Cette année, l'examen de la loi de règlement revêt une certaine importance. C'est en effet la première fois que nous allons examiner une exécution budgétaire complète de la majorité. Et nous jugeons que le bilan est lourd.
Deux mille dix-huit n'a pas été une bonne année pour notre pays. Elle a été marquée par une immense tromperie : celle de votre prétendu « fonds pour l'innovation et l'industrie ». Vous auriez dû l'appeler par son vrai nom : « fonds pour justifier les privatisations » ! Ce n'est pas moi qui le dis : c'est la Cour des comptes, qui dénonce dans son rapport une « mécanique budgétaire [… ] complexe et injustifiée » et nous explique que « Ce montage a conduit à des opérations inutilement compliquées, en partie pour afficher une dotation de 10 milliards finançant l'innovation de rupture, alors qu'en pratique 250 millions lui seront effectivement consacrés annuellement. »
Il vous suffirait de remplacer ce fonds par une simple ligne budgétaire de 250 millions d'euros annuels destinés à l'innovation. Ce serait bien plus lisible pour l'ensemble des Français, ainsi que pour la représentation nationale et pour la comptabilité nationale – mais je sais bien pourquoi vous procédez ainsi : c'est que vous voulez justifier l'injustifiable, à savoir la privatisation de nos fleurons nationaux, que vous avez décidé de livrer aux appétits des actionnaires.
L'injustifiable, c'est d'avoir privatisé une de nos frontières, Aéroports de Paris.
L'injustifiable, c'est de catapulter la Française des jeux dans l'estomac des intérêts privés, alors qu'il y a des enjeux de santé publique, notamment en relation avec la dépendance aux jeux.
L'injustifiable, c'est de placer Engie entre les mains cupides du marché, alors que l'on nous avait assuré, au moment de l'ouverture de son capital, qu'il n'était pas question de privatiser l'entreprise – et pourtant, nous y sommes. Et l'on feindra de s'étonner que les prix de l'énergie ne cessent d'augmenter, au plus grand désespoir des Français !
L'injustifiable, c'est que votre fonds pour l'innovation ne soit que des mots. La Cour des comptes souligne que ce fonds n'est pas réellement sanctuarisé, ce qui, en clair, signifie que les 10 milliards d'euros issus des privatisations pourraient à tout moment être récupérés par l'État et cesser d'être investis dans l'innovation.
L'injustifiable, c'est que les recettes tirées des participations publiques soient plus importantes que les intérêts de ce fonds – nous l'avons dit à maintes reprises. On espère que ces derniers représenteront 250 millions d'euros par an, alors que les premières sont trois fois plus élevées.
La brutalité et l'inconséquence de ces décisions vont, je l'espère, sauter aux yeux des Français. Comme vous le savez, nous nous battons pour obtenir 4,7 millions de signatures pour pouvoir organiser un référendum contre la privatisation d'Aéroports de Paris. J'ai une bonne nouvelle pour vous, monsieur le ministre : nous avons tenu ce soir un premier meeting, entre parlementaires issus de différents bancs de l'Assemblée ; ce meeting a rencontré un succès qui en dit long et nous donne l'espoir d'obtenir le nombre de signatures requis.
L'année 2018, c'est une année de plus où l'État marche en arrière. En 2018, les dépenses nettes du budget général de l'État, qui s'élèvent à 325,2 milliards d'euros, ont été exécutées à un niveau inférieur de 1,1 milliard d'euros à ce que prévoyait la loi de finances initiale. Le Gouvernement a donc reculé : il a dépensé encore moins que promis lors de son premier projet de loi de finances.
Pour l'année 2018, on nous ressert encore la vieille soupe de l'austérité, de la nécessité d'un déficit contenu. L'augmentation des dépenses est, dans l'absolu, bien maigrelette – 0,3 % – , mais, comparativement à celle de la population française, qui, et c'est une bonne nouvelle, continue d'augmenter, les dépenses ont en réalité diminué de 1,8 %. Tel est le prix de la soumission au dogme de l'austérité.
Vous sacrifiez l'État à une idéologie qui relève presque du mysticisme, tant elle brille par l'absence de résultats concrets qu'elle procurerait au pays, comme aux autres pays qui la subissent en Europe. En effet, malgré la mise en quarantaine des dépenses publiques, le déficit budgétaire de l'État s'est encore accru, passant de 67,7 milliards d'euros en 2017 à 76 milliards d'euros en 2018. La faute à quoi ? La faute à des recettes de l'État en constante diminution.
Oh, les diminutions n'ont pas profité à tout le monde : les cadeaux fiscaux qu'Emmanuel Macron a infligés – si je puis dire – aux Français n'ont bénéficié qu'aux plus riches. C'est une autre des causes du recul de l'État. Le seul record du Gouvernement en 2018, c'est une baisse des prélèvements obligatoires de 16,5 milliards d'euros, un niveau qui n'avait jamais été atteint depuis 2009.
