On peut toujours regarder vers le passé : chacun a sa responsabilité, et nous prenons la nôtre, même si le contexte était distinct de celui qui prévaut aujourd'hui.
À présent, allons-nous continuer à regarder vers le passé, ou allons-nous enfin affirmer collectivement, de façon consensuelle, en délaissant les clivages politiques, que la protection de nos concitoyens comme de ceux qui nous protègent est une priorité qui doit nous réunir, par-delà les caricatures et les clivages habituels ?
La division par deux de la part de richesse nationale consacrée à la protection des Français peut sembler un peu abstraite. Voici donc deux autres chiffres : sur 1 000 euros de dépense publique consentie par la nation, à peine 25 sont consacrés à la sécurité, et à peine 4 à la justice. C'est ridiculement faible.
La présente proposition de loi vise à faire en sorte que nous changions de cap, de méthode, et que nous consacrions enfin les moyens nécessaires à la sécurité de nos concitoyens.
Dans ce contexte, j'aimerais rappeler l'appel de détresse lancé dimanche dernier, dans une tribune commune, par tous les syndicats de police, des commissaires aux gardiens de la paix en passant par les officiers.
Je les cite : « Les policiers souffrent au sein d'une administration devant s'adapter en permanence aux injonctions souvent paradoxales du politique et de la société civile, dans une institution frappée par la disette budgétaire, étranglée dans des normes inadaptées à l'exercice de la mission régalienne ». Disette budgétaire ! Le mot est lâché, non par l'opposition, mais par des syndicats de convictions souvent différentes.
Par-delà ce message, penchons-nous sur un indicateur particulièrement dramatique : cette nuit, un policier, le trente-cinquième depuis le début de l'année, s'est suicidé. Trente-cinq policiers ont mis fin à leurs jours, soit autant que ceux dont nous avons déploré le suicide en 2018 – et nous ne sommes pas encore à la fin du mois de juin !
Monsieur le secrétaire d'État, ces chiffres doivent vous alerter. Ils doivent nous mobiliser, collectivement. On ne peut pas se contenter d'une « circulaire barbecue » qui explique qu'il faut renforcer la convivialité. Il faut surtout plus de moyens. Tel est l'objet du présent texte.
Compte tenu de ce constat, que nous pouvons tous partager, il est donc indispensable, et c'est ce que nous proposons, de changer de méthode. La proposition de loi prévoit une programmation embrassant plusieurs perspectives à moyen terme. Il faut cesser de réagir, sous le coup de l'émotion, aux circonstances particulières et aux attentats. Il faut dessiner une perspective plus ample, et de plus long terme.
Tout d'abord, nous proposons d'apporter une réponse matérielle à la crise. Il est urgent de rendre à nos forces de l'ordre des marges de manoeuvre budgétaires.
Je le dis solennellement : la France doit offrir des conditions de travail plus dignes à ceux qui nous protègent. Au sein de la seule police nationale, 400 commissariats sont en situation de vétusté, et il en est de même dans la gendarmerie nationale.
En vue d'y remédier, la proposition de loi prévoit, dans le cadre d'une démarche programmatique semblable à celle adoptée il y a plus de dix ans par la LOPSI I puis par la LOPPSI II – lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – , un engagement supplémentaire de 15 milliards d'euros pour la période 2020-2025, soit 2,5 milliards supplémentaires par an. Cela peut sembler élevé, dans un cadre comptable, mais nous le devons à la nation et à ceux qui assurent sa sécurité.
L'article 3 vise à remédier à une situation parfaitement insupportable : aujourd'hui, l'État doit à nos policiers le paiement de 25 millions d'heures supplémentaires. C'est un scandale !