités en la matière. C'est cela, une démocratie moderne ; sur cette question particulière, il semble que vous en preniez conscience.
Pourtant, à cet égard, le chemin emprunté par la réforme du règlement, adoptée il y a deux semaines à l'issue d'un débat loin d'être serein, est particulièrement inquiétant et ne présage pas d'une reconnaissance de nouveaux droits à l'opposition. Sachez, mes chers collègues, que le groupe GDR est et restera disposé à discuter avec celles et ceux qui sont attachés à la qualité du débat démocratique et à l'expression de la pluralité dans cette enceinte. Nous ne nous opposerons donc pas à cette proposition de résolution.
Sourires.
Cette proposition de résolution est bien entendu alléchante. Qui d'ailleurs, parmi nous, y regarderait à deux fois ? Néanmoins, je n'y crois pas du tout, hélas. Pourtant, vous êtes certainement sincère, madame la secrétaire d'État, car vous n'avez pas encore atteint l'âge où on ne l'est plus ; mais cela ne m'empêche pas de ne pas croire en ce texte.
Je le disais tout à l'heure : en France, l'État est à la fois un symbole et un outil, auquel les Français sont bien sûr très attachés. Il faut toutefois reconnaître que, depuis une trentaine d'années, il n'est plus ni l'un ni l'autre : nous nous sommes éloignés du fonctionnement normal de notre République – dont on a dit pis que pendre, alors qu'elle est la seule au monde à permettre au Président de rester à la tête du pays pendant un épisode comme celui des gilets jaunes, ce qui est la marque d'une Constitution en béton armé ! Nous avons donc connu des déviations…
Si le Président nouveau, issu d'un rêve, d'un fantasme – réunir les meilleurs à droite, au centre et à gauche pour enterrer définitivement le vieux monde – , avait dit « je reconstruis l'État, j'en fais de nouveau un symbole et un outil », et s'il s'en était expliqué à la télévision d'abord, devant les chambres ensuite, en donnant mission aux députés d'organiser des débats, sur leurs territoires, à propos du rôle du Parlement et de ses capacités de contrôle, j'aurais peut-être pu y croire. Mais je n'ai rien entendu sur les raisons de la dette de la France. D'où vient que nous soyons endettés à ce niveau ? Où sont les cathédrales, les arcs de triomphe, les grands projets fulgurants comme ceux qui ont été menés il y a quarante ou cinquante ans ? Il n'y a rien, rien, sinon une soumission totale aux États-Unis ; bien sûr, on ne le laisse pas croire, on donne le change, mais nous fonctionnons comme eux. Voilà.
Vous vous souvenez certainement avec quel acharnement nous avons interrogé les ministres et secrétaires d'État successifs qui vont ont précédée, madame la secrétaire d'État, pour savoir ce qu'il en était du projet d'accord de libre-échange avec le Canada, et comment votre prédécesseur, sous la dernière législature, nous disait : « Je ne peux rien répondre, car la France n'est au courant de rien ; cette affaire est conduite directement par l'Europe » ! Que je sache, nous faisons partie de l'Europe… Moi-même, j'ai obtenu cette réponse. Cela ne nous a pas empêchés ensuite, au dernier moment, lorsque tout était fini, d'avoir un débat complètement tronqué qui débouchera sur l'accord définitif. Il en va de même de l'accord avec les Américains. Pourtant, nous le savons bien, c'est là le plus important pour l'avenir de notre pays qui est en jeu !
Dernier exemple, qui engage moins directement l'Assemblée nationale : le Président, le Premier ministre, le Gouvernement savaient, quarante-huit heures avant – que dis-je ? une semaine avant – les élections européennes, qu'une entreprise allait déposer le bilan, avec les conséquences terrifiantes que cela pouvait comporter. Eh bien, rien n'a été dit : on a laissé les Français voter et on les a informés après. Cela ressemble-t-il de près ou de loin à l'idée que nous nous faisons de la France ou même de celui qui fut à l'origine de la Ve République ?
Je ne voterai pas votre texte : il est magnifique, mais trop magnifique pour moi.
Sur l'ensemble de la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Disons-le d'emblée : le Gouvernement partage la plupart des constats que la commission des finances dresse par la voix de M. Saint-Martin dans la présente proposition de résolution, et qui renvoient tous en grande partie aux travaux conduits par la commission dans le cadre de la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF, devant laquelle le ministre de l'action et des comptes publics se rendra prochainement.
La plupart seulement, car, je me dois de l'avouer, le fait d'associer directement les rapporteurs spéciaux aux conférences de performance me paraît contraire à l'esprit de la LOLF et, plus généralement, au principe de séparation des pouvoirs, …
… dès lors que la préparation du budget dans le cadre des conférences de performance constitue une étape et une prérogative du Gouvernement. Cela n'empêche pas un travail de concertation entre le Parlement et les ministères concernés sur certains choix, par exemple celui d'indicateurs de performance plus appropriés, l'une des évolutions ici proposée.
Non, la gestion par la performance que promeut la LOLF n'a pas atteint ses objectifs initiaux. Vous disiez, monsieur Hetzel, avoir été gestionnaire de programme ; quant à moi, j'ai fait partie des personnes qui ont établi les premiers documents relatifs à la LOLF. Il existe effectivement un écart sensible entre notre espérance d'une approche plus intelligente de la dépense, plus orientée vers la performance, le retour sur investissement, l'atteinte d'objectifs sociaux ou économiques, et la réalité, caractérisée par la pratique du coup de rabot !
Cet écart se manifeste notamment par le temps passé à examiner les crédits prévisionnels des ministères, au détriment de la vérification de leur bon emploi et de leur exécution. À cet égard, nous ne pouvons que souscrire à la démarche entreprise l'an passé par votre assemblée et étendue cette année aux comptes sociaux, comme nous ne pouvons que souscrire à l'objectif affiché de renforcer les travaux d'évaluation menés par le Parlement à cette fin.
Mais la LOLF a également échoué à atteindre ses objectifs du point de vue des administrations centrales comme des gestionnaires publics, en dépit de ses ambitions initiales. De fait, la technique du rabot indifférencié et la régulation budgétaire infra-annuelle – auxquels l'actuel gouvernement tend à mettre fin – ont contribué à déresponsabiliser fortement ces acteurs.
Si vous jugez qu'un toilettage des indicateurs de performance est indispensable à leur bon emploi, je vous informe que nous y serons favorables, y compris si, comme vous le proposez, cela doit conduire à transgresser les stricts découpages interministériels. Il me semble important, en effet, d'apprécier la performance globale de politiques transversales. Il pourrait être opportun que les ministères concernés et le Parlement y travaillent conjointement.
De même, si vous jugez nécessaire d'appréhender la dépense publique – à propos de laquelle je ne peux que partager votre souhait d'une revue annuelle – au-delà du carcan classique de la mission budgétaire, nous y serons également favorables. Cela présuppose, là encore, un travail de concertation avec les responsables de programme et les principaux acteurs concernés, auquel nous sommes naturellement disposés.
J'irai même plus loin en vous rappelant tout notre intérêt pour une discussion budgétaire aussi consolidée et large que possible, regroupant tous les acteurs de la dépense publique. En effet, je suis convaincue que nous devons créer les conditions d'un débat intelligible, au cours duquel le Gouvernement pourrait exposer la cohérence d'ensemble de sa politique économique et sociale, toutes administrations publiques confondues. À droit constitutionnel et organique inchangé, cela pourrait passer, très concrètement, par l'instauration, dès cette année, d'une discussion générale commune à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, il est exact que le rééquilibrage en faveur du Parlement que promettait la LOLF demeure perfectible dans de nombreux domaines, principalement en raison des nombreux instruments extrabudgétaires qui nuisent à la lisibilité et à l'effectivité de l'autorisation parlementaire. Je prendrai deux exemples : la multiplication des dépenses fiscales, que nous venons d'évoquer ; l'accroissement du recours à des ressources affectées, significatif ces dernières années, en dépit du principe d'universalité budgétaire, ce qui rend ces ressources et leur emploi totalement opaques pour le Parlement.
Sans entrer dans les détails, on peut distinguer trois types de mécanismes : les comptes d'affectation spéciale ; l'affectation d'impositions de toutes natures à des tiers autres que l'État ; l'institution de fonds sans personnalité morale abondés par des taxes ou par des crédits budgétaires. Les majorités successives ne sont pas restées les bras croisés devant cette inflation, notamment en procédant au plafonnement, encore imparfait, des taxes affectées ou en adoptant l'article 18 de la loi de programmation que vous avez votée, lequel rappelle les grands principes de l'universalité budgétaire.
Je suis toutefois convaincue que nous devons aller plus loin. Voilà pourquoi nous vous proposerons, dès la prochaine loi de finances, de rationaliser l'ensemble de ces dispositifs sur le fondement de critères objectifs. Et nous vous proposerons d'y procéder ensemble, afin de rendre toute sa portée à l'autorisation parlementaire.
