Peut mieux faire ! On progresse de 200 millions en 200 millions, donc peut-être qu'à la fin de la législature, nous en arriverons à fixer d'emblée le bon chiffre. Tout le monde sait que le budget initial n'est pas suffisant, mais on continue !
Les sous-budgétisations, disais-je, se sont donc limitées à 1,5 milliard, contre 4,4 milliards d'euros en 2017. Le groupe Libertés et territoires salue donc le fait que le Gouvernement a su tenir l'enveloppe des dépenses dans le cadre des autorisations budgétaires, grâce à l'amélioration de la qualité de la budgétisation initiale. Les annulations et ouvertures de crédits comptent également parmi les plus basses depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances. La Cour des comptes salue d'ailleurs notamment le faible niveau de la réserve dite « de précaution », dont le taux de mise en réserve est passé de 8 % en 2017 à 3 % en 2018.
Quant aux recettes de l'État, elles sont supérieures de 8,8 milliards d'euros à ce que vous aviez prévu en loi de finances initiale – en fait, un petit peu moins si l'on retire le 1,4 milliard correspondant au report des droits de mutation – et ce malgré les grèves de la SNCF et le mouvement dit des « gilets jaunes ». Cependant, on ne peut pas dire que ce soit le résultat de votre action ; c'est tout simplement le fruit d'une conjoncture internationale favorable, mais cela reste une bonne nouvelle.
Malgré ces deux points positifs, des points faibles persistent.
Tout d'abord, et c'est le plus préoccupant, le déficit continue de s'accroître. La loi de finances pour 2018 avait certes prévu une très forte hausse du déficit de l'État, qui devait atteindre 85,7 milliards d'euros, en progression de 23,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Sur le papier, le résultat obtenu semble positif, puisqu'en définitive, le déficit atteint 76 milliards en 2018, soit 3 % du PIB. Mais n'oublions pas l'essentiel : le déficit de l'État continue de s'accroître ! Il est supérieur de 8,3 milliards d'euros à ce qu'il était en 2017 – voire de 11,1 milliards si l'on tient compte du 1,4 milliard lié au rattachement erroné des droits de mutation entre 2017 et 2018 que je citais à l'instant. Le déficit est supérieur de 12 % à ce qu'il était l'année précédente, et c'est bien là où le bât blesse. Certes, objectivement, c'est mieux que ce que vous aviez prévu, mais c'est quand même moins bien que l'exécution précédente. Ces chiffres sont d'ailleurs assez conformes à la trajectoire présentée dans le programme de stabilité, qui ne prévoit pas d'effort particulier concernant l'État : il faut remarquer que l'effort porte sur les comptes des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales, dont l'amélioration compense la dégradation du déficit de l'État.
Nous observons une petite réduction du déficit public – 0,2 point – mais le déficit structurel demeure quasiment stable. Le déficit public – État, sécurité sociale et collectivités territoriales – s'établit à 59,6 milliards en 2018, soit 2,5 % du PIB, après 2,8 % en 2017. C'est un chiffre inférieur de 0,2 point – compte tenu des problèmes d'arrondi – à celui prévu par la loi de programmation de janvier 2018. Cette réduction est en apparence une bonne nouvelle.
Mais le diable se cache dans les détails, et les règles européennes nous demandent un effort structurel de réduction de nos déficits publics de 0,5 point de PIB, c'est-à-dire d'environ 12 milliards d'euros par an. Faisons le compte : cet effort est de seulement de 0,1 point puisque le déficit structurel passe de 2,4 % du PIB en 2017 à 2,3 % en 2018 ; ce niveau de déficit est supérieur de 0,1 point à celui prévu dans la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018. D'ailleurs, dans vos prévisions pour 2019, le solde structurel devrait passer à 2 % en 2019, c'est-à-dire une réduction de 0,3 point de PIB. Mais c'est sans compter le ralentissement de l'économie internationale.
La dette continue d'augmenter, malgré les règles européennes. Vous ne respectez pas engagements européens de la France.
Quant à la baisse des recettes fiscales, ou plus exactement aux mesures de réductions fiscales, elles n'ont pas été compensées par une réduction de la dépense à due concurrence.
Les recettes fiscales ont connu une baisse de 13,5 milliards, décidée en loi de finances pour 2018 : je pense à la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière – IFI – pour 3,2 milliards, au prélèvement forfaitaire unique pour 1,2 milliard environ ou encore à la prise en charge par l'État du dégrèvement de taxe d'habitation, pour un bon 3 milliards. Les années antérieures, il y avait eu le CICE, la baisse du taux normal de l'impôt sur les sociétés, le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Cependant, il faut aussi noter des hausses : les recettes fiscales ont été augmentées de 5 milliards notamment grâce à la fiscalité énergétique et à la TVA, ce qui fixe le solde à 8,5 milliards. Notons qu'en l'absence de mesures fiscales, nous aurions tout juste maintenu le déficit du budget de l'État entre 2017 et 2018, puisque son augmentation est de 8,3 milliards.
À ce propos, la Cour des comptes – dont le groupe Libertés et territoires partage l'analyse – rappelle que « l'État n'est pas à même de réduire ses propres dépenses à due concurrence des baisses de prélèvements opérés sur l'ensemble des administrations publiques. » Le problème est en effet que vous n'avez pas eu le courage politique suffisant pour réduire la dépense publique, seul moyen de diminuer durablement les prélèvements fiscaux. Cette loi de règlement le montre.
Quant aux dépenses fiscales, nous en avons parlé tout à l'heure lorsque nous avons débattu d'une proposition de résolution sur ce sujet. Elles ont continué d'augmenter. Vous savez ce que dit l'épître de saint Paul, monsieur le ministre…