Ces baisses d'impôts sont injustement ciblées. Elles sont pour une minorité de Français l'occasion de bénéficier de toujours plus d'avantages : 3,2 milliards d'euros de gagnés avec la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune et la création de l'impôt sur la fortune immobilière ; 1,6 milliard d'euros avec l'instauration du prélèvement forfaitaire unique, qui, soit dit en passant, a coûté 300 millions de plus que prévu, et ce alors que nous vous avions avertis de l'effet d'aubaine que cela provoquerait, avec une augmentation des paiements en dividendes ; 3,5 milliards d'euros avec l'augmentation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ; 1,2 milliard d'euros avec la diminution du taux de l'impôt sur les sociétés. Il y eut aussi la suppression de la taxe à 3 % sur les dividendes, qui a certes été invalidée par le Conseil constitutionnel, mais qui n'était pas moins injuste et profitable aux plus riches.
En revanche, vous n'avez pas la même mansuétude envers les pauvres, car les impôts non progressifs, donc les plus injustes, ont augmenté de 4,1 milliards d'euros au titre de la fiscalité énergétique et de 0,9 milliard du fait de diverses mesures d'augmentation de la TVA, notamment dans les secteurs du logement et de la construction. Ces chiffres contrastent avec l'augmentation de la contribution française à l'Union européenne, qui, elle, curieusement, progresse de plus de 4 milliards d'euros, avec plus de 733 millions d'euros de plus que la prévision initiale – c'est bien l'un des seuls secteurs où celle-ci est autant dépassée !
L'année 2018 marque visiblement l'ouverture d'un festival, celui des annulations de crédits. En effet, un certain nombre de crédits qui avaient pourtant été adoptés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 n'ont été ni consommés en 2018, ni reportés sur 2019. Voici un petit florilège d'annulations non reportées d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement : 530,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 19,6 millions d'euros en crédits de paiement pour la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ; 454,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13,3 millions d'euros en crédits de paiement pour la mission « Cohésion des territoires » ; 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 102 millions d'euros en crédits de paiement pour la mission « Défense » ; 72,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 73,8 millions d'euros en crédits de paiement pour la mission « Outre-mer » ; 2,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 14,2 millions d'euros en crédits de paiement pour la mission « Travail et emploi ». Il s'agit pourtant de ministères essentiels tant sur le plan social que sur le plan de la défense et de l'écologie ! Ces crédits ne seront pas utilisés, bien qu'ils aient été votés et que les besoins ne manquent pas.
Je voudrais dire quelques mots du budget dont je suis le rapporteur spécial, à savoir celui de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». La baisse des effectifs se poursuit au sein d'un ministère pourtant essentiel si l'on veut prendre au sérieux la question de la transition écologique et solidaire. Alors qu'il y a urgence, du fait du changement climatique, à périmètre constant, en 2018, les dépenses de la mission ont diminué de 3 %.
Chers collègues, il est inconcevable de continuer à diminuer les effectifs d'un ministère qui a déjà perdu 27 000 équivalents temps plein en dix ans. C'est considérable, et cela touche aussi les opérateurs du ministère. Et tout ça pour quoi ? Vous promettez sans cesse la prospérité dans la start-up nation que vous nous vantez, mais le moins que l'on puisse dire, c'est que vos résultats économiques, mesurés à l'aune même du critère de la croissance, sont mauvais !
La croissance ralentit : elle est passée de 2,3 % en 2017 à 1,6 % en 2018, alors qu'elle est de 1,8 % dans la zone euro et de 3,7 % dans le monde. Vous n'avez donc pas solidifié l'économie française. D'ailleurs, lorsque vous avez dû accorder, début 2019, 10 milliards d'euros pour la consommation populaire sous la pression du mouvement des gilets jaunes, les chiffres de l'économie française se sont un peu améliorés, notamment par rapport à ceux du reste de l'Europe, ce qui montre que ce qu'il faudrait, ce n'est pas une politique de l'offre, mais bien une politique de la demande.
Vous vous gargarisez de la hausse de 1 % du pouvoir d'achat des ménages en 2018, mais ce que vous ne dites pas, c'est que si l'on mesure les effets cumulés des mesures prises en 2018 et en 2019, les 1 % les plus riches du pays ont connu un gain annuel moyen de 3 016 euros, et que les 0,1 % les plus riches ont connu une augmentation de 17,5 % de leur revenu disponible.
Vous comprendrez donc que nous considérons que votre budget est ce que nous dénonçons depuis longtemps, à savoir un budget pour les riches – et cela ne ruisselle pas du tout sur le reste de l'économie française.