Enfin, le Gouvernement souscrit pleinement à l'idée de poursuivre l'association des groupes d'opposition au travail d'évaluation mené par les rapporteurs spéciaux de la majorité. En effet, le rôle de contrôle et d'évaluation n'est pas l'apanage de la majorité parlementaire : il appartient à la représentation nationale tout entière ; s'il est une prérogative claire et légitime du Parlement, c'est bien le pouvoir d'obtenir du Gouvernement des réponses aussi exhaustives et rapides que possible à ses interrogations quant au bon emploi des crédits alloués à l'État.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-I.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 58
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 54
Contre 2
La proposition de résolution est adoptée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Véronique Louwagie, relative à la simplification du dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés (no 2010).
La parole est à Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
C'est ici même, dans cet hémicycle, que, le 15 novembre 2016, s'affranchissant des clivages partisans, les députés ont voté à l'unanimité en faveur de la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine, dont la gestion a été confiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, l'ONIAM. Et pour cause ! Dans un rapport publié en août 2017, la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, dénombraient entre 2 150 et 4 100 enfants ayant développé une malformation majeure, depuis 1967, à la suite de l'exposition in utero au valproate de sodium.
Malheureusement, ce bilan déjà très préoccupant a ensuite été revu à la hausse. Dans un nouveau rapport, publié le 22 juin 2018, ces mêmes organismes concluent qu'entre 1967 et 2017, entre 16 600 et 30 400 enfants ont pu être atteints de troubles mentaux et du comportement. Aujourd'hui, ce sont plus de 10 000 personnes qui pourraient bénéficier d'une indemnisation. Il s'agit d'une véritable catastrophe sanitaire. Pourtant, en 2018, seuls 16 millions d'euros ont été dépensés par l'ONIAM sur les 78 millions d'euros prévus en loi de finances initiale. Cette mauvaise utilisation de l'enveloppe des crédits budgétés est la conséquence du retard pris dans l'examen des dossiers, puisqu'aucun avis d'indemnisation n'a été rendu en 2018.
Dans le cadre de la poursuite de mes travaux sur cette question, j'ai auditionné, en avril dernier, Mme Marine Martin, présidente de l'Association des parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsant, l'APESAC, en présence de plusieurs députés. À cette occasion, Mme Martin nous apprenait que, depuis l'ouverture du fonds en 2016, aucune victime n'avait encore été indemnisée. Cette situation n'est pas tolérable.
La première raison de l'échec du dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine réside sans aucun doute dans sa complexité. Chaque dossier est examiné par une double instance de décision, et les familles se voient réclamer un nombre très important de pièces administratives – des dossiers qui peuvent comprendre jusqu'à 800 pages et peser jusqu'à 12 kilogrammes. Or, lorsqu'on prend en considération que nombre de ces familles sont constituées de femmes elles-mêmes malades, assumant quelquefois seules la charge de leurs enfants handicapés, ces obstacles apparaissent bien souvent comme une barrière insurmontable.
Ainsi, au 30 avril 2019, seules 1 655 demandes d'indemnisation ont été déposées, pour une prévision totale de 10 290 victimes indemnisées, prévision réalisée par l'ONIAM en 2016. Aussi, je souhaite que cette résolution débouche sur une simplification du dispositif.
C'est là le premier axe de cette proposition de résolution, que j'ai déposée afin d'encourager le Gouvernement à faciliter l'accès des victimes de la Dépakine au dispositif d'indemnisation censé leur venir en aide. Si les souffrances des victimes ne peuvent être effacées, j'en appelle à la sagesse du Gouvernement.
En outre, il est essentiel de prendre en considération le risque financier très important que présente ce dispositif d'indemnisation. Selon la littérature scientifique, le nombre de victimes potentielles serait jusqu'à trois fois supérieur aux hypothèses initiales. Autrement dit, les crédits prévus seront probablement largement insuffisants au regard des montants qui pourraient être accordés aux victimes. Or, Sanofi ayant refusé de reconnaître sa part de responsabilité dans les préjudices subis par les victimes, c'est à l'ONIAM qu'il reviendra d'assumer l'intégralité de l'indemnisation en première intention, avant, éventuellement, de se retourner vers Sanofi pour obtenir un éventuel remboursement de sa part, ce qui impliquera aussi des frais supplémentaires à la charge de la solidarité nationale.
Le jeudi 8 novembre 2018, dans le cadre de l'examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2019, a été adopté de manière transpartisane, de justesse, certes, mon amendement visant à obtenir un rapport du Gouvernement sur la soutenabilité, pour les finances publiques, du dispositif d'indemnisation par l'ONIAM des victimes de l'exposition in utero au valproate de sodium ou d'un de ses dérivés du type Dépakine.
Au-delà d'un état des lieux sur la procédure, ses retards et ses difficultés, j'appelle de mes voeux – c'est le deuxième axe de la proposition de résolution – l'adéquation des moyens budgétaires au niveau d'indemnisation qu'un pays comme la France doit à ces citoyens victimes. Le 22 novembre 2017, la cour d'appel d'Orléans a obligé Sanofi à indemniser une famille à hauteur de 2 millions d'euros et l'assurance maladie à hauteur de 1 million ; c'est dire à quel point le montant de 77 millions d'euros prévu pour 2019 est insuffisant. À travers cette proposition de résolution, j'invite donc logiquement le Gouvernement à réévaluer totalement la budgétisation du dispositif.
Enfin, troisième et dernier axe, je souhaite que le Gouvernement s'approprie les conclusions du rapport qui doit être remis le 1er septembre prochain, afin de présenter des pistes de réforme du dispositif d'indemnisation.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La présente proposition de résolution, importante, est très différente de celles que nous avons examinées précédemment. Il y a longtemps que Mme Louwagie se bat pour l'indemnisation des victimes du valproate de sodium. Son texte nous conduit à nous interroger sur l'évaluation des politiques publiques en matière de réparation des accidents médicaux. La création du fonds géré par l'ONIAM a certes permis d'y répondre mais, on le voit, de façon tout à fait incomplète.
Je note qu'il y a une barrière à l'entrée du dispositif d'indemnisation – barrière qu'on retrouve dans d'autres cas que celui examiné ici. Elle a probablement été conçue comme telle, sans doute aussi pour éviter qu'on commette des erreurs, mais elle ne profite pas aux victimes, c'est le moins qu'on puisse dire. Ces victimes ne disposent pas, en effet, du même temps que l'administration ou que le laboratoire en cause. Il faut donc lever cette barrière.
Il faut également réduire le risque financier pour l'État, qui est effectivement très important – pour indemniser les victimes, on cite des chiffres bien plus importants que les 78 millions prévus pour 2018. Vous l'avez souligné, madame la rapporteure spéciale, cette somme a d'ailleurs été très faiblement consommée, du fait, précisément, de la barrière que je viens d'évoquer.
Le Gouvernement doit remettre un rapport à ce sujet au mois de septembre prochain, soit très bientôt. Cela nous permettra, je l'espère, d'avancer sur ce dossier. Cette proposition de résolution s'inscrit dans le cadre de l'évaluation, mais c'est aussi un appel au secours.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je tiens à remercier notre collègue Louwagie d'avoir rédigé cette proposition de résolution sur un sujet important, sensible : l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Je tiens également à souligner la très grande qualité du travail effectué – ce qui ne m'étonne guère vu les qualités de son auteur.
Si le sujet du présent texte diffère des précédents, comme l'a mentionné le président de la commission des finances, la méthode suivie rejoint celle préconisée par la proposition de résolution que nous venons d'examiner, puisque c'est à l'automne dernier, dans le cadre de l'élaboration de son rapport, que la rapporteure spéciale a travaillé, de manière ciblée, sur le dispositif d'indemnisation. Elle s'est appuyée sur les analyses existantes, comme celles de la Cour des comptes, pour mettre en évidence des points d'alerte.
Ces travaux ont abouti à l'adoption d'une disposition de la loi de finances pour 2019 qui prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement le 1er septembre prochain. La sous-consommation des crédits alloués en 2018 confirme que des améliorations doivent vraiment être apportées. Aussi, j'espère que ce rapport permettra de dégager des pistes pour que l'indemnisation des victimes se fasse conformément à la volonté du législateur.
Je ne suis pas en mesure de formuler des avis sur des propositions aussi précises que celle visant à fusionner le collège des experts et le comité d'indemnisation mais, compte tenu des éléments présentés par la rapporteure spéciale et par la Cour des comptes, il paraît opportun de simplifier le dispositif en vigueur. Quant à la proposition de réévaluer les crédits qui lui sont consacrés, on ne peut qu'être favorable au renforcement de la sincérité du budget de la mission « Santé ». Depuis que je suis rapporteur général, j'ai toujours insisté sur la vérité des prix et je ne dérogerai pas à la règle aujourd'hui.
