Le Printemps de l'évaluation est une innovation expérimentée l'année dernière, et nous en avons achevé la deuxième édition il y a quelques semaines. Certes, il permet de renforcer le pouvoir de contrôle budgétaire de notre assemblée – principe inhérent à toute démocratie et inscrit à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – , mais, pour citer la sagesse populaire, « l'hirondelle ne fait pas le printemps » : cet exercice, j'y reviendrai, mériterait en effet d'être amélioré.
Le pouvoir dont il est question est aujourd'hui scindé en deux, entre ce que l'on pourrait appeler un « automne de l'autorisation » – l'examen du projet de loi de finances initiale – et le Printemps de l'évaluation. Mais il ne faudrait pas confondre le contrôle de l'exécution de l'exercice précédent avec le débat que nous avons sur le projet de loi de finances de l'année n+1.
Les dispositions de l'un et de l'autre n'ont rien de commun puisqu'elles ne portent pas sur le même exercice annuel. Cependant, elles permettent d'améliorer les autorisations budgétaires pour les mettre plus en phase avec les réalités, grâce aux évaluations de l'exercice précédent fournies au Parlement. C'est un cercle vertueux.
Il s'agit avant tout d'une pratique politique du Parlement, grâce à laquelle il peut faire usage, dans une logique constructive, de sa faculté de contrôler et d'évaluer en dépassant le fait majoritaire. Cette fonction est essentielle au bon fonctionnement de nos institutions. En effet, seul le processus budgétaire est capable d'encadrer et d'éclairer des choix de gouvernance et de politique d'une manière concrète et réaliste, dans chacun des domaines.
Le projet de loi de règlement, instrument privilégié du contrôle budgétaire pendant l'exercice n+1, a toujours été examiné rapidement, parfois en quelques heures seulement, et il n'a jamais atteint l'objectif affiché dans la LOLF. Je demeure convaincu que le Parlement ne s'est pas encore totalement saisi de toutes les possibilités offertes par ce texte.
Parallèlement, nous estimons que le printemps de l'évaluation doit être renforcé pour devenir un véritable moment de vérité et être plus visible encore. L'une des pistes, à cet égard, est d'associer plus étroitement les groupes minoritaires et d'opposition. En effet, seules deux minutes d'intervention leur ont été accordées pour exprimer leurs avis et poser leurs questions sur l'exécution du budget. Comment croire que deux minutes suffisent pour balayer le champ d'une ou de plusieurs missions, pour savoir si l'autorisation parlementaire a été respectée, si l'exécution a été conforme à la prévision ou si le schéma d'emploi a été correctement exécuté ?
En l'état actuel des choses, on ne va pas assez loin dans la logique constructive que chacun appelle de ses voeux. Sans cette logique, aucun vrai débat politique ne sera possible, au cours de l'évaluation, sur le bien-fondé des choix budgétaire du Gouvernement, les alternatives possibles ou la cohérence des lignes d'action entreprises dans les différentes missions et programmes. C'est la raison pour laquelle le groupe LT approuve le quatrième point de cette proposition de résolution.
En outre, les rapporteurs spéciaux se sont souvent bornés à l'examen de la sincérité du budget, sans évaluer ni le rapport entre les moyens engagés ni l'atteinte des objectifs politiques fixés, et n'ont pas davantage interrogé les indicateurs des rapports annuels de performance.
Par ailleurs, je ne puis évoquer la mission de contrôle budgétaire du Parlement sans évoquer aussi le maintien des processus de gestion dérogatoire, comme les fonds sans personnalité juridique. En effet, ces derniers, qui ne sont pas mentionnés dans le budget de l'État, sont donc soustraits, totalement ou partiellement, à l'examen du Parlement et à son autorisation, principe pourtant essentiel de la démocratie parlementaire. Je pense, par exemple, au fonds pour l'innovation et l'industrie. Cela va à l'encontre des principes classiques d'unité et d'universalité budgétaires, dont on retrouve les prémices dès la Restauration, de 1814 à 1830.
Une révision semble nécessaire pour supprimer cette zone de flou budgétaire : il faudrait choisir clairement, selon les cas, entre une intégration au budget de l'État ou une véritable délégation à des opérateurs. Comme le disait Eugène Pierre, « dépenser sans loi, c'est voter l'impôt ».