Nous avons lu les différents documents et annexes budgétaires, et nous nous rappelons aussi l'examen et les dispositions du projet de loi de finances de 2018.
Le déficit public est certes maintenu sous la barre des 3 % du PIB en 2018, dans la continuité de l'effort de redressement budgétaire opéré depuis 2012. Mais on ne peut oublier qu'il repassera ce seuil en 2019, cas unique au sein de l'Union européenne, en raison des choix budgétaires et fiscaux du Gouvernement.
Le solde budgétaire est effectivement meilleur que celui prévu par la loi de finances initiale pour 2018 : 76 milliards d'euros de déficit contre 85,7 milliards. Mais nous y voyons surtout une dégradation par rapport au solde budgétaire de 2017, caractérisé par un déficit de 67,7 milliards d'euros. Concrètement, le déficit budgétaire de l'État s'est creusé de 8,3 milliards d'euros entre 2017 et 2018 ; il devrait dépasser la barre des 100 milliards d'euros en 2019 !
Quant aux recettes, elles se sont stabilisées. C'est presque une anomalie. Vu la reprise économique que nous avons connue en 2017 et dont les effets se sont prolongés en 2018, elles auraient dû être en forte hausse, permettant ainsi de réduire le déficit budgétaire.
Cette stagnation s'explique en réalité par les baisses d'impôts opérées en 2018. Le groupe Socialistes et apparentés n'est pas opposé aux baisses d'impôts – encore faut-il qu'elles soient dirigées vers ceux qui en ont le plus besoin.
Or ces baisses, c'est le fameux « plan richesse » de la LFI de 2018, prévoyant la suppression de l'ISF et la mise en place de la flat tax. Ce plan représente 5 milliards de cadeaux fiscaux par an, pendant cinq ans, pour les Français les plus riches.
S'agissant d'une évolution maîtrisée des dépenses, on retrouve là encore les choix budgétaires du Gouvernement, que nous avions vivement combattus à l'automne 2017. Ce sont par exemple les coupes sur les APL ou la baisse drastique des contrats aidés.
Ces contrats aidés me permettent de faire la transition avec le détail de l'exécution budgétaire. Non seulement leur nombre a été fortement revu à la baisse, mais la complexité du dispositif n'a pas permis aux collectivités et aux associations de se saisir correctement des parcours emploi compétences : sur 200 000 PEC budgétés en LFI, seuls 128 000 ont été créés.
L'analyse de l'exécution budgétaire montre également une sous-consommation des crédits de paiement de l'ordre de 177 millions d'euros au sein de la mission « Outre-mer ». Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes qualifie d'« inédite » l'ampleur de cette sous-consommation des crédits et rappelle que l'année 2017 avait connu une sous-exécution des crédits de paiement de la mission de seulement 20 millions d'euros.
Ces sous-consommations résultent principalement des choix contestables du Gouvernement, qui ont par exemple conduit à casser la politique du logement en outre-mer. À elle seule, cette politique représente 65 des 177 millions de crédits de paiement non consommés en 2018 sur la mission « Outre-mer ».
La suppression de l'APL accession a participé au « brutal coup d'arrêt », pour citer le Gouvernement, de la production de logements en outre-mer, qui est passée de 476 logements en 2017 à 94 en 2018. La suppression de cette aide a également conduit à un effondrement des aides à l'amélioration de l'habitat privé en Guadeloupe et à la Réunion. Par ailleurs, le nombre de logements locatifs sociaux et très sociaux financés par l'État a diminué de 9,9 %, soit 478 logements de moins.
Je terminerai en revenant sur le travail d'évaluation mené par ma collègue Christine Pires Beaune sur la mission « Remboursements et dégrèvements ». Il est apparu que l'année 2018 se caractérise par une explosion des contentieux perdus par l'État en matière d'impôt sur les sociétés.
La loi de finances pour 2018 avait anticipé un niveau de décaissements résultant de contentieux unitaires à l'impôt sur les sociétés de 0,84 milliard d'euros. En réalité, ces décaissements se sont élevés à 3,23 milliards d'euros, soit une différence de 2,4 milliards d'euros.
Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de 2018, la Cour des comptes note que ces décharges exceptionnelles d'impôt sur les sociétés « n'ont pas été anticipées par l'administration » et reconnaît qu'elle n'a « pas identifié de causes spécifiques communes à cette évolution des contentieux unitaires à l'IS ». Ce qui est certain, c'est que l'État n'a plus l'expertise juridique suffisante pour défendre ses intérêts en cas de contestation sur le montant d'impôt sur les sociétés à payer, au point de devoir rembourser en 2018 plus de 3 milliards d'euros aux entreprises.
Vous l'aurez compris, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas le projet de loi de règlement de 2018.