Je constate les efforts entrepris par le Gouvernement en ce sens. Or la présente proposition de résolution nous incite à aller encore plus loin, ce qui est une très bonne chose. Je la soutiens donc sans réserve. Il sera toujours temps, lorsque nous connaîtrons les conclusions du rapport, d'envisager de façon très concrète la simplification de la procédure.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.
Le valproate de sodium ou Dépakine est commercialisé en France depuis 1967. Ce traitement contre l'épilepsie et les épisodes maniaques des troubles bipolaires est aussi un tératogène puissant. Il est à l'origine de malformations chez les enfants exposés pendant la grossesse dans plus de 10 % des cas et de troubles neurodéveloppementaux dans plus d'un cas sur trois. Un tiers de ces enfants présentent en effet des retards dans l'acquisition de la marche ou de la parole, des difficultés d'élocution et de langage, des troubles de la mémoire, ainsi que des capacités intellectuelles plus faibles que celles des autres enfants.
Chez les enfants exposés à la Dépakine, le risque d'autisme infantile est cinq fois plus élevé, et la prévalence des pathologies appartenant au spectre de l'autisme est trois fois plus importante. Arrivés à l'âge de 6 ans, ils présentent un quotient intellectuel en moyenne inférieur de 7 à 10 points à celui des enfants exposés à d'autres antiépileptiques pendant la grossesse.
Ces conséquences dramatiques ont affecté de nombreuses familles. Le risque est connu depuis 1986. L'exposition à la Dépakine est restée élevée chez les femmes enceintes ou susceptibles de le devenir, bien souvent faute d'alternative. L'Agence européenne du médicament a en effet confirmé la nécessité de maintenir ces médicaments à disposition pour les femmes enceintes ou en âge de procréer, mais uniquement en cas d'intolérance aux autres traitements disponibles, ou si ceux-ci ont échoué.
Environ 70 000 femmes en âge de procréer recouraient encore à ce traitement en 2007. En 2016, 50 000 femmes étaient encore concernées. Il a fallu attendre 2015 pour que des restrictions dans la prescription de la Dépakine soient édictées, et juillet 2017 pour que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, décide de le contre-indiquer chez les femmes dans le traitement des épisodes maniaques des troubles bipolaires. On estime que, depuis 1967, entre 2 150 et 4 100 enfants ont été atteints d'une malformation congénitale majeure en France du fait d'une exposition à la Dépakine pendant la grossesse.
Face à cette réalité d'une particulière gravité, un fonds d'indemnisation des victimes a été mis en place par l'article 150 de la loi de finances pour 2017. Cette disposition a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée. Il est en effet du devoir de la solidarité nationale d'intervenir pour indemniser ces familles devant assumer les conséquences lourdes des malformations et des troubles neurodéveloppementaux.
Néanmoins, le recours à ce fonds d'indemnisation se révèle trop complexe. Le dispositif confié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, l'ONIAM, requiert l'examen des dossiers par deux instances de décision. Les pièces justificatives demandées sont nombreuses, ce qui oblige les familles à recourir à un avocat. Cette procédure trop lourde peut être coûteuse pour les victimes. Ces coûts peuvent paraître dissuasifs pour les familles concernées, d'autant que, parmi les personnes ayant été exposées à la Dépakine, la part de celles qui sont couvertes par la CMU – couverture maladie universelle – est plus importante que dans le reste de la population.
En conséquence, comme l'a écrit notre collègue Véronique Louwagie dans l'exposé des motifs de sa proposition de résolution, « au 30 avril 2019, sur les 1 655 demandes d'indemnisation déposées, le comité d'indemnisation de l'ONIAM a rendu seulement 31 avis dont 15 notifiés aux familles et 2 acceptés par celles-ci ». Ainsi, seules deux procédures d'indemnisation ont abouti sur des milliers de cas possibles.
Le nombre de demandes d'indemnisation déposées semble également indiquer un faible taux de recours à ce dispositif d'indemnisation par les familles victimes du valproate de sodium. Cette situation n'est pas acceptable au regard de l'enjeu. Les familles lourdement affectées par les conséquences de l'utilisation de la Dépakine ont droit à réparation ; la solidarité nationale doit jouer à plein en leur faveur.
Force est de constater que le dispositif prévu pour l'indemnisation de ces victimes ne leur permet pas de pleinement faire valoir leurs droits. Il est donc nécessaire de simplifier le dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés. Nous remercions notre collègue Véronique Louwagie d'avoir proposé cette proposition de résolution particulièrement pertinente à l'examen de notre assemblée.
Ce texte répond à des attentes fortes, celles de milliers de familles qui espèrent une meilleure réponse de la part des pouvoirs publics aux graves difficultés qu'elles rencontrent du fait de l'exposition à ce puissant tératogène. Le groupe Les Républicains vous invite à l'adopter. Gageons que l'Assemblée saura une nouvelle fois faire preuve d'unanimité sur un sujet aussi grave !
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Je tiens tout d'abord à saluer l'instauration, sous cette législature, du Printemps de l'évaluation, sous l'impulsion notamment de mon collègue Jean-Noël Barrot. Ce dispositif prend pour la première fois cette année toute son ampleur. Il s'agit d'un renforcement sans précédent de l'évaluation des politiques publiques par l'Assemblée nationale.
Alors que la loi de règlement, texte très technique, faisait auparavant l'objet d'un examen rapide en fin d'année, le Printemps de l'évaluation permet désormais une évaluation approfondie des mesures votées en loi de finances. En tant que membre de la commission des affaires sociales et porte-parole du groupe MODEM sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, je me réjouis que cet exercice s'applique également depuis cette année au budget de la sécurité sociale.
Il est en effet essentiel que nous puissions, en tant qu'élus de la nation, disposer d'une évaluation a posteriori des mesures que nous avons votées lors du budget, en connaître l'impact, en contrôler l'application et, le cas échéant, prévoir des mesures correctrices dans le prochain projet de budget. Nous devons également à nos concitoyens des explications claires et précises sur l'exécution des crédits du budget de l'État et de la sécurité sociale.
Il s'agit d'une solution pour répondre à la crise de confiance que notre pays traverse actuellement. Les Françaises et les Français peuvent ainsi mesurer très concrètement quelle utilisation est faite des deniers publics, constater l'effet des politiques sur leur quotidien et s'assurer que tout est mis en oeuvre pour que les lois soient correctement appliquées.
C'est précisément l'enjeu de la proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui. Rappelons tout d'abord que la Dépakine, qui contient du valproate de sodium, est un médicament du laboratoire Sanofi, principalement utilisé dans le traitement de l'épilepsie et commercialisé depuis 1967. Plusieurs études ont montré, dès les années 1980, que sa consommation au cours de la grossesse entraînait un risque de malformation foetale élevé, et un risque de retard de développement chez les enfants exposés in utero. Ce médicament a été interdit à toutes les femmes en âge de procréer par l'ANSM à partir de juin 2018.
Toutefois, de nombreuses victimes sont à déplorer. Plusieurs estimations ont été réalisées ; la CNAM et l'ANSM estiment qu'entre 1967 et 2016, l'exposition au valproate de sodium pendant la grossesse aurait conduit 2 150 à 4 100 enfants à développer une malformation majeure. En outre, 16 600 à 30 400 enfants auraient été atteints de troubles mentaux et du comportement sur la même période.
Dès lors, il était nécessaire que ces victimes puissent être indemnisées à hauteur du préjudice subi. C'est pourquoi, le 15 novembre 2016, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine, afin qu'elles puissent prétendre à une réparation amiable dans un délai beaucoup plus court que dans une procédure judiciaire classique.
Cependant, un retard important a été pris, notamment dû à la complexité de la procédure. Au 30 avril dernier, sur les 1 655 demandes d'indemnisation déposées, le comité d'indemnisation de l'ONIAM a rendu seulement trente et un avis, dont quinze ont été notifiés aux familles, deux étant acceptés par celles-ci. En conséquence, alors que près de 78 millions d'euros avaient été prévus en loi de finances initiale pour 2018, seuls 16 millions ont été versés à l'ONIAM tandis que 34 millions ont été reportés sur l'année 2019.
Les crédits existent ; nous devons nous assurer qu'ils soient versés aux victimes, dans les meilleurs délais. Pour cela, il est essentiel que la procédure soit simplifiée, et il faut que nous nous assurions dans le même temps qu'il n'y aura pas de dérapages budgétaires, sachant que des risques financiers pèsent sur l'ONIAM. C'est pourquoi, sous les réserves énoncées, le groupe MODEM soutiendra cette proposition de résolution.
Applaudissements sur divers bancs.
L'acide valproïque, le composé actif de la Dépakine, a reçu l'autorisation de mise sur le marché en 1967. En 1980, déjà, étaient dénoncés les risques induits par cette molécule lors de grossesses, en raison de conséquences graves observées sur le foetus. Il a toutefois fallu attendre 2015 pour que l'ANSM informe les professionnels de santé de nouvelles conditions de prescription. Ce n'est qu'en 2017, soit cinquante ans après le début de la commercialisation de la Dépakine, que les étiquettes sur les boîtes de médicaments indiquent explicitement qu'il est interdit d'en consommer pendant la grossesse.
