… dès lors que la préparation du budget dans le cadre des conférences de performance constitue une étape et une prérogative du Gouvernement. Cela n'empêche pas un travail de concertation entre le Parlement et les ministères concernés sur certains choix, par exemple celui d'indicateurs de performance plus appropriés, l'une des évolutions ici proposée.
Non, la gestion par la performance que promeut la LOLF n'a pas atteint ses objectifs initiaux. Vous disiez, monsieur Hetzel, avoir été gestionnaire de programme ; quant à moi, j'ai fait partie des personnes qui ont établi les premiers documents relatifs à la LOLF. Il existe effectivement un écart sensible entre notre espérance d'une approche plus intelligente de la dépense, plus orientée vers la performance, le retour sur investissement, l'atteinte d'objectifs sociaux ou économiques, et la réalité, caractérisée par la pratique du coup de rabot !
Cet écart se manifeste notamment par le temps passé à examiner les crédits prévisionnels des ministères, au détriment de la vérification de leur bon emploi et de leur exécution. À cet égard, nous ne pouvons que souscrire à la démarche entreprise l'an passé par votre assemblée et étendue cette année aux comptes sociaux, comme nous ne pouvons que souscrire à l'objectif affiché de renforcer les travaux d'évaluation menés par le Parlement à cette fin.
Mais la LOLF a également échoué à atteindre ses objectifs du point de vue des administrations centrales comme des gestionnaires publics, en dépit de ses ambitions initiales. De fait, la technique du rabot indifférencié et la régulation budgétaire infra-annuelle – auxquels l'actuel gouvernement tend à mettre fin – ont contribué à déresponsabiliser fortement ces acteurs.
Si vous jugez qu'un toilettage des indicateurs de performance est indispensable à leur bon emploi, je vous informe que nous y serons favorables, y compris si, comme vous le proposez, cela doit conduire à transgresser les stricts découpages interministériels. Il me semble important, en effet, d'apprécier la performance globale de politiques transversales. Il pourrait être opportun que les ministères concernés et le Parlement y travaillent conjointement.
De même, si vous jugez nécessaire d'appréhender la dépense publique – à propos de laquelle je ne peux que partager votre souhait d'une revue annuelle – au-delà du carcan classique de la mission budgétaire, nous y serons également favorables. Cela présuppose, là encore, un travail de concertation avec les responsables de programme et les principaux acteurs concernés, auquel nous sommes naturellement disposés.
J'irai même plus loin en vous rappelant tout notre intérêt pour une discussion budgétaire aussi consolidée et large que possible, regroupant tous les acteurs de la dépense publique. En effet, je suis convaincue que nous devons créer les conditions d'un débat intelligible, au cours duquel le Gouvernement pourrait exposer la cohérence d'ensemble de sa politique économique et sociale, toutes administrations publiques confondues. À droit constitutionnel et organique inchangé, cela pourrait passer, très concrètement, par l'instauration, dès cette année, d'une discussion générale commune à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, il est exact que le rééquilibrage en faveur du Parlement que promettait la LOLF demeure perfectible dans de nombreux domaines, principalement en raison des nombreux instruments extrabudgétaires qui nuisent à la lisibilité et à l'effectivité de l'autorisation parlementaire. Je prendrai deux exemples : la multiplication des dépenses fiscales, que nous venons d'évoquer ; l'accroissement du recours à des ressources affectées, significatif ces dernières années, en dépit du principe d'universalité budgétaire, ce qui rend ces ressources et leur emploi totalement opaques pour le Parlement.
Sans entrer dans les détails, on peut distinguer trois types de mécanismes : les comptes d'affectation spéciale ; l'affectation d'impositions de toutes natures à des tiers autres que l'État ; l'institution de fonds sans personnalité morale abondés par des taxes ou par des crédits budgétaires. Les majorités successives ne sont pas restées les bras croisés devant cette inflation, notamment en procédant au plafonnement, encore imparfait, des taxes affectées ou en adoptant l'article 18 de la loi de programmation que vous avez votée, lequel rappelle les grands principes de l'universalité budgétaire.
Je suis toutefois convaincue que nous devons aller plus loin. Voilà pourquoi nous vous proposerons, dès la prochaine loi de finances, de rationaliser l'ensemble de ces dispositifs sur le fondement de critères objectifs. Et nous vous proposerons d'y procéder ensemble, afin de rendre toute sa portée à l'autorisation parlementaire.
Enfin, le Gouvernement souscrit pleinement à l'idée de poursuivre l'association des groupes d'opposition au travail d'évaluation mené par les rapporteurs spéciaux de la majorité. En effet, le rôle de contrôle et d'évaluation n'est pas l'apanage de la majorité parlementaire : il appartient à la représentation nationale tout entière ; s'il est une prérogative claire et légitime du Parlement, c'est bien le pouvoir d'obtenir du Gouvernement des réponses aussi exhaustives et rapides que possible à ses interrogations quant au bon emploi des crédits alloués à l'État.