Au total, plus de 14 000 femmes ont été exposées à cette molécule, ne serait-ce qu'entre 2007 et 2014 ! Entre 1967 et 2016, cette molécule a été à l'origine de malformations chez près de 4 100 enfants, et de troubles du développement chez 16 000 à 30 400 enfants.
L'ANSM a posé son diagnostic en 2015 : la molécule augmenterait de 30 à 40 % le risque de retard dans la marche et l'acquisition de la parole ; elle entraînerait des troubles de la mémoire ainsi qu'une réduction des capacités intellectuelles des enfants.
Nous avons évidemment affaire à un drame terrible pour les familles concernées, mais il s'agit aussi d'un drame sanitaire causé par les laboratoires, par les neurologues qui ont continué de prescrire de la Dépakine pendant des grossesses, par l'ANSM et les pouvoirs publics, dont la réaction fut à la fois trop lente et trop faible. C'est pour ces raisons que l'article 150 de la loi de finances pour 2017 portait création d'un dispositif d'indemnisation des victimes directes et indirectes.
S'il est le bienvenu, ce dispositif présente toutefois de nombreuses insuffisances et se heurte à des difficultés, ce qui nuit aux victimes de la Dépakine. Il est très difficile à celles-ci de se faire indemniser, d'où la présente proposition de résolution. En effet, les démarches sont lourdes et longues : pour qu'une offre d'indemnisation soit faite, il est nécessaire de passer successivement par deux instances, d'abord par un collège d'experts qui constate l'imputabilité des dommages au valproate de sodium, puis par un comité d'indemnisation qui détermine les causes, les conséquences et les responsabilités de chacun des acteurs au regard des dommages subis. Cette procédure complexe peut nécessiter la présence d'un avocat, ce qui a un coût pour les victimes, alors même qu'elles souffrent de pathologies et qu'elles réclament l'indemnisation de leur préjudice.
De plus, nous pouvons le dire ici, l'industrie pharmaceutique est dans un véritable déni qui, en plus d'être indigne et irresponsable, a un coût important pour nos finances publiques. En effet, le laboratoire Sanofi a refusé de reconnaître une quelconque responsabilité dans le préjudice subi par les victimes. En présence d'un tel entêtement, qui manifeste une totale irresponsabilité de la part de ce laboratoire, les victimes devront être indemnisées par des fonds publics. Il reviendra ensuite au ministère de la santé de saisir la justice pour exiger que le laboratoire paie sa part.
Il appartiendra donc à l'ONIAM d'indemniser intégralement les victimes, en attendant le remboursement par le laboratoire, qui sera exigé par la justice. Un certain délai s'écoulera entre le versement de l'indemnisation et le remboursement par le laboratoire. La solidarité nationale devra donc fournir un effort encore plus rigoureux, pendant un certain temps. C'est intolérable et intenable pour nos finances publiques, car le coût en question n'a pas été budgété.
C'est précisément parce que nous sommes en présence d'un véritable scandale sanitaire et que, pendant trop longtemps, tous les acteurs ont fait preuve de l'irresponsabilité la plus totale qu'un dispositif d'indemnisation devait être instauré. Il faut néanmoins aller au-delà : ce dispositif doit être efficace, dans l'intérêt des victimes. Il est urgent de revoir le mécanisme actuel puisqu'il repose sur un mode de règlement à l'amiable, alors même que le laboratoire fait tout pour repousser l'indemnisation, au point qu'il faille systématiquement passer par la justice. De plus, comme cela a été démontré, son mode de fonctionnement est trop lourd, complexe et coûteux pour les victimes.
Pour toutes ces raisons, les députés socialistes et apparentés voteront la proposition de résolution. Je me réjouis que tous ceux qui se sont exprimés avant moi aient annoncé vouloir faire de même.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Les victimes de la Dépakine se comptent par milliers : 6 250, c'est le nombre d'enfants atteints de malformations congénitales majeures à cause de ce médicament et de ses dérivés. Toutefois, cette estimation est issue d'une étude de l'ANSM et de l'assurance maladie qui date de 2017. Aussi le chiffre pourrait-il se révéler plus important, on le sait bien, la littérature scientifique estimant que le nombre de victimes potentielles serait jusqu'à trois fois supérieur aux hypothèses initiales.
De 1967 à 2016, pendant sa commercialisation, ce médicament a été prescrit à plusieurs dizaines de milliers de femmes enceintes. Elles étaient persuadées qu'elles préservaient ainsi la santé de leur enfant ; elles ont finalement dû s'adapter pour compenser les conséquences de la Dépakine sur leur quotidien.
Ces victimes doivent être indemnisées au plus vite. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires soutient cette proposition de résolution, qui invite le Gouvernement à simplifier le dispositif d'indemnisation. Il faut rendre ce système plus efficace. En effet, seules 1 655 demandes ont été déposées, et le comité d'indemnisation de l'ONIAM n'a rendu que trente et un avis. Le ratio diminue encore si l'on observe le nombre d'avis notifiés aux familles : il n'y en a eu que quinze. Un dernier chiffre symbolise le dysfonctionnement du mécanisme : deux familles seulement ont accepté l'indemnisation proposée ; deux familles pour des milliers de vies bouleversées.
Il faut aussi que le dispositif d'indemnisation soit plus exact d'un point de vue budgétaire, car du faible nombre d'indemnisés résulte une réalité comptable assez inquiétante : d'une part, la budgétisation initiale de 424 millions d'euros pour la période 2018-2023 est fondée sur des estimations basses du nombre de victimes potentielles ; d'autre part, en 2018, sur les 78 millions d'euros prévus en loi de finances initiale, seuls 16 millions ont été utilisés par l'ONIAM.
Si, à nos yeux, la compensation financière est un premier pas, celle-ci doit s'accompagner d'une compensation morale, laquelle passe par la reconnaissance de l'ensemble des victimes de la Dépakine et de ses dérivés. Cela suppose que les responsables de ce drame médical reconnaissent leur implication : je pense au laboratoire Sanofi, qui a commercialisé la Dépakine. Or les premiers avis rendus par l'ONIAM, en janvier 2019, sont inquiétants à cet égard : Sanofi a en effet annoncé son refus de reconnaître sa part de responsabilité dans les préjudices subis par les victimes et, par là même, de contribuer à leur indemnisation.
Cela fait courir un risque à l'État car l'ONIAM s'apprête à proposer l'intégralité de l'indemnisation en première intention, avant de revenir vers Sanofi pour obtenir un éventuel remboursement. Vous l'aurez compris, cela implique des frais supplémentaires à la charge de la solidarité nationale, et ce coût n'a pas été budgété à l'origine.
Par le passé, nous avons déjà adapté le budget afin d'assurer l'indemnisation des milliers de victimes de la Dépakine : 10 millions d'euros avaient d'abord été prévus pour alimenter le dispositif créé par l'article 150 de la loi de finances pour 2017 ; par la suite, ce montant a été largement revu à la hausse, puisque 77,7 millions ont été programmés pour 2018. À cet égard, nous soutenons la proposition de résolution, dans la mesure où elle exprime le souhait que la budgétisation complète du dispositif soit réévaluée à la lumière des éléments nouveaux présentés.
Pour accompagner au mieux les victimes, il faut à tout prix leur faciliter l'accès au dispositif d'indemnisation. Nous serons particulièrement attentifs au rapport que le Gouvernement doit remettre sur la soutenabilité du dispositif et sa gestion depuis son entrée en vigueur, en application de l'article 263 de la loi de finances initiale pour 2019.
Au regard de l'ensemble des arguments que je viens d'avancer, les membres du groupe Libertés et territoires sont favorables à la proposition de résolution.
Applaudissements sur quelques bancs.
Je tiens d'abord à saluer l'obstination de notre collègue Véronique Louwagie : avec la Dépakine, cent fois sur le métier elle remet son ouvrage parlementaire ; et le groupe La France insoumise votera sa proposition de résolution.
Je voudrais surtout saluer la combattante de cette cause, celle qui a sorti les victimes du silence et de l'oubli : Marine Martin, la présidente de l'APESAC, que vous avez citée, madame Louwagie. Quand je la rencontre, je me demande : comment fait-elle ? Comment fait-elle, avec sa propre maladie, l'épilepsie, et ses deux enfants autistes, pour, en plus, diriger son association ? Comment fait-elle pour courir les conférences de presse, intervenir dans les assemblées générales d'actionnaires et arpenter les couloirs du Parlement ? Comment fait-elle, aussi et surtout, pour ne pas se laisser endormir, menacer ou racheter par cent bouches ministérielles, officielles, industrielles qui lui murmurent, ou qui lui grondent, que « tout va bien », que « tout va s'arranger » ? Où trouve-t-elle cette énergie ?
Je la croise en pointillés ; nous sommes toujours pressés, elle comme moi. La première fois, je lui ai demandé : « Depuis quand Sanofi sait ? » Elle m'a répondu : « Pour l'autisme, je me suis procuré les données internes à Sanofi, ça les a beaucoup mis en colère. Dès les années 80, ils savent parfaitement, ils savent que ça engendre des cas d'autisme. »
C'est le premier scandale, conjugué au passé : Sanofi savait. Depuis trente ans, Sanofi savait. Sanofi savait pour les patients ; Sanofi savait aussi pour les salariés de ses usines ; Sanofi savait également pour les voisins de ses usines.
Ce scandale en cache un deuxième, conjugué au présent : Sanofi refuse de payer. Au printemps dernier, l'ANSM et la CNAM ont rendu une étude qui estime qu'entre 16 000 et 30 000 enfants seraient atteints de troubles neurodéveloppementaux précoces parce que leur mère a continué, enceinte, à prendre de la Dépakine. Des scientifiques ayant délivré leur verdict, que fait alors Sanofi ? Son mea culpa ? L'industriel provisionne-t-il des milliards pour indemniser les familles ? Aucunement : dans un communiqué, le groupe annonce qu'il refuse de payer et « conteste fermement les estimations mentionnées dans le rapport ».
Dans le cas de Camille, qui présente un syndrome malformatif général, des anomalies des membres supérieurs et une microphtalmie, Sanofi est condamné par la justice. Que décide la firme ? De faire appel. Et quand la cour d'appel d'Orléans, à son tour, confirme le jugement et le condamne à trois millions de dommages et intérêts, notant que « le produit n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre », que fait le laboratoire ? Il se pourvoit en cassation.
Fermons les yeux… Imaginons cette horreur, chers collègues : que vous, que moi, un jour, en voiture, renversions un enfant, que celui-ci en garde des séquelles à vie, qu'il soit handicapé, traumatisé... Rien que d'y songer, j'en tremble ! Comment vivre avec ce drame, avec cette ombre au coeur ? Je ferais alors tout mon possible, et vous aussi, j'en suis convaincu, pour réparer le peu qui soit réparable, pour guérir de ma honte, avec un chèque si besoin. Eux ont sur leur conscience – mais quelle conscience ? – des milliers, des dizaines de milliers de bébés et d'enfants handicapés, traumatisés, avec des séquelles à vie, des dysmorphies faciales, des malformations des membres, des problèmes cardiaques. À genoux, on devrait les voir ! À genoux devant Marine ! À genoux devant Camille ! À genoux et mendiant leur pardon.
À la place de cette supplique, ils biaisent, ils rusent, avec des avocats et du bla-bla, ils fuient leur culpabilité. Ce sont des psychopathes coupables de délit de fuite, des psychopathes du profit. On devrait les trouver en garde à vue, mais, au lieu de cela, où les trouve-t-on ? Dans les palais de la République, dans les salons de l'Élysée, où Serge Weinberg a assisté à l'intronisation du Président. C'est dans ces mêmes salons que le Dolder, le lobby de l'industrie pharmaceutique, a tenu ses assises, avec, en tête, Olivier Brandicourt, directeur général de Sanofi.
Sanofi perçoit toujours, chaque année, des centaines de millions au titre du crédit impôt recherche, quand bien même ils la détruisent, leur recherche, et des centaines de millions au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, quand bien même ils en détruisent, des emplois.
Et, ce qui me paraît le sommet de l'hypocrisie, la ministre des solidarités et de la santé a assisté en février dernier à une réunion de la Fondation Sanofi Espoir, qui prétend venir en aide aux personnes vulnérables – « l'entreprise pharmaceutique s'organise pour aider les personnes les plus vulnérables », a-t-on lu dans un article de presse. Mesurons-nous la honte ? Ces voyous voudraient, en plus, qu'on leur délivre des certificats de bienfaisance ! Ils cherchent à se faire passer pour une association caritative ! Qu'ils payent, déjà ! Qu'ils paient pour leurs propres dégâts !
Dès lors, tant qu'ils fuient leurs responsabilités, tant qu'ils ne réclament pas le pardon à leurs victimes, tant qu'ils font payer leurs crimes par l'État, par vous, par moi, par les Français, nous devrions les bannir ! Les bannir de nos carnets d'adresses ; les bannir de toute cérémonie officielle ; les bannir du versement de fonds publics. Or voilà le troisième scandale : la complicité de l'État.
Le valproate de sodium est la substance active de la Dépakine, commercialisée en 1967 par le laboratoire Sanofi pour soigner principalement des troubles neurologiques, notamment l'épilepsie. Des milliers d'enfants, exposés in utero, seraient atteints d'au moins une malformation majeure, de retards intellectuels et d'autisme, autant de vies ébréchées. Or, dès le milieu des années 1980, l'inspection générale des affaires sociales alertait sur les risques d'autisme. Il faudra pourtant attendre 2016 pour que ce médicament soit formellement interdit aux femmes enceintes.
L'association de défense des victimes de la Dépakine a entrepris sa première action de groupe contre Sanofi en octobre 2017. En appel, Sanofi a été condamné à verser 2 millions d'euros à la famille d'une victime et 1 million d'euros à la caisse primaire d'assurance maladie. Pour les autres victimes, la seule possibilité de percevoir une indemnisation passe par le fonds mis en place par le ministère de la santé en 2017.
La présente proposition de résolution procède d'une inquiétude quant à la faible mobilisation de ce dispositif au regard de l'ampleur des dégâts supposés. Ce n'est pas une anomalie budgétaire qu'il convient de réparer : c'est un défaut de justice. Il est essentiel que des gestes de réparation soient produits, non seulement dans l'intérêt des victimes, mais aussi pour que l'ensemble des acteurs du médicament soient appelés à s'entourer, sans retard, de garanties suffisantes dans l'ensemble de leurs activités.
Il est donc inenvisageable de laisser ce fonds dysfonctionner. Puisque les liens de cause à effet ont été établis, on ne peut qu'approuver toute mesure visant à simplifier la procédure. La fusion des deux instances d'instruction du dossier peut être un début de solution, à condition toutefois que l'on ait l'assurance que les dossiers seront examinés rapidement mais sérieusement, sans contestation possible.
L'exposé des motifs évoque aussi la complexité des dossiers à constituer, complexité telle que le recours à un avocat, à la charge des victimes, est souvent nécessaire. Il est dommage que la proposition de résolution ne formule pas de recommandations visant à simplifier les démarches des victimes. Néanmoins, la présentation d'un rapport par le Gouvernement au Parlement en septembre prochain, que vous avez évoquée, madame la rapporteure spéciale, sera l'occasion de le faire. Au-delà, on peut s'interroger sur la nécessité de déployer une démarche plus proactive, consistant à aller chercher les possibles ayants droit.
Enfin, la proposition de résolution demande que le budget soit réévalué, car Sanofi refuse toujours obstinément d'assumer sa part de responsabilité et fait par conséquent peser l'ensemble des coûts de l'indemnisation sur les finances publiques, donc sur les contribuables. Pourtant, ce ne sont pas les ressources qui lui font défaut, puisque le groupe aurait versé près de 3,5 milliards d'euros de dividendes en 2017.
À ce stade, on ne peut que s'interroger sur le retard pris par la puissance publique à se retourner contre le fabricant. Les grands groupes pharmaceutiques représentent aujourd'hui une véritable puissance et, de par leur position, jouent un rôle exorbitant et indu dans le déploiement des politiques de santé. La situation présente souligne à nouveau la nécessité d'avancer vers un pôle public du médicament, pour que nous ne soyons plus dépendants des laboratoires privés, de leurs actionnaires et des logiques financières qui prévalent pour eux. S'il le fallait, les pénuries répétées ont remis le sujet sur la table.
En l'espèce, l'État a les moyens de contraindre le laboratoire Sanofi à indemniser les victimes, comme il l'a fait avec Servier dans l'affaire du Mediator. En 2011, une procédure spéciale pour les patients victimes du Mediator a été créée au sein de l'ONIAM. Or le laboratoire Servier refusait alors tous les dossiers. En 2016, une loi imposant le réexamen des dossiers rejetés a été votée.
Aujourd'hui, les personnes souffrant des atteintes les plus graves ont enfin obtenu une indemnisation, grâce à des décrets pris par l'État pour obliger le laboratoire à proposer des niveaux d'indemnisation à la hauteur du préjudice subi. De plus, si la victime n'est pas satisfaite, elle peut toujours demander à l'ONIAM de réparer correctement le préjudice. Celui-ci se retournera alors contre le laboratoire pour être remboursé, avec une pénalité de 30 %. Servier a donc eu tout intérêt à faire d'emblée une offre décente.
Peut-être est-ce précisément cette voie que la proposition de résolution appelle à emprunter, pour que les victimes et leurs familles soient enfin indemnisées à la hauteur du préjudice subi. En tout état de cause, il ne s'agit en aucun cas d'en rabattre. Nous voterons donc la proposition de résolution.
Applaudissements sur quelques bancs.
Avant d'être investi du mandat me permettant de m'exprimer depuis cette tribune, mes compétences juridiques étaient mises au service de l'ONIAM. C'est donc avec un sentiment particulier que je prends aujourd'hui la parole devant vous pour discuter de la proposition de résolution relative à la simplification du dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés, déposée par notre collègue Véronique Louwagie.
Le valproate de sodium, antiépileptique plus connu sous le nom commercial de Dépakine, est à l'origine de l'une des plus importantes crises sanitaires de ces dernières décennies. L'ANSM estime en effet entre 18 000 et 34 000 le nombre de victimes directes d'une exposition in utero à ce produit ou à l'un de ses dérivés. Les collègues qui se sont exprimés avant moi l'ont rappelé, ces victimes souffrent de graves séquelles physiques, mentales ou comportementales. À leurs côtés, leurs proches sont eux aussi affectés et meurtris, car les pages d'un drame s'écrivent trop souvent à quatre mains.
Il y a donc des dizaines de milliers de victimes. Pourtant, à peine plus de 1 500 demandes ont été déposées auprès de l'ONIAM, qui est chargé de l'exécution d'une procédure d'indemnisation à l'amiable garantie par la solidarité nationale. Cet écart interpelle d'autant plus que l'ONIAM avait lui-même estimé en 2016 qu'environ 10 300 personnes verraient leur préjudice indemnisé. Le chiffre a donc été surévalué, mais il ne constitue pas une fin en soi.
La seule fin que doit poursuivre ici la solidarité nationale est d'indemniser avec justesse celles et ceux qu'elle s'est engagée à protéger. Pour ma part, je ne doute aucunement que Mme la ministre des solidarités et de la santé tiendra son engagement de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour retrouver les victimes potentielles du valproate de sodium. Je me félicite de toutes les démarches qui ont été entreprises en ce sens et de celles qui le seront à l'avenir.
Autre point soulevé par la proposition de résolution de notre collègue : la lenteur des procédures conduisant à l'indemnisation effective des victimes. Si des améliorations sont toujours possibles, il ne faut pas sous-estimer la complexité de la tâche incombant, d'une part, au comité d'experts et, d'autre part, au comité d'évaluation. Ils ont l'un et l'autre mené à bien la mission qui leur a été confiée, dans le cadre des avis déjà rendus.
Au-delà de la difficulté intrinsèque à tout processus d'expertise médicale, nous parlons ici de situations extrêmement diverses, dont certaines peuvent remonter jusqu'aux années 1960. Cette complexité et les enjeux en présence nous interdisent de confondre vitesse et précipitation. Mon opinion rejoint donc celle de Mme la rapporteure spéciale s'agissant de la nécessité d'optimiser le traitement des dossiers, à condition que cela résulte d'un processus de réflexion guidé par la volonté de ne pas sacrifier la pertinence sur l'autel de la célérité.
Je reviens sur la décision du laboratoire Sanofi de ne pas contribuer à l'indemnisation amiable des victimes qui l'incriminent. Je me félicite – j'en suis même fier – de la réponse apportée par Mme la ministre et par l'ONIAM : celui-ci saisira les juridictions à chaque refus du laboratoire de donner suite aux avis d'indemnisation.
Si la solidarité nationale doit tous les égards aux victimes, elle n'a pas vocation à se substituer indéfiniment à des intérêts privés. J'ai mentionné précédemment l'importance de la justesse avec laquelle l'indemnisation doit être appréciée ; je conclurai en soulignant avec non moins d'ardeur l'importance de la justesse avec laquelle les responsabilités doivent être assumées.
Le groupe La République en marche se félicite de la proposition de résolution de notre collègue Véronique Louwagie. Bien entendu, nous la soutiendrons.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Permettez-moi tout d'abord de souligner l'importance du travail de notre collègue Véronique Louwagie et de rappeler l'abnégation, le courage et la patience qu'il lui a fallu pour aboutir aujourd'hui à ce texte, qui sera très largement voté.
M. Gilles Lurton applaudit.
… car cela nous fait du bien à tous, je crois, de voir que les députés, lorsqu'ils comprennent bien leur rôle, peuvent beaucoup et font beaucoup.
M. Rémi Delatte applaudit.
Vous contribuez à réhabiliter notre image auprès d'hommes et de femmes – surtout de femmes, en l'espèce – qui vivent dans une souffrance a priori sans limite. C'est d'autant plus notable que des décisions avaient déjà été prises à ce sujet, et que des fonds ont même été mobilisés.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il aurait fallu reconstruire l'État pour en faire un outil à la disposition du Président et des gouvernements successifs. Il n'en a malheureusement rien été.
Heureusement, il y a des résistantes parmi nous – je me permets de vous ranger dans cette catégorie, chère collègue. Je voterai donc, bien entendu, votre texte.
Comme chacun d'entre nous, j'ai eu à connaître des victimes, et quand on voit l'extrême souffrance et le désarroi dans lesquels leurs proches ont été plongés, je suis fier de la suite qui a été donnée à ce dossier.
Fut un temps, j'avais proposé que l'on engage un audit du secteur pharmaceutique, notamment des laboratoires, de façon à le réorganiser, le cas échéant au niveau européen, au moyen d'un appel d'offres assorti d'un descriptif précis de nos attentes et d'un cahier des charges.
Je suis en effet persuadé qu'un très grand nombre de laboratoires – je ne dis pas que c'est le cas de tous – ne sont plus obnubilés aujourd'hui que par les bénéfices qu'ils peuvent réaliser, et que ce qui faisait encore leur grandeur il n'y a pas si longtemps est totalement révolu et oublié.
Selon un calcul réalisé par des experts, une telle démarche nous permettrait de réaliser 30 millions d'euros d'économies par an ; avouez que ce n'est pas négligeable. En outre, vous auriez aujourd'hui les mains plus libres, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, pour faire avancer des décisions qui ont déjà été prises.
Pour moi, c'est aujourd'hui dimanche : depuis que j'ai été réélu, il y a un peu plus de deux ans, c'est la première fois que je peux intervenir trois fois de suite à la tribune au cours d'une même séance. Or, par le passé, j'avais plutôt été gâté de ce point de vue.
Les plus anciens s'en souviennent, notamment le rapporteur général, puisque nous avons été élus la même année et avions alors le même enthousiasme, celui qui anime aujourd'hui les nouveaux venus dans cet hémicycle. Nous avons d'ailleurs résisté l'un et l'autre à tous les décrassages : nous avons vu partir 300 chiraquiens, puis 380 sarkozystes, enfin des hollandistes, en moins grand nombre il est vrai, car quelques-uns se sont reconvertis.
M. François Ruffin applaudit.
J'ai souvent le sentiment que l'on ne fait appel à moi que pour des débats de seconde zone. Or ceux d'aujourd'hui sont très importants. Je suis donc très heureux.
Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir donné trois fois la parole, même si j'ignore si c'est vous qui avez pris cette décision. Je souhaite simplement que l'on fasse de même dans le journal Le Monde ainsi que sur France Télévisions, France Inter et BFM-TV – M. Bourdin ne m'a pas vu depuis trois ans et je lui manque beaucoup.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Le sujet qui nous rassemble en cette fin d'après-midi est grave et complexe. Je remercie la rapporteure spéciale, Mme Véronique Louwagie, d'y avoir consacré son rapport thématique. Je remercie également tous les députés qui sont intervenus au cours de la discussion générale.
Comme vous, le Gouvernement est très sensible à cette question. Cela a été rappelé, dans des milliers de familles, un enfant est né avec une malformation, un trouble du neurodéveloppement ou du spectre autistique, du fait d'une exposition au valproate de sodium pendant la grossesse. Beaucoup de familles ne savent même pas qu'elles peuvent être indemnisées, ni que les troubles de leur enfant sont liés à la grossesse de la mère.
L'urgence est donc que tous les enfants soient repérés et pris en charge, et que toutes les familles soient indemnisées. La ministre des solidarités et de la santé a donné instruction aux services d'identifier, dans les bases de données de l'assurance maladie, toutes les femmes enceintes qui ont pris de la Dépakine pendant leur grossesse, afin qu'elles soient contactées de façon proactive et qu'elles puissent bénéficier d'une indemnisation.
Le Gouvernement a pleinement conscience de la gravité des dommages subis par les familles concernées. Celles-ci n'ont pas été suffisamment informées des risques liés à la prise de la Dépakine au cours de la grossesse.
Ce qui compte désormais, c'est que les familles soient indemnisées aussi vite que possible, et que personne ne perde sa chance de l'être. Je souhaite rappeler à cet égard que la procédure est gratuite. Elle est donc accessible à toutes les victimes. Un dépliant d'information présentant le dispositif d'indemnisation de manière simple a été élaboré par les services du ministère ; il sera envoyé aux femmes qui auront été identifiées par la Caisse nationale d'assurance maladie. Nous demanderons également aux médecins prescripteurs de délivrer une information sur le dispositif.
Je dirai à présent quelques mots à propos des dysfonctionnements que vous rapportez et qui motivent votre proposition de résolution, madame la rapporteure spéciale.
Le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine a été instauré en mai 2017, mais un délai a été nécessaire pour le mettre en oeuvre, en raison de la complexité du sujet. Je pense aux deux questions qui se sont posées : l'imputabilité des dommages à la prise du médicament et la détermination des responsabilités. Cela a justifié, à l'époque, la création de deux instances distinctes : un collège d'experts, composé majoritairement de médecins, a été chargé de répondre à la première question ; un comité d'indemnisation, composé majoritairement de spécialistes du dommage corporel, a été chargé de répondre à la seconde.
Néanmoins, et c'est le sens des interventions précédentes, ce délai de mise en oeuvre n'est pas compréhensible pour les victimes ; il devient désormais impératif d'accélérer la procédure d'indemnisation et de l'améliorer au bénéfice de celles-ci.
L'ensemble des institutions responsables du dispositif travaillent de concert afin d'identifier les voies et moyens d'en améliorer l'efficacité. Des progrès ont notamment été réalisés en ce qui concerne le délai de présentation des offres d'indemnisation par l'ONIAM, en lien avec les caisses d'assurance maladie. Par ailleurs, l'ONIAM a défini des procédures de gestion visant à traiter les demandes déposées de la manière la plus rapide et efficace possible. Depuis le 30 avril 2019, l'instruction des dossiers s'est donc accélérée. Le 11 juin 2019, le comité d'indemnisation a ainsi rendu 81 projets d'avis, dont 38 définitifs. Toutefois, cela reste insuffisant.
Comme le prévoit la loi de finances pour 2019, le Gouvernement remettra au Parlement, d'ici au 1er septembre, un rapport à ce sujet. Comme vous le proposez, ce rapport sera l'occasion d'identifier des voies d'amélioration du dispositif, afin de le rendre plus efficace et d'accélérer l'indemnisation des victimes.
Sera examinée en particulier la question de la fusion des deux instances d'expertise, que vous proposez dans cette proposition de résolution. En effet, si la création de deux instances était initialement justifiée par le souci de traiter au mieux des dossiers éminemment complexes, nous devons admettre que cette séparation est aujourd'hui facteur de complexité pour les victimes elles-mêmes. Le dispositif est difficilement compréhensible, ce qui peut expliquer en partie la longueur des délais d'indemnisation. Votre proposition consistant à fusionner les deux instances me semble donc pertinente, car elle rendrait le dispositif plus simple et plus lisible.
Dans le cadre du rapport que nous devons vous remettre, nous examinerons toute autre piste qui permettrait d'atteindre l'objectif de simplification dans l'intérêt des victimes. Nous nous assurerons que les mesures envisagées sont robustes juridiquement et préservent l'équité entre les victimes.
S'agissant de votre proposition de réévaluer la budgétisation complète du dispositif, je partage votre objectif : la réévaluation devra être faite de manière transparente et devra être engagée dès que nous disposerons de données permettant d'affiner le chiffrage. Néanmoins, je tiens à apporter plusieurs précisions.
Tout d'abord, le fait que le laboratoire Sanofi ne participe pas au dispositif d'indemnisation avait déjà été pris en compte dans le cadre des évaluations initiales, car de nombreux éléments nous laissaient supposer son refus d'indemniser les victimes. Cela ne signifie pas pour autant que les indemnisations versées en substitution du laboratoire pèseront de manière durable sur le budget de l'État. L'ONIAM demandera en effet le remboursement des sommes qu'il a versées à ce titre, au besoin devant les tribunaux.
Ensuite, la dotation annuelle est calibrée en fonction de la capacité d'examen des dossiers. Or, vous l'avez souligné, il reste un nombre significatif de dossiers à traiter. Les dépenses annuelles dépendront donc essentiellement du rythme d'examen des demandes et seront réévaluées en fonction de la montée en charge du dispositif.
De la même manière, le coût global du dispositif sera réévalué dès que nous disposerons d'éléments supplémentaires sur le nombre total de demandes et sur le montant des indemnisations versées en fonction des dommages. Il est néanmoins trop tôt pour procéder à ce réexamen au regard des fortes incertitudes qui demeurent en la matière. En effet, nous allons communiquer sur le dispositif auprès des victimes potentielles. En outre, le nombre d'avis rendus est encore trop faible pour que l'on estime de manière fiable le montant moyen d'une indemnisation en fonction des pathologies dont sont atteints les enfants concernés.
Soyez assurés que le Gouvernement a pleinement pris la mesure de la nécessité de simplifier le dispositif d'indemnisation des victimes du valproate de sodium. C'est avec un grand intérêt que nous avons pris note des pistes que vous proposez. J'émets donc un avis favorable sur cette proposition de résolution, même si j'émets une réserve sur l'opportunité de revoir dès maintenant l'estimation globale du coût du dispositif. Je souscris en revanche pleinement à vos propositions de simplification, car il est indispensable d'améliorer le fonctionnement du dispositif dans l'intérêt des victimes.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Sur l'ensemble de la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 44
Contre 0
La proposition de résolution est adoptée.
Applaudissements sur tous les bancs.
Puisqu'il s'agit du projet de loi de règlement – autrement dit de l'exécution des comptes de l'année 2018 – , quelques chiffres valent mieux qu'un long discours.
Le déficit public constaté pour 2018 est de 2,5 % du PIB. Je rappelle qu'il s'élevait à 3,4 % quand nous sommes arrivés aux responsabilités et à 2,8 % à la fin de l'année 2017.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La dette publique a atteint 98,4 % du PIB en 2018. Elle a été stabilisée ; contrairement à ce qui a été dit, elle n'a pas augmenté par rapport à 2017.
Les dépenses publiques, hors crédits d'impôt, ont diminué de 0,6 point, passant de 55 à 54,4 % du PIB en 2018. Elles ont donc baissé en volume pour la première fois depuis bien longtemps. Les taux de prélèvements obligatoires, quant à eux, ont diminué de 0,2 point, passant de 45,2 à 45 % du PIB en 2018.
L'objectif de dépenses totales de l'État a été tenu, avec un niveau de 425,4 milliards d'euros en 2018. Une sous-exécution de 1,4 milliard d'euros nous a permis de mieux dépenser. Nous avons conduit, tout au long de l'année, une gestion destinée à dépenser un montant inférieur à celui inscrit dans le budget, et je tiens à en remercier mes collègues. Les recettes fiscales ont été supérieures aux prévisions figurant dans la loi de finances initiale, le surplus se partageant pour moitié entre l'impôt sur les sociétés et la TVA, ce qui témoigne de l'activité économique de notre pays. Le pouvoir d'achat des ménages a augmenté d'un peu plus de 1 % en 2018, et la croissance, de 1,6 %.
Les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont été tenues, à 0,3 % en moyenne. Cette évolution se décompose en une baisse de 0,2 % pour les 322 collectivités concernées par la contractualisation – les plus grandes d'entre elles – et un accroissement de 1,1 % pour toutes les autres, c'est-à-dire les communes rurales. La contractualisation a donc fonctionné.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En effet, l'investissement public a augmenté, tandis que les dépenses de fonctionnement des grandes collectivités ont diminué, ce qui a permis de ne pas réduire les dotations destinées aux communes rurales, voire de les augmenter parfois.
Je voudrais saluer le travail effectué par le Parlement – opposition comme majorité – en matière de contrôle. Le ministère des comptes publics a amélioré l'information transmise aux parlementaires, en leur donnant accès au logiciel Chorus, en avançant la date de dépôt du projet de loi de règlement comme des rapports annuels de performances et en plaçant les données de comptabilité générale en open data. Ce projet de loi de règlement atteste que nous avons été à l'écoute des parlementaires et de leur travail d'appréciation.
La loi de règlement ne traite pas, il est vrai, de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie – ONDAM – , mais vous savez, grâce à la presse, qu'il a été respecté. Nous avons redistribué 300 millions d'euros correspondant au remboursement de la dette des hôpitaux.
Comme l'année dernière, nous avons tenu notre objectif de sécurité budgétaire, grâce à un faible taux de mise en réserve – 3 % contre 8 % auparavant – , à l'absence de décret d'avance, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances – LOLF – , à la diminution des reports de charges et à l'adoption de mesures préventives pour éviter que ne se reproduise l'erreur d'imputation sur les droits de mutation à titre onéreux, point que le président de la commission des finances nous avait signalé et sur lequel nous avons échangé des courriers.
Le projet de loi de règlement montre que nous avons su tenir les comptes qui ont fait l'objet de l'autorisation parlementaire, sans prendre de décret d'avance, et que notre pays a rétabli ses comptes publics tout en favorisant son économie et le pouvoir d'achat des ménages.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Sourires.
L'année 2018, sur le terrain des finances publiques, se caractérise par beaucoup de bonnes nouvelles. D'abord, la France est sortie de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l'objet depuis dix ans. Ensuite, le déficit public a encore reculé, pour se situer à son niveau le plus bas depuis 2006. Nonobstant l'antienne – au sens non liturgique du terme – de certains esprits chagrins, la dépense publique a bel et bien diminué en volume. Tout cela a été obtenu alors même que nous avions engagé une importante transformation de notre fiscalité, qui s'est traduite par des baisses d'impôt de plus de 16 milliards d'euros.
C'est dans ce contexte de rétablissement des comptes publics et de baisse des prélèvements obligatoires, après le triste record de 2017, qu'il faut replacer l'examen du projet de loi de règlement, le premier qui porte sur un exercice complet dont cette majorité et le Gouvernement sont responsables.
Un projet de loi de règlement a pour objet de comparer les résultats d'exécution à exécution et de vérifier la qualité des prévisions fournies au Parlement au stade de l'examen de la loi de finances initiale. Or, sous ces deux aspects, d'exécution à exécution, d'une part, et de prévision à exécution, d'autre part, le projet de loi ne mérite aucun grief.
Le déficit public est en baisse ; il est inférieur de 0,3 point de PIB à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale et dans la loi de programmation des finances publiques. De même, le déficit budgétaire de l'État est inférieur de près de 10 milliards d'euros à ce que prévoyait la loi de finances initiale. Côté recettes, le coût des baisses d'impôts est conforme à ce qui avait été prévu. Les dépenses des ministères ont été maîtrisées, avec une augmentation limitée à 1,4 milliard d'euros par rapport à 2017, soit une hausse de 0,6 %. Elles sont en retrait de près de 1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Les deux normes de dépenses de l'État – la norme de dépenses pilotables et l'objectif de dépenses totales de l'État – ont été respectées, avec une sous-consommation de 1,4 milliard d'euros pour la première, et de 51 millions d'euros pour la seconde.
Je rappelle aussi que nous avons apporté collectivement de nombreuses améliorations à la gouvernance et aux pratiques budgétaires. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont travaillé et agi de conserve. Le Gouvernement a mis un terme à certaines pratiques non respectueuses du Parlement et l'Assemblée nationale a renforcé ses travaux de contrôle avec le Printemps de l'évaluation.
Monsieur le ministre, je ne peux qu'adresser un satisfecit au Gouvernement pour avoir tenu ses engagements en matière de gouvernance et de pratiques budgétaires. Le taux de mise en réserve des crédits a été abaissé de 8 à 3 %, conformément, là encore, aux souhaits exprimés par la Cour des comptes. S'agissant des sous-budgétisations, d'énormes progrès ont été réalisés, puisqu'elles sont passées de 4,4 à 1,5 milliard d'euros. Elles concernent d'ailleurs essentiellement les opérations extérieures des armées.
L'exercice 2018 se caractérise également par l'absence de décret d'avance en gestion. C'est important, car il s'agissait d'une atteinte profonde à l'autorisation parlementaire, certes encadrée par les dispositions de la LOLF, mais en aucun cas respectueuse des prérogatives du Parlement.
Tout cela a été atteint dans un contexte où le Gouvernement n'a pas abusé des techniques de régulation budgétaire, ainsi que l'a souligné le Premier président de la Cour des comptes. Cela démontre les efforts accomplis par le Gouvernement pour présenter une loi de finances sincère et pour tenir les objectifs fixés en gestion.
L'Assemblée nationale a tenu à contribuer à l'amélioration des pratiques budgétaires, en adoptant une procédure d'examen renforcée du projet de loi de règlement. Lors du Printemps de l'évaluation, ont été créés, à l'initiative de la commission des finances, des commissions d'évaluation des politiques publiques – CEPP – , au cours desquelles les ministres ont répondu de l'exécution et des résultats de l'exercice écoulé, mission par mission, politique publique par politique publique. Pour cette deuxième édition, nous avions arrêté un programme de travail, chacun des rapporteurs spéciaux ayant choisi une ou deux thématiques d'évaluation.
Le calendrier a été avancé : le projet de loi a été adopté en conseil des ministres avant la publication des comptes de l'INSEE, intervenue le 29 mai dernier. Cela m'a conduit à présenter en commission un amendement à l'article liminaire pour tenir compte de révisions de très faible ampleur portant non pas sur le déficit public, mais sur ses composantes. Je remercie aussi le Gouvernement de nous avoir transmis de manière anticipée les rapports annuels de performances, ce qui nous a permis de travailler dans de meilleures conditions. Il convient de noter également l'intensité des relations avec la Cour des comptes. Tout cela démontre qu'il n'est pas toujours nécessaire de changer les textes pour améliorer le travail parlementaire : à droit constant, nous pouvons faire des choses extrêmement intéressantes.
J'en profite pour remercier l'ensemble des rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs travaux. J'ai pu l'apprécier au cours des seize CEPP auxquelles j'ai participé, sur dix-huit. Cette année, les ministres ont répondu plus directement aux questions très précises des députés sur l'exécution des crédits qu'ils ne l'avaient fait l'année précédente. Le Gouvernement a ainsi pu fournir des explications. Selon moi – j'y reviendrai lors de l'examen des amendements – , la pratique des CEPP est plus utile que le dépôt de certains amendements, notamment de ceux qui demandent des rapports supplémentaires sur des sous-consommations de crédits, puisque les réponses peuvent désormais nous être apportées en commission.
Au terme de cette procédure renforcée et dans un contexte d'amélioration des finances publiques et des pratiques budgétaires, je vous invite, chers collègues, à adopter ce projet de loi de règlement, à l'instar de la commission des finances.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Vous avez raison, monsieur le ministre, quelques chiffres valent mieux qu'un long discours. Je vais donc être bref et citer des chiffres qui ne sont pas nécessairement les vôtres.
Selon le Haut Conseil des finances publiques, la dépense publique a augmenté, en 2018, de 1 % en volume, soit de 17 milliards d'euros, dont 2,6 milliards pour l'État.
Nous devions assister à une réduction du nombre de fonctionnaires, dans le cadre de la baisse prévue de 120 000 postes, mais vous avez, en réalité, créé 206 emplois au sein de l'État – nous saurons bientôt à quels endroits. La situation est donc « orthogonale », comme on le dit, avec vos précédents engagements.
Le déficit de l'État a augmenté de 12,3 %, soit de 8,3 milliards d'euros. Ce chiffre est certes inférieur au déficit que vous aviez prévu, mais il faut regarder l'exécution budgétaire entre 2017 et 2018, et non la prévision. Il s'agit d'une forte hausse du déficit de l'État, ce dernier contribuant à 120 % du déficit public, puisque ce sont les collectivités locales et la sécurité sociale qui vous permettent d'afficher un déficit public de 2,5 %. La France est un mauvais élève en Europe.
Quand on se compare, on ne se rassure pas, on s'inquiète au contraire. Et, en France, l'État est le mauvais élève par rapport aux collectivités locales et à la sécurité sociale.
La Cour des comptes considère que la démarche de maîtrise des dépenses fiscales est en déshérence. Nous en avons largement parlé lors de cette séance d'évaluation des politiques publiques : l'État doit reprendre la main en la matière.
J'en viens à la dette. Les obligations assimilables du Trésor – OAT – à dix ans ne coûtent certes plus rien, voire rapportent de l'argent, mais il y a là un puissant effet de morphine. La dette de l'État a augmenté de 1,2 point de PIB en 2018. C'est ce que dit le Haut Conseil des finances publiques, dont les chiffres ne sont pas ceux de l'opposition ; si vous n'en êtes pas satisfaits, dites-le à M. Migaud.
Vous aviez, en 2018, la possibilité de rectifier le tir et d'utiliser la croissance, mais vous ne l'avez pas fait. Dans le programme de stabilité que vous avez transmis à la Commission européenne, vous avez abandonné 45 % de votre objectif de réduction du déficit sur la durée du quinquennat et dit adieu au retour à l'équilibre des finances publiques en 2022. Je sais bien que c'est difficile, mais vous auriez pu utiliser la croissance pour le faire. Vous avez dégradé votre effort de diminution de la dépense publique, celle-ci repartant à la hausse dès 2019. Au fond, l'assainissement des finances publiques n'est plus la priorité du Gouvernement, si tant est qu'elle l'ait jamais été ; le discours de politique générale du Premier ministre a achevé de m'en persuader.
Ainsi, monsieur le ministre, lorsque l'on regarde brièvement les chiffres, qui valent en effet mieux qu'un long discours, l'exercice 2018 est un exercice manqué.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra