La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement no 20 rectifié portant article additionnel après l'article 5.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 20 rectifié .
Avouez qu'il est étrange, pour une journée dont l'ordre du jour est fixé par le groupe Les Républicains, qu'aucun de ses membres ne se trouve dans la salle pour le début de la séance !
Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
… ainsi que vous, madame la présidente.
Cet amendement s'inscrit dans le prolongement d'un autre que j'avais déposé ce matin sur la TVA. Il s'agit, cette fois, de la TVA sur les consommations d'électricité et de gaz naturel. Il est question ici, vous en conviendrez, de satisfaire des besoins de première nécessité : de telles consommations sont indispensables pour vivre dans la dignité. Elles sont pourtant soumises à une TVA de 20 %, qui s'applique aux produits de consommation accessoire.
Nous proposons donc de ramener le taux de taxation à 5,5 %. L'annonce de l'augmentation des tarifs de l'énergie de 5,9 %, à compter du 1er juin, a suscité beaucoup d'émotion dans le pays. Elle va se traduire par une augmentation de 85 euros par an pour les foyers qui se chauffent à l'électricité, soit 35 euros de plus que le chèque énergie, dont on nous parle beaucoup mais qui ne couvrira pas cette hausse.
La parole est à M. Patrick Hetzel, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Il est important de rappeler que la commission n'a pas examiné cet amendement, qui soulève une vraie question et reflète une préoccupation de nos concitoyens quant à leur pouvoir d'achat. J'ignore si vous vous y êtes employés, mais nous avons essayé de chiffrer le coût de cette mesure : nous avons estimé la perte de recettes pour l'État entre 5 et 10 milliards. Bien que la difficulté soit réelle, je vous demande donc, à titre personnel, de retirer l'amendement ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable. En effet, le coût de la mesure justifie qu'on appréhende globalement la question des taux de TVA. L'énergie n'est qu'une des dimensions à traiter : les carburants et bien d'autres produits mériteraient aussi une révision de leur taux. Cela nous offrirait, comme je le disais ce matin, une meilleure lisibilité.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Les abonnements des ménages relatifs aux livraisons d'électricité, mais également de gaz naturel et d'énergie calorifique distribuée par un réseau bénéficient déjà du taux de 5,5 % de TVA, alors que les consommations sont soumises au taux normal. Le Gouvernement n'est pas favorable à ce que l'on revoie ce dispositif équilibré. De manière générale, une baisse du taux de la TVA sur certains produits ou prestations n'est pas un levier efficace pour améliorer le pouvoir d'achat des ménages. L'expérience montre, au contraire, qu'une baisse de la fiscalité ne se répercute pas systématiquement sur les prix. La politique du Gouvernement en faveur des ménages les plus modestes passe donc par d'autres moyens que la TVA, notamment la baisse de la taxe d'habitation et de l'impôt sur le revenu. Enfin, comme cela a été souligné à l'instant par M. le rapporteur, la baisse de 14,5 points du taux de TVA applicable aux consommations d'électricité et de gaz naturel présenterait un coût budgétaire qui irait à rebours de l'objectif de redressement des finances publiques. Dans ces conditions, je vous demande, monsieur le député, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j'en demanderais le rejet.
Je rappelle que le Gouvernement et la majorité se sont employés à aider les familles à payer leurs factures d'électricité : le chèque énergie a été augmenté, pour passer à 200 euros dès le 1er janvier 2019, et l'accès y a été facilité. Comme on le sait, le tarif social de l'énergie était méconnu de beaucoup de Français, notamment de ceux qui en avaient le plus besoin. Dorénavant, l'aide est versée directement à l'intéressé, grâce à la déclaration de revenus et, désormais, dans le cadre du prélèvement à la source. Tous ceux qui y ont droit en bénéficient à présent automatiquement, y compris les foyers non imposables qui, souvent, ne faisaient pas de déclaration. C'est une aide importante, qui permet de payer les factures d'électricité, de gaz et même de fioul. Nous agissons également en faveur de la rénovation thermique des bâtiments, en aidant les familles à dépenser moins, car une moindre consommation d'énergie participe aussi à la transition énergétique et a des effets bénéfiques pour notre planète.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je souhaiterais réagir aux propos de Mme Motin. Le quinquennat a déjà connu deux phases. Dans un premier temps, vous avez fait les poches des Français…
Rires sur les bancs du groupe LaREM
… en augmentant l'impôt et la taxation, puis, dans un second temps, vous avez distribué des petits cadeaux pour essayer de calmer nos compatriotes. Malgré tout, dans l'ensemble, le pouvoir d'achat a diminué et la fiscalité a augmenté depuis le début du quinquennat. C'est pour cela que nous continuerons à nous battre en faveur du pouvoir d'achat.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Deux remarques. On oppose toujours l'impôt sur le revenu, que paient 50 % des Français, à la TVA, que chacun acquitte, y compris les Français qui n'ont pas les ressources suffisantes pour payer l'impôt sur le revenu. La TVA présente un caractère extrêmement sensible et injuste.
Plus fondamentalement, la question est de savoir ce qui justifie l'existence de plusieurs régimes de TVA en France : un taux de 20 % sur les produits de luxe, de 10 % sur les biens de consommation classique et de 5,5 % sur les produits de première nécessité. Ces trois régimes découlent de la qualification du bien. La question est de savoir si la consommation d'électricité ou de gaz, soit le minimum pour vivre dans la dignité, constitue une dépense accessoire, courante, ou correspond à un achat de première nécessité.
Au-delà de tous les débats sur les efforts qui sont faits, voilà le sujet. Nous considérons, à travers cet amendement, que la consommation d'énergie – le fait de pouvoir se chauffer par l'électricité ou le gaz, l'accès à l'eau chaude – est un bien de première nécessité et qu'elle devrait, à ce titre, être soumise au régime de TVA correspondant.
L'amendement no 20 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement no 1 de M. Éric Woerth est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement, déposé par Éric Woerth, a été rejeté par la commission. Il permet de poser le débat de la reconnaissance de la participation des retraités à la création de richesse dans notre pays. Il a pour objet de demander un rapport sur les conséquences de l'indexation des 1 000 premiers euros de pension sur l'évolution des salaires.
Depuis la fin des années 1980, l'indice des prix sert de base à la revalorisation des pensions, ce qui assure aux retraités, pour autant qu'on ne déroge pas à la règle – comme l'a fait le Gouvernement, par un coup de canif, en 2019 – une protection de leur pouvoir d'achat.
Toutefois, dans la mesure où ce mode de revalorisation n'assure pas aux retraités le bénéfice des effets de la croissance, il serait souhaitable de rétablir un lien entre l'évolution des salaires des actifs et celle des pensions. En effet, s'il y a de la croissance, on ne comprend pas très bien pourquoi les retraités ne pourraient pas en tirer profit.
Certes, un retour à l'indexation sur les salaires présenterait sans doute un coût trop élevé mais, entre cette forme d'indexation et celle qui est pratiquée actuellement, il y a peut-être une voie médiane : l'évolution des pensions pourrait être en partie liée à celle des salaires. Cela mérite, en tout état de cause, une étude plus approfondie. À cette fin, l'amendement demande au Gouvernement d'étudier « différentes hypothèses de construction d'un coefficient de revalorisation des pensions de vieillesse ».
À un moment donné, le débat doit pouvoir se tenir. Ce que nous voulons éviter, c'est que la réflexion se limite à des échanges entre la majorité et le Gouvernement. Ces questions doivent véritablement – c'est le rôle du Parlement, et c'est pourquoi nous y insistons – être discutées avec l'ensemble des oppositions.
La méthode actuelle – des annonces gouvernementales consécutives à la crise des gilets jaunes qui ne sont pas financées, des décisions de dernière minute… – n'est pas acceptable. Ces questions doivent s'inscrire dans le moyen et le long terme. Nous voulons engager un travail de fond sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
La proposition visant à panacher, dans le calcul des pensions, une indexation fondée à la fois sur les prix et l'évolution des salaires serait source de complexité et présenterait un caractère nécessairement arbitraire en raison de la pondération entre les deux critères. Au demeurant, la réforme des retraites qui sera conduite par le Gouvernement abordera les conditions de revalorisation des pensions. Je propose donc que nous ayons cette discussion à cette occasion. Je suggère le retrait de l'amendement ; à défaut, j'en demanderais le rejet.
Je soutiens cet amendement, qui soulève la question très importante de la clarification des indicateurs : c'est une réflexion qu'il convient, selon nous, de mener. Par ailleurs, cette initiative va dans le sens de propositions qui ont été faites ce matin quant à la réindexation des pensions de retraite sur l'inflation.
Monsieur le secrétaire d'État, nous allons maintenir cet amendement, qui soulève clairement la question de l'appauvrissement des retraités.
D'un côté, les pensions sont désindexées ; de l'autre côté, l'inflation conduit à un accroissement des salaires des actifs. Cela va très vite nous conduire dans un goulot d'étranglement. Les retraités perdent déjà du pouvoir d'achat, et cela va s'aggraver. D'autant qu'avec l'allongement de la durée de vie, les retraités supportent des charges et des dépenses nouvelles : je pense notamment à toutes celles et tous ceux qui, à l'âge de 60 ou de 65 ans, doivent par exemple financer un EHPAD – établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – pour leurs parents.
Nous voulons casser l'ensemble de cette logique économique qui veut nous faire croire que, parce qu'on taxe davantage les retraités, parce qu'on brise l'équilibre intergénérationnel, les actifs vont mieux s'en sortir. Nous maintenons notre amendement parce que, comme l'a dit très justement le rapporteur, il va dans le bon sens. Depuis le début de notre débat, nous vous demandons simplement d'indexer les pensions de retraite, pour que chacun puisse retrouver un juste équilibre en matière de pouvoir d'achat. Il me paraît important d'entendre ce message, et de ne pas reporter la mesure aux calendes grecques ou au projet de loi de financement de la sécurité sociale – on sait déjà qu'elle ne verra pas le jour.
Le Conseil constitutionnel vous avait déjà mis en demeure, à l'instar des Français. Nous attendons de vous une prise de conscience sur le sujet.
Ce matin, la majorité nous a dit que certains points n'étaient pas suffisamment documentés. Avec cet amendement, nous voulons rouvrir le débat, et faire évoluer les modalités d'indexation. Nous demandons au Gouvernement de fournir un rapport : la moindre des choses serait d'accepter cette demande et de mettre sur la table les éléments qui permettent d'avoir un débat serein entre les oppositions et la majorité ! Nous ne demandons rien d'autre que cela.
Notre amendement, très constructif, permettra au Parlement de jouer son rôle dans la discussion sur l'évolution du financement des retraites, et notamment sur leur indexation. Nous ne comprenons pas très bien vos réticences à transmettre ces éléments au Parlement. Monsieur le secrétaire d'État, ce qui ressort de votre intervention, c'est : « circulez, il n'y a rien à voir, le Gouvernement fait son affaire de tout cela, le Parlement n'est là que pour appuyer sur un bouton ». Ce n'est pas comme cela que l'opposition envisage le rôle du Parlement.
Monsieur le rapporteur, vous allez être content : en juillet, le Haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Jean-Paul Delevoye, présentera un rapport issu non pas de trois petits mois de travaux, mais de deux ans de consultations avec les Français, avec les professionnels, avec les syndicats, avec la sécurité sociale, avec tous les acteurs.
Bien sûr que si ! Les parlementaires seront associés, puisqu'ils en discuteront dans le cadre des travaux législatifs.
Ce rapport extrêmement fourni présente des solutions pour rénover notre système de retraite, mais également pour le financer. Car vous avez raison, monsieur Abad, l'allongement de la durée de la vie soulève des enjeux importants. Ainsi, il faut aussi financer des retraites plus longues.
Nous vous rejoignons également sur la dépendance : le Président de la République s'est engagé sur l'élaboration d'un texte sur la dépendance, qui sera présenté par la ministre des solidarités et de la santé à la rentrée. Nous aurons, là aussi, l'occasion d'en discuter tous ensemble, mais au bon moment, au bon endroit et sur le fondement de rapports très approfondis, résultant de plus de deux ans de travail.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1 n'est pas adopté.
Chers collègues LR, vous savez pertinemment que le texte que vous nous proposez aujourd'hui relève de la loi de finances et qu'il ne peut pas être sérieusement examiné sans étude d'impact ni analyse de ses interactions avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en milieu d'année et avec un effet rétroactif.
Vous savez pertinemment que le texte n'est pas financé. En outre, il faut aller sur votre site pour chercher vos mesures, dont mes collègues ont montré avec beaucoup de talent leur manque d'applicabilité et de précision.
Vous savez pertinemment que le pouvoir d'achat augmentera cette année, de l'ordre de 2 %. Nous pourrions évidemment faire mieux, nous voudrions évidemment faire mieux, car le pouvoir d'achat est l'une de nos priorités. Mais le chiffre de cette année est tout de même exceptionnel.
Vous savez pertinemment que ce texte n'est pas une future loi, mais, osons le dire, une sorte de scud médiatique, qui n'a pour seul objectif que de faire du bruit et du buzz,...
... puisque vous savez que la procédure place ce type de dispositions dans le projet de loi de finances – PLF.
En revanche, vous ne semblez pas avoir compris qu'être un jour « père la rigueur » et un autre pour une augmentation des dépenses publiques de 17 milliards d'euros, être le lundi pour le respect des procédures budgétaires et y être opposés le jeudi, être pour le gel des prestations sociales quand vous êtes au pouvoir et y être opposés quand vous êtes dans l'opposition – vous n'avez pas compris, chers collègues, que ces contradictions permanentes vous éloignent des Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je voudrais expliquer à nos concitoyens et à la représentation nationale que l'article 6 montre à quel point cette proposition de loi n'est pas sérieuse. Voici la rédaction de l'article : « I. – Les charges et pertes de recettes résultant de la présente loi pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. II. – Les charges et pertes de recettes résultant de la présente loi pour l'État sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».
Pour éclairer nos concitoyens, il s'agit de taxes sur le tabac.
En France, il se vend 2,7 milliards de paquets de cigarettes, et votre proposition de loi coûte 17 milliards d'euros, soit 6,2 euros par paquet de cigarettes. Vous allez nous dire que votre document powerpoint détaille des propositions de réduction de dépenses, mais nous n'avons pas à nous prononcer sur un powerpoint ! Nous examinons un texte de loi, dont l'article 6 précise le financement des mesures.
Ces dispositions sont toujours les mêmes ! Vous ne le saviez pas ? Vous n'en avez jamais vu ?
Vos propositions sont démagogiques, le financement de vos mesures est fantaisiste, et votre texte, outre le fait de vous offrir une tribune, nous fait perdre beaucoup de temps.
Ce matin, vous invitiez la majorité à être constructive : je veux bien l'être, mais présentez d'abord des textes raisonnables. Si vous le faites, nous saurons être constructifs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur Lavergne, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! J'ai sous les yeux des propositions de loi de la majorité. Voulez-vous que je lise les gages ? Voulez-vous que je sois aussi cruel ? Vous faites exactement la même chose. Et pour une raison simple : c'est la procédure parlementaire, nous ne pouvons pas faire autrement !
De grâce, ne nous renvoyez pas ce genre d'arguments, vous êtes les premiers à faire la même chose.
Puisque nous en arrivons à la fin de l'examen du texte, je voudrais revenir sur l'expression de « matraquage fiscal », employée ce matin sur les bancs du groupe Les Républicains pour caractériser la politique du Gouvernement.
L'évolution des prélèvements obligatoires en milliards d'euros est un chiffre qui n'a aucun sens. Cela n'a aucun sens de dire que Nicolas Sarkozy a augmenté les prélèvements de 40 milliards d'euros en 2010 ou que François Hollande en a rajouté 27 milliards. C'est la pression fiscale qui compte, c'est-à-dire le rapport entre le montant prélevé et la richesse créée. Le taux de prélèvements obligatoires est donc un indicateur incontestable : 41 % en 2009, puis 45,3 %, pic atteint en 2017. Or le projet de loi de règlement du budget a montré que ce taux avait baissé, en 2018, à 45 %.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est la première fois depuis bien longtemps !
Voilà ce qui compte, car les prélèvements obligatoires sont une composante essentielle du calcul du pouvoir d'achat. Réjouissons-nous collectivement que le taux de prélèvements obligatoires baisse enfin ! Cultivons collectivement l'humilité, qui, comme le disait Paul Claudel, est une « source non seulement de vertu, mais de bonne humeur ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Qu'on le veuille ou non, l'article 6 est le point faible du texte. La volonté d'agir en faveur du pouvoir d'achat, notamment celui des plus modestes, ne saurait être mise en cause, mais comment gager cette dépense ? Comment baisser la dépense publique ? Dans le domaine de la défense ? Il n'en est pas question. Dans celui de la sécurité ? M. le secrétaire d'État ne serait pas tout à fait d'accord… Dans celui de l'enseignement ? Non. Dans celui de la santé ? Non plus.
C'est la difficulté classique du passage à l'acte… Par ailleurs, il n'est pas plus envisageable, ni durablement soutenable, d'accroître l'endettement, et la mesure ne serait pas conforme à nos engagements européens.
Tout cela doit nous inviter à réfléchir à la pertinence de certaines niches, à l'évitement fiscal, aux retraites chapeaux et aux parachutes dorés, en un mot, à une remise à plat de toute la fiscalité.
À l'image de cet article, l'ensemble du texte ne repose sur aucun socle budgétaire, ni même sur une vision honnête pour le pouvoir d'achat des Français.
On l'aura compris, chers collègues, cette proposition de loi vous offre une tribune politique, alors que nous préférons, de notre côté, soutenir sans relâche une politique répondant aux besoins des Français. Vous l'avez démontré, vos propositions ne reposent sur rien d'autre que votre agenda politique. Exprimer avec aplomb, comme vous le faites, des contrevérités et superposer des sujets qui n'ont aucun lien entre eux ne font pas un raisonnement juste et cohérent.
Vous avez évoqué la crise de 2008 pour justifier les hausses d'impôts intervenues entre 2007 et 2012. Sur les 650 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires, 400 milliards résultent en effet de la crise, mais 250 milliards proviennent exclusivement et directement de la politique que votre majorité a soutenue.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Et vous avez augmenté les prélèvements obligatoires de 100 milliards : gardez donc vos leçons de morale budgétaire !
En effet, notre majorité a soutenu une politique, qui, contrairement à la vôtre, a sorti la France du déficit public dans lequel elle était enlisée depuis dix ans. Il faut le rappeler ! Nous avons également diminué les prélèvements obligatoires, à hauteur de 0,2 %. Notre ambition est d'accélérer cette trajectoire de baisse d'impôts.
En voyant votre proposition de diminuer l'impôt sur le revenu de 2 milliards d'euros, nous vous invitons à rejoindre notre majorité pour soutenir la baisse d'impôt de 5 milliards d'euros,...
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mes chers collègues, quand l'envie vous prendra de parler de matraquage fiscal, il conviendra de savoir de quoi vous parlez !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Cette proposition de loi a tout son sens, car la France se trouve dans une situation bien singulière depuis novembre 2018. La question du pouvoir d'achat, mis à mal par les récentes augmentations d'impôts et de taxes, s'est imposée comme la revendication centrale des Français et a été le catalyseur de la mobilisation des gilets jaunes.
Notre pays détient le record d'Europe de déficit public.
En 2018, la CSG a augmenté massivement, la taxe sur les carburants a connu une hausse sans précédent et le montant de la prestation d'accueil du jeune enfant a baissé. C'est pourquoi nous proposons de nouvelles mesures destinées à redonner du pouvoir d'achat aux Français. En 2018, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 4,5 milliards d'euros, selon l'INSEE.
L'article 6 ne prévoit peut-être pas un financement original de nos propositions, mais avouez que les deux vagues de mesures de rééquilibrage et de rétropédalage du Gouvernement, après les annonces du Président de la République et le grand débat national, ne sont pas financées du tout.
Pire, la politique fiscale du Gouvernement oppose les Français les uns aux autres, avec une grande fracture entre les métropoles et la ruralité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
D'abord, chers collègues, vous n'avez pas le monopole de la vérité. Ce n'est pas parce que nous pensons différemment de vous que nos idées seraient, par essence, fausses. Les Français rejettent massivement cette arrogance.
Quelle est la réalité ? Monsieur Lavergne, nous ne pouvons pas gager les mesures d'une proposition de loi par une baisse des dépenses publiques. Si vous aviez déposé davantage de propositions de loi, vous connaîtriez cette règle élémentaire qui s'impose aux parlementaires.
Nous faisons bien entendu porter le gage sur le tabac, comme tout le monde l'a fait ici dans cet hémicycle, en tout cas tous ceux qui ont déposé des propositions de loi. Ne venez pas nous donner une leçon, car elle est fausse et irrespectueuse du travail du Parlement.
La vérité, c'est que vous ne voulez pas changer de cap ni d'orientation. La vérité, c'est que vous voulez continuer à matraquer les retraités et les classes moyennes, et à attiser la tension entre les Français. La proposition de loi est de bon sens : tous ses articles reposent sur un principe simple, celui de remettre de l'équité sociale et fiscale entre les Français. Vous ne voulez pas entendre l'opposition. Vous ne l'entendez qu'une fois acculés, quand les Français sont dans la rue ou rejettent une partie de votre politique. C'est dommage ! Nous jouons notre rôle d'aiguillon. Vous feriez mieux de nous écouter.
Enfin, vous nous dites que nos propositions de dépenses ne sont pas sérieuses car elles devraient être présentées dans le cadre du projet de loi de finances. Mais les 10 milliards d'euros présentés au mois de décembre par le Président de la République l'ont-ils été ?
Monsieur Cazeneuve, vous plaisantez, j'espère ! Souvenons-nous : le dernier projet de loi de finances initiale dont nous avons débattu ne risquait pas de prévoir ces 10 milliards d'euros, puisqu'ils ont été présentés après l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2018, en décembre !
Cela s'appelle des crédits budgétaires, monsieur Abad, vous le savez très bien !
Par ailleurs, vos propres mesures n'ont toujours aucun financement. Prenons la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards : vous ne dites nulle part comment vous comptez faire. Le Premier ministre lui-même a prononcé ici même, la semaine dernière, un très long discours : il a parlé de tout, sauf du financement des mesures annoncées.
Commencez donc par balayer devant votre porte ! La vérité, c'est qu'il faut faire preuve d'un minimum de courage politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Chers collègues du groupe Les Républicains, vous venez de faire la démonstration que vous êtes prêts – et je vous y invite – à voter les mesures d'économies budgétaires que nous proposerons dans le prochain PLF.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La dépense publique étant au coeur de vos préoccupations, sachez que nous serons ravis, respectueux que nous sommes de nos institutions, de notre travail et des possibilités qui vous sont offertes de présenter des propositions de loi – en sus de celle dont nous débattons depuis ce matin et dont j'ai détaillé les raisons pour lesquelles vous devez la remettre sur le métier – , de débattre avec vous lors de l'examen du PLF, qui est le cadre adéquat en la matière.
Par ailleurs, nous comprenons que, pour vous, la réduction de la taxe d'habitation d'un tiers l'an dernier et de deux tiers au mois de septembre prochain relève du matraquage fiscal.
Les Français, eux, ne l'entendront peut-être pas de cette oreille.
Nous comprenons qu'augmenter la CSG de 1,7 point, pour vous, est pire que l'augmenter de 2,5 points, comme vous l'avez fait de 2009 à 2012, sans faire alors grand cas des retraités.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous comprenons qu'augmenter les minimas sociaux pour les plus fragiles ne vous intéresse pas forcément, …
… car en matière d'impôt, vous préférez l'universalité à la solidarité, qui fait aussi la force de notre nation.
Nous poursuivrons le débat lors de l'examen du prochain projet de loi de finances. Il sera passionnant, j'en suis persuadée !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous arrivons au terme de l'examen de la proposition de loi. Je me contenterai d'une observation technique : à tout moment, le Gouvernement peut lever le gage. Il est d'usage de procéder de la sorte.
D'un point de vue technique, les arguments opposés à l'article 6 ne résistent donc pas à l'examen. Au demeurant, nous avons clairement indiqué, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, que nous ne souhaitons pas gager exclusivement le financement de ses dispositions sur le tabac, …
Sourires.
… et qu'il ne s'agit que d'une contrainte technique.
Quels enseignements tirer du débat ? Nous avançons cinq propositions fortes en faveur du pouvoir d'achat de nos concitoyens. La première : rétablir l'indexation sur l'inflation des retraites et des allocations familiales. Quelle est la réponse de la majorité ? Non. La deuxième : rétablir l'indexation sur l'inflation des aides au logement. Que répond la majorité ? Non. La troisième : annuler la hausse de la CSG pour tous les retraités. Votre réponse, chers collègues de la majorité, est encore non.
Nous proposons de rétablir les plafonds du quotient familial, vous répondez toujours non. Enfin – hélas ! – , à la proposition de baisser de 10 % l'impôt sur le revenu pour les deux premières tranches du barème, vous répondez non.
Les choses sont claires : nous faisons des propositions sérieuses, dont le financement est documenté. Et que se passe-t-il ? La majorité, hélas, en reste à ses positions très fermées.
Cela fait deux ans que nous formulons des propositions. Comme le président Woerth et moi-même avons eu l'occasion de le rappeler, vous avez été obligés d'en reprendre certaines, car la crise des gilets jaunes est passée par là.
En tout état de cause, j'espère que la façon dont la majorité traitera l'opposition à l'avenir sera un peu plus constructive. Pour l'heure, je retiens que la majorité, hélas, fait de l'obstruction parlementaire.
L'article 6 n'est pas adopté.
L'ensemble des articles et des amendements portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Cette proposition de loi du groupe Les Républicains nourrit une double ambition : exprimer une reconnaissance à l'égard de ceux qui assurent quotidiennement, souvent au péril de leur vie et avec un courage exemplaire, la protection de nos concitoyens ; et prendre un engagement afin que ces hommes et ces femmes exemplaires disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de cette mission exigeante et difficile mais ô combien essentielle, qui les expose très souvent à des menaces.
Nous souhaitons aborder l'examen du texte dans un esprit de consensus. Depuis plusieurs années – vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur – nos policiers, nos gendarmes et nos policiers municipaux sont en première ligne dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Ils sont également confrontés à une violence quotidienne de plus en plus ancrée dans notre société. Ils ont dû faire face, et encore plus depuis plusieurs mois, à la violence exprimée lors de manifestations au cours desquelles leur intégrité physique a été atteinte – près de 2 000 d'entre eux ont été blessés. Ils font également face à une crise migratoire inédite, qui, hélas, n'est pas près de refluer.
Paradoxalement, tandis que ces menaces et ces risques augmentent, voire explosent, les moyens structurels dont disposent nos forces de l'ordre n'ont cessé de diminuer.
Depuis cinquante ans, l'effort budgétaire de la nation pour protéger les citoyens a été divisé par deux. Dans les années soixante, lorsque le général de Gaulle était président de la République, la nation consacrait 6,5 % de sa richesse à la protection des Français. Depuis lors, ce chiffre a été divisé par deux.
Monsieur Balanant, la responsabilité est partagée par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis cinquante ans. Chacun a sa part de responsabilité.
On peut toujours regarder vers le passé : chacun a sa responsabilité, et nous prenons la nôtre, même si le contexte était distinct de celui qui prévaut aujourd'hui.
À présent, allons-nous continuer à regarder vers le passé, ou allons-nous enfin affirmer collectivement, de façon consensuelle, en délaissant les clivages politiques, que la protection de nos concitoyens comme de ceux qui nous protègent est une priorité qui doit nous réunir, par-delà les caricatures et les clivages habituels ?
La division par deux de la part de richesse nationale consacrée à la protection des Français peut sembler un peu abstraite. Voici donc deux autres chiffres : sur 1 000 euros de dépense publique consentie par la nation, à peine 25 sont consacrés à la sécurité, et à peine 4 à la justice. C'est ridiculement faible.
La présente proposition de loi vise à faire en sorte que nous changions de cap, de méthode, et que nous consacrions enfin les moyens nécessaires à la sécurité de nos concitoyens.
Dans ce contexte, j'aimerais rappeler l'appel de détresse lancé dimanche dernier, dans une tribune commune, par tous les syndicats de police, des commissaires aux gardiens de la paix en passant par les officiers.
Je les cite : « Les policiers souffrent au sein d'une administration devant s'adapter en permanence aux injonctions souvent paradoxales du politique et de la société civile, dans une institution frappée par la disette budgétaire, étranglée dans des normes inadaptées à l'exercice de la mission régalienne ». Disette budgétaire ! Le mot est lâché, non par l'opposition, mais par des syndicats de convictions souvent différentes.
Par-delà ce message, penchons-nous sur un indicateur particulièrement dramatique : cette nuit, un policier, le trente-cinquième depuis le début de l'année, s'est suicidé. Trente-cinq policiers ont mis fin à leurs jours, soit autant que ceux dont nous avons déploré le suicide en 2018 – et nous ne sommes pas encore à la fin du mois de juin !
Monsieur le secrétaire d'État, ces chiffres doivent vous alerter. Ils doivent nous mobiliser, collectivement. On ne peut pas se contenter d'une « circulaire barbecue » qui explique qu'il faut renforcer la convivialité. Il faut surtout plus de moyens. Tel est l'objet du présent texte.
Compte tenu de ce constat, que nous pouvons tous partager, il est donc indispensable, et c'est ce que nous proposons, de changer de méthode. La proposition de loi prévoit une programmation embrassant plusieurs perspectives à moyen terme. Il faut cesser de réagir, sous le coup de l'émotion, aux circonstances particulières et aux attentats. Il faut dessiner une perspective plus ample, et de plus long terme.
Tout d'abord, nous proposons d'apporter une réponse matérielle à la crise. Il est urgent de rendre à nos forces de l'ordre des marges de manoeuvre budgétaires.
Je le dis solennellement : la France doit offrir des conditions de travail plus dignes à ceux qui nous protègent. Au sein de la seule police nationale, 400 commissariats sont en situation de vétusté, et il en est de même dans la gendarmerie nationale.
En vue d'y remédier, la proposition de loi prévoit, dans le cadre d'une démarche programmatique semblable à celle adoptée il y a plus de dix ans par la LOPSI I puis par la LOPPSI II – lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – , un engagement supplémentaire de 15 milliards d'euros pour la période 2020-2025, soit 2,5 milliards supplémentaires par an. Cela peut sembler élevé, dans un cadre comptable, mais nous le devons à la nation et à ceux qui assurent sa sécurité.
L'article 3 vise à remédier à une situation parfaitement insupportable : aujourd'hui, l'État doit à nos policiers le paiement de 25 millions d'heures supplémentaires. C'est un scandale !
Cette situation amorale déstructure nos services en profondeur, et contraint parfois nos policiers à partir en retraite avec un, deux ou trois ans d'avance, leur poste restant ouvert.
Le deuxième objectif du texte est de mieux protéger ceux qui nous protègent. De nos jours, l'uniforme ne protège plus, il expose. Chaque jour, on dénombre en moyenne 78 agressions contre les dépositaires de l'autorité publique et 178 outrages et violences à leur encontre. Chaque jour, 21 policiers et gendarmes sont blessés en mission. Quant aux agressions visant les sapeurs-pompiers, leur nombre a augmenté de 150 %. Les magistrats ne sont pas épargnés : il y a trois jours, la présidente d'une cour d'assises a été sauvagement agressée.
Nous proposerons donc de renforcer, par voie d'amendement, la protection des dépositaires de l'autorité publique. Nous considérons que l'uniforme doit être inviolable.
Lorsque des délinquants commettent des crimes et des délits contre des policiers, des gendarmes, des policiers municipaux, des pompiers, des magistrats, nous proposerons également d'instaurer des peines planchers, de systématiser le prononcé d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une expulsion pour les étrangers, d'écarter l'application de l'excuse de minorité. Enfin, nous proposerons de réprimer plus lourdement et plus efficacement les forces de l'ordre dont ils feraient l'objet.
Le troisième et dernier pilier de cette proposition de loi, c'est la volonté d'assurer un « continuum de sécurité », pour reprendre les termes de l'excellent rapport de nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, et pour cela de renforcer les prérogatives des polices municipales. Nous reprenons d'ailleurs certaines des excellentes propositions de ce rapport ; vous soutiendrez leur adoption, je n'en doute pas, mes chers collègues.
La sécurité des Français et de ceux qui nous protègent exige un dépassement des clivages politiques, et appelle l'unité nationale.
Nous nous devons de dépasser les postures partisanes, les préjugés et les dogmes, d'où qu'ils viennent. C'est la raison pour laquelle nous espérons que ce texte sera soutenu par l'ensemble des députés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
La sécurité des Français est une priorité absolue du Gouvernement, et depuis deux ans, aucun effort n'a été économisé pour la renforcer.
Nous avons, très rapidement, fait voter la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – SILT.
Nous avons lancé, et amplifié cette année, la police de sécurité du quotidien : une sécurité du sur-mesure, qui s'adapte aux territoires ; une sécurité de la confiance, du terrain, qui conforte le lien entre les Français et leurs forces de l'ordre ; une sécurité du partenariat enfin, qui fait travailler ensemble police, gendarmerie, collectivités locales, polices municipales, acteurs de la sécurité privée.
Nous avons augmenté les moyens de la police et de la gendarmerie. Nous avons prévu la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes au cours du quinquennat : 2 000 ont été créés l'année dernière, et 2 500 le seront cette année. Nous renforçons les moyens matériels de notre police et notre gendarmerie. Pour vous donner un exemple concret, et très attendu par nos forces de l'ordre, en 2018, 6 000 voitures neuves ont été commandées ; c'est 1 000 de plus qu'en 2017. En 2019, nous continuons cet effort, avec 5 800 voitures neuves commandées.
Ces avancées, je pense qu'au-delà des clivages, nous pouvons nous en réjouir tous ensemble. Elles offrent aux Français une véritable sécurité et permettent de faire baisser un peu la tension qui pèse sur des forces de l'ordre, éprouvées par les suppressions d'emplois qui ont eu lieu par le passé – certains d'entre vous les ont rappelées, mais il faut toujours s'en souvenir. J'ai entendu que cette responsabilité est assumée, mais je redirai néanmoins que ce n'est qu'à la fin de cette année que nous aurons à nouveau autant de gardiens de la paix que nous en avions en 2007.
Ces coupes claires parmi les effectifs de la police et de la gendarmerie nationale, je crois que plus personne ne les supporte. J'ai l'impression que du chemin a été parcouru depuis, et si c'est bien le cas, je m'en réjouis très sincèrement. Christophe Castaner et moi-même avons toujours été hostiles à ces suppressions d'effectifs et nous le restons aujourd'hui. Le Gouvernement entend bien poursuivre l'augmentation des effectifs.
Mais, nous le savons bien, les effectifs et les augmentations de moyens ne sont pas tout. Il faut aussi une analyse précise, détaillée, prospective de la menace. Or celle-ci, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, a objectivement évolué. Elle impose une gestion nouvelle de l'ordre public ; elle impose également de prendre en considération une menace terroriste plus importante mais aussi des violences de plus en plus fréquentes, notamment contre les personnes dépositaires de l'autorité publique.
Cette analyse nous permettra d'inscrire dans le marbre de la loi la montée en puissance des moyens de notre police et de notre gendarmerie. Il faudra aussi aborder les problèmes structurels de nos directions et les préoccupations du quotidien de nos forces de sécurité intérieure.
Il nous faut donc procéder avec méthode, procéder dans l'ordre. C'est bien notre idée. Bâtir une loi de programmation nécessite d'abord un état des lieux précis de la menace : c'est l'objet du livre blanc sur la sécurité intérieure annoncé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, et dont nous allons sans tarder engager la préparation.
Bâtir une loi de programmation demande aussi une concertation large, des échanges avec les syndicats et les instances de concertation de la gendarmerie. Nous les menons depuis des semaines et avançons conjointement avec les organisations syndicales de la police nationale sur les questions déterminantes du temps de travail et des heures supplémentaires.
Bâtir une loi de programmation demande également de consulter des directions, des experts, des élus, et d'établir des comparaisons avec les solutions pratiquées à l'étranger. Cela demande, surtout, de donner la parole aux femmes et aux hommes du terrain, aux policiers et aux gendarmes, qui sont les plus fins connaisseurs de la sécurité intérieure, ainsi qu'aux citoyens, aux Français. C'est ce que nous sommes en train d'organiser ; Christophe Castaner et moi-même sommes résolument engagés dans ce mouvement.
Une loi de programmation se réfléchit, se conçoit, se concerte. C'est un travail de longue haleine que nous ne devons ni négliger ni brusquer.
Aussi, vous comprendrez qu'il est impossible au Gouvernement de soutenir cette proposition de loi, qui est sans doute le fruit de lectures théoriques mais dont les articles méritent d'être confrontés à la réalité, ce que nous allons faire au cours de la discussion.
Ce n'est même pas moi qui pointe le manque de concertation et le caractère peu opportun de ce texte : les organisations syndicales elles-mêmes ont affirmé en commission que ce texte était précipité et qu'il convenait de respecter le processus de négociation engagé. C'est d'ailleurs dans ce dernier cadre, monsieur le rapporteur, que s'inscrit la tribune que vous avez évoquée, publiée dans le Journal du dimanche : émanant de syndicats pour la plupart majoritaires, elle vient nourrir la réflexion en cours et s'inscrit dans le dialogue permanent que Christophe Castaner et moi-même entretenons avec les organisations syndicales.
Nous serions bien présomptueux de prétendre savoir ce qui est bon pour les policiers et les gendarmes sans même les avoir consultés. Plutôt que de parler à leur place, je propose que nous les écoutions vraiment : menons à terme le livre blanc et le dialogue social ; écrivons le projet de loi de programmation de sécurité intérieure. Ce texte, réfléchi et concerté, constituera une base de discussion dont chacun pourra s'emparer.
En effet, je crois profondément à la plus-value du travail parlementaire et à l'enrichissement de nos textes par la discussion en commission et dans l'hémicycle. Je compterai alors sur l'investissement de tous. Christophe Castaner et moi-même ne fermerons aucune porte a priori.
Nous sommes d'autant plus à l'aise pour le dire que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui identifie de façon pertinente quelques problèmes auxquels nous sommes précisément en train de réfléchir.
L'article 3 du texte, par exemple, s'attelle à la question des heures supplémentaires. C'est évidemment une question qui nous préoccupe. Un stock s'est accumulé depuis des années, une dette s'est construite, que les différents gouvernements ont laissé filer. Oui, c'est un vrai problème, qui mérite de vraies réponses. C'est pourquoi nous avons confié une mission d'audit sur ce sujet à l'inspection générale de l'administration. C'est pourquoi nous sommes aussi convenus avec les syndicats de travailler à une solution : nous échangeons depuis le mois de décembre pour y parvenir.
Mais, pour réussir, préférons le dialogue aux solutions toutes faites.
Une autre question intéressante soulevée par ce texte est celle des polices municipales, aux articles 9 et 10. Je connais bien le travail remarquable des polices municipales ; je connais bien leur qualité et leur engagement pour concourir à la sécurité des Français, avec la police et la gendarmerie. Je crois donc qu'il faut fortifier les liens entre police et gendarmerie d'un côté, et polices municipales de l'autre. Je crois comme vous, monsieur le rapporteur, que nous devons nous efforcer de bâtir ce véritable continuum de sécurité qu'appellent également de leurs voeux dans leur rapport Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, dont je salue le travail. Établir un tel continuum sera un des objectifs de la loi de programmation de sécurité intérieure.
Là encore, la proposition de loi pèche par impréparation : certaines dispositions ne sont pas constitutionnelles. Ainsi, confier la qualité d'agent de police judiciaire aux agents de polices municipales serait contraire à l'article 66 de la Constitution ; des dispositions proches avaient été censurées par le Conseil constitutionnel en 2011 dans sa décision sur la LOPPSI 2.
Pour le reste, certaines propositions de ce texte peuvent apparaître idéologiques ou inconstitutionnelles, ou alors n'ont pas montré leurs effets – et ces caractéristiques ne sont pas exclusives les unes des autres.
Nous y reviendrons dans la discussion, mais je pense par exemple à l'article 4 sur les peines planchers : au-delà même de la défiance gênante vis-à-vis de l'institution judiciaire qu'une telle mesure implique, je rappelle que les peines planchers n'ont montré aucune efficacité contre la récidive et n'ont pas même conduit à une augmentation significative des peines d'emprisonnement prononcées.
Je pense encore à l'article 5, qui propose des interdictions obligatoires du territoire français alors même que le Conseil constitutionnel a répété plusieurs fois que les peines obligatoires étaient contraires à la Constitution.
Je regrette ces dispositions, car je crois que s'il y a bien un thème où le clivage entre droite et gauche n'a plus cours, c'est celui de la sécurité.
En matière de sécurité, nous partageons des ambitions communes et nous ne devons pas, nous ne pouvons pas nous diviser. La sécurité des Français, comme les conditions de travail et d'engagement de tous ceux qui y oeuvrent, méritent du travail, de la préparation et de la réflexion, mais ni postures ni précipitation.
À cet égard, monsieur le rapporteur, je me dois d'aborder ici la question des suicides. On ne peut pas résumer l'action du Gouvernement, vous le reconnaîtrez, à une instruction visant à améliorer la convivialité dans les services de police. Celle-ci ne constitue qu'un élément d'un plan d'ensemble qui visait aussi à mieux détecter, à mieux prendre en charge et surtout à mieux connaître les moyens dont ont besoin nos policiers et nos gendarmes.
Nous avons malheureusement déploré cette nuit le trente-quatrième suicide de l'année, alors que nous en avions compté trente-cinq l'an dernier. Cette augmentation est en effet extrêmement préoccupante.
Le Gouvernement s'opposera à ce texte. Nous nous attachons à continuer la consultation large que nous menons : des négociations productives sont en cours pour bâtir une loi de programmation efficace, concertée et réellement protectrice de la sécurité des Français. Nous en débattrons plus longuement lors de la discussion des articles.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe MODEM.
J'aime répéter que la sécurité est la première de nos libertés.
Nous avons sans aucun doute l'une des meilleures polices du monde. Pourtant, les attentes des populations semblent toujours moins satisfaites. Le sentiment d'insécurité s'accroît, et se conjugue avec une perte de confiance des fonctionnaires qui sont chargés d'assurer notre sécurité.
Notre premier objectif doit être de retrouver ou d'instaurer des dispositifs simples, choisis pour leur efficacité, et centrés sur le rétablissement de l'ordre républicain.
J'en profite ici pour remercier Éric Ciotti, à l'initiative de la proposition dont nous débattons aujourd'hui dans l'hémicycle, pour son travail et pour son engagement de très longue date au bénéfice de la sécurité des Français. Merci de nous avoir proposé ce texte qui permet, enfin, d'engager une réflexion programmatique sur la sécurité qui manque cruellement au débat public depuis plus de dix ans.
Ce texte propose à juste titre de réarmer l'État en augmentant significativement les moyens budgétaires dédiés aux forces de l'ordre et en améliorant leurs conditions de travail, tout en renforçant les outils juridiques destinés à les protéger ainsi qu'en renforçant les prérogatives des policiers municipaux.
Les évolutions nécessaires sont profondes et importantes, et il est capital qu'en tant que députés, nous nous saisissions dès aujourd'hui de ces enjeux, car l'inaction, mes chers collègues, est la source d'une amertume croissante de nos concitoyens, qui conduit aux thèses des extrêmes de toutes sortes.
Je vous le dis, mes chers collègues, le rejet de ce texte en commission n'est pas la hauteur de l'attente des Français. Ne répondre qu'à des problèmes immédiats, et encore, très partiellement, sans logique d'ensemble, ne résoudra rien à long terme.
La sécurité de nos concitoyens doit être appréhendée sans esprit partisan. Notre objectif, ainsi que celui du Gouvernement, doit être non seulement de leur apporter la protection qu'ils demandent et à laquelle ils ont pleinement droit – c'est le rôle même de la nation – mais aussi la sécurité, et de protéger d'autant plus ceux qui les protègent, en risquant parfois leur vie.
Les événements dramatiques qu'a connus notre pays ces dernières années ont conduit le gouvernement de l'époque à décider de pérenniser le port d'une arme en dehors de leur service par les policiers et les gendarmes, en dehors de toute période d'état d'urgence. Ce fut une très bonne chose. Mais comprenez bien ici que l'ensemble des forces de l'ordre sont devenues des cibles potentielles pour des terroristes ou pour ceux qui veulent s'attaquer aux femmes et aux hommes qui incarnent ou ont incarné la défense de notre République et de la France.
Il y a trois jours, une présidente de la cour d'assises de Versailles a été violemment agressée à son domicile, dans une commune des Yvelines.
N'est-ce pas encore un exemple suffisamment parlant des risques que peuvent encourir les représentants de notre République ? Et pensez-vous au fonctionnaire de police confronté à un prévenu rempli de haine, qui lui portera un regard assassin en le menaçant verbalement, lui et sa famille ?
L'indignation ne suffit plus. Les réactions médiatiques sont outrageusement cyniques et les déplacements des ministres en cas d'événement tragique ne peuvent plus se limiter à des opérations de communication qui ne sont suivies d'aucun effet.
Dans la soirée du 13 juin 2016, un terroriste a assassiné sauvagement deux fonctionnaires de police à leur domicile, dans les Yvelines. Un hommage a eu lieu il y a une semaine, jour pour jour, au commissariat où l'une des deux victimes exerçait ses fonctions, en présence du ministre de l'intérieur et de vous-même, monsieur le secrétaire d'État.
À cette occasion, devant tous les fonctionnaires de police présents pour cet hommage, le ministre de l'intérieur a insisté sur sa volonté de lutter contre le terrorisme avec des mesures fortes et un engagement sans faille en termes d'effectifs et de moyens. J'y étais.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut passer des paroles aux actes. Cette proposition de loi vous offre, à vous et au Gouvernement, une formidable opportunité de démontrer, sans attendre, la réalité de votre volonté d'engagement en la matière.
Les mots « indignation » et « émotion » perdent de leur valeur quand rien n'est proposé pour remédier aux actes odieux qui ont lieu dans notre pays. Le texte que nous débattons, au contraire, vise à redonner à l'État les moyens de son autorité, au moment où celle-ci ne cesse de régresser.
Je souhaite qu'aujourd'hui chacun d'entre nous, ici présent, puisse bien mesurer l'impact que peut avoir son vote sur ce texte et la responsabilité qu'il porte envers nos concitoyens et la France entière, au regard de nos enjeux de sécurité.
Chers collègues, il est indispensable de faire respecter l'ordre républicain. Pour y parvenir, il faut nous doter des moyens de toutes sortes qui sont nécessaires. Le courage politique est la clé des évolutions au service de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera évidemment cette proposition de loi en faveur d'un indéniable renforcement des moyens pour assurer la sécurité des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous abordons avec cette proposition de loi un sujet indiscutablement important puisque, nous le savons, les forces de l'ordre ont été particulièrement sollicitées, notamment au cours des dernières années – par le terrorisme, et, plus récemment, par les crises sociales comme celle des gilets jaunes. Elles font preuve depuis des mois de beaucoup d'abnégation et d'un engagement sans faille dans les missions qu'elles assument, dans des conditions particulièrement éprouvantes.
Le drame des suicides a été évoqué. Il est réel et en dit long sur le parcours de souffrance de certains de nos policiers. Dans ce contexte de terrorisme, les forces de l'ordre ont été très mobilisées, ce qui rend leur quotidien et celui de leurs familles très difficile.
Les objectifs de la proposition de loi sont clairement affichés : vous proposez de renforcer les moyens budgétaires dédiés aux forces de l'ordre ainsi que les outils juridiques destinés à les protéger, et d'augmenter les prérogatives des policiers municipaux.
Nous sommes évidemment favorables à la poursuite des efforts budgétaires engagés notamment par Bernard Cazeneuve afin de sortir de la crise des institutions, et que le gouvernement actuel essaie de poursuivre. Mais, sans vouloir polémiquer, il paraît difficile d'oublier le nombre important de postes de policiers supprimés avant 2012. Ces suppressions ont contraint à un exercice délicat pour remettre sur le terrain des gendarmes et des policiers, d'autant que la situation, du fait du terrorisme, s'était complexifiée.
Faute de moyens humains et matériels, les policiers et les gendarmes se sentent souvent dans l'impossibilité de répondre correctement à toutes les sollicitations de nos concitoyens. Et la suppression de la police de proximité n'arrange rien !
Nous le savons, les habitants de nos quartiers populaires sont les premières victimes de ce sentiment d'insécurité. Il faut donc donner aux forces de l'ordre les moyens d'assurer leurs missions.
La vétusté des locaux dont vous avez parlé est, là encore, un problème réel. Malgré les efforts réalisés pour rattraper les retards considérables existants, les besoins pour améliorer les conditions matérielles dans lesquelles les policiers travaillent sont importants.
La proposition de loi avance de nombreux chiffres en vue d'un renforcement budgétaire. Il s'agit par exemple de ventiler des crédits supplémentaires pour la gendarmerie et la police nationale, ou de lancer un plan global d'investissement immobilier. Ce qui est gênant, c'est qu'une proposition de loi n'est pas le bon endroit pour cela : ces demandes de crédits, même si elles sont justifiées, auraient sans doute davantage leur place dans les discussions que nous avons chaque année sur le projet de loi de finances.
Vous abordez aussi une question très sérieuse, celle du paiement des heures supplémentaires accumulées depuis 2014. Là encore, vous touchez à un problème réel. Certains policiers comptabilisent tant d'heures supplémentaires non payées qu'ils partent à la retraite deux à trois ans plus tôt. Mais on a du mal à comprendre la solution que vous proposez pour obliger l'État à les payer : vous proclamez un engagement, mais comment y arrivera-t-on dans les faits ?
Sur d'autres sujets, je suis un peu plus sceptique. Vous envisagez par exemple de réintroduire les peines planchers. C'est un débat, monsieur Ciotti, que nous avons déjà eu depuis 2007 et vous ne vous étonnerez pas de constater que je ne suis pas davantage convaincue par les peines planchers aujourd'hui que je ne l'étais à cette date.
Nous avons vu ces mesures à l'oeuvre, puisque la loi a prévu une certaine automaticité de la peine. Cette disposition a été contestée au motif que l'individuation de la peine est un principe fondamental des droits français et européen. Il a été constaté que ces peines planchers pouvaient permettre aux prévenus d'encourir les mêmes peines, qu'ils braquent une bijouterie ou fracturent un distributeur de boissons. De même, un jeune de 20 ans ayant acheté deux grammes de cannabis pouvait encourir quatre années de prison, alors même qu'on entend dire aujourd'hui à la radio que certains voudraient légaliser la distribution du cannabis – pour ma part, je suis très sceptique envers cette évolution.
En 2014, les peines planchers ont été supprimées au motif qu'elles n'étaient pas dissuasives et ne permettaient pas de lutter efficacement contre la récidive. Je vous reconnais le mérite de la ténacité, puisque vous proposez d'y revenir...
… mais je demeure perplexe quant à leur intérêt, à un moment où nous essayons plutôt d'aménager les peines pour éviter d'accroître la surpopulation carcérale.
S'agissant de la fin de l'excuse de minorité, c'est là encore un vieux débat. Je sais que vous pensez que des jeunes de 16 ans grands et baraqués devraient pouvoir être condamnés comme des majeurs. Là encore, un principe fondamental de notre droit s'y oppose : celui d'envisager le mineur comme un être en devenir. Par conséquent, on doit garder l'espoir qu'il sera sensible à des mesures d'éducation.
C'est la raison pour laquelle notre justice des mineurs, si souvent décriée, permet tout de même à la grande majorité des jeunes qui passent devant le juge de retrouver le chemin du respect de la loi.
Nous ne voyons donc pas en quoi le fait de les juger comme des majeurs sera plus efficace et leur permettra de mieux comprendre la règle et de l'appliquer.
Avec les nombreuses dérogations que vous proposez, l'excuse de minorité sera vidée de son sens. Parmi les engagements internationaux que nous avons pris, la Convention internationale des droits de l'enfant nous engage à ne pas traiter les enfants âgés de 16 à 18 ans différemment de ceux de moins de 16 ans. Je vous renvoie à ce titre au très bel exposé des motifs de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante : « La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »
Je ne suis donc pas persuadée que la proposition de loi offre une solution adéquate au problème réel de la délinquance des mineurs.
Vous prévoyez aussi un durcissement des peines en cas d'injures publiques à l'endroit des forces de l'ordre – celles-ci passeraient de 12 000 euros à un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Il est vrai que les incivilités et les comportements méprisants ou agressifs à l'égard des forces de l'ordre voire des pompiers sont inadmissibles. Il faut cependant voir si ce que vous proposez est de nature à régler le problème.
S'agissant des polices municipales, il faut certes parvenir à leur donner des prérogatives plus importantes, car, étant très présentes sur le terrain, elles sont parfois en danger. Vous proposez d'habiliter les agents de police municipale à réaliser des contrôles d'identité. Certaines procédures sont toutefois réservées à des fonctionnaires nationaux, qui sont formés et les appliquent alors avec davantage de sécurité.
Je reconnais que les contrôles d'identité demeurent une plaie dans les relations entre la police et les habitants de certains quartiers, notamment les plus jeunes. Sans doute devons-nous approfondir la réflexion sur ce point. Manuel Valls avait généralisé les caméras permettant de vérifier que le contrôle s'effectue dans de bonnes conditions. Un bilan de cette procédure est souhaitable. Bref, nous devons travailler sur ce sujet, mais votre proposition me semble un peu rapide.
Cette proposition de loi ne me surprend pas, car elle traite des sujets de préoccupation de M. Ciotti, qui sont sérieux et fondamentaux. En l'état actuel, je suis toutefois perplexe quant aux solutions proposées. C'est la raison pour laquelle, sans préjuger toutefois de la discussion, notre groupe s'abstiendra très certainement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique : voici ce à quoi concourent nos forces de l'ordre. Souvent décriées, elles assurent dans des conditions souvent difficiles une fonction essentielle au maintien de l'autorité de l'État, et bénéficient, je l'espère, du soutien de l'ensemble des bancs de cet hémicycle.
Le sens du sacrifice de nos forces de l'ordre, leur dévouement pour l'intérêt général, constatés par l'ensemble de nos concitoyens, quotidiennement, constituent la source de la profonde considération que nous leur portons. Celle-ci nous interdit de nous hâter pour proposer une réforme des moyens mis à la disposition des forces de l'ordre sans une concertation préalable de l'ensemble des acteurs concernés. Une telle réforme serait vouée à l'échec.
À ce titre, le Premier ministre l'a rappelé lors de son discours de politique générale du 12 juin dernier, un projet de loi de programmation pour la sécurité intérieure sera présenté dans les prochains mois. Il apparaît par conséquent impératif de construire un travail de réforme, structuré et adapté aux difficultés que connaissent aujourd'hui nos forces de l'ordre, en s'inscrivant dans un cadre plus général que celui de cette proposition de loi.
Chacun sur ces bancs pourra contribuer par des propositions concrètes à ce projet de loi.
Le sens de la responsabilité que nous devons avoir envers ceux qui assurent l'ordre public doit nous empêcher d'opter pour la solution facile de la répression hasardeuse. Les Français méritent bien mieux. Nous devons tirer les leçons des choix passés. Ainsi, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs avait instauré un mécanisme restreignant la liberté des juges dans la fixation du quantum de certaines peines d'emprisonnement, lequel mécanisme a été supprimé par la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Parfois, une bonne idée n'est pas une bonne idée, monsieur Ciotti.
En la matière, l'alternative demeure assez simple : devons-nous fixer de manière abstraite des peines par principe ou laisser toute latitude aux magistrats du siège dans leur appréciation des faits ? Le groupe MODEM et apparentés opte évidemment pour la seconde solution, car notre appareil judiciaire ne peut être accusé de laxisme alors qu'il prend déjà en compte les circonstances aggravantes prévues par le code pénal lorsque des infractions sont commises sur des personnes dépositaires de l'autorité publique. Nous le savons par expérience, les infractions commises contre les forces de l'ordre sont sévèrement punies. Un excès d'autorité en la matière serait tout simplement contre-productif. Laissons l'autorité judiciaire apprécier, après un débat contradictoire, la sanction à appliquer.
Le pragmatisme nous impose un constat : la jeunesse d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier et ne sera pas celle de demain, personne ne l'ignore. Les infractions commises par les mineurs ont par conséquent elles aussi évolué, c'est un fait. Pour autant, notre responsabilité collective doit-elle nous pousser à perdre totalement espoir en cette jeunesse, souvent désoeuvrée et désemparée ? Je ne le crois pas. Bien au contraire. Toutefois, notre sens des responsabilités ne nous conduit pas pour autant à ignorer un problème qui s'impose à notre société. Il nous commande simplement de le traiter avec humanisme, efficacité et pragmatisme.
Je le rappelle, l'excuse de minorité peut actuellement être écartée pour les mineurs de plus de 16 ans, compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur. En outre, des circonstances aggravantes sont prises en compte par les magistrats lorsqu'ils apprécient ce type d'infractions. L'excuse de minorité ne doit pas constituer un horizon indépassable, mais la supprimer purement et simplement, sans l'inscrire dans un cadre plus général, ne semble pas coller aux objectifs de cette proposition de loi. Le Gouvernement l'a bien compris, et la ministre de la justice proposera une réforme de la justice pénale des mineurs.
La proposition de loi prévoit la possibilité pour les membres du cadre d'emplois des directeurs de police municipale assurant la direction fonctionnelle et opérationnelle des services de procéder à des opérations de police judiciaire. Personne n'ignore que, pour pallier l'absence de forces étatiques, certaines communes se sont trouvées dans l'obligation de recourir à des forces d'appoint, notamment à la police municipale. Toutefois, la formation suivie par les policiers municipaux n'est pas la même que celle dont bénéficient les officiers de police judiciaire – OPJ. En cette matière aussi, nous devons écarter toute hâte afin de trouver une solution crédible et adaptée à la réalité du terrain. Nous devons rechercher un équilibre entre d'une part la sauvegarde des libertés individuelles et d'autre part la nécessité de préserver l'ordre public. Cet équilibre nous assurera un mécanisme permettant de répondre aux difficultés de certaines communes dans leur mission de maintien de l'ordre, sans pour autant introduire une confusion entre deux forces de l'ordre qui n'assurent pas les mêmes missions.
Les objectifs de cette proposition de loi ne peuvent que trouver un écho favorable au sein d'une représentation parlementaire qui porte une profonde considération aux forces de l'ordre. Cependant, nous nous devons de constater qu'elle ne comporte pas les moyens de ses ambitions. Le groupe MODEM et apparentés ne soutiendra donc pas cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Pour faire face à la menace terroriste qui met en alerte la France depuis les attentats de 2015, les forces de l'ordre sont sollicitées ; elles l'ont été encore plus ces huit derniers mois, et ce, sans discontinuer, chaque week-end, à l'occasion des manifestations du mouvement des gilets jaunes. La mauvaise gestion de ces événements, que nous avons dénoncée dans cette assemblée, a renforcé la fatigue et l'exaspération des agents.
Le groupe Libertés et territoires tient à saluer l'engagement des fonctionnaires de police. Mais s'il convient de les honorer, et surtout de leur donner les moyens d'accomplir leurs missions en toute sécurité, une nouvelle loi sécuritaire correspond-elle pour autant à leurs attentes ?
Nous sommes convaincus que le maintien de l'ordre peut s'exercer efficacement sans que nous ayons à adopter une énième loi venant inscrire dans le droit commun des mesures d'exception qui, désormais, se banalisent. Il faut se garder de légiférer systématiquement dans l'urgence lorsqu'une difficulté survient.
En deux ans, notre Assemblée a déjà adopté trois lois de ce type : la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ; la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice.
Cette inflation législative, qui participe à l'encombrement du système policier et judiciaire, ne saurait être aggravée par des mesures pour le moins discriminatoires, vis-à-vis notamment des ressortissants étrangers.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi n'évoque pas les modalités de financement des crédits supplémentaires prévus dans l'article 2, ce qui nous fait craindre la création d'une nouvelle taxe. Je tiens à rappeler que dans les deux derniers projets de loi de finances, les crédits alloués à la mission « Sécurités » ont très largement augmenté.
Nous nous rejoignons, cependant, sur la nécessité de mieux prendre en compte les efforts fournis par les forces de l'ordre. Cela suppose, comme vous l'avez précisé, le paiement des heures supplémentaires qu'elles ont effectuées. Nous soutenions déjà cette mesure lors de l'examen du projet de loi relatif à la transformation de la fonction publique. Il est impératif que l'État paye les heures supplémentaires déjà effectuées, et ce pour toutes les fonctions publiques, qui sont exsangues, notamment la fonction publique hospitalière.
Les salariés du privé bénéficient du paiement de leurs heures supplémentaires, par ailleurs exonérées de charges depuis peu. Pourquoi les fonctionnaires n'auraient-ils pas droit au même régime ? La défiscalisation doit profiter aux fonctionnaires afin de tendre vers plus d'équité. Les fonctionnaires n'ont pas été concernés par les annonces du Président de la République en décembre dernier. Cette injustice doit être réparée, alors que les Français nous demandent de rétablir la justice sociale.
Le Gouvernement évoque la rémunération au mérite. Mais quelle peut être la crédibilité d'une telle mesure auprès de fonctionnaires qui ne sont pas payés pour leurs efforts quotidiens ?
Si notre groupe approuve le paiement des heures supplémentaires inscrit à l'article 3, il ne souscrit absolument pas aux autres dispositions de votre proposition de loi. Ainsi, le vaste volet répressif de ce texte ne correspond pas à notre vision dans les domaines de la sécurité, de la prévention et des solutions pénales, qui repose sur l'équilibre des sanctions.
La peine d'interdiction du territoire français mentionnée à l'article 5 n'est pas récente. Présente depuis près de quarante ans dans notre législation, cette dernière ne visait initialement qu'à réprimer plus durement les infractions de trafic et de consommation de stupéfiants commises par des étrangers. Son champ d'application a peu à peu été étendu, et concerne maintenant près de deux cents infractions définies par le code pénal, allant des atteintes aux personnes aux atteintes aux biens commises avec violence, en passant par les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, pour ne citer que ces trois exemples. Nous considérons que cette peine constitue une discrimination évidente à l'égard des étrangers, et même une double peine dans les faits.
Par ailleurs, la création de peines planchers à l'article 4 ne nous semble pas non plus adéquate compte tenu de la situation carcérale de notre pays. Si les forces de l'ordre méritent ce qui leur est dû, c'est-à-dire le respect absolu de leur travail, l'instauration d'une peine minimale ne fera qu'accroître l'engorgement des prisons.
En 2018, la densité carcérale a atteint 118 %, et même 140 % dans les maisons d'arrêt. Plus de 1 500 détenus dorment actuellement à même le sol, au mépris des considérations d'humanité. Si l'emprisonnement répond à un besoin d'éloignement de la société afin de protéger le reste de la population, il ne doit pas devenir la norme. Malgré les programmes de réinsertion, on constate dans de nombreux cas que la prison peut amener à l'isolement social et que le retour à la vie en société est plus que compliqué. Nous pensons qu'une peine d'emprisonnement doit être pleinement justifiée, et que les juges sont parfaitement aptes à décider de la peine la plus adéquate. Des peines alternatives existent. Servons-nous en. Le retour aux peines planchers, proposé dans l'article 4, n'est pas souhaitable. Il faut au contraire inverser la logique et faire confiance aux juges, qui prononceront les peines les plus adaptées au regard des circonstances de l'espèce.
Enfin, les dispositions relatives à l'excuse de minorité, d'une part, et aux injures publiques, d'autre part, prévues respectivement par les articles 7 et 8, étaient-elles nécessaires ? L'excuse de minorité s'applique aux personnes qu'elle nomme : les mineurs. Dès lors, pourquoi restreindre ce dispositif aux seuls mineurs de moins de 16 ans ? S'il importe de responsabiliser les adolescents proches de l'âge adulte et de leur faire prendre conscience des limites à ne pas franchir, ces jeunes restent tout de même des mineurs. Des peines adaptées doivent donc leur être réservées.
Par ailleurs, concernant les injures publiques, est-il bien efficace d'infliger une peine d'un an d'emprisonnement pour un tel délit ? Nos forces de l'ordre méritent que chaque citoyen les respecte, c'est indéniable, et ce dès le plus jeune âge, grâce à un renforcement du volet éducatif. Alors que la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a modifié cette disposition, était-il nécessaire de la corriger de nouveau alors qu'elle n'a pas encore démontré pleinement son efficacité ?
S'agissant des mesures relatives à la police municipale des articles 9 et 10, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Île-de-France souligne, dans une note datée de janvier 2019, que sur les 21 500 policiers municipaux recensés à la fin de l'année 2016, 84 % étaient armés, et que 44 % étaient équipés d'armes à feu contre 39 % à la fin de l'année 2015. Les armes à feu, auparavant réservées à la police nationale, dotent déjà la police municipale de moyens conséquents que doivent par ailleurs supporter les budgets des municipalités.
La police municipale et la police nationale sont deux entités distinctes, et elles doivent le rester. Aussi ne nous paraît-t-il pas pertinent d'effacer les frontières entre les deux, chacune ayant un rôle précis et distinct de l'autre. En proposant de conférer de nouvelles attributions aux policiers municipaux, la proposition de loi vise à opérer progressivement une fusion des deux corps. Or, les formations ne sont pas les mêmes, et les concours d'entrée sont également différents.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe Libertés et territoires ne soutiendra pas cette proposition de loi trop répressive, déconnectée des réalités et qui souffre d'un manque évident de financement sur le long terme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Chacun s'accorde aujourd'hui sur le constat de l'insuffisance des moyens, matériels et humains, des forces de l'ordre pour mener à bien leur mission. Chacun mesure également le malaise grandissant de la profession. Le taux de suicide dans la police est supérieur de 36 % à celui de la population générale et les risques psychosociaux sont avérés.
Patrimoine immobilier vétuste, vieillissement du parc automobile, non-paiement de 25 millions d'heures supplémentaires, pression sécuritaire, instabilité permanente de la doctrine d'intervention, politique du chiffre : nous pourrions énumérer longuement les causes de ce malaise.
Face à cette situation préoccupante, nous soulignons, année après année, l'insuffisance des crédits de la mission « Sécurités » et plus spécialement des crédits qui intéressent la police et la gendarmerie. Ce constat est le point d'accord essentiel que nous ayons avec vous dans cette proposition de loi.
En 2019, l'essentiel de la légère hausse des crédits portait sur les effectifs. L'engagement de création de 10 000 emplois nets supplémentaires, sur le quinquennat, pour la police et la gendarmerie ainsi que le déploiement de la police de sécurité du quotidien constituent certes un signe encourageant. Pour autant, nous exprimons des doutes sur la réalisation de cet objectif à la fin du quinquennat. Après 1 400 emplois supplémentaires l'an dernier, le Gouvernement a programmé la création de 1 735 emplois en 2019, dont plus de 800 dans la sécurité publique et 260 dans la police de sécurité du quotidien. Il n'est pas besoin d'être un grand mathématicien pour constater que le rythme de recrutement des deux premières années est largement insuffisant pour atteindre l'objectif de 10 000 emplois – il faudrait créer 2 000 postes par an.
Dans mon département, la défaillance de l'État est patente. Le rapport d'information rédigé en mai 2018 par François Cornut-Gentille, sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, intitulé « La République en échec », décrit une mécanique dans laquelle, si les politiques spécifiques aux quartiers prioritaires sont souvent mises en avant, les politiques de droit commun ne sont pas respectées et restent bien en deçà de celles mises en place dans le reste du territoire.
En Seine-Saint-Denis, il y a moins de tout, moins de policiers, notamment. Moins d'un policier pour 400 habitants : c'est le ratio qu'atteignent des communes comme Bondy et Stains, avec un taux de délinquance – nombre de faits constatés pour 1 000 habitants – supérieur à 100 ‰. Juste à côté, à Paris, le ratio est d'un policier pour 200 habitants, c'est-à-dire le double. C'est pourquoi on peut parler d'une véritable rupture de l'égalité républicaine.
Le budget reste également insuffisant en matière d'immobilier et d'équipement. Les crédits consacrés à l'équipement progresseront certes de 15,8 millions d'euros en 2019 – comme l'a noté M. le secrétaire d'État – , mais le montant consacré, par exemple, au renouvellement de la flotte des véhicules légers diminue, en dépit des besoins.
Les syndicats ont d'ailleurs rappelé les attentes de la profession en matière de renouvellement du parc automobile, mais aussi de revalorisation des heures de nuit, des astreintes ou de paiement des heures supplémentaires. Or le règlement du stock des 25 millions d'heures supplémentaires ne fait toujours pas l'objet d'une enveloppe dédiée.
À l'instar des policiers et gendarmes eux-mêmes, nous invitons depuis des années, budget après budget, les gouvernements successifs à prendre à bras-le-corps la question de la souffrance au travail et à reconsidérer la vision managériale de la sécurité intérieure.
Le taux de suicide chez les policiers et gendarmes, je l'ai dit, est trois fois supérieur à celui de la population moyenne. Nous ne devons pas nous accoutumer à ces drames qui témoignent d'une souffrance au travail et d'une forme de maltraitance subie par les forces de l'ordre.
C'est pourquoi, il y a quelques semaines, j'ai demandé au nom de mon groupe, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les conditions de travail, afin de poser un diagnostic et d'établir un plan de prévention agissant sur les causes profondes de ce phénomène tragique. J'espère que notre demande sera acceptée.
Cette terrible souffrance au travail sur fond de pression hiérarchique, de politique du chiffre, de contrôles accrus et de perte d'autonomie professionnelle appelle également une remise à plat de la doctrine d'intervention des forces de sécurité.
Nous regrettons l'abandon – avant même le terme de l'expérimentation – de la police de proximité. La relation entre police et citoyens s'est profondément dégradée. Elle souffre de ce que la police française est davantage une police d'ordre, tournée vers la sécurité de l'État, et de lutte contre la grande délinquance, qu'une police de la sécurité quotidienne, laquelle fait figure de parent pauvre. Il ne s'agit pas de proclamer que l'on crée une police de sécurité du quotidien. Il faut aussi faire évoluer la doctrine et lui assigner la tâche de retisser les liens entre la police et les citoyens.
Faire exister la police de sécurité du quotidien ne consiste pas seulement à envoyer des renforts d'effectifs dans des départements et des quartiers identifiés, à renforcer la coordination entre préfets et procureurs dans la lutte contre les trafics ou à organiser des réunions de quartier. C'est certes nécessaire. C'est un progrès, mais cela ne suffit pas à conforter policiers et gendarmes dans l'idée de l'utilité sociale de leurs tâches quotidiennes ni à créer un lien de confiance indispensable avec la population.
Rappelons qu'aucun bilan sérieux n'a été tiré de l'expérience de la police de proximité, qui n'a jamais pu, dans les faits, pu être conduite à son terme. La droite au pouvoir a voulu lui substituer une police exclusivement préoccupée de maintien de l'ordre et de lutte contre la grande délinquance, une police très centralisée qui ôte toute autonomie aux agents, une police toujours plus spécialisée enfin, qui déprécie le travail de généraliste et, au final, fait des policiers de simples maillons d'une chaîne pénale dont ils ignorent le reste.
La gendarmerie nationale a longtemps incarné au contraire le modèle d'une police de proximité capable d'utiliser toutes les palettes de l'action, de la médiation à la force, en garantissant aux agents une certaine autonomie. C'est sur un modèle analogue qu'il nous faut rebâtir une police de terrain, en nous assurant de moyens budgétaires suffisants pour soutenir une politique de recrutement et d'équipement ambitieuse.
À l'inverse de cet objectif, les mesures proposées par ce texte – en dépit de l'augmentation des moyens, à laquelle nous souscrivons – ne visent qu'à aggraver des sanctions. De tels coups de menton nous laissent toujours dubitatifs. Je garde un souvenir précis des déclarations tonitruantes de Nicolas Sarkozy qui voulait nous faire adopter séance tenante une loi interdisant l'occupation abusive des halls d'immeuble. Malheureusement, toutes les discussions que j'ai pu avoir avec les commissaires successifs de ma ville de Saint-Denis m'ont convaincu que le texte est inapplicable. Les policiers sont mis en difficulté pour accomplir leur mission, les délinquants rigolent et les habitants se retrouvent une fois de plus pris en otages entre des déclarations médiatiques et la réalité du terrain, sur lequel on ne constate aucune amélioration.
Alors, oui, il faut plus de moyens. J'espère que nous trouverons un consensus à ce sujet dans l'hémicycle. Mais ne répondons pas à la crise qui frappe la police par une fuite en avant, en votant des sanctions inapplicables qui ne seraient que des effets d'annonce. Ouvrons un grand débat, comme le demandent plusieurs syndicats dans une tribune. Ouvrons la discussion sur la rénovation de la doctrine du maintien de l'ordre et sur l'urgence de retisser des liens de confiance entre nos forces de l'ordre et la population.
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour débattre de la proposition de loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure de notre collègue du groupe Les Républicains Éric Ciotti.
Je tiens en tout premier lieu et avant tout autre propos à rendre hommage à nos forces de l'ordre. Je tiens à souligner leur investissement particulièrement rude tout au long de l'hiver et les sacrifices qu'elles consentent, parfois – ou plutôt souvent – au détriment de leur vie personnelle et familiale pour servir, pour nos concitoyens et pour préserver nos institutions.
Dès le début de son mandat, le Président de la République Emmanuel Macron a affirmé que la sécurité comptait parmi ses priorités. Nous avons déjà fait beaucoup, mais ce qui nous reste à faire ensemble est encore bien plus important.
Pour mémoire, je rappellerai ce que le Gouvernement et la majorité parlementaire à laquelle j'appartiens ont mis en oeuvre, depuis deux ans, dans le secteur de la sécurité. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. J'aborderai successivement le budget et les réformes structurelles en cours.
Concernant le budget, nous avons voté dès 2018 une augmentation des crédits de la mission « Sécurités » à hauteur de 206 millions d'euros. Cette augmentation s'est accélérée avec la loi de finances pour 2019, prévoyant une augmentation de 344 millions d'euros, budget que, monsieur le rapporteur et chers collègues du groupe Les Républicains, vous n'avez pas voté.
La création de 10 000 postes de policiers et de gendarmes est annoncée pour les prochaines années. Je souligne qu'il faut former ces personnels, ce qui prend du temps, surtout dans le domaine du renseignement, qui exige des compétences particulières. Se pose aussi la question sous-jacente de l'attractivité des métiers de la sécurité, dont nous devons débattre en ensemble.
Vous vouliez des chiffres. Je vais en citer quelques-uns. Je rappelle que, sous le Président Sarkozy, la famille politique à laquelle vous appartenez, monsieur le rapporteur, et qui était alors majoritaire, a supprimé 12 000 postes de policiers et de gendarmes.
Au-delà du financement d'équipements, un plan immobilier est en cours, dans lequel 300 millions d'euros sont injectés chaque année. C'est du quotidien de nos forces de l'ordre que nous parlons ici, de leurs conditions de travail : des conditions dans lesquelles on exerce un travail pas comme les autres, dans lequel on est confronté au côté sombre de l'être humain, parfois même à la mort, à celle des autres mais aussi à la sienne.
Un mot encore pour dénoncer et condamner fermement le bashing dont nos forces de l'ordre peuvent faire l'objet, parfois de la part de ceux qui les ont applaudies la veille pour avoir arrêté un terroriste.
Concernant les réformes structurelles, la future loi de programmation sur la sécurité annoncée par le Premier ministre et par le ministre de l'intérieur serait prévue pour le début de 2020. Je m'en réjouis. Elle permettra de fixer à long terme la politique de sécurité intérieure et de donner de la visibilité à nos forces de l'ordre.
Elle sera précédée d'une large concertation des forces de l'ordre, avec les femmes et les hommes qui sont sur le terrain et qui assurent chaque jour, parfois au péril de leur vie, la sécurité des Français. Elle donnera lieu à la publication d'un livre blanc avant la fin de l'année 2019.
Dimanche, dans une tribune, quatre syndicats de police vous ont appelé, monsieur le secrétaire d'État, à « réinventer » la police. Ils souhaitent qu'un débat ait lieu au sein de la police nationale avec les personnels qui la servent, qui l'animent, la respectent et lui dédient leur vie, pour penser la police de demain. Ce verbe, les syndicats l'ont écrit avec un e. Ils auraient pu aussi l'écrire avec un a.
Monsieur le secrétaire d'État, soyez assuré que nous soutenons cette démarche de concertation et de coconstruction avec les forces de l'ordre, dans laquelle les parlementaires de la majorité s'investiront tant à l'Assemblée nationale que sur leur territoire.
Un mot enfin sur le continuum de sécurité, qui m'est cher, et le rapport que mon collègue Jean-Michel Fauvergue et moi-même avons rendu au Premier ministre.
Chers collègues, j'ai noté que nombre d'entre vous, sur quelques bancs qu'ils siègent, reprenaient des propositions que nous avons formulées. Je vous en remercie. On mesure, en lisant certains de vos amendements, l'intérêt et l'enthousiasme que vous manifestez pour notre travail sur les polices municipales et le secteur de la sécurité privée – travail que nous avons toujours cherché à mener de manière transpartisane, ce qui semble au moins en partie réussi.
Sachez que, depuis des mois, Jean-Michel Fauvergue et moi-même avons présenté notre rapport aux professionnels. Ceux-ci l'ont accueilli avec chaleur et attendent avec impatience un texte sur lequel nous travaillons d'ores et déjà avec M. le secrétaire d'État.
Il est en effet difficile de saucissonner des propositions complémentaires, ce qui explique que nous ne soutenions pas celles qui nous sont présentées aujourd'hui. Je tends donc la main aux collègues qui souhaiteront s'investir pour travailler avec nous, et cela quelle que soit leur sensibilité politique.
Vous l'avez compris : compte tenu du calendrier que je viens de développer, la majorité ne votera pas la proposition de loi que nous avons le plaisir d'examiner. Elle préfère s'inscrire et s'investir dans une vraie concertation sur la sécurité intérieure avec celles et ceux qui sont chaque jour sur le terrain – nos policiers et nos gendarmes – , puis dans un débat nourri sur un texte ambitieux et attendu au sein de cette assemblée en 2020. J'espère que les parlementaires de tous bords s'inscriront avec nous dans cette démarche en faveur de nos forces de l'ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La France traverse une période difficile en matière de sécurité et d'ordre public. Le groupe Les Républicains vous propose aujourd'hui d'y remédier en votant une loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure. Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, il y a urgence, car nous constatons une dégradation inquiétante de la situation. L'insécurité s'accroît, l'ordre public est de moins en moins respecté, nos forces de l'ordre et de sécurité – policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, policiers municipaux – sont à bout.
Que voyons-nous en effet ? En premier lieu, la persistance de la menace du terrorisme islamique. En deuxième lieu, la crise migratoire, que le Gouvernement ne veut pas ou ne peut pas juguler. En troisième lieu, l'apparition de zones de non-droit, où la loi républicaine ne s'applique plus, car les forces de l'ordre et de sécurité sont systématiquement agressées. En quatrième lieu, la réapparition de mouvements contestataires ultra-violents, qui ont par exemple cherché et parfois réussi à déborder le mouvement des gilets jaunes. En cinquième lieu, enfin, l'augmentation de ce que j'appellerai, faute de mieux, la délinquance ordinaire, les vols, les agressions, etc.
Ce constat accablant que je viens de dresser, nous le faisons tous dans nos circonscriptions, quels que soient les bancs où nous siégeons. D'ailleurs, j'ai lu ce matin sur le site internet d'un grand journal que plusieurs adjoints de Mme Hidalgo, d'anciens amis de M. Castaner au parti socialiste, se plaignaient, à juste titre, d'une forte augmentation de l'insécurité à Paris.
Dans ce contexte général difficile, le groupe Les Républicains propose trois séries de mesures.
La première consiste en une augmentation importante des moyens financiers de la politique de sécurité intérieure, programmée sur six ans, et dans le paiement immédiat les heures supplémentaires des policiers.
La deuxième série de mesures vise à renforcer l'arsenal juridique de protection des forces de l'ordre et de sécurité : peines plancher, interdiction du territoire et expulsion des étrangers en cas de crime ou de délit contre les forces de l'ordre, suppression de l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans ayant agressé les forces de l'ordre et de sécurité – en cela, nous nous séparons de Mme Belloubet, qui veut, au contraire, empêcher toute sanction pénale contre les mineurs de 13 ans – , enfin, création d'un délit spécifique d'injure publique contre les forces de l'ordre.
Par la troisième série de mesures, nous proposons d'étendre les pouvoirs des polices municipales – en tant qu'ancien élu local et ancien maire, j'y suis bien entendu, très favorable.
Mes chers collègues, en adoptant cette proposition de loi, vous manifesterez votre détermination à maintenir l'ordre républicain en France et, surtout, vous apporterez votre soutien à tous ceux qui en sont chargés : gendarmes, policiers, sapeurs-pompiers, policiers municipaux. Ils attendent un geste fort de notre part. Profitez de l'occasion qui vous est offerte !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je tiens, tout d'abord, à rappeler le contexte dans lequel nous examinons la proposition de loi de notre collègue Éric Ciotti. Le sujet de la sécurité n'est pas nouveau ; le Gouvernement s'en est saisi il y a déjà plusieurs mois. Ainsi, le 8 janvier dernier, le ministre de l'intérieur a annoncé la préparation d'une loi d'orientation et de programmation pour la sécurité dont nous serons tous invités à débattre. Ce texte fixera la vision à long terme de notre politique de sécurité intérieure et ne se limitera pas à la police et à la gendarmerie nationales. Il offrira une vision globale de ce que l'excellent rapport Fauvergue-Thourot a appelé le « continuum de sécurité ».
Cher collègue Éric Ciotti, si nous sommes, ici, tous d'accord pour doter nos forces de sécurité de moyens humains et matériels qui leur permettent d'exercer leurs missions dans de meilleures conditions, votre proposition de loi n'apporte aucune réponse satisfaisante aux enjeux majeurs de la sécurité et aux besoins de ceux qui la servent.
Vous proposez une augmentation du budget de la sécurité. Sur ce point, nous sommes d'accord avec vous : le financement des forces de l'ordre est une priorité. Il l'était déjà, pour le Président de la République, en 2017, et le Gouvernement s'est engagé à traduire cette priorité dans les faits. Du reste, les crédits affectés à la défense et à la sécurité constituent le deuxième pôle budgétaire. L'État y consacre plus de 62 milliards d'euros cette année ; les seuls crédits de la mission « Sécurités » ont augmenté de 1,65 %, soit 13,5 milliards d'euros supplémentaires investis.
Quelques observations sur vos propositions, maintes fois répétées. S'agissant de la création de 15 000 postes de police et de gendarmerie pour 2025, je me permets de vous rappeler que le Gouvernement, qui a d'ores et déjà prévu la création de 10 000 emplois sur la durée du quinquennat, a créé 2 500 postes dès cette année, quand – je sais que vous appréciez qu'on le rappelle – la révision générale des politiques publiques a conduit à en supprimer près de 12 000 entre 2007 et 2012.
En ce qui concerne le paiement des heures supplémentaires dues aux agents des forces de l'ordre, je me permets, là encore, de vous rappeler que la loi de finances pour 2019 consacre plus de 64 millions d'euros à des mesures catégorielles, dont une partie est allouée au remboursement d'heures supplémentaires impayées, dont le stock s'élevait déjà, en 2008, à plus de 12,6 millions.
Je ne multiplierai pas les exemples, mon cher collègue : ils risquent d'être trop nombreux. Votre proposition de loi se veut ambitieuse, mais elle ne traduit pas effectivement les réponses qu'attendent nos forces de l'ordre dans la durée.
J'en viens au second volet de votre proposition de loi.
Sur les peines plancher, le débat est ancien et a déjà eu lieu à propos de nombreux textes de loi et, encore très récemment, lors de l'examen du projet de loi de programmation et de réforme de la justice. Nous vous l'avons rappelé en commission, l'instauration de peines plancher contrevient aux principes d'individualisation et de nécessité de la peine, qui constituent les pierres angulaires de notre système juridique. Rien ne justifie que nous renoncions à ces principes. En outre, vous l'avez constaté, les peines plancher m'ont aucun caractère dissuasif : leur efficacité dans le domaine de la récidive n'a toujours pas été démontrée, bien au contraire.
En proposant d'instaurer une peine d'expulsion du territoire automatique et obligatoire sanctionnant tous les crimes et délits commis envers un agent détenteur de l'autorité publique par un étranger séjournant de façon irrégulière en France ou y séjournant de façon régulière depuis moins de cinq ans, vous vous livrez à une surenchère pénale démagogique et inutile. Surtout, vous affichez une méfiance inconsidérée à l'égard du pouvoir judiciaire. Il est en effet regrettable que vous ne soyez pas convaincu que nos magistrats sont parfaitement aptes à juger si ces étrangers constituent une menace à l'ordre public justifiant leur interdiction de séjour sur le territoire.
En ce qui concerne le durcissement de la législation des mineurs et votre souhait d'exclure systématiquement tout mineur de plus de 16 ans du bénéfice de l'excuse de minorité pour des crimes ou délits commis envers un agent public, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 9 août 2007, que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge est un principe reconnu par les lois de la République. Votre proposition présente donc un risque d'inconstitutionnalité.
J'ajoute que, Mme la garde des sceaux ayant annoncé, dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1945, la possibilité d'instaurer une présomption d'irresponsabilité pénale pour les mineurs de moins de 13 ans, nous aurons l'occasion d'en débattre. Laissons-nous le temps de la réflexion sur un sujet aussi crucial que celui de la capacité de nos enfants à discerner les conséquences de leurs actes.
Malesherbes disait que « les lois répressives doivent être établies moins pour punir que pour prévenir, et surtout corriger, amender, éduquer ». Je crois, hélas, mon cher collègue, que votre proposition de loi s'éloigne bien trop de ces objectifs. Nous serons donc conduits à ne pas la voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
« Les policiers veulent être entendus, ils doivent être écoutés. » C'est ce que l'on pouvait lire dans la tribune publiée, il y a quelques jours, dans le Journal du dimanche par quatre syndicalistes qui vous appelaient, monsieur le secrétaire d'État, à « réinventer » la police. C'est vrai, le malaise de nos forces de sécurité n'a jamais été aussi grand qu'aujourd'hui. Les agressions dont elles sont victimes atteignent des records : en 2017, plus de 18 000 policiers ou gendarmes ont été blessés en service, dont plus de 600 par armes. C'est à cette réalité que sont confrontées nos forces de l'ordre.
Ce sont nos forces de sécurité qui sont moquées, narguées, insultées, sur lesquelles on crache, voire pire. Voulez-vous des exemples ? Des piaillements de poulets quand ils s'approchent, un caillassage en règle lors de guets-apens soigneusement préparés… En voulez-vous d'autres ? Des insultes proférées contre leur famille, allant jusqu'aux injures contre leurs compagnes enceintes et aux menaces de mort proférées parfois contre leurs enfants et accompagnées de moult détails : « Je sais où tu habites » ou pire : « Ton fils est bien dans telle école ? »
À Béziers, le 25 juin 2018, un enquêteur qui n'était pas en service était pris pour cible par trois individus qui l'ont roué de coups de pied. En novembre dernier, trois policiers de la Brigade anti-criminalité de Béziers étaient agressés alors qu'ils venaient d'interpeller un individu dans le quartier « sensible », comme on dit, de La Devèze. Le 24 mai, un policier municipal était blessé à la tête après avoir reçu un projectile à l'intérieur de son véhicule, dans ce même quartier. C'est cela, le quotidien de ceux qui nous protègent !
Alors, oui, bien sûr, je soutiendrai la proposition de loi de notre collègue Éric Ciotti. Bien sûr, je me prononcerai pour que les heures supplémentaires de notre police nationale soient enfin payées et pour que ses agents puissent avoir une vie de famille digne de ce nom. Bien sûr, je suis favorable, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, à l'instauration de peines plancher pour les auteurs d'agressions contre nos forces de l'ordre.
Oui, je soutiendrai le réarmement budgétaire préconisé dans ce texte afin que nos forces de sécurité puissent travailler dans des lieux – commissariats, casernes… – décents et avec des moyens matériels dignes de leur fonction et de ce qu'ils représentent. En dépit des efforts consentis dernièrement, comment voulez-vous qu'ils soient crédibles lorsqu'ils roulent dans des voitures vieilles de dix ans alors que les petits caïds circulent en grosses cylindrées flambant neuves !
Oui, je serai favorable à toutes ces mesures, et même plus ! Car nos polices municipales, troisième force de sécurité intérieure de notre pays, ont, elles aussi, besoin d'être considérées. Leurs compétences et leurs moyens doivent être optimisés. L'engagement de nombreuses communes d'équiper leurs agents de matériels de défense et de sécurité modernes, associé à la connaissance du terrain de ces agents, en fait une force moderne, particulièrement bien formée et source d'information dans la lutte contre toutes les formes de délinquance.
Force d'appoint, la police municipale doit devenir, demain, une vraie force auxiliaire de la police nationale et de la gendarmerie. C'est elle, la véritable police de sécurité du quotidien ! C'est pourquoi je demanderai que nos polices municipales aient un accès effectif au fichier des permis de conduire et cartes grises, ainsi qu'aux fichiers des véhicules volés et des personnes recherchées. Je demanderai également qu'il soit permis aux agents de police municipale de procéder, sous certaines conditions, à des contrôles d'identité. Je demanderai, pour renforcer leur protection, qu'ils soient autorisés à procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions. Je demanderai enfin que leur soit accordé un « droit de poursuite » en dehors des limites de la commune et qu'il leur soit permis, dans certaines circonstances, de pouvoir exercer leur mission armés et en tenue civile.
Je n'oublierai pas nos gardes champêtres, trop longtemps mis de côté alors que, depuis quelques mois, le monde rural se rappelle à nous.
Nos gardes champêtres jouent pourtant, eux aussi, un rôle primordial. L'émergence de nouveaux enjeux, comme la protection de l'environnement et de la biodiversité ou même la délinquance rurale, a entraîné un bouleversement de leurs conditions de travail qui nécessite un ajustement de leurs prérogatives. Je les associerai donc pleinement à mes amendements.
Toutes ces questions doivent être abordées sans faux-fuyants et sans tarder. Les hommages répétés et les promesses sans lendemain ne suffisent plus !
M. Maxime Minot applaudit.
Dans un contexte tendu, entre la menace toujours présente d'actes de terrorisme, la crise migratoire et les actes violents et de vandalisme de certains mouvements contestataires, nous le savons tous, nos forces de l'ordre ont besoin, plus que jamais, de tout notre soutien. Nous devons saluer le courage et le dévouement professionnels indéfectibles dont ils font preuve dans l'exercice de leur mission, qui est d'assurer la sécurité de nos concitoyens et la défense de nos institutions.
Cette proposition de loi d'orientation et de programmation défendue par notre collègue Ciotti, dont on peut souligner l'engagement et la constance sur les questions de sécurité, nous donne l'occasion d'exprimer une nouvelle fois à nos services de police et de gendarmerie notre parfaite écoute et compréhension de leurs difficultés quotidiennes. Celles-ci sont bien réelles et nombreuses, mais le retard pris, voire le recul enregistré sous de précédents gouvernements est tel qu'une réflexion approfondie et de vastes concertations sont nécessaires afin qu'au-delà des mesures d'urgence qui s'imposent, des dispositions fortes et structurantes soient prises pour faire entrer enfin nos forces de l'ordre républicaines dans le XXIe siècle.
Oui, monsieur le rapporteur, aux retards accumulés dans le domaine des moyens financiers, matériels et humains, à la nécessaire nouvelle organisation des acteurs de la sécurité et aux besoins de signes forts et tangibles d'accompagnement et de reconnaissance, nous devons apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Aussi votre proposition de loi ne peut-elle être appréhendée sérieusement, dès lors que les concertations avec les syndicats se poursuivent et qu'elles permettront sans aucun doute d'aboutir à la corédaction d'un projet comportant des mesures ambitieuses et efficaces mais également réalistes et pérennes.
Un projet comportant non seulement des mesures rapides et dès à présent attendues, mais aussi une programmation pour la sécurité intérieure, comme l'a annoncé le ministre de l'intérieur et comme l'a rappelé, ici même, le Premier ministre dans son discours de politique générale, la semaine dernière. Cependant, à ce stade, il convient de rappeler les premiers moyens mis en oeuvre dès les premiers mois de cette législature pour accompagner les forces de sécurité de notre pays.
Sur le volet financier, dès la loi de finances pour 2018, les crédits de la mission « Sécurités » ont été augmentés de 1,5 % par rapport à 2017. Cette hausse s'est poursuivie dans la loi de finances pour 2019, cette mission étant dotée de 344 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2018.
S'agissant du recrutement des personnels, dès 2018, 1 084 policiers, 492 gendarmes et 359 personnels dédiés aux services de renseignements ont rejoint les rangs des forces de l'ordre tandis que 2 500 agents renforceront les effectifs en 2019.
Concernant la rénovation et l'acquisition de nouveaux matériels, le Gouvernement a choisi d'y consacrer le double du budget de 2012, en fléchant notamment 230 millions d'euros vers les équipements des forces de l'ordre ou encore le déploiement de 9 400 caméras piétons.
Par ailleurs, pour assurer des conditions de travail plus décentes, le Gouvernement a arrêté un plan immobilier pour les années 2018-2020, qui permettra de mobiliser, chaque année, 300 millions d'euros pour des projets de réhabilitation, de réaménagement ou encore de déménagement comme ce sera le cas dans mon département, pour le commissariat de Rodez.
Au-delà de ces moyens, soulignons que, depuis le début de cette législature et dans plusieurs textes, le Gouvernement a toujours eu pour objectif de redonner confiance à nos forces de l'ordre dans l'exécution de leurs missions quotidiennes.
Figurent ainsi dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, des mesures pour simplifier la procédure, protéger l'anonymat des fonctionnaires et mettre en place de nouveaux dispositifs d'intervention, adaptés à la délinquance protéiforme du XXIe siècle. Rappelons également que cette loi, sur le plan pénal, redonne du temps de travail effectif d'enquête aux officiers de police judiciaire en les déchargeant de formalités inutiles et chronophages, ce qui était d'ailleurs l'une de leurs revendications.
Au-delà des moyens matériels, financiers, procéduraux et organisationnels proposés, je ferai quelques observations concernant d'autres aspects de votre proposition de loi qui reprennent des mesures totems pour les Républicains, déjà largement discutées et tranchées au sein de cet hémicycle.
S'agissant ainsi des infractions commises par les étrangers sur le territoire national, notamment à l'encontre des forces de l'ordre, notre groupe a eu l'occasion d'exposer sa position sur les peines d'expulsion et d'interdiction du territoire à l'occasion de l'examen du projet de loi asile et immigration. Ce que vous demandez existe déjà en tant que peine complémentaire et la mesure est régulièrement mise en oeuvre par le juge qui exerce son pouvoir d'appréciation au cas par cas.
À l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice, le sujet des peines plancher a une nouvelle fois fait débat. Alors que cette loi redonne à la peine tout son sens, nous avons eu l'occasion de réaffirmer notre attachement au principe de l'individualisation de la peine par le juge.
Aujourd'hui, le ministère de l'intérieur a lancé une concertation avec les représentants des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, dont les conclusions seront actées dans un livre blanc de la sécurité intérieure, support de nouvelles réformes.
Aussi, les députés du groupe La République en marche, avec toute l'attention due à ceux qui nous protègent, choisissent de faire confiance au Gouvernement qui a prouvé, par son action et son ambition, l'intérêt qu'il portait à ces femmes et ces hommes qui sont l'honneur de notre République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Permettez-moi de compléter mon intervention liminaire. Monsieur Vialay, je vous remercie d'avoir participé à la cérémonie d'hommage organisée en l'honneur de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, odieusement assassinés par un terroriste à leur domicile. Nous y étions ensemble. Cela a été l'occasion pour le ministre de l'intérieur de rappeler que les moyens seraient renforcés et que tout serait mis en oeuvre pour lutter contre le terrorisme.
Rappelons la forte impulsion donnée en ce domaine par le Président de la République, dès son arrivée, en 2017. Ce drame horrible s'est déroulé en 2016 et, dès 2017, le Président Emmanuel Macron a réorganisé l'articulation entre tous les services de lutte contre le terrorisme. Du fait de mon passé professionnel, j'en fus l'un des acteurs. Je peux vous assurer, à ce titre, que tous les moyens sont mis en oeuvre pour lutter contre le terrorisme. La loi SILT incarne cette volonté et nous poursuivrons notre action.
Madame Pau-Langevin, monsieur Peu, vous avez regretté l'abandon de la police de proximité. Nous ne partageons pas votre avis : la police de sécurité du quotidien est aujourd'hui largement présente sur notre territoire, et travaille en lien étroit avec la population. Elle exerce ses missions en partenariat avec l'ensemble des acteurs de la sécurité privée, comme nous le souhaitions. Surtout, son action peut être répressive, ce qui n'était pas le cas de celle de la police de proximité. Elle se développe dans l'ensemble du territoire national et j'en profite pour saluer l'action du directeur général de la gendarmerie nationale et celle du directeur général de la police nationale qui oeuvrent à l'application de cette réforme. Celle-ci porte ses premiers fruits, très bénéfiques, dans les quartiers de reconquête républicaine où les effectifs ont été renforcés, mais également dans l'ensemble du territoire national. Monsieur Peu, elle se distingue des services d'intervention qui luttent contre les trafics, notamment de stupéfiants et elle mène bien une action résolue sur le terrain, au contact de la population.
Vous avez abordé, monsieur Peu, le cas très particulier de la Seine-Saint-Denis. Le Gouvernement, à la suite du rapport que vous avez cité, porte une attention particulière à ce département où les problèmes rencontrés au niveau de la police nationale sont davantage de fidélisation que de recrutement. Nous travaillons pour fidéliser des officiers de police judiciaire. Nous discutons avec les organisations syndicales des mesures qui permettraient de rendre cette mission plus attractive, y compris dans les zones difficiles. D'une manière plus générale, nous voulons favoriser la fidélisation territoriale, ce qui répondrait à votre préoccupation légitime, monsieur le député, quant à la présence des forces de l'ordre en Seine-Saint-Denis.
Monsieur de la Verpillière, je ne peux pas être d'accord avec vous. Vous prétendez, à tort, que nous refusons de traiter la crise migratoire. Ce Gouvernement a mis en place d'importants moyens pour lutter contre l'immigration illégale. Le nombre de mesures d'éloignement forcé augmente très significativement chaque année – 20 % de plus entre 2016 et 2018.
Par ailleurs, hier encore, j'étais en République de Guinée car nous travaillons avec les pays de départ pour les aider à juguler l'immigration illégale. Vous ne pouvez pas nous reprocher de ne rien faire. De même, je réfute qu'il existe dans notre pays des zones de non-droit. Nos policiers et nos gendarmes font respecter la loi républicaine dans tous les territoires.
Pour ce qui est des chiffres de la délinquance, rappelons que celle-ci a baissé de façon significative entre 2017 et 2018. C'est vrai, elle repart à la hausse en ce début de l'année 2019, en partie d'ailleurs en raison du mouvement des gilets jaunes qui a fortement mobilisé les effectifs de police. Ce rebond fait l'objet de toute notre attention. À Paris, le ministre de l'intérieur a demandé au préfet de police de mener une action résolue pour lutter contre la délinquance de voie publique.
Enfin, je ne peux laisser dire que l'ordre public n'a pas été maintenu dans le pays. Nous sortons d'une crise très difficile qui a duré six mois et à laquelle gendarmes et policiers ont su faire face avec beaucoup de courage et d'abnégation. L'ordre républicain a été maintenu.
Madame Ménard, vous avez soulevé la question des polices municipales. Nous en débattrons lors de l'examen des articles. Comme vous, je pense que les policiers municipaux représentent une force de police moderne. Le rapport de Mme Thourot et M. Fauvergue marque notre volonté d'assurer un continuum de sécurité entre l'ensemble de nos forces de sécurité nationale. Les polices municipales ne sont pas pour autant une force auxiliaire des forces de police et de gendarmerie. Je rendrai donc un avis défavorable à plusieurs de vos amendements car l'on ne saurait confondre les rôles de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des polices municipales. En revanche, certaines des demandes que vous avez formulées à la tribune sont d'ores et déjà satisfaites, comme celles relatives aux caméras-piétons. Les policiers municipaux peuvent en être équipés. Nous avons expérimenté ce dispositif en 2018 avant de le généraliser en 2019.
Plusieurs d'entre vous ont insisté sur le fait qu'il ne fallait pas se contenter d'hommages mais passer aux actes. Telle est bien notre intention ! Nous avons prévu de débattre, au cours du deuxième semestre, d'un livre blanc puis de présenter un projet de loi de programmation. Nous ne renvoyons pas les actes aux calendes grecques, au contraire !
Qui plus est, les députés de la majorité l'ont rappelé, les moyens consacrés à la police nationale et à la gendarmerie nationale ont augmenté de manière significative depuis 2017, qu'il s'agisse des investissements, de l'entretien des bâtiments ou bien encore du renouvellement des véhicules. Ainsi, entre 2016 et 2019, nous sommes passés de 16 à 45 millions d'euros de crédits pour l'entretien des bâtiments dans la police nationale. Cette hausse notable témoigne de l'attention que nous portons à l'amélioration des conditions de travail de nos policiers.
Enfin, dans le cadre d'un protocole de discussion entre les organisations syndicales et le directeur général de la police nationale, le sujet des heures supplémentaires, du temps de travail et des cycles horaires de travail est débattu. C'est une contrepartie de la revalorisation indemnitaire intervenue en décembre 2018. Nous espérons que ces discussions aboutiront prochainement. J'aurai l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles.
La volonté ne fait pas de doute. Nous ne nous contentons pas de promesses. Nous agissons en lien avec les organisations syndicales de la police nationale et avec les organisations représentatives de la gendarmerie nationale pour améliorer les conditions de travail, les moyens et les équipements de nos policiers et de nos gendarmes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je salue tout d'abord la tonalité de nos débats, à la hauteur du respect et de la reconnaissance que nous devons à nos forces de sécurité pour leur engagement. Tous les orateurs l'ont reconnu, à commencer par M. le secrétaire d'État : nous devons tous nous mobiliser pour renforcer les moyens de ceux qui protègent nos concitoyens.
Je remercie les orateurs qui ont exprimé des points d'accord, sur tous les bancs de cet hémicycle. J'essaierai de convaincre ceux qui ont exprimé leurs divergences, en particulier les députés du groupe majoritaire au sujet des peines planchers, mais je ne désespère pas de les voir évoluer. Le dispositif que nous proposons dans ce texte est différent de celui que vous avez contesté, au cours de cette mandature, ou sous de précédentes majorités auxquelles, pour certains d'entre vous, vous avez appartenu. Nous en débattrons et je ne désespère pas que votre position évolue comme elle vient de le faire au sujet des quotas migratoires, que nous avons défendus à maintes reprises et auxquels vous vous êtes opposés avec la plus grande des énergies avant de les faire vôtres. Il est toujours louable d'évoluer dans ses positions et en l'espèce, nous saluons votre évolution.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé, à la tribune, que les syndicats sont opposés à ce texte mais c'est faux. Les comptes rendus des auditions en témoignent : aucun syndicat ne s'y est opposé, au contraire. En revanche, ils ont pu exprimer leur scepticisme quant à votre volonté de soutenir ces propositions et de les mettre en oeuvre. Aucun n'a exprimé d'opposition. La CFDT a approuvé le principe d'une loi d'orientation et a salué la démarche d'anticipation budgétaire. Le syndicat Alliance, qui souhaite que les moyens augmentent, soutient cette proposition de loi. Quant à l'UNSA-Police, elle a exprimé sa reconnaissance pour nos propositions.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, j'ai entendu vos promesses d'un livre blanc puis d'une loi de programmation. Je ne peux que saluer cette démarche à laquelle j'invite depuis des années. Il serait de bonne méthode d'adopter une grande loi de programmation. Aujourd'hui, le cadre dans lequel nous débattons ne nous permet pas d'élargir la problématique mais j'avais déjà déposé, avant 2017, à titre personnel, une proposition de loi de programmation pour la sécurité intérieure et la justice. Nous devons réfléchir plus sérieusement au déficit de moyens dont souffre la justice, notamment le manque cruel de places de prison. La question n'est pas celle de la surpopulation carcérale, qui en est la conséquence, mais celle de la sous-capacité carcérale qui fait obstacle à l'exécution des peines prononcées.
Nous souscrivons à la méthode mais nous craignons la procrastination, monsieur le secrétaire d'État. Vos propositions vont dans le bon sens mais le temps que soit rédigé ce livre blanc et préparé le projet de loi, la loi de programmation sera au mieux adoptée au cours de l'année 2020, les décrets d'application suivront peut-être en 2021 et nous serons arrivés au terme de ce quinquennat. Les premières mesures figureront peut-être, au mieux, dans la loi de finances pour 2021. Les policiers, les gendarmes, les pompiers attendent au contraire des mesures immédiates.
C'est ce que nous vous proposons. Nous avons des convergences, madame Thourot : nous avons repris l'essentiel des mesures relatives aux polices municipales que vous préconisez. N'attendons pas un futur projet de loi, dont le calendrier parlementaire peut contrarier l'adoption. Si nous sommes d'accord, engageons-nous, dès maintenant, pour nos forces de l'ordre qui le méritent et dont je tiens, de nouveau, à saluer le courage.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
S'inscrire dans le temps long, anticiper les besoins et faire face à l'urgence, telle est la mission des législateurs que nous sommes, à plus forte raison dans un contexte où la sécurité intérieure est confrontée à des problématiques majeures : menace terroriste, radicalisation des mouvements contestataires de toutes sortes, crise migratoire et affaiblissement de l'autorité républicaine.
Nous devons nous rappeler que la sécurité étant bien la première des libertés, l'assurer est le rôle premier de l'État. S'il se montre défaillant en la matière, le contrat social est rompu. C'est pourquoi il est indispensable d'engager, près de dix ans après l'adoption, en 2011, de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, une réflexion globale sur la sécurité et de proposer des mesures concrètes.
L'inscription de ce texte dans notre niche parlementaire traduit une fois de plus la volonté des Républicains d'oeuvrer pour la sécurité des Français. Je tiens, ici, à remercier nos collègues Éric Ciotti et Guillaume Larrivé pour leur engagement et le travail qu'ils mènent sans relâche sur ce sujet majeur, d'autant qu'après cinq années de majorité socialiste, adepte de la politique de l'excuse, et deux années de statu quo, il nous faut plus que jamais muscler notre arsenal juridique et réaffirmer notre soutien aux forces de l'ordre, qui sont chaque jour en première ligne pour défendre l'État de droit et les valeurs de la République.
Non, chers collègues de la majorité, tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes, en matière de sécurité notamment. Comme sur d'autres sujets, la marge de progression est immense. Personne ne saurait se satisfaire des chiffres de 2018, qui a vu notamment l'augmentation sensible des violences physiques et sexuelles ainsi que des destructions et dégradations. C'est pourquoi j'en appelle à l'adoption des mesures que nous proposons ici, car la sécurité des Français n'est ni de droite ni de gauche : elle doit être la préoccupation de tous.
Je suis déçue : je regrette en effet la réduction de ce débat à la portion congrue dans le cadre de cette proposition de loi. Nous avions déjà vu les propositions de loi n'émanant pas de La République en marche vidées de leur substance ; nous avions assisté à l'adoption de motions de rejet préalable ou de renvoi en commission visant à nous empêcher de parler du fond. Voilà aujourd'hui un troisième cas de figure : des amendements de suppression déposés sur chaque article.
Je crains de trop bien comprendre, en dépit de l'importance du sujet en discussion. Nous avons entendu ici même, il y a quelques jours, le Premier ministre nous annoncer un changement de méthode et de ton. Je l'ai également entendu appeler, dans le même discours, au dépassement des postures et des vieux clivages : nous pouvons voir, malheureusement, ce qu'il en est aujourd'hui.
C'est évidemment dommage pour les députés qui ont déposé des amendements, et qui ne pourront pas tous les défendre. Mais c'est surtout dommage pour nos forces de sécurité, qui risquent leur vie tous les jours pour la protection des Français. Heureusement, tous les articles du texte ne pourront pas être supprimés : cela nous permettra de discuter de certains points, mais ce n'est pas un signe d'ouverture pour les débats dans cet hémicycle.
Nous avons l'une des meilleures polices du monde, et l'engagement de nos fonctionnaires de police est total. Pourtant les populations ont un sentiment croissant d'insécurité. Près de dix ans après l'adoption de la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, il est indispensable d'engager de nouveau une réflexion programmatique sur la sécurité. Dans un contexte marqué par la permanence de la menace terroriste, la radicalisation des mouvements contestataires, la crise migratoire, la crise sociale que nous venons de connaître avec les gilets jaunes et l'affaiblissement de l'autorité républicaine, la sécurité doit plus que jamais être la première des libertés.
Cette proposition de loi de programmation a pour ambition de s'inscrire dans un temps long. C'est une véritable stratégie, qui vise à réarmer l'État en renforçant significativement les moyens budgétaires dédiés aux forces de l'ordre, en améliorant leurs conditions de travail, en renforçant les outils juridiques destinés à les protéger, et aussi en élargissant les prérogatives des policiers municipaux. Au regard des heures supplémentaires que nos forces de l'ordre ont effectuées et qui n'ont toujours pas été rémunérées à ce jour, au regard des agressions dont elles sont victimes et des très nombreux suicides constatés au sein de la profession, il est indispensable d'agir à la fois pour mieux protéger nos forces de l'ordre et mieux assurer la sécurité des Français.
L'article 1er de cette proposition de loi vise notamment à approuver le rapport annexé, qui définit les orientations de la politique de sécurité intérieure. Parmi les grandes orientations définies, figure la lutte contre la délinquance, dont le niveau élevé touche les Français au quotidien – atteintes aux biens et violences contre les personnes – et crée une contrainte forte pour les services de police judiciaire et d'investigation chargés d'élucider des centaines de milliers de faits.
En tant qu'élue de Paris, je voudrais souligner que, dans cette ville, les crimes et délits ne cessent d'augmenter, et les faits divers se multiplient. Les chiffres des cinq derniers mois révèlent une augmentation de 25 % des destructions et des dégradations, et de 29 % des infractions à la législation sur le port d'arme. Nous le savons, ces chiffres sont liés aux violences constatées lors des manifestations des gilets jaunes, mais il faut aussi souligner l'augmentation de 37 % des vols à la tire, de 7 % des vols avec violences, et de 11 % des cambriolages.
Cette situation dégradée ne peut perdurer. Monsieur le secrétaire d'État, j'imagine que vous ne pouvez qu'en être d'accord. Bien sûr, nous rendons hommage au travail effectué par les forces de l'ordre, qui ont été sur-sollicitées. Mais nous vous demandons aujourd'hui des mesures immédiates. Le texte proposé par le groupe Les Républicains et défendu par Éric Ciotti en donne l'occasion. Le débat sur la sécurité parisienne a déjà eu lieu au Conseil de Paris. Le préfet s'est d'ailleurs engagé à remettre des hommes sur le terrain mais, à ce stade, le financement et le calendrier n'ont pas été précisés. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le secrétaire d'État, que cela va être fait ? En effet, au-delà des violences liées aux manifestations des gilets jaunes, la situation se dégrade vraiment. Je ne vous ai pas non plus parlé des dégradations sur la voie publique, que vous pouvez certainement vous-même constater. Merci de nous rassurer et de suivre les préconisations de notre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous en venons à l'examen des amendements.
Sur l'amendement no 63 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Alice Thourot, pour soutenir l'amendement no 63 , qui vise à supprimer l'article.
Je défendrai en même temps les amendements nos 63 et 65 , qui visent à supprimer respectivement l'article 1er et l'article 2, puisqu'ils sont liés. Vous proposez une augmentation des budgets. Nous l'avons rappelé tout à l'heure : l'augmentation des budgets a été prévue par les lois de finances pour 2018 et pour 2019, que n'ont d'ailleurs votée M. Ciotti et le groupe Les Républicains. Je vous invite donc plutôt à voter avec nous le budget qui sera présenté cette année, qui permettra une nouvelle augmentation des crédits alloués à la sécurité et des moyens donnés à nos forces de l'ordre pour agir sur le terrain et améliorer leurs conditions de travail.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression, et je le regrette. À titre personnel, et parce que je veux que les conditions matérielles de nos forces de l'ordre s'améliorent, je souhaiterais que nous puissions poursuivre le débat. En signe de respect, de reconnaissance et de considération envers nos forces de l'ordre, il convient de leur donner les moyens qu'elles ont légitimement réclamés, à maintes reprises, quelquefois avec colère. Je l'ai dit tout à l'heure lors de la présentation du texte, elles parlent d'une « disette budgétaire » dans la tribune rédigée en commun dans le Journal du dimanche.
Certes, nous n'avons pas voté les crédits de la mission « Sécurités », mais parce que nous considérions qu'ils n'étaient pas à la hauteur. Nous proposons une autre méthode : il faut aller plus loin et ne pas se contenter d'une approche comptable et budgétaire, dictée par Bercy. Nous voulons vous aider, monsieur le secrétaire d'État à obtenir plus de moyens, et je suis sûr qu'en votre for intérieur, vous espérez l'adoption de cette proposition de loi, parce qu'elle vous permettrait de répondre aux attentes des forces de l'ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Chers collègues, je regrette que vous refusiez la création de 15 000 emplois supplémentaires. Dans ces 15 000 emplois, nous avons, parce que nous sommes responsables, inclus les 10 000 emplois qui ont été annoncés, mais qui, au rythme actuel des créations de postes, ne seront pas au rendez-vous à la fin du quinquennat. Nous proposons que l'on s'engage à rénover 400 commissariats, aujourd'hui vétustes, et les bâtiments qui sont dans un état indigne. Nous proposons que l'on renouvelle totalement, en cinq ans, le parc de véhicules. Je regrette que vous vous y opposiez.
Ma réponse en trois points sera nécessairement un peu longue. Monsieur Minot, vous relevez une progression de la délinquance en 2018 par rapport en 2017 mais, j'en suis stupéfait, vous ne faites état que des violences sexuelles, qui malheureusement augmentent depuis plusieurs années, et des dégradations. Vous oubliez la baisse significative en 2018 des cambriolages, des vols à main armée, des vols avec violences, des vols de véhicules, autant d'items qui touchent de très près nos concitoyens et qu'ils scrutent de près. Je vous concède que la baisse a été moins forte en 2019 – nous travaillons sur le sujet. Par respect pour le travail effectué par nos forces de l'ordre, il me paraît plus juste et plus honnête de bien préciser tout cela.
Madame Ménard, vous regrettez que le débat ne puisse avoir lieu. La séance d'aujourd'hui montre qu'il n'en est rien. Un livre blanc sera bientôt publié, et nous aurons la discussion que vous appelez de vos voeux lors de l'examen de la loi de programmation.
Le Premier ministre l'a dit, la discussion aura lieu.
Madame Kuster, vous avez évoqué l'évolution de la délinquance à Paris. Je confirme qu'une hausse a été constatée au début de cette année. Tout sera mis en oeuvre pour y remédier et la juguler. Comme vous le savez, les quartiers de reconquête républicaine bénéficient d'effectifs supplémentaires. Paris compte de tels quartiers, et des effectifs y seront immédiatement affectés.
Monsieur Ciotti, il ne faudrait pas laisser penser que, si nous souhaitons approfondir dans le cadre du livre blanc et de la future loi de programmation les propositions que vous nous soumettez aujourd'hui, c'est que nous ne faisons rien. L'importance des augmentations budgétaires comme des recrutements d'ores et déjà effectués et qui continueront de l'être témoignent de ce que la sécurité est bien pour nous une préoccupation. Vous avez mal lu dans mes pensées : dans le cadre du livre blanc et de la loi de programmation, je souhaite que nous ayons le débat que vous appelez tous de vos voeux sur l'avenir, les missions, les conditions de travail, l'équipement et les moyens de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Le Gouvernement est bien évidemment favorable à cet amendement de suppression.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 22
Contre 11
Même avis que précédemment. C'est la conséquence de la mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle ambitieuse, mais responsable sur le plan budgétaire, que nous proposons. Aujourd'hui, nous consacrons 0,85 % de la richesse nationale aux sécurités. Par cette loi de programmation, nous proposons de passer à 1 % en 2025. Cela correspondrait à un effort supplémentaire de 15 milliards d'euros, c'est-à-dire à peine 2,5 milliards d'euros chaque année jusqu'en 2025. Je répète ces chiffres, qui sont éloquents : sur 1 000 euros de dépenses publiques, la puissance publique, dans notre pays, consacre à peine 25 euros aux missions de sécurité, et 4 euros – c'est encore plus indigent – aux missions de justice.
Monsieur le secrétaire d'État, loin de moi l'idée que vous ne faites rien. Nous portons tous, collectivement, la responsabilité de n'avoir pas fait assez. Et je l'assume. Les débats sur le passé ont été assez caricaturaux.
Globalement, depuis cinquante ans, l'État s'est désarmé juridiquement et budgétairement. Aujourd'hui, nous sommes moins à même de protéger nos concitoyens alors que les menaces se sont considérablement accrues. Vous savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d'État, que la menace terroriste est maximale – je ne vous ferai pas l'offense de vous l'expliquer. De même, la crise migratoire est devant nous. J'ai reçu il y a quelques instants les dernières statistiques de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA – , qui montrent une forte hausse – 6 % – des demandes d'asile depuis le début de l'année dans notre pays.
Enfin, la violence a augmenté dans les manifestations. Il faut donc donner plus de moyens à nos forces de sécurité.
Permettez-moi d'insister encore sur la vétusté des bâtiments, le déficit des moyens, ou encore la nécessité d'augmenter le nombre de centres de rétention pour conduire notre politique migratoire et effectuer des reconduites à la frontière – vous avez rappelé les chiffres tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État. Nous proposons de créer des places supplémentaires dans les centres de rétention : elles figurent dans le volet immobilier de notre proposition de loi. Nous souhaitons également programmer des créations de postes dans la police de l'air et des frontières, afin d'accroître les moyens humains consacrés à la protection de nos frontières. Tout cela est programmé – je pense aux bâtiments, aux véhicules…
Nous avons aussi besoin de moyens d'enquête et d'investigation. Il est nécessaire de faire progresser les filières d'investigation. J'ai lu dans la presse que vous pourriez évoquer, dans le livre blanc sur la sécurité intérieure, la possibilité de créer des directions de l'investigation regroupant, dans chaque département, la police judiciaire et la sûreté départementale : c'est une excellente proposition, d'ailleurs contenue dans la proposition de loi de programmation que j'avais déjà défendue en 2017. Je le répète, il faudra des moyens pour favoriser les enquêtes, mais aussi pour sécuriser juridiquement les procédures judiciaires qui sont très souvent annulées, qui ne sont pas menées à terme et qui affaiblissent, in fine, la réponse pénale.
Tout cela, nous devons et nous pouvons le mettre en oeuvre. Nos propositions sont chiffrées, sérieusement, précisément, dans le tableau budgétaire que vous récusez, madame Thourot – je le regrette. Pour reprendre votre formule, non, nous ne dirons jamais que rien n'est fait. Je reconnais que des progrès ont été réalisés : lors du quinquennat précédent, après les attentats, en 2015, il y a eu une mobilisation en faveur de la sécurité intérieure, et nous y avons toujours souscrit. Mais aujourd'hui, nous vous disons en conscience que vous ne faites pas assez. Les policiers en colère vous le disent également.
Je suis naturellement favorable à cet amendement de suppression. Monsieur Ciotti, nous réalisons d'importants efforts en termes de budget et de personnel. Par ailleurs, la lutte contre la délinquance et contre le terrorisme est à mettre au crédit du Gouvernement.
Ayons le courage de dire que ce n'est pas qu'une question de moyens : c'est aussi une question de volonté et de décloisonnement de politiques publiques.
C'est d'ailleurs ce qu'a fait le président Macron en matière de lutte antiterroriste, puisqu'il a imposé aux services de police de mieux travailler ensemble. C'est ce que nous allons faire également en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants : nous décloisonnerons les services pour rénover une organisation souvent en tuyaux d'orgue. Les policiers et les gendarmes eux-mêmes nous demandent aujourd'hui ce décloisonnement, que nous allons mettre en oeuvre. Oui, monsieur le rapporteur, nous agissons.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 39
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 24
Contre 12
Monsieur le secrétaire d'État, comme l'a fort justement relevé notre excellent rapporteur Éric Ciotti, vous nous dites que les syndicats de police trouvent que les mesures contenues dans cette proposition de loi sont précipitées. Mais franchement, quand vous affirmez que l'amélioration de votre politique de sécurité intérieure est la priorité des priorités du Gouvernement, j'ai du mal à comprendre que vous ayez déposé un amendement de suppression de l'article 3. Alors que le stock des heures supplémentaires travaillées non récupérées a augmenté de 19 % en trois ans, pour atteindre 22 millions d'heures – excusez du peu ! – , on a du mal à comprendre. Où est l'exemplarité de l'État dont se targue la majorité ? Un rapport du Sénat souligne fort justement que la non-indemnisation de ces heures travaillées non récupérées suscite une forte incompréhension au sein de la police nationale.
On commence à connaître la réponse de la majorité, qui nous renvoie systématiquement au projet de loi de finances. Elle ajoute aujourd'hui qu'on ne peut pas saucissonner ce texte. Or il y a urgence ! C'est pourquoi l'article 3 vise à introduire dans le code général des impôts un nouvel article, qui dispose : « Toute heure supplémentaire effectuée par les personnels de la police nationale ouvre droit à leur paiement dans l'année suivant sa réalisation. » Ce serait la moindre des choses ! La procrastination gouvernementale en matière de paiement des heures supplémentaires est insupportable, et le groupe Les Républicains s'opposera évidemment à l'amendement de suppression déposé par le Gouvernement.
Sur l'amendement de suppression no 71, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement vise effectivement à supprimer l'article 3, qui se contente d'affirmer : « Toute heure supplémentaire effectuée par les personnels de la police nationale ouvre droit à leur paiement dans l'année suivant sa réalisation. »
Cette disposition ne nous semble pas suffisamment réfléchie. Je ne conteste pas que nous avons une difficulté avec le stock des heures supplémentaires – Christophe Castaner et moi-même l'avons dit à de nombreuses reprises ici même. Nous avons pris ce problème à bras-le-corps, puisqu'il fait actuellement l'objet d'une négociation avec les organisations syndicales en vue de gérer à la fois le stock, dont ne traite absolument pas cette disposition, et le flux. Nous voulons éviter que cette situation ne se reproduise en développant des règles de management des heures supplémentaires dans les services. Nous devons trouver, avec les organisations syndicales, un mode de gestion plus adapté qui reposera sur un management au plus fin des heures supplémentaires dans les services de police.
Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression. Une discussion est en cours, des engagements ont été pris et ils seront honorés sous une forme que nous sommes en train de négocier avec les organisations syndicales. Je le répète, il s'agit à la fois d'éponger le stock d'heures supplémentaires non payées et de mieux réguler le flux pour éviter que nous ne nous retrouvions dans cette situation qui, je vous le concède, est tout à fait inadmissible et inacceptable.
Le ministre de l'intérieur a d'ailleurs souhaité que l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale de la police nationale lui remettent un rapport sur ces heures supplémentaires travaillées non récupérées. Ce rapport a établi que ces heures supplémentaires étaient bien réelles et qu'elles n'étaient pas surestimées. Le chiffre que vous avez cité est donc le bon, monsieur Reiss. Rassurez-vous, nous nous attachons à traiter ce problème.
Il est malheureusement défavorable – je le dis à regret devant Mme la présidente de la commission des lois.
Monsieur le secrétaire d'État, l'article 3 traite naturellement de la question du paiement des heures supplémentaires qui sont dues depuis longtemps et de celles qui se génèrent au quotidien. Je ne comprends pas votre opposition à cet amendement, dont la rédaction permet à la fois de résorber le stock et de gérer le flux.
Il est moralement légitime que nous témoignions aujourd'hui à celles et ceux qui sont excessivement sollicités au quotidien et qui subissent une pression opérationnelle optimale, à tout le moins depuis les attentats qui ont frappé notre pays en 2015. Depuis cette date, sur cinquante-huit attentats programmés, trente-huit ont été déjoués et une quinzaine ont malheureusement abouti. Outre les manifestations contre la loi travail en 2016 et celles des gilets jaunes depuis l'automne dernier, la crise migratoire de 2015 a sollicité les compagnies républicaines de sécurité et les unités de gendarmerie mobile, à Calais et dans les Alpes-Maritimes, pour tenir la frontière dans le cadre des contrôles dérogatoires mis en oeuvre à partir de 2015. Des moyens extrêmement lourds, extrêmement importants ont donc été mobilisés. À cela s'ajoute la violence du quotidien, que Mme Kuster a eu raison de rappeler même si vous avez souhaité nuancer son propos, monsieur le secrétaire d'État. On constate une dégradation de tous les indicateurs de sécurité, et en tout cas une augmentation de plus de 7 % des violences depuis le début de l'année.
Face à cette sollicitation opérationnelle, il faut prendre en considération le travail que font les policiers. Il est injuste, inacceptable, intolérable et même un peu indigne que nous ne répondions pas à la demande exprimée aujourd'hui par nos policiers. Ils ont travaillé et personne ne conteste la qualité de leur travail. Alors que nous saluons unanimement leur courage, refuserions-nous de leur payer ce que la nation leur doit ? Cette position est totalement inacceptable, et vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État.
Le non-paiement de ces heures supplémentaires entraîne, en fin de carrière, des départs anticipés de policiers qui déstructurent complètement les services. En effet, certains fonctionnaires de police partent avec ce stock d'heures supplémentaires un ou deux ans avant leur mise à la retraite, mais ils restent titulaires de leur poste et ne sont donc pas remplacés, ce qui pose problème.
Aujourd'hui, nous vous demandons solennellement de mettre fin à cette injustice en rendant aux policiers ce que nous leur devons.
Monsieur le rapporteur, lorsque nous évoquons la sécurité des Français, nous devons parler honnêtement des efforts réalisés au bénéfice de la police nationale. Vous conviendrez que le sujet des heures supplémentaires non payées revient chaque année, chaque mandature, et qu'il reste sans solution. Faut-il rappeler qu'entre 2007 et 2012, plus de 12 500 postes ont été supprimés dans la police et la gendarmerie, entraînant une désorganisation des forces de l'ordre en partie responsable des heures supplémentaires que nous demandons aux policiers ? En tant que rapporteure spéciale de la mission « Sécurités », c'est-à-dire du budget de la police et la gendarmerie, ce sujet me tient à coeur. Nous suivons ce dossier dans le cadre des travaux de la commission des finances et de l'examen du projet de loi de finances. Les engagements que le Gouvernement a pris sur cette question nous paraissent satisfaisants ; ils semblent également convenir tant aux syndicats de police qu'à la hiérarchie. Il ne reste plus qu'à respecter ces engagements. J'espère que vous nous rejoindrez dans le suivi de ce dossier extrêmement important.
Madame Hai, puisque vous avez fait rappel du passé, ce qui est naturellement votre liberté, je rappellerai pour ma part quelques chiffres, pour rétablir des vérités face à certains raccourcis. Lorsqu'en 2002, Nicolas Sarkozy est entré place Beauvau en qualité de ministre de l'intérieur, il y avait 242 829 policiers et gendarmes ; lorsqu'en 2012 il a, hélas, quitté l'Élysée, il y en avait 240 772, soit 2 000 de moins, loin des 13 000 que vous évoquez.
Je tiens notamment à souligner, même si j'ai eu l'occasion de m'exprimer personnellement à l'époque, que nous étions alors dans un contexte de crise internationale majeure et que les menaces, notamment terroristes, n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui.
Sur les deux dernières années du quinquennat, toutefois, avait été menée, comme M. Nunez le sait bien, une « optimisation opérationnelle » : c'était un engagement qui prévoyait que les policiers pouvaient travailler plus en contrepartie d'heures supplémentaires mieux payées. Cela avait donné lieu à des centaines de milliers de patrouilles supplémentaires sur le terrain. Car, au-delà de la question bien réelle des effectifs, se pose aussi celle de la durée du travail accompli et de la présence de policiers sur le terrain. Or, il y avait alors à l'époque beaucoup plus de policiers sur le terrain qu'il n'y en a aujourd'hui.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 39
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 25
Contre 11
Je suis saisie d'un amendement, no 64 , tendant à supprimer l'article 4.
Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Didier Paris, pour soutenir l'amendement no 64 .
Cet amendement tend à supprimer l'article 4, lequel vise à prévoir à nouveau des peines planchers pour des infractions qui seraient commises à l'encontre de membres des forces de l'ordre. Des amendements de cette nature sont déposés chaque fois que nous abordons un sujet relatif à la police ou la justice, mais le groupe politique au nom duquel j'ai l'honneur de m'exprimer n'a pas changé de position pour autant, et cela pour plusieurs raisons.
La première est qu'il est évident que nous aurions du mal à inscrire des dispositifs de ce type dans les conventions internationales dont nous sommes signataires.
La seconde est que si ce système de peines planchers avait démontré une quelconque utilité, sans doute pourrions-nous en discuter, mais cela n'a jamais été le cas. Il avait été instauré sous la présidence de Nicolas Sarkozy, puis annulé en 2014 sur le constat parfaitement clair d'une insuffisante pertinence. Nous ne souhaitons pas voir revenir aujourd'hui ce dispositif, quelles que soient les conditions et quel que soit le débat qui nous occupe.
Troisième raison : laissons les magistrats français juger en conscience. Ils sont parfaitement à même de le faire, le font très bien et, que je sache, aucun d'entre eux n'a failli dans sa mission de protection des forces de l'ordre, à laquelle nous sommes tous pleinement attachés.
Dernière raison, qui n'a rien de nouveau : la protection des forces de l'ordre passe par une vision renforcée des juges quant à la criminalité et aux attaques dont ils peuvent être l'objet. Il existe aujourd'hui un système complet, qu'il n'est pas nécessaire de modifier, qui prévoit des circonstances aggravantes des délits et des crimes visant les forces de l'ordre.
Nous disposons donc d'un système cohérent, qui s'inscrit dans le cadre du droit international et qui a démontré son efficacité. Nous ne souhaitons aucunement le modifier. C'est la raison pour laquelle un amendement de suppression de cet article a été déposé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression, auquel je suis, personnellement, défavorable.
Le mécanisme est quelque peu différent de celui que vous décrivez à propos des peines planchers et qui s'appliquait à des faits de récidive légale. Nous avons ici la volonté de poser un principe selon lequel tous ceux qui portent atteinte à l'intégrité physique d'un policier ou d'un gendarme, mais aussi d'un sapeur-pompier ou d'un magistrat, doivent être plus lourdement sanctionnés. C'est un principe et, face à la montée des agressions – 21 policiers et gendarmes blessés chaque jour, 171 agressés, et 150 % d'augmentation, en quelques années, des délits et agressions contre les sapeurs-pompiers – nous avons le devoir de réagir.
Je rappelle également à ce propos l'agression ignoble, que nous avons tous condamnée parce qu'elle porte atteinte à tous les principes républicains, visant la présidente de la cour d'assises de Versailles. Nous devons aujourd'hui mettre un coup d'arrêt à cette montée, qui paraît inexorable mais à laquelle nous ne devons pas nous résoudre, des agressions contre les dépositaires de l'autorité publique. Je vous invite donc à ne pas supprimer cette disposition et, au contraire, à la soutenir.
Le Gouvernement soutient cet amendement de suppression de l'article. En effet, comme cela a été rappelé, le mécanisme des peines planchers limite le principe d'individualisation de la peine, auquel nous sommes très attachés. Ce mécanisme, mis en oeuvre par le passé, n'a pas spécialement démontré son efficacité, même si nous avons bien noté, monsieur le rapporteur, que la situation était légèrement différente, car il s'appliquait à des situations de récidive.
Si ces peines planchers ne démontrent pas leur efficacité, des circonstances aggravantes peuvent néanmoins s'appliquer, comme l'a également rappelé M. Paris. Mme la garde des sceaux adresse des instructions très strictes à l'ensemble des parquets pour la bonne application de ces dispositions, qui nous permettent d'assurer une protection suffisante, même si nous déplorons bien évidemment toutes les agressions dont sont victimes les policiers et les gendarmes, ainsi que l'ensemble des personnes dépositaires de l'autorité publique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 40
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 28
Contre 11
Je suis saisie d'un amendement, no 66 , tendant à supprimer l'article.
Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Alice Thourot, pour soutenir l'amendement no 66 .
Cet amendement vise à supprimer l'article 5. Je rappelle tout d'abord qu'il existe déjà dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – CESEDA – des dispositions prévoyant des interdictions du territoire français, notamment pour des condamnations liées à des crimes.
Ensuite, cet article instaure une peine obligatoire et automatique. Or, comme vous le savez, monsieur le rapporteur, le Conseil constitutionnel censure systématiquement les mécanismes de ce type, qui témoignent d'une défiance à l'encontre des magistrats et de l'autorité judiciaire.
Il est favorable.
Pour ce qui concerne le principe du caractère obligatoire – je rappelle que la disposition des peines planchers a été validée par le Conseil constitutionnel en 2007 – je rappelle que chaque formation de jugement conserve la capacité, par motivation spéciale, de déroger à l'obligation de prononcer la peine complémentaire d'interdiction de territoire, comme elle possédait la capacité de déroger à l'application des peines planchers. Le principe de l'individualisation des peines est donc constitutionnellement garanti et le dispositif que nous vous proposions le garantissait également.
Sur le fond, nous avons un principe simple, qui vaudra aussi pour l'article 6 : quand on est étranger et qu'on vient en France, on accepte de respecter la culture française et les règles de la vie en société ; on accepte aussi, à tout le moins, de se soumettre aux lois de la République française et de respecter ceux qui sont chargés de les faire respecter. Disposer d'un titre de séjour en France est une chance : le fait de porter atteinte à un dépositaire de l'autorité publique rompt ce lien de confiance, et il doit en être tiré toutes les conséquences. Un étranger qui commet un délit à l'encontre d'un policier, d'un gendarme ou d'un sapeur-pompier n'a plus sa place sur le territoire national.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'émets également un avis favorable à l'amendement de suppression, pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer Mme Thourot, qui a évoqué la nécessité de préserver le principe d'individualisation de la peine.
Je tiens également à redire à M. Ciotti, même si c'est anticiper sur l'article 6, que ces condamnations sont bien évidemment prises en compte dans l'appréciation de la menace grave à l'ordre public qu'une personne est susceptible de représenter et qui peut aussi entraîner les mesures d'expulsion que nous sommes amenés à prendre.
Je tiens à dire au nom du groupe Socialistes et apparentés que le retour systématique de toutes ces demandes d'aggravation des peines et de la politique menée est un peu fatigant. C'est répétitif, et on sait que ces mesures ne sont pas particulièrement efficaces. En effet, certaines personnes qui ont fait l'objet d'une procédure d'expulsion ou d'une interdiction de territoire ne sont, en réalité, pas éloignées, souvent parce qu'on rencontre pour ce faire des difficultés concrètes, car elles viennent de pays où l'État de droit n'est pas assuré et où l'on ne peut pas les renvoyer sans les exposer à des traitements inhumains et dégradants.
On sait bien que toutes ces décisions ne sont pas exécutées, mais ce n'est pas en répétant régulièrement qu'il faudrait les rendre obligatoires qu'on résoudra concrètement les difficultés pratiques qui existent sur le terrain pour renvoyer certaines personnes. Tout cela nous semble donc être des propos incantatoires et ni l'article 5 ni l'article 6 ne nous paraissent utiles. Nous voterons donc pour leur suppression.
Madame Pau-Langevin, ce qui est fatigant n'est pas le fait que nous demandions que la sécurité de nos concitoyens soit assurée, mais plutôt que, chaque fois, pour des raisons idéologiques, les mesures nécessaires soient repoussées. Ce qui est fatigant, c'est que l'on refuse d'appliquer les textes existants, pour des raisons également idéologiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Quand on fait le choix de venir s'installer en France, on fait aussi celui de respecter les valeurs de la France.
Mêmes mouvements.
Puisque c'est de cela qu'il s'agit, le groupe Les Républicains rejettera cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 40
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 28
Contre 11
Je souhaitais présenter un amendement à l'article 4 mais je ne sais pas ce qu'il est devenu. Je profite donc de cette intervention sur l'article 6 pour défendre l'amendement que je voulais et que je ne pourrai pas présenter, puisque, pour la sixième fois en six articles, vous vous apprêtez à voter la suppression pure et simple de la disposition.
Comme j'ai eu l'occasion de le faire en discussion générale, je souhaite appeler votre attention sur les gardes champêtres, un métier ou plutôt une vocation qui a failli disparaître. Ils ont été les grands oubliés ou écartés des dernières réformes sur les forces de l'ordre en France depuis 1999, notamment la « réforme Chevènement ».
Dans la réalité, ils disposent d'un arsenal juridique important dans divers domaines : environnement, pêche, faune et flore, déchets, santé publique, circulation, foires et marchés, etc. Nous assistons aujourd'hui à une sorte de renaissance du métier, avec la création de brigades vertes dans plusieurs communes ou intercommunalités. Béziers compte actuellement trois gardes champêtres et un quatrième vient d'être embauché.
Je profite donc de cet article pour réaffirmer solennellement que leur protection doit être la même que pour tout autre agent des forces de sécurité ; tel est l'objet de mon amendement à l'article 6. De la même façon, je souhaite inclure les gardes champêtres dans plusieurs articles qui suivent, et notamment les articles 7 et 8.
Nous demandons la suppression de l'article 6 parce que la précision qu'il comporte est inutile. Le crime ou le délit peut déjà être pris en compte pour motiver une expulsion sur le fondement – il faut être précis – de l'article L. 521-1 du CESEDA lorsque la personne représente une menace grave pour l'ordre public. Pour être plus précis encore, ce n'est pas la condamnation qui doit fonder la mesure d'expulsion mais bien la menace révélée par le comportement de l'intéressé à l'origine du crime ou du délit. Cette menace est appréciée à la sortie de la détention, c'est-à-dire au moment du prononcé de la mesure d'expulsion, compte tenu de son comportement en prison.
Vous l'avez compris, l'arsenal juridique existe déjà, contrairement à ce que vous semblez affirmer, monsieur le rapporteur. Du reste, vous le savez parfaitement car j'ai noté que l'article que vous avez rédigé comporte une liste d'exemples qui sont en fait déjà compris dans la loi.
La loi n'a pas à être bavarde : elle doit être utile. Il faut permettre au juge d'apprécier au cas par cas, et cela existe déjà dans le CESEDA.
L'avis de la commission est favorable ; à titre personnel, j'ai toujours le même avis défavorable. Madame Thourot, la rédaction de cet article permet de mieux caractériser la menace à l'ordre public, qui justifie de procéder à l'éloignement. Elle en renforce le caractère juridique et consolide les procédures. Dans les faits, nous savons bien malheureusement que ces expulsions sont aujourd'hui très faibles, trop faibles face à ceux qui commettent des délits contre les dépositaires de l'autorité publique. De façon générale, je le souligne à nouveau, quelqu'un qui rompt le pacte de confiance avec la France n'a plus rien à faire en France.
Comme l'a fait Mme la députée Alice Thourot, je rappelle que ce dispositif existe déjà dans le CESEDA. Il trouve à s'appliquer à chaque fois qu'il y a une menace grave à l'ordre public, laquelle est notamment appréciée au regard des condamnations dont a fait l'objet la personne. Cela ne concerne d'ailleurs pas que les condamnations pour des atteintes à des membres des forces de l'ordre. Ce dispositif me semble déjà satisfait et nous l'appliquons effectivement. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement de suppression.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 27
Contre 10
Il s'agit à nouveau d'un amendement de suppression de l'article, qui traite du problème de l'enfance délinquante. L'ordonnance du 2 février 1945 prévoit que le mineur de plus de 13 ans peut être condamné à une peine de droit commun mais qu'il bénéficie de ce que l'on appelle « l'excuse de minorité », lui permettant de bénéficier d'une réduction de la moitié de la peine encourue.
En lisant votre article, monsieur le rapporteur, je me suis demandé quel caractère opérationnel pourrait avoir un tel dispositif. L'ordonnance de 1945 pose en effet le principe de l'atténuation de la peine pour le mineur de plus de 16 ans. Le juge peut, en fonction d'un certain nombre d'éléments – personnalité du mineur, circonstances de l'espèce – ne pas la retenir, faisant en sorte qu'un mineur de plus de 16 ans soit condamné comme un majeur, mais le principe de l'ordonnance de 1945 n'en demeure pas moins l'atténuation de la peine pour le mineur délinquant.
Le dispositif que vous proposez à travers cet article 7 change le principe même de l'ordonnance de 1945. Pour tous les mineurs de plus de 16 ans, vous considérez de fait qu'ils doivent être jugés comme des majeurs, sauf dans certaines circonstances où l'excuse de minorité pourra être retenue. Vous inversez donc le principe même de l'ordonnance de 1945 sur l'atténuation de la peine qui prévaut s'agissant de mineurs délinquants. Nous aurons l'occasion de nous exprimer sur ce sujet dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1945 qui doit intervenir. J'ai également un fort doute sur la constitutionnalité de l'article que vous proposez.
La commission a émis un avis favorable. Monsieur Terlier, puisque vous m'interrogez sur les raisons d'être de ce dispositif, nous considérons qu'il faut mettre un coup d'arrêt aux agressions que subissent les policiers, les gendarmes et les pompiers. Pour cela, il faut exprimer une volonté collective, il faut que la loi, expression de la volonté générale, marque un coup d'arrêt, qu'il n'y ait plus de tolérance ni de banalisation de ces faits, notamment pour les mineurs. Ceux-ci s'abritent trop souvent derrière l'excuse de minorité pour provoquer, pour agresser, pour injurier, pour proférer des propos outrageants à l'encontre des forces de l'ordre. Si vous ne comprenez pas, nous, nous comprenons ! Les policiers réclament la fin de l'impunité pour ces délinquants mineurs.
Les policiers et les gendarmes réclament effectivement la fin de l'impunité contre toutes les violences, y compris celles des mineurs, mais cela ne passe sans doute pas par la remise en cause de l'excuse de minorité, qui est un principe à valeur constitutionnelle. C'est aussi une marque de défiance vis-à-vis de l'autorité judiciaire. En outre, la remise en cause, toujours possible, de l'excuse de minorité repose sur les caractéristiques et le parcours du mineur, et non pas sur la qualité de la victime. Enfin, je tiens à le redire, les instructions adressées au parquet lorsque des violences sont commises contre les forces de l'ordre sont extrêmement fermes, afin que toutes les sanctions soient appliquées. Avis favorable à cet amendement de suppression.
Je veux juste préciser que par deux fois, en 2007 et en 2011, alors que cette excuse de minorité avait été remise en cause, notamment dans la LOPPSI 2, dont j'étais le rapporteur, le Conseil constitutionnel a validé cette disposition : elle est donc bien constitutionnelle, tandis que votre refus n'est que politique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 38
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 26
Contre 12
Il s'agit de supprimer l'article 8 qui, pour mémoire, vise à augmenter le quantum des peines pour la répression des injures et diffamations commises envers les personnes dépositaires de l'autorité publique dans le cadre de la loi de 1881. Il s'agit ici d'un grand classique de l'opposition des Républicains, avec une surenchère sur le niveau des peines à la limite du populisme. Les peines encourues sont déjà lourdes.
Je vous donne en outre quelques chiffres de la Chancellerie sur les poursuites : pour ce qui est des affaires d'outrages et de rébellion, la réponse pénale est de 94,8 % et le taux de poursuite de plus de 60 %. Quant aux affaires de violences envers l'autorité publique, le taux de réponse pénale est de 94,7 %. Je ne peux donc pas laisser dire que l'autorité judiciaire ne ferait rien : c'est presque diffamatoire, monsieur le rapporteur !
Pour ma part, je crois sincèrement au renforcement de la chaîne pénale et à un travail mené en commun entre les policiers, les gendarmes et la justice. Il est possible d'améliorer le taux de réponse judiciaire en cas de violences physiques ou verbales envers les forces de l'ordre, quand des officiers de police judiciaire sont par exemple présents sur les lieux de manifestation, au plus près des violences, ou bien équipés de caméras piétons qui, lorsqu'elles filment, permettent de conserver des preuves. Elles ont d'ailleurs une vertu préventive puisque l'on s'est rendu compte qu'elles permettaient de prévenir de telles violences et de pacifier les relations et les échanges.
Je crois donc vraiment au travail en commun, et je veux renouveler ma confiance dans la justice de ce pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La commission a donné un avis favorable à cet amendement de suppression. Madame Thourot, vous confondez outrage et injure : ce sont deux qualifications pénales différentes. Nous poursuivons l'objectif de mettre un terme aux injures car elles sont le premier échelon, le premier stade dans les violences faites aux forces de l'ordre. Il y a d'abord l'injure, puis l'outrage et enfin les agressions physiques. Nous considérons, et ce n'est pas une surenchère sécuritaire de notre part, qu'il faut intervenir dès la base pour y mettre un terme et faire en sorte que l'on ne puisse insulter un policier. Sinon, ensuite il y a l'outrage, puis la violence. Nous refusons cette escalade.
Quant au chiffre de 94,8 % que vous citez pour la réponse pénale à l'outrage, si les policiers concernés étaient là, ils trouveraient que vos propos ne manquent pas d'humour ! Cela concerne les faits poursuivables, au mieux. Vous savez très bien que, dans la très grande majorité de ces 94,8 %, cela se termine par de simples rappels à la loi, qui ne donnent lieu à aucune sanction.
Je veux rappeler qu'il existe un délit d'outrage, sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En l'occurrence, il s'agit de la loi sur la presse de 1881. Votre disposition créerait une catégorie particulière, distincte des autres catégories.
C'est pour cette raison que nous émettrons un avis favorable à cet amendement de suppression, tout en rappelant qu'une réflexion est en cours. Dès lors que l'injure est adressée par voie de presse et a un caractère public, on se retrouve dans le champ de cette loi. Nous réfléchissons actuellement, avec la garde des sceaux notamment, pour savoir quel type d'injure pourrait faire l'objet d'une répression plus importante, mais ce n'est pas le moment d'en débattre.
Je souscris à ce que Mme la députée Thourot vient de dire, en ajoutant une petite précision juridique : l'excuse de minorité a été effectivement validée par le Conseil constitutionnel, monsieur le rapporteur, notamment en 2007, mais dans un cas différent, ayons l'honnêteté de le reconnaître : il fallait qu'il y ait une atteinte grave à l'intégrité physique, dans le cadre d'une double récidive. Ce n'est tout de même pas tout à fait la même chose.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 40
Nombre de suffrages exprimés 40
Majorité absolue 21
Pour l'adoption 28
Contre 12
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement no 51 portant article additionnel après l'article 8.
Cet amendement vise à étendre le dispositif de protection de l'identité des policiers et des gendarmes à tous les agents. On a évoqué cette question en commission et tout à l'heure Michel Vialay a légitimement évoqué le terrifiant assassinat de deux policiers à Magnanville, dont l'une était un agent administratif des services de police. Cette anonymisation vise à protéger de façon plus large non seulement les fonctionnaires, mais tous les agents.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je précise que l'amendement autorise l'anonymisation des procédures pour des faits passibles de moins de trois ans de prison. La direction générale de la police nationale avait pointé devant la commission le fait qu'on peut aujourd'hui procéder à une telle anonymisation pour des faits passibles de plus de trois ans de prison, fait totalement illogique et contraire à la protection des forces de l'ordre.
L'article 15-4 du code de procédure pénale prévoit en effet une procédure d'anonymisation sur autorisation pour des crimes ou délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, ou de moins de trois ans dans des conditions particulières pouvant laisser craindre pour la vie ou l'intégrité de l'agent en question, spécialement dans le cadre d'une procédure.
Cet amendement vise à supprimer ce seuil de trois ans. Le dispositif de protection fixant une certaine limite à l'exercice des droits de la défense, il paraît préférable de le réserver aux infractions les plus graves. C'est dans ce sens que le Conseil d'État s'était prononcé dans un avis du 15 décembre 2016 sur le projet de loi relatif à la sécurité publique. J'émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement, dans la mesure où cet article 15-4 assure un bon équilibre entre l'exigence de sécurité des forces de l'ordre et le respect des droits de la défense.
Nous sommes tous très soucieux de la protection des forces de police ou de gendarmerie qui sont confrontées sur le terrain à de dures réalités. Des individus irascibles ont tendance à revenir les voir, dans des conditions particulièrement insupportables. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle la législation a profondément et rapidement évolué sur ce point, puisque ce dispositif ne concernait initialement que les actes de terrorisme, avant d'être étendu par la loi de sécurité intérieure de 2017. La loi de réforme pour la justice l'a également fait évoluer puisque nous avons étendu le bénéfice de cette anonymisation non seulement aux OPJ signataires des actes mais à tous ceux qui interviennent dans les procédures, ce qui était déjà un élargissement significatif.
Cela dit la procédure pénale et la protection de nos forces de l'ordre ne sauraient faire fi de l'équilibre de nos institutions, dont les droits de la défense et du contradictoire devant les juridictions sont des éléments fondamentaux. Le principe du contradictoire, y compris devant les tribunaux de police, est extrêmement important aux yeux de nos concitoyens. Il suppose qu'un fonctionnaire de police puisse être amené à s'expliquer.
Nous souhaitons donc maintenir tel quel le dispositif. Il est déjà dérogatoire au regard des règles élémentaires de procédure s'agissant des faits les plus graves, à savoir les crimes et délits passibles de plus trois ans d'emprisonnement. Et même pour les faits moins graves, il permet l'anonymisation, en raison de la dangerosité particulière d'une affaire. Cela reste parfaitement admissible, mais n'en faisons pas une dérogation absolue et constante aux règles élémentaires de la procédure pénale que sont le contradictoire et les droits de la défense. C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à cet amendement.
L'amendement no 51 n'est pas adopté.
Il s'agit de supprimer cet article qui vise à accorder la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale, ce qui leur donnerait comme mission non seulement de seconder les officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs missions et sous leur contrôle, mais également de constater tout crime, délit ou contravention en en dressant un procès-verbal, conformément aux dispositions de l'article 20 du code de procédure pénale.
Or les compétences des policiers municipaux en matière de police judiciaire, quel que soit le cadre d'emploi auquel ils appartiennent – directeur, chef de service ou agent – sont déterminées par la loi et limitées à un seul délit. Une telle évolution introduirait donc une contradiction dans les textes, alors même que le grade de directeur de police municipale ne change en rien la nature des missions confiées à celui qui en est titulaire, à l'exception de l'encadrement.
Par ailleurs, des réflexions sont menées dans le cadre du rapport remis par les députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue sur le continuum de sécurité. Il convient d'en attendre les conclusions pour légiférer sur les missions de la police municipale. Je tiens à rappeler qu'une concertation s'ouvrira dans ce cadre, notamment avec la commission nationale consultative des polices municipales.
C'est un avis favorable à cet amendement de suppression. Pour ma part, je regrette là encore qu'on veuille supprimer un dispositif qui conférerait des prérogatives nouvelles aux polices municipales, favorisant leur complémentarité avec les forces de la police nationale.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 37
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 23
Contre 11
Les perspectives d'évolution du rôle des polices municipales doivent s'articuler au sein d'une réflexion plus large, en lien avec la police et la gendarmerie nationales.
L'article 78-2 du code de procédure pénale prévoit les cas dans lesquels les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et les fonctionnaires des services actifs de police nationale ne remplissant pas les conditions prévues pour être agents de police judiciaire peuvent procéder à des contrôles et des vérifications d'identité dans le cadre de leur mission de police judiciaire ou sur réquisition écrite du procureur de la République. Confier également ce pouvoir aux agents de police municipale, qui ne relèvent pas de l'autorité du parquet mais des autorités communales et ne sont donc pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire, serait contraire à l'article 66 de la Constitution, d'où cet amendement de suppression de l'article.
La commission a émis un avis favorable, ce que là aussi je regrette, avec les arguments que j'ai exposés précédemment.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 25
Contre 11
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 10.
Sur les amendements identiques nos 9 et 59 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 9 et 59 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 9 .
Par cet amendement, je propose d'inscrire dans le code général des collectivités territoriales que la prise en charge des ivresses publiques figure au nombre des missions essentielles de la police municipale. Alors que cette prise en charge des personnes en état d'ivresse sur la voie publique est assurée aujourd'hui par les polices de nombreuses municipalités et qu'elle pose de sérieuses difficultés à nos agents, l'actuel article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ne la prévoit pas explicitement. Je rappelle que c'est avant tout une mesure de protection à l'endroit d'une personne qui, en raison de son état alcoolique, présente des risques de blessures, pour elle-même ou pour autrui, en restant sur la voie publique.
La gestion d'une ivresse publique et manifeste représente en moyenne deux heures de travail pour un équipage, entre l'obtention d'un certificat de non-admission délivrée par un médecin au centre hospitalier – quand la ville a la chance d'avoir un service ouvert 24 heures sur 24 – et le transport en chambre de dégrisement au commissariat ou à la gendarmerie les plus proches. Il paraît donc logique que le contrevenant qui n'est passible que d'une amende de seconde classe puisse également se voir réclamer par la commune un forfait couvrant les frais engagés pour sa protection. C'est pourquoi je propose aussi par cet amendement que les communes puissent faire payer cette prise en charge.
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 59 .
Cet amendement identique vise en effet à faire en sorte que les polices municipales puissent intervenir dans les cas manifestes d'ivresse publique.
Sur un plan formel, je souligne qu'une telle possibilité, réclamée par les forces de police, figure également dans l'excellent rapport de nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot.
Sourires.
Nous avons donc l'opportunité de soutenir une heureuse proposition de la majorité, et qui répond à une attente très forte des policiers.
On a rappelé les conditions absurdes qui leur sont aujourd'hui imposées, la perte de temps, la faille opérationnelle lorsqu'ils sont bloqués par de longues attentes dans les services hospitaliers alors qu'ils pourraient être présents sur la voie publique pour faire face à des faits bien plus graves et dangereux.
On peut donc soutenir la proposition de Mme Thourot, la commission y étant quant à elle étonnamment défavorable.
Sourires.
Je suis moins étonné que M. le rapporteur dès lors que, comme cela a été rappelé, les agents de police municipale peuvent dresser des contraventions pour un certain nombre de faits définis par la loi, dont l'ivresse sur la voie publique ne fait pas partie.
Le rapport de M. le député Fauvergue et de Mme la députée Thourot, en effet, préconise une telle possibilité, en effet demandée par les forces de l'ordre. Il nous semble tout à fait logique d'en débattre dans le cadre de la discussion qui va s'engager, notamment avec les représentants des élus locaux, qui sont tout de même responsables des polices municipales. Cette mesure fera donc l'objet d'une discussion globale, avec d'autres, et nous verrons la position que nous adopterons.
À ce stade, l'avis du Gouvernement est défavorable, en attendant donc cette réflexion plus générale qui ne saurait tarder.
Une proposition est bonne lorsqu'elle vient de la majorité, mais mauvaise lorsqu'elle vient de l'opposition !
La vie dans cette maison est parfois étrange.
Il est vrai que nous avons soulevé la question de l'ivresse publique manifeste dans le rapport. De telles tâches mobilisent en effet nos forces de l'ordre pendant des heures, parfois la nuit : elles doivent prendre en charge une personne et attendre aux urgences au lieu d'être sur le terrain. D'après elles, c'est une perte de temps, je vous rejoins sur ce point.
La réflexion est en cours. Il convient que les services sociaux y soient associés, et non les seules polices municipales. Nous devons donc débattre, peut-être aussi au sein de la commission dans laquelle, je crois, siège le maire de Nice – et il importe que cette ville soit associée à cette concertation, monsieur le rapporteur !
Sourires.
S'agissant, plus largement, du continuum de sécurité, je répète que notre réflexion et notre débat doivent être globaux. Il n'est pas possible de saucissonner les mesures. Nous proposons en l'occurrence un débat de fond concernant les compétences des policiers municipaux. Beaucoup d'autres sujets doivent y être abordés, dont la question – épineuse – des fichiers et de leur consultation. Il faut donc réfléchir globalement : par exemple, faut-il aussi instaurer des mesures de contrôle et des sanctions ? J'y suis quant à moi favorable.
Je ne m'oppose donc pas sur le fond à cet amendement mais plutôt sur la forme, sur la méthode et sur le calendrier. Même si je suis très heureuse que vous repreniez des propositions de notre rapport, je ne peux malheureusement pas voter en leur faveur aujourd'hui.
Je souhaite revenir sur cette disposition et vous avoue mon étonnement que vous ne la votiez pas aujourd'hui.
Comme l'a dit M. le rapporteur, elle répond à une attente extrêmement forte, tant de la police municipale, qui veut se mettre au service de ses concitoyens, que de la police nationale. L'adopter favoriserait cette coopération que tout le monde souhaite – mais encore faut-il il est vrai en donner les moyens aux deux polices.
Un exemple, qui expliquera mon étonnement à l'idée d'avoir à attendre encore six mois ou un an avant que l'on agisse concrètement dans ce domaine. À Béziers, où j'accompagne parfois les polices municipale et nationale, la première a été confrontée il y a quelque temps à un conducteur manifestement en état d'ivresse sur la voie publique. Ce dernier a été arrêté pour un autre motif – un défaut de signalisation du véhicule – et les policiers se sont rendu compte qu'il était en état d'ébriété. Ils ont appelé la police nationale pour qu'il soit contrôlé mais cette dernière étant en sous-effectif – malheureusement, cela arrive – n'a pas pu donner suite. Ils ont donc été obligés de laisser repartir la personne qui, trois cents mètres plus loin, a causé un accident. Il n'y a heureusement pas eu de blessé, mais je peux vous dire combien est grande la frustration de nos policiers municipaux quand ils sont confrontés à ce genre de cas.
Je veux bien que l'on perde six mois ou un an à attendre un livre blanc ou je ne sais quoi d'autre, mais en l'occurrence, cela peut créer des situations dangereuses, parfois totalement ubuesques. Il peut y avoir des blessés. J'espère qu'on n'en arrivera pas à des morts et que nous n'aurons pas à regretter d'avoir attendu des mois que l'on daigne enfin adopter une mesure pragmatique, pratique, et me semble-t-il souhaitée par tous.
Sourires.
Très brièvement, je souligne le caractère un peu vain de l'exercice auquel nous nous livrons, surtout vous, madame Thourot, puisque nous allons rejeter une bonne disposition, que vous avez vous-même proposée et défendue.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 11
Contre 26
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 8 .
J'ai eu l'occasion de le dire rapidement lors de mon intervention générale : les policiers municipaux doivent pouvoir poursuivre l'auteur d'un délit ou d'une infraction au-delà des limites de leur commune, là où, à ce jour, ils sont en quelque sorte dépouillés de leurs prérogatives d'agent de police.
Dans un souci d'efficacité de notre droit et de notre justice, je propose donc de corriger cette carence qui interdit à notre police municipale d'assurer pleinement sa mission : elle doit pouvoir continuer à poursuivre une personne en fuite au-delà des limites communales.
Même avis. Je rappelle que, dans ces circonstances exceptionnelles, les agents de police municipale sont aussi des citoyens comme les autres, et qu'ils peuvent donc procéder à des interpellations et dépasser les limites du territoire communal.
J'entends bien, monsieur le secrétaire d'État, mais dans les faits, la police municipale doit demander une autorisation à un OPJ de la police nationale pour pouvoir poursuivre une personne. Elle aimerait bien pouvoir s'en passer, afin d'être plus efficace, mais dans les faits c'est comme ça.
Lorsqu'une telle disposition est connue, imaginez ce que font les délinquants : ils s'empressent de quitter les limites de la commune pour narguer encore plus, si c'est possible, les officiers de police municipale démunis de leurs prérogatives de policiers ! Ils se retrouvent en effet comme n'importe quel citoyen : bien sûr, ils peuvent procéder à une arrestation, mais dans les faits, s'ils veulent continuer à poursuivre une personne, ils sont obligés de demander une autorisation à un officier de la police nationale.
L'amendement no 8 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à habiliter les policiers municipaux à transmettre directement leurs procès-verbaux à l'officier du ministère public sans passer par les fonctionnaires de la police nationale ou les militaires de la gendarmerie.
La commission a émis un avis défavorable.
Une précision pour Mme Ménard : je vous confirme qu'il faut s'en remettre à l'officier de police nationale mais que la poursuite en cas de délit ou de crime flagrants n'est pas soumise à une autorisation préalable.
Cet amendement permettrait donc aux policiers municipaux de transmettre des procès-verbaux de constatation d'infraction au ministère public sans passer par l'intermédiaire d'un OPJ, comme la loi le prévoit actuellement.
Je rappelle que cette obligation de rendre compte donne lieu à une analyse de la part de l'OPJ, qui examinera les différentes pièces du dossier et saisira le parquet. Le risque d'une transmission directe au parquet par la police municipale pourrait conduire, in fine, à ce que ce dernier saisisse une brigade de gendarmerie ou un service de police. Le « filtre » de l'OPJ, si vous me permettez ce terme, est donc plutôt une bonne chose. L'articulation, me semble-t-il, se passe bien et les choses, dans la « vraie vie », comme on dit, sont plutôt fluides.
Au nom du Gouvernement, avis défavorable.
Pour éclairer l'Assemblée, je précise que cette mesure est issue du rapport Thourot-Fauvergue.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 11
Contre 24
L'amendement no 54 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 13 .
Par cet amendement, je propose que la police municipale et les gardes champêtres, que je n'oublie pas, puissent procéder à des contrôles d'identité lorsque le procureur de la République le permet, dans un cadre et un lieu limités.
J'insiste sur ce point car si la police municipale peut relever l'identité des personnes, elle ne peut pas les contrôler. Pour dire les choses plus clairement, si le policier municipal a des doutes sur l'authenticité ou l'appartenance du document qui est présenté, il ne peut pas procéder à un contrôle d'identité.
Je ne peux que dénoncer une telle perte de temps, pour ne pas dire d'efficacité, à laquelle il faut évidemment remédier : quelle est la crédibilité d'un policier municipal si la personne à qui il demande de présenter ses papiers n'obtempère pas ? La demande devient purement symbolique.
Pourtant, ces contrôles sont très importants. Ils permettent de prévenir des troubles à l'ordre public, à la sécurité des personnes et des biens. Si l'on adoptait cet amendement, les policiers municipaux seraient pleinement associés aux opérations de contrôle sur réquisition du procureur de la République. Vous avez expliqué tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, en réponse à la discussion générale, que la police municipale n'avait pas vocation à être l'auxiliaire de la police ou de la gendarmerie nationales. C'est, à mon avis, une vision un peu datée de l'efficacité de nos polices municipales et – j'y insiste – de la coopération sur le terrain. Vous appelez de vos voeux cette coopération entre police nationale et police municipale, mais elle prévaut la plupart du temps déjà sur le terrain. Ce serait une bonne mesure que de l'encourager encore davantage.
La commission a émis un avis défavorable. Nous avons déjà débattu sur ce point tout à l'heure.
J'émets à nouveau un avis défavorable. Nous avons en effet déjà débattu de cette question tout à l'heure. Cela conduirait à conférer le droit de procéder à des contrôles d'identité aux agents de police municipale et aux gardes champêtres, qui sont placés sous l'autorité communale et ne sont pas mis à la disposition des OPJ. Mon avis défavorable se fonde sur le même motif que celui indiqué tout à l'heure. Il y aurait un risque d'inconstitutionnalité.
L'amendement no 13 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 5 .
Je propose, par cet amendement, d'aller vers une uniformisation des peines. En cas de refus de justifier de son identité, une personne pourrait encourir jusqu'à trois mois de prison. Je sais que Mme la garde des sceaux n'aime pas les petites peines, qu'elle les juge contre-productives et que les personnes qui les purgent, selon elles, encombrent nos prisons. Je ne suis pas d'accord avec cette vision des choses. Ne pas durcir ces sanctions, à mes yeux, c'est ne pas vouloir réellement dissuader les personnes qui défient l'autorité des forces de l'ordre. C'est comme si vous disiez à nos policiers et à nos gendarmes que, s'ils ne suscitent pas le respect, ce n'est pas notre problème. Dans le cas du refus de présentation d'une pièce d'identité lors d'un contrôle routier, la peine encourue est de trois mois de prison. Je sais que, dans cette hypothèse, l'amende n'est pas de 7 500 mais de 3 750 euros ; toutefois, j'estime que la privation de liberté est bien plus dissuasive qu'une amende. Comme moi, je suppose, vous entendez depuis des mois, pour ne pas dire des années, l'exaspération, pour ne pas dire, dans certains cas, le désespoir qui s'emparent de nos forces de l'ordre. Elles ne demandent qu'à bénéficier d'un surcroît de crédibilité. Ce serait, en l'occurrence, assez simple à réaliser ; ne nous en privons pas et, surtout, ne les en privons pas.
Avis également défavorable. Madame la députée, vous citez un certain nombre de cas dans lesquels la peine serait portée à trois mois d'emprisonnement, mais je pourrais en évoquer de nombreux autres pour lesquels la peine est de deux mois. Il y a une certaine cohérence dans l'échelle des peines.
L'amendement no 5 n'est pas adopté.
Cet amendement, qui reprend une autre disposition excellente du rapport Thourot-Fauvergue, vise à autoriser les communes à mobiliser les lecteurs automatisés des plaques d'immatriculation – LAPI – dans le cadre de grands événements ou de manifestations suscitant une forte affluence dans une commune. Cet outil peut être mis à la disposition de la police et de la gendarmerie. Il est extrêmement utile et efficace pour identifier des véhicules qui peuvent présenter un danger, une menace pour les manifestants. Aussi je vous invite, malgré l'avis défavorable de la commission, à le soutenir et, ce faisant, à approuver la proposition de Mme Thourot.
Je rappelle que les propositions de l'excellent rapport de M. Fauvergue et de Mme Thourot n'ont pas vocation à être reprises, dans leur intégralité, par le Gouvernement. Une discussion va avoir lieu. Sans trop m'engager, je crois pouvoir dire que cette mesure risque de ne pas être retenue, car elle est assez intrusive au regard des libertés individuelles et de la vie privée. Elle permet en effet d'accéder aux LAPI, qui regroupent des informations extrêmement précises, à savoir l'ensemble des plaques d'immatriculation des véhicules, associées à l'identité des personnes. J'ai bien noté que le dispositif, tel qu'il est présenté, se limiterait aux grands événements et au maintien de l'ordre public. Bien évidemment, nous discuterons de cette mesure mais, à ce stade, j'alerte sur son risque d'inconstitutionnalité. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans le cadre d'échanges plus globaux, mais je crains que son application ne soit pas envisageable, comme l'accès à d'autres fichiers, dont nous allons parler sous peu. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement no 55 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 11 .
La sécurité de nos forces de maintien de l'ordre est évidemment essentielle. Outre les agents de police municipale, un maire s'appuie sur les agents de surveillance de la voie publique – ASVP – , dont les missions s'étendent à la prévention des infractions et à la protection des personnes. Alors que leur statut juridique est considéré par beaucoup d'acteurs de terrain comme très précaire, il est urgent de leur assurer une meilleure sécurité dans l'exercice de leurs missions. Ils sont présents sur la voie publique – par exemple dans les jardins, les parcs – et, plus généralement, dans l'espace public. Ils ne sont pas armés mais portent souvent un uniforme, ce qui contribue à les assimiler aux agents de la police municipale. Ils sont également confrontés au quotidien à des incivilités et à des actes de délinquance de rue. Il est donc urgent de leur assurer une meilleure protection. À l'instar de leurs collègues de la police municipale, qui peuvent en bénéficier depuis la loi du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles, et au même titre que les sapeurs-pompiers et les agents pénitentiaires – qui en disposeront prochainement – , ils devraient pouvoir être équipés de caméras individuelles. Ce dispositif devrait également être accessible aux gardes champêtres, qui exercent bien souvent seuls leurs missions, fréquemment en zone rurale, dans des lieux parfois isolés. Avec cet amendement, c'est l'ensemble des agents territoriaux porteurs d'un uniforme qui pourraient bénéficier de la même protection que les policiers nationaux et les gendarmes. C'est une mesure qui me semble de bon sens, pour une meilleure protection de tous ceux qui sont au service de la sécurité des Français.
Les dispositifs de caméras piétons ont connu des évolutions significatives. Les policiers municipaux peuvent en être dotés, et une expérimentation va être lancée pour les sapeurs-pompiers. La Commission nationale de l'informatique et des libertés et le Conseil d'État sont extrêmement regardants sur la proportionnalité entre la mission dévolue aux agents et la garantie des droits et libertés, notamment pour ce qui est de ce dispositif de captation d'image, qui est entouré de conditions extrêmement strictes de traçabilité. Il ne nous semble pas que l'élargissement aux ASVP et aux gardes champêtres serait totalement en adéquation avec leurs missions. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Le dispositif de captation d'images ne serait pas activé en permanence. Les agents, qui sont des personnes responsables, à qui on fait confiance – ce sont eux qui assurent la sécurité, au quotidien, dans nos villes et nos campagnes – auraient la responsabilité de déclencher l'enregistrement. Il est difficile d'admettre que l'on puisse refuser ce droit – ou cette responsabilité – à des personnes chargées de la sécurité de nos concitoyens, au motif qu'elles pourraient en abuser. C'est un argument difficile à entendre pour nos forces de l'ordre, quelles qu'elles soient.
L'amendement no 11 n'est pas adopté.
Un certain nombre de fonctionnaires constituent une cible privilégiée de la part de ceux qui veulent s'attaquer aux femmes et aux hommes incarnant ou ayant incarné la défense de notre République et de la France. Je veux parler des militaires, des policiers, des douaniers, des gendarmes à la retraite, des réservistes de la police nationale et de la gendarmerie, des policiers municipaux et des douaniers. Nous avons constaté des actes de violence à leur encontre à de nombreuses reprises ; la presse s'en est fait l'écho. Or, ces personnes n'ont pas de moyen de défense. Seuls les policiers nationaux et les gendarmes ont été autorisés par le précédent gouvernement à porter leur arme en dehors de leurs heures de service. Par ces amendements, nous proposons que tous les personnels concernés aient le droit de porter une arme. Les textes réglementaires définiraient, le cas échéant, les modalités d'application de ces dispositions, notamment concernant l'organisation des entraînements. Il s'agit de professionnels qui connaissent le maniement des armes et qui peuvent non seulement défendre leur vie et celle de leur famille, mais se révéler extrêmement utiles, comme nous l'avons vu, en cas d'attentat.
Un certain nombre de fonctionnaires constituent une cible privilégiée de la part de ceux qui veulent s'attaquer aux femmes et aux hommes incarnant ou ayant incarné la défense de notre République et de la France. Je veux parler des militaires, des policiers, des douaniers, des gendarmes à la retraite, des réservistes de la police nationale et de la gendarmerie, des policiers municipaux et des douaniers. Nous avons constaté des actes de violence à leur encontre à de nombreuses reprises ; la presse s'en est fait l'écho. Or, ces personnes n'ont pas de moyen de défense. Seuls les policiers nationaux et les gendarmes ont été autorisés par le précédent gouvernement à porter leur arme en dehors de leurs heures de service. Par ces amendements, nous proposons que tous les personnels concernés aient le droit de porter une arme. Les textes réglementaires définiraient, le cas échéant, les modalités d'application de ces dispositions, notamment pour l'organisation des entraînements. Il s'agit de professionnels qui connaissent le maniement des armes et qui peuvent non seulement défendre leur vie et celle de leur famille, mais se révéler extrêmement utiles, comme nous l'avons vu, en cas d'attentat.
La commission a émis un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements que, personnellement, je soutiens.
Vous avez raison, monsieur le député, de rappeler que ce dispositif important s'applique actuellement aux policiers et aux gendarmes en activité. Il a été mis en place par le gouvernement précédent, après l'attentat de Magnanville, et a été reconduit par le gouvernement actuel. Il ne soulève aucune difficulté. Les amendements présentés visent à l'étendre à d'anciens fonctionnaires, à des réservistes, qui sont placés dans des situations différentes. En effet, ceux-ci n'exercent pas en permanence des missions de sécurité, contrairement aux policiers et aux gendarmes, lesquels sont astreints à l'exercice d'une mission de sécurité et peuvent, à ce titre, être armés. Il ne nous paraît pas raisonnable d'étendre ce dispositif à des agents à la retraite ou réservistes. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
On commet là une grande injustice. Ce sera une déception pour les très nombreuses personnes – j'ai été moi-même été surpris de leur nombre – qui m'ont écrit pour exprimer le souhait d'être autorisés à porter une arme. Ils exercent dans tous les domaines. Ce qui a été fait pour les uns devrait pouvoir l'être pour les autres. Vous avez repris la différence que j'avais opérée entre les réservistes et les personnels à la retraite, mais comment pouvez-vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que les policiers municipaux, les douaniers, tous ceux qui sont exposés, de par leurs fonctions, aux mêmes risques que les policiers nationaux et les gendarmes, ne peuvent avoir les mêmes possibilités de protection ? C'est très injuste. Je ne pense pas que leur vie ait moins de valeur. J'espère que nous n'aurons pas à les regarder dans les yeux, ni eux, ni leur famille.
Monsieur le député, vous dramatisez la situation à outrance et tenez des propos excessifs. Nous sommes à la limite de la polémique. Vous savez que je sors rarement de mes gonds, mais cela peut m'arriver. Je vous parle de policiers et de gendarmes qui sont en activité, qui sont dotés d'une arme de service. Une partie des personnels dont vous parlez ne disposent pas d'arme de service, ou n'ont pas le droit de l'emporter. Les réservistes, vous le savez, doivent laisser leur arme au dépôt. Vous n'ignorez pas non plus que les douaniers et les policiers municipaux sont soumis à des conditions d'emploi très différentes : ils doivent détenir leur carte et leur brassard. Ces conditions très précises permettent d'identifier ces personnes comme étant capables d'intervenir sur la voie publique. J'ai beaucoup de respect pour les policiers municipaux et les douaniers, mais ils ne réunissent pas nécessairement ces capacités. Vous établissez une comparaison, pour ne pas dire une assimilation, que je ne peux pas accepter. Je regrette de vous le dire avec un peu de fermeté, mais la position du Gouvernement est raisonnée, réfléchie et raisonnable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il ne concerne pas les réservistes, mais autorise les douaniers, qui peuvent porter une arme, et les policiers municipaux à détenir et à porter des armes en dehors de leur service, s'ils remplissent certaines conditions.
Depuis les attentats terroristes commis en France, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, policiers nationaux et gendarmes sont autorisés à être armés en permanence, y compris en dehors de leur service et sur la base du volontariat. Cette mesure devrait pouvoir s'appliquer aux douaniers et aux policiers municipaux, qui sont exposés de la même façon, mais qui n'ont aucun moyen de défense lorsqu'ils ne sont pas en service. Il s'agit évidemment d'une question de sécurité, car tout porteur d'uniforme est devenu une cible potentielle.
Dans certaines villes, les polices municipales disposent de plus de moyens que la police nationale ou la gendarmerie, ce que je déplore. Elles bénéficient de plus d'heures d'entraînement au tir. Autoriser les policiers municipaux et les douaniers à porter leur arme en dehors du service s'ils le souhaitent, me semble tout simplement une mesure de protection et de bon sens.
Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles invoquées à l'amendement précédent.
Il concerne l'armement des polices municipales. Aujourd'hui, la règle impose au maire souhaitant armer sa police municipale d'en faire la demande : nous proposons de lancer une expérimentation pendant deux ans, consistant à inverser la logique. Ainsi, l'armement deviendrait la règle, à laquelle pourraient déroger les maires qui le souhaitent.
Le 8 janvier 2015, les frères Kouachi ont assassiné la jeune policière municipale, Clarissa Jean-Philippe. L'uniforme, qu'il soit national ou municipal, expose ceux qui le portent. Notre devoir est de les protéger le mieux possible, ce à quoi l'armement participe.
M. Maxime Minot applaudit.
Monsieur le rapporteur, nous avons tous en tête l'assassinat de Clarissa Jean-Philippe, non pas par les frères Kouachi, mais par le sinistre Amedy Coulibaly. Votre amendement soulève la question importante de l'armement systématique des polices municipales, discutée à l'occasion du rapport d'Alice Thourot et de Jean-Michel Fauvergue.
Une telle décision heurterait le principe de libre administration des collectivités locales. Il semble difficile d'imposer à un maire d'armer sa police municipale, car cela emporte des charges et touche à la politique de sécurité qu'il souhaite pour sa commune. J'émets un avis défavorable à l'adoption de l'amendement, car il nous semble heurter le principe de libre administration des collectivités locales, outre les charges qu'il créerait pour celles-ci.
Nous aurons l'occasion de débattre de cette question avec la commission consultative des polices municipales. Je me suis laissé dire que certains élus n'étaient pas favorables à une telle mesure. Je m'engage à ce que nous en débattions, mais, à ce stade, mon avis est défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, l'amendement n'est pas contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Dans notre interprétation, la libre administration garantit aux maires la liberté d'instaurer ou non une police municipale : rien ne les y oblige aujourd'hui.
Par ailleurs, l'amendement prévoit qu'un maire puisse déroger à la règle d'armement des polices municipales. Il garantit donc la libre administration des collectivités locales. Simplement, il inverse le principe de la règle.
L'amendement no 58 n'est pas adopté.
La commission a malheureusement donné aussi un avis défavorable à ces deux amendements.
Les amendements promeuvent deux mesures du rapport d'Alice Thourot et de Jean-Michel Fauvergue. L'amendement no 56 ouvre la possibilité pour les policiers municipaux de constater de nouvelles infractions, en l'occurrence la conduite sans permis et celle sans assurance. L'amendement no 60 , très important et extrêmement pertinent, permet aux policiers municipaux chargés de la sécurité d'une manifestation sportive ou culturelle de procéder à l'inspection visuelle des bagages, alors qu'ils ne peuvent le faire aujourd'hui que pour les manifestations rassemblant plus de 300 spectateurs. L'amendement supprime ce seuil.
Avis défavorable.
Le rapport d'Alice Thourot et de Jean-Michel Fauvergue a proposé l'instauration de ces deux mesures, qui sont, pour partie, attendues par les forces de l'ordre. Nous les examinerons dans le cadre de la réflexion d'ensemble initiée par le rapport, car elles méritent une expertise.
Je soutiens les deux amendements. S'agissant de l'amendement no 56 , près de 700 000 conducteurs roulent sans permis ni assurance, ce qui est très inquiétant, d'autant plus que ce chiffre a plus que doublé en dix ans, puisqu'ils n'étaient que 300 000. Cette population représente 1,4 % des automobilistes français, mais les conducteurs sans permis sont impliqués dans 4,5 % des accidents mortels. Donner aux policiers municipaux la possibilité de traquer les conducteurs sans permis et ceux sans assurance renforcera la sécurité de nos concitoyens. Nous pouvons nous demander pourquoi des personnes roulent sans permis – coût trop élevé de celui-ci ou perte de tous les points – , mais tel n'est pas l'objet de l'amendement, qui est d'améliorer la sécurité des Français.
Avec ces amendements, nous essayons de redéfinir la place des polices municipales. Il s'agit de vrais sujets, que nous ne pouvons pas trancher sans étude d'impact ni analyse approfondie des questions qu'ils soulèvent. Je comprends que ces sujets de fond intéressent nos collègues, mais tenter de les résoudre au détour d'un amendement n'est pas une bonne méthode.
Nous ne voterons pas ces amendements, tout en regrettant de ne pas avoir de débat plus approfondi.
Monsieur le secrétaire d'État, si je vous ai bien compris, vous êtes pour, mais vous êtes contre aujourd'hui. Dans toutes les manifestations publiques, même celles rassemblant moins de 300 personnes, les polices municipales et les vigiles payés par les mairies contrôlent, à la demande du préfet, les sacs et les bagages. L'autorité préfectorale demande aux mairies d'assurer ces contrôles. L'amendement no 60 propose simplement de légaliser ce qui est pratiqué tous les jours sous les yeux de la police nationale et à la demande de l'État.
S'agissant de l'amendement no 56 , les policiers municipaux procèdent bien entendu à des contrôles de sécurité routière – ils peuvent même avoir des radars pour verbaliser les automobilistes dépassant les vitesses autorisées. Il faudra peut-être trouver le bon moment et le bon texte pour autoriser les policiers municipaux à constater de nouvelles infractions, mais agir est urgent. Des pratiques illégales sont tolérées dans le consensus général, mais il serait bon de sécuriser leurs auteurs, notamment les municipalités.
Monsieur Pupponi, je ne suis pas favorable aux amendements tout en disant être opposé. Un travail a été lancé pour établir un continuum de sécurité entre les forces de sécurité intérieure et la police municipale. Nous allons consulter, comme nous l'avons annoncé, les grandes associations d'élus et la commission consultative des polices municipales, parce que nous avons besoin de leur avis.
Nous discutons, je vous rejoins tout à fait sur ce point, madame la députée Pau-Langevin, de mesures faisant partie d'un ensemble plus global, dans lequel nous recherchons un continuum équilibré et pertinent. Comme vous l'appelez de vos voeux, il faut réfléchir pour parvenir à une analyse globale.
Monsieur Pupponi, je vous rejoins sur l'opportunité de donner aux policiers municipaux la possibilité de constater deux délits supplémentaires en matière de sécurité routière – il s'agit de délits, ces infractions actuellement contraventionnelles devenant des délits – , ainsi que de procéder à des fouilles visuelles dans toutes les manifestations sportives ou culturelles. Ces mesures méritent une analyse approfondie, qui sera conduite dans des délais extrêmement brefs, puisque la commission consultative des polices municipales se réunira très rapidement.
Je tenais à rappeler notre méthode et notre démarche, qui visent à mettre les choses dans le bon ordre.
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 53 .
Nous en avons déjà débattu. Il vise à autoriser les polices municipales à continuer leurs interventions contre des infractions au code de la route commises dans des communes voisines. Il s'agit, là encore, d'une mesure de bon sens.
Monsieur le secrétaire d'État, nous percevons bien que vous, comme la majorité, êtes favorable à l'ensemble de ces amendements relatifs aux polices municipales, puisque la majorité propose même certaines des mesures qu'ils contiennent. Nous en débattons depuis des années, et il faut maintenant cesser de procrastiner, terme que je réutilise. La sécurité de nos concitoyens est en jeu, nous ne pouvons pas renvoyer en permanence la question à des commissions, des comités, à un livre blanc, à une loi de programmation éventuelle dont nous ne savons pas aujourd'hui quand elle sera examinée.
Nous avons un vecteur législatif, nous sommes tous d'accord et vous pourriez soutenir ces mesures, mais vous vous y opposez, uniquement parce qu'elles viennent de l'opposition. Vous refusez de travailler en commun pour adopter – je sors quelque peu du cadre technique dans lequel nous avons évolué jusqu'ici – une position très politique et même politicienne, trop politicienne. Nous travaillons pour l'intérêt général, mais vous considérez que tout doit venir de la majorité et que tout ce qui vient de l'extérieur est à rejeter. Nous confinons à l'absurde, car vous refusez d'adopter des mesures que vous avez vous-mêmes proposées.
Mon avis est défavorable. Je ne discuterai pas du fond, mais de la forme, car je ne peux pas vous laisser dire cela, monsieur le rapporteur. Une méthode a été arrêtée : vous ne pouvez pas un jour reprocher au Gouvernement de ne pas assez consulter, puis de le critiquer quand il s'inscrit dans un processus annoncé à l'avance. Vous souhaitez aller plus vite.
Peut-être que la proposition de loi que vous avez déposée avait pour objectif de griller certaines de nos idées. Je pourrais vous renvoyer votre remarque, mais ce n'est pas mon genre. Je ne veux pas polémiquer.
Nous avons lancé une procédure, nous la respecterons. Une concertation aura lieu, au cours de laquelle toutes ces mesures seront examinées. Nous en avons exclu définitivement certaines aujourd'hui, car elles posent des problèmes juridiques ou opérationnels. Pour les autres, nous aurons l'occasion d'en débattre.
Quoi qu'il en soit, ne m'intentez pas de procès, monsieur le rapporteur, en m'accusant d'avoir une attitude politique, voire politicienne. Tel n'est pas le cas. Notre démarche a été annoncée de longue date.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le rapporteur, j'aimerais vous contredire sur un point. Vous nous accusez d'être incapables d'adopter des textes ou des amendements issus de l'opposition.
Je citerai un exemple, qui vous fera mentir. Il s'agit d'un texte sur lequel nous avons travaillé ensemble, la proposition de loi sénatoriale visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs.
J'étais rapporteure du texte, et vous avez participé aux débats, monsieur le rapporteur, sur les bancs de votre groupe. Ce que vous avez dit tout à l'heure était donc un mensonge.
S'agissant du rapport intitulé « D'un continuum de sécurité vers une sécurité globale » que nous avons rédigé avec mon collègue Jean-Michel Fauvergue, je tiens à vous remercier, chers collègues du groupe Les Républicains, du triomphe que vous faites cet après-midi à nos propositions. J'en suis très touchée.
De riches débats nous attendent, sur ces sujets, dans l'hémicycle. Je vous remercie de les avoir annoncés.
Certes, nous n'avons pas traité de certains secteurs, notamment celui de la sécurité privée. Il y a là tout un pan de la sécurité globale, que nous devrons aborder et dont nous devrons débattre.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie de l'accueil favorable que vous réservez à nos propositions,. J'ai hâte d'en débattre avec vous, dans une perspective globale.
L'amendement no 53 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 7 .
Pour votre information, monsieur le secrétaire d'État, j'ai appris par la presse que la commission consultative des polices municipales devrait se réunir le 25 juin prochain. Pour mémoire, lors de sa dernière réunion, en 2018, M. Collomb lui-même avait appelé au renforcement des polices municipales. Un an plus tard, j'espère qu'il sera entendu !
L'amendement no 7 vise à permettre aux agents de la police municipale, dans certains cas et certaines circonstances, de remplir leurs missions en civil si le bon déroulement des opérations l'exige.
Les détracteurs de cette mesure estiment que les policiers municipaux n'ont pas assez d'expérience pour travailler en civil, ni même pour porter une arme, ce qui est une aberration, si l'on se souvient que la police municipale est en permanence sur le terrain, donc en contact permanent avec la délinquance. Elle dispose d'un véritable savoir-faire et d'une solide compétence.
Être en civil et armés présenterait pour eux plusieurs avantages, en leur permettant d'être plus discrets, donc plus efficaces, notamment lors d'événements festifs. En outre, je répète – c'est malheureusement une réalité – que l'uniforme est dorénavant, pour certains, une véritable cible, ce qui peut mettre en danger nos policiers.
Madame Ménard, la réunion que vous évoquez aura lieu au début du mois de juillet, un peu plus tard que la date du 25 juin, initialement prévue.
S'agissant de la mesure que vous proposez, je rappelle que la police municipale s'inscrit clairement dans le cadre des compétences du maire relatives à la tranquillité et à la salubrité publiques, ainsi qu'au maintien de l'ordre.
Monsieur le rapporteur, la position du Gouvernement, que je m'apprête à préciser, est définitive. Elle n'est pas susceptible d'évoluer, car elle repose sur plusieurs principes juridiques.
Il ne nous semble pas que les missions de la police municipale, que je viens de rappeler, justifient que ses agents interviennent en civil. Cela semble d'autant moins indispensable qu'il en résulterait un risque élevé de confusion avec des agents de la police nationale ou des gendarmes. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai évoqué le cas des événements festifs. En assurer la sécurité entre dans le cadre des missions de la police municipale.
Empêcher ses agents d'intervenir en civil provoque parfois une situation ubuesque, dans laquelle des maires sont contraints, dès lors qu'opérer en civil présente un avantage, de recourir à des sociétés de sécurité privées et non à la police municipale, ce qui semble aberrant.
En outre, il en résulte une terrible perte d'efficacité. Vous le savez comme moi, les agents des sociétés de sécurité privées, le plus souvent, sont beaucoup moins bien formés que les policiers municipaux.
L'amendement no 7 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 57 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Ciotti pour le défendre.
Il vise à permettre aux policiers municipaux d'accéder directement au fichier des personnes recherchées et au fichier des véhicules volés. Il a fait l'objet d'un avis défavorable de la commission.
J'émets également un avis défavorable à cet amendement. L'accès au fichier des personnes recherchées – FPR – et au fichier des objets et des véhicules volés – FOVeS – est restreint à l'exercice de missions d'enquête et d'investigation relevant des seuls services de la police nationale et de la gendarmerie nationale.
Il n'est pas corrélé avec les missions des polices municipales, contrairement à d'autres fichiers, pour lesquels des expérimentations sont en cours, notamment le fichier national des permis de conduire et le fichier centralisé de gestion des immatriculations des véhicules, qui sont plus en phase avec les compétences de la police municipale. Tel n'est pas le cas du FPR ni du FOVeS.
Nous voterons contre l'amendement. On ne peut pas donner la possibilité de consulter des fichiers de police sans prévoir des modalités de contrôle et de sanction de ceux qui les consultent. Ce débat doit s'inscrire dans un débat plus vaste : qui peut consulter quoi ? Comment ? Avec quel suivi ? En s'exposant à quelles sanctions en cas d'abus ?
Monsieur le secrétaire d'État, je comprends votre position sur la disposition proposée, mais vous verrez qu'un jour on y viendra.
Qu'en est-il concrètement ? Prenons l'exemple du contrôle des immatriculations. Les agents de la police nationale n'ont pas le temps de procéder à l'enlèvement des voitures abandonnées sur la voie publique.
Des conventions sont donc signées avec les municipalités et les intercommunalités, afin que les collectivités locales se chargent de les mettre en fourrière. Les policiers nationaux ont autre chose à faire que traquer les épaves et vérifier si les véhicules sont bien garés ou non.
Il en résulte une situation absurde : dès lors que les policiers municipaux chargés de ce travail ne peuvent pas consulter le FOVeS, il arrive qu'ils envoient à la fourrière des véhicules volés, qui y sont détruits, au lieu d'être restitués à leurs propriétaires.
Ainsi, on demande aux policiers municipaux d'assurer des missions sans leur en donner les moyens. Mieux vaudrait leur permettre de vérifier au préalable s'il s'agit ou non d'une voiture volée, afin de prévenir la police nationale le cas échéant. S'ils ne peuvent pas consulter le FOVeS, les véhicules seront systématiquement détruits. Si vous trouvez que c'est une bonne chose, monsieur le secrétaire d'État, soit ! Un jour ou l'autre, on y viendra.
Quant aux objections de Mme Thourot, j'y réponds que quiconque consulte un fichier de police sans y être autorisé est sanctionné, qu'il soit policier municipal ou agent de la police nationale.
S'agissant de l'accès au fichier des personnes recherchées, le problème est le même. Les policiers municipaux effectuent des contrôles routiers. S'ils contrôlent demain un individu recherché, rien de grave : ils l'arrêtent, le verbalisent pour excès de vitesse, lui rappellent la réglementation en vigueur et le laissent partir, tout recherché qu'il est ! Et s'il est recherché dans le cadre d'une affaire de terrorisme ?
On ne peut pas demander aux policiers municipaux d'être des supplétifs de la police nationale – j'assume ce terme, car ils sont là pour aider cette dernière – sans leur en donner les moyens.
Je répète que l'on y viendra un jour, même si cela prendra le temps qu'il faudra. Un jour, une catastrophe se produira, provoquée par un individu recherché, que la police municipale s'est contentée de contrôler sans l'arrêter. On dira alors : « Il fallait leur permettre de vérifier s'il est recherché ! ».
Tôt ou tard, l'actualité nous contraindra à y venir. Ce qui est dommage, sur ces sujets, c'est que nous manquons souvent du courage nécessaire pour anticiper une catastrophe – malheureusement – annoncée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 31
Nombre de suffrages exprimés 31
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 10
Contre 21
L'amendement no 57 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 6 .
Il prévoit une mesure pragmatique, qu'il sera difficile de refuser, tant elle permettrait de mettre de l'huile dans les rouages de cette police du quotidien et de la proximité que vous appelez de vos voeux, monsieur le secrétaire d'État.
Le code de la sécurité intérieure autorise les communes limitrophes à mutualiser leurs polices municipales, dans la limite d'une population de 80 000 habitants. Pour dire les choses plus clairement, la ville la plus peuplée peut déployer ses policiers dans les communes voisines, si cela s'avère nécessaire et si leurs maires en font la demande.
Cette disposition présente le double avantage d'élargir le champ d'action de la police municipale, et de permettre à des communes qui ne peuvent pas s'offrir une police municipale – car cela a un coût – de bénéficier de celle d'une commune voisine plus importante.
Il s'agit, me semble-t-il, d'un très bon dispositif. Toutefois, il faudrait l'étendre afin qu'il bénéficie à des villes plus peuplées, que la limite de 80 000 habitants exclut de son champ d'application.
Je pense ici – chacun l'aura deviné – à Béziers, qui est riche de quelque 78 000 habitants, et qui pourrait faire bénéficier de sa police municipale une dizaine de villages situés aux alentours, dont les maires sont demandeurs.
Elle ne le peut pas, car elle est bloquée par le seuil de 80 000 habitants. Plus exactement, ce sont les villages alentour qui le sont, car ce sont eux qui ont besoin de l'aide et du soutien de la police municipale de Béziers, dont le cas – que j'évoque car je le connais – n'est pas isolé.
C'est pourquoi je propose, par le biais du présent amendement, de rehausser le seuil prévu par la loi à 120 000 habitants, afin que cette police du quotidien, qui intervient auprès des Français, n'en reste pas au stade de l'intention déclarative, mais devienne bel et bien une réalité.
La commission a émis un avis défavorable. À titre personnel, j'émets un avis favorable.
Avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne comprends pas bien pourquoi vous émettez un avis défavorable. Il s'agit véritablement d'une politique d'entraide entre les bourgs-centres et les villages alentour, qui ne peut que bénéficier à la collectivité dans son ensemble. Au demeurant, certaines intercommunalités sont favorables à une telle évolution.
L'amendement no 6 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 10 .
Dans le contexte d'insécurité que nous connaissons, le seuil de 300 spectateurs, au-delà duquel l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure prévoit le renfort d'agents de sécurité privés, semble inadapté. En effet, il fixe une limite, pour les forces de l'ordre, à leur mission d'assurer la sécurité des Français convenablement.
Je ne vois pas pourquoi les forces de sécurité auraient plus ou moins de prérogatives selon qu'une manifestation rassemble plus ou moins de 300 spectateurs. Ce seuil me semble un peu artificiel.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. Il est similaire à l'amendement no 60 , que j'ai défendu tout à l'heure.
Nous avons débattu tout à l'heure du seuil de 300 personnes. Il résulte du fait que les manifestations rassemblant moins de 300 personnes sont censées présenter moins de risques que les autres.
Madame Ménard, vous avez raison de rappeler que le contexte évolue. Nous aurons l'occasion de réexaminer de près cette disposition lorsque nous débattrons des conclusions du rapport Fauvergue-Thourot. Pour l'heure, j'émets un avis défavorable à l'amendement, tout en prenant bonne note des motifs qui vous ont amené à le déposer.
La législation en vigueur, qui retient un seuil de 300 personnes, découle de la nature du risque. Je vous assure que nous aurons l'occasion de nous pencher sur le sujet lorsque nous débattrons des conclusions du rapport Fauvergue-Thourot.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
L'article 11 n'est pas adopté.
L'ensemble des articles et des amendements portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte (nos 1907 rectifié, 2029).
La parole est à M. Mansour Kamardine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Cent unième département français, Mayotte est confrontée à des difficultés d'une ampleur incomparable à celles que subissent les Français des autres départements de l'Hexagone et d'outre-mer. Ce territoire, dont les destinées sont unies à celles de la France depuis 1841, dont les hommes et les femmes revendiquent avec fierté leur statut de citoyen, est à mille lieues de l'économie développée qu'on imaginerait trouver sur le territoire d'une grande puissance comme la nôtre.
Pourtant, les potentialités et les atouts de Mayotte sont exceptionnels : une biodiversité et un lagon parmi les plus beaux et les plus grands du monde, une situation au coeur de flux économiques régionaux en pleine expansion, une position stratégique à l'entrée du nord du canal du Mozambique, un établissement au centre d'une zone économique exclusive de 450 000 kilomètres carrés, des terres arables extrêmement fertiles, des ressources halieutiques précieuses lors des négociations de la politique agricole commune pour défendre les agriculteurs de métropole, une culture régionale forte, un attachement indéfectible à la France et une population jeune qui aspire au développement économique et social et au rayonnement d'une Mayotte française dans le sud-ouest de l'Océan indien.
Néanmoins, mal équipée, destinataire avec retard des technologies modernes, Mayotte est victime de l'histoire. Quarante années après son incorporation volontaire dans la nation française, ses voisines – les îles d'Anjouan, de Grande Comore et de Mohéli – ont été placées sous protectorat. Pour l'autorité coloniale, il était logique d'administrer ensemble ces territoires qui, pourtant, n'avaient jamais formé une entité politique unie. Dans la seconde moitié du XXe siècle, ces colonies ont voté à plus de 99 % pour leur indépendance. Mayotte, qui partageait avec la France un passé différent et plus profond, a confirmé son choix d'être et demeurer française. Chacun aurait dû se satisfaire d'obtenir ce pour quoi il avait voté : l'indépendance pour les Comoriens, le drapeau tricolore pour les Mahorais.
Mais les votes du XXe siècle sont menacés par les flux migratoires du XXIe. Les Comoriens ont pu en nombre immigrer illégalement à Mayotte en l'absence d'une politique effective de maîtrise des frontières, notamment de 2012 à 2017, de sorte que la population n'y était qu'à peine majoritairement française en 2017.
Pour les Mahorais, cette situation a des conséquences. Mayotte est une île pauvre, très pauvre, et très en retard sur le niveau de vie et de développement moyen de la nation. L'arrivée massive sur notre territoire d'une population plus pauvre encore ne peut qu'ajouter des difficultés aux difficultés. L'exaspération s'est manifestée en 2017 et en 2018, lorsque les Mahorais ont appelé l'État à, enfin, prendre ses responsabilités.
À la vérité, le Gouvernement a réagi. Dans le domaine régalien, la politique de lutte contre l'immigration clandestine et l'insécurité a franchi un palier. Mais sa montée en puissance nécessite d'en franchir d'autres encore, qui peinent à se concrétiser, notamment la coordination qui a été annoncée pour 2019, sur le modèle de l'opération Harpie en Guyane, des forces de sécurité avec l'armée et la présence permanente de moyens à la mer pour lutter contre l'immigration clandestine, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En ce qui concerne la souveraineté française à Mayotte, une nouvelle feuille de route signée entre la France et les Comores pour une reconnaissance internationale de la francité de Mayotte, établie cette fois à la demande et en association avec les élus mahorais, est en cours de finalisation. Enfin, une refondation de l'aide publique française au développement aux Comores, dotée de moyens substantiels et axée sur la fixation des populations comoriennes dans leurs îles d'origine, est dans sa phase finale de négociation.
Concernant les autres secteurs de l'action publique, face au risque d'embrasement de l'île, un plan d'action pour l'avenir de Mayotte, officiellement doté de 1,3 milliard d'euros d'ici à 2022, a été présenté au mois de mai 2018. Cet engagement apparaît important à première vue. Hélas, cela ne résiste pas à l'analyse.
En termes comptables, le plan du Gouvernement rassemble dans une même enveloppe des crédits différents. Certains sont déjà prévus de longue date ; pour le centre hospitalier par exemple, 172 des quelque 200 millions d'euros annoncés étaient en réalité fléchés depuis 2017. D'autres étaient certains dans leur principe, comme pour les installations scolaires, dont la programmation financière est passée de 400 à 500 millions. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres, les mesures nouvelles représentant environ 15 % seulement de l'enveloppe financière annoncée.
En termes stratégiques, ensuite et surtout, le Gouvernement a conçu un plan pour répondre à son objectif principal de calmer le mécontentement et de restaurer l'ordre public. On ne saurait lui en faire grief dans la mesure où le retour au calme était, en effet, un préalable.
Mais en édifiant des écoles primaires et des collèges, en améliorant le service d'obstétrique de l'hôpital de Mayotte, en construisant des logements sociaux pour les nouveaux arrivants, le gouvernement se limite à maintenir le statu quo. Les deux déterminants fondamentaux de la crise sont toujours présents : l'immigration irrégulière se poursuit, décourageant les Mahorais de construire leur avenir sur leur île ; la pauvreté prévaut encore, sans grand espoir qu'elle recule. En concentrant son action sur les services publics permettant l'intégration sociale des immigrés, le Gouvernement a entrepris de labourer la mer. Pire, si la violence a diminué sur un an, ce dont il faut se féliciter, le ressentiment perdure et s'exprime désormais par des voies institutionnelles qui ne sont pas forcément les moins dangereuses.
Le plan du Gouvernement de 2018 est en cours de contractualisation ; il figurera dans le contrat de convergence 2019-2022 qui sera prochainement, nous dit-on, conclu entre l'État et Mayotte. Les auditions, puis les informations données par nos collègues de la majorité lors l'examen du texte en commission, ont permis d'établir que les crédits du contrat de convergence se montaient à 1,1 milliard d'euros et que celui-ci ne comportait que très peu de mesures nouvelles, tant en volume qu'en nombre. De plus, il ne prévoit la programmation financière d'aucune grande infrastructure de désenclavement et de rayonnement régional. Il ne prévoit pas le relèvement des dotations aux collectivités, pourtant très inférieures par habitant aux normes habituelles. En outre, l'objectif de production énergétique bas carbone qu'il vise est particulièrement faible puisque la production d'électricité demeurerait carbonée à 80 %, alors que la cible nationale pour 2022 est inférieure à 10 %. Enfin, les moyens dédiés à la préservation de l'environnement et de la biodiversité ne sont pas suffisants pour atteindre les normes et les objectifs français et européens.
La proposition de loi qui vous est soumise s'efforce de montrer aux représentants de la nation qu'un autre avenir est possible pour Mayotte. Cette île ne doit pas demeurer dans la dépendance des quelques aides, toujours insuffisantes, qui lui sont octroyées depuis Paris. L'ambition des Mahorais n'est pas, ne sera jamais, de vivre d'aides sociales dans un logement social sans aucun espoir de mise en valeur du territoire sur lequel ils sont nés. Cependant, la convergence des droits sociaux, pourtant au coeur de la loi de 2017 qui a instauré les plans et les contrats de convergence, est d'une telle lenteur qu'on peine à la déceler sur le terrain, ce qui est vécu sur le terrain comme un déni de citoyenneté.
Ce qui est proposé ici, pour une somme finalement modérée puisqu'inférieure à 100 millions d'euros par an pendant dix ans, mais abondée dans un avenir proche par les fonds structurels européens, est moins une alternative qu'un complément structurel à l'actuelle action de l'État. C'est une politique volontariste et ambitieuse qui tient en un seul mot : développement durable. C'est un mot, madame la ministre, auquel vous tenez et que vous employez souvent.
On est condamné à la misère quand on ne dispose pour aéroport que d'une piste que la plupart des appareils venus d'Europe ne peuvent emprunter. On est condamné à la relégation quand, en dépit d'un port naturel remarquable et d'une situation géographique privilégiée, le Gouvernement persiste à dédaigner l'infrastructure portuaire de Longoni. On est condamné à la dégradation de l'environnement quand, malgré les investissements dans de superbes stations d'épuration, personne ne semble comprendre que le raccordement des habitations au tout-à-l'égout est un préalable absolu. On est condamné à la désolation quand on persiste à produire l'électricité à partir d'hydrocarbures dans une île où le soleil brille 365 jours sur 365. On est condamné à la précarité quand les collectivités ne reçoivent pas les dotations qui leur sont dues parce qu'une partie importante de la population échappe aux recensements officiels et qu'on discrimine très clairement nos concitoyens de Mayotte en leur refusant l'égalité sociale.
Les Mahorais n'en peuvent plus que soit sans cesse remis à demain ce qui est prévu de longue date. Ils demandent que les infrastructures, pour certaines décidées il y a quinze ans, trouvent enfin une programmation financière. Ils demandent un agenda clair et resserré pour l'égalité sociale, qu'en 2014 les plus hautes instances de l'État avaient annoncée pour 2019. Ils demandent à ne pas être laissés en marge de l'accélération annoncée cette année des politiques climatiques et environnementales.
Les Mahorais ont foi en la France et en leurs capacités de développement de leur île. Ils sont prêts à tous les efforts pour accomplir leur part du chemin. Mais ils ont besoin d'outils, d'équipements, d'infrastructures pour enclencher le cercle vertueux d'un développement économique et social respectueux de l'environnement comme pour concourir au rayonnement culturel de la France et de l'Europe dans une région du monde à fort potentiel.
Avec son plan de 2018 en cours de contractualisation par le biais du contrat de convergence 2019-2022, le gouvernement a mis Mayotte sur une jambe. Après quarante-cinq ans durant desquels l'État central a décidé ce qui était bon pour les Mahorais, la présente proposition de loi, dans un esprit de coconstruction, vient prendre en compte leurs priorités, en y adjoignant une deuxième jambe, celle qui permettra, enfin, de mettre durablement Mayotte en marche.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
Pour certains, Mayotte est le territoire de tous les dangers, un territoire où règne l'insécurité, où l'immigration est incontrôlée. Je préfère la voir comme le territoire de tous les défis, et vous n'entendrez de ma part aucun fatalisme mais uniquement une parole d'action et d'ambition.
Je ne cherche pas à faire de l'angélisme. Les défis sont immenses, et tout est urgent à Mayotte. Nous en sommes tous d'accord.
Les établissements scolaires sont en surcapacité, avec un nombre d'élèves en constante augmentation. Les besoins de formation sont criants dans tous les domaines. Les infrastructures de base, notamment en matière de transport, d'eau, d'assainissement et de logements décents, accusent un retard considérable. La pauvreté touche huit Mahorais sur dix et le territoire souffre d'une pénurie de médecins et de spécialistes.
On pourrait se contenter de ce constat d'un territoire français et d'une population française – vous l'avez dit, monsieur le rapporteur – en souffrance, sans proposer de solutions nouvelles. Pour ma part, je suis à la fois lucide sur les réalités de Mayotte et déterminée à apporter des solutions à la hauteur des enjeux.
Mais Mayotte, ce n'est pas que cela ; c'est aussi un réservoir de biodiversité ultramarine, peu valorisée et insuffisamment protégée. C'est aussi peut-être le plus beau lagon du monde, insuffisamment protégé lui aussi, mais dont le potentiel touristique est trop peu exploité.
Depuis quelques semaines, et la découverte de ce phénomène rare et exceptionnel qu'est la naissance d'un volcan, tous les regards de la recherche scientifique se tournent vers Mayotte. L'État, avec les établissements scientifiques dont je salue la mobilisation demandée par ma collègue Frédérique Vidal, n'a pas attendu d'être mis face à ses responsabilités. Nous sommes au rendez-vous, et avons mobilisé près de 5 millions d'euros dès cette année pour la surveillance et l'observation de ce phénomène. Un nouvel observatoire volcanologique sera créé.
Mayotte, c'est aussi une jeunesse, porteuse de promesses, d'énergie, de dynamisme, d'innovation, si nous savons lui donner les outils de l'émancipation qu'elle mérite.
Aujourd'hui, monsieur le rapporteur, vous avez décidé avec votre groupe des Républicains d'appeler l'attention de la représentation nationale sur la situation de votre territoire.
Je rappelle que Mayotte faisait déjà l'objet d'un plan stratégique, baptisé Mayotte 2025, lancé en 2015. Mayotte 2025 a permis plusieurs réalisations concrètes que je souhaite rappeler, car nous oublions souvent les avancées, même si elles ont tardé à venir : déploiement du code du travail ; création de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte et de la commission d'urgence foncière ; 4 millions d'euros mobilisés pour les infrastructures sportives ; création d'une direction des affaires culturelles ; lancement du dispositif Cadres avenir.
Née d'un manque de visibilité et de suivi des actions, la crise du début de l'année 2018 a conduit le Gouvernement à agir beaucoup plus rapidement à Mayotte. Face à l'urgence de la situation, il fallait une mobilisation forte, en réponse à des citoyens réclamant plus de sécurité, plus de développement, plus d'État.
Ce mouvement, vous le savez, a traduit d'abord une exigence de sécurité. Né en réaction à des violences perpétrées par de jeunes délinquants sur des élèves, il a mobilisé des mères, des pères et des citoyens appelant l'État à protéger leurs enfants. Cet appel a été entendu par le Gouvernement. Dès le début du mois de mars 2018, nous avons déployé un dispositif exceptionnel et durable, pour sécuriser les établissements et les transports scolaires.
Dans le même temps, et sans attendre, nous avons annoncé le renforcement dans la durée des forces présentes sur le territoire pour assurer la sécurité au quotidien et lutter de façon résolue contre l'immigration irrégulière qui bouleverse tous les champs de la vie quotidienne des Mahorais.
Ces différentes mesures ont été matérialisées par le plan pour l'avenir de Mayotte, que j'ai présenté sur place, en mai 2018, et qui traduit ces engagements. J'ai pu, à ce moment-là, mesurer à quel point la confiance s'était brisée entre l'État et nos concitoyens mahorais. Or, Mayotte ne pourra pas se construire sans la confiance des Mahoraises et des Mahorais envers leurs élus, envers l'État, et, surtout, envers l'avenir.
Confiance à retrouver en matière de sécurité, d'abord. Je le dis souvent : il n'y a pas de développement sans sécurité, et pas de sécurité sans développement.
Confiance en l'État sur place, ensuite. J'ai choisi Dominique Sorain, qui dirigeait à l'époque mon cabinet, pour être préfet, délégué du Gouvernement à Mayotte. Menant un travail de fond, avec une équipe renforcée, dans tous les domaines prioritaires pour les Mahorais, il a permis l'élaboration de ce plan. Il a fixé un cadre et une méthode.
Le cadre, tout d'abord : c'est répondre aux enjeux de ce territoire, aux besoins de sa population et de ses représentants. Le plan pour l'avenir de Mayotte traite non seulement de sécurité, de lutte contre l'immigration, d'accès aux soins mais aussi de rattrapage administratif, avec la création d'un rectorat de plein exercice, d'une agence régionale de santé qui n'est plus placée sous la tutelle de celle de La Réunion, et d'une direction régionale de Pôle emploi dédiée. Ces trois demandes anciennes, que vous avez portées, comme d'autres élus, monsieur le rapporteur, n'avaient jamais été entendues.
Ce plan traite aussi de l'accompagnement des acteurs locaux dans la conduite des projets d'accès à l'eau et de construction de logements sociaux. Ses 53 engagements et 125 actions font l'objet d'un suivi attentif. Comme j'en avais pris l'engagement, je suis moi-même allée sur place en présenter le premier bilan au mois d'avril, onze mois après son adoption. Le site internet Transparence permet à chacun de nos concitoyens de s'assurer de l'avancée de ce plan.
La méthode, ensuite, c'est la concertation et l'écoute. Ce plan est un document n'émanant pas seulement du Gouvernement ou de l'État mais de l'ensemble des pouvoirs publics, car ont été associés à son élaboration les collectivités territoriales et les parlementaires qui l'ont souhaité.
Autour du préfet, délégué du Gouvernement, une équipe interministérielle est venue renforcer les services de l'État sur place. Cette équipe était en lien direct avec les élus, les acteurs du mouvement social et toutes les composantes de la société civile. C'est sans doute pour ces raisons que le résultat est à la hauteur des attentes de nos concitoyens sur la période définie.
C'est ma méthode, et vous la connaissez : celle de la concertation, de la coconstruction, de la transparence et de l'écoute du terrain. Ce n'est qu'ainsi que l'on peut bâtir une vraie politique, une vraie stratégie pour répondre aux attentes de la population.
Cette stratégie trouvera également à s'inscrire dans le plan de convergence de Mayotte prévu dans le cadre de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de février 2017, adoptée ici à l'unanimité.
Ce plan fixe les orientations stratégiques et les objectifs à l'horizon 2030 en matière d'infrastructures, d'éducation, d'économie ou encore de santé. Il a été coconstruit par les acteurs du territoire et adopté en décembre 2018 à Mayotte.
Mais cette stratégie n'a de sens qu'incarnée dans des projets concrets répondant bien aux besoins de nos concitoyens. C'est l'objet des contrats de convergence et de transformation, qui sont en cours de négociation et de finalisation. Pour Mayotte comme pour la plupart des autres départements et régions d'outre-mer, ils seront signés le 8 juillet prochain, comme l'avait annoncé le Premier ministre au Sénat et à l'Assemblée.
Le Président de la République a souhaité que leur durée soit fixée à quatre ans, de 2019 à 2022, ce qui permet de donner un cap réaliste aux projets et qui permettra à la population de mesurer très concrètement le respect des engagements pris.
Élaboré selon la méthode que j'ai rappelée, le contrat pour Mayotte associe l'État, le département, la communauté d'agglomération de Dembeni-Mamoudzou ainsi que les quatre autres intercommunalités de l'île. Il a fait l'objet de plusieurs allers-retours entre les principaux acteurs pour aboutir au meilleur document possible – du moins je l'espère car je ne découvrirai le document final que dans quelques jours. Il sera très prochainement signé.
Je peux déjà indiquer qu'il transcrira financièrement les engagements de l'État au titre du plan pour l'avenir de Mayotte : 119,5 millions d'euros pour l'eau et l'assainissement ; 476 millions d'euros pour les infrastructures scolaires ; 172 millions d'euros pour le centre hospitalier ; 136 millions d'euros pour le logement social ; 160 millions d'euros pour les investissements routiers, dont le contournement de Mamoudzou, pour ne citer que les principales masses financières. Son montant total devrait s'établir autour de 1,6 milliard d'euros, dont 1,1 milliard de crédits d'État, soit 275 millions d'euros en moyenne par année.
Ce contrat couvre un champ encore plus large que le plan pour l'avenir de Mayotte, puisqu'il y est aussi question de la prévention des risques naturels, du changement climatique et de la transition énergétique, de l'enseignement supérieur, des infrastructures culturelles et de l'accompagnement à l'ouverture internationale des entreprises.
Monsieur le rapporteur, cher Mansour Kamardine, vous constatez déjà que les ambitions de ce contrat de convergence et de transformation pour les quatre prochaines années vont au-delà de celles de votre proposition de loi. Nous devons être à la hauteur des espoirs des Mahoraises et des Mahorais. Je sais que nous travaillerons ensemble pour y parvenir.
Vous en serez d'accord, les réponses aux besoins de rattrapage des infrastructures de Mayotte figurent bien dans ce contrat. Elles tiennent compte des capacités de réalisations du territoire, et c'est un point important, car il ne suffit pas d'espérer tout, tout de suite.
L'étroitesse du territoire, les difficultés à y identifier et dégager du foncier de même que la disponibilité des acteurs publics comme privés amènent à devoir établir des priorités, accompagner et suivre attentivement le bon avancement des projets. Il ne suffit pas de signer des contrats : comme j'ai pu le constater ces dernières années à la tête du ministère, il est nécessaire d'accompagner la réalisation des projets.
Le financement de ce contrat de convergence et de transformation est assuré : il figurera dans le projet de loi de finances pour 2020.
Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, l'État n'a pas ménagé sa peine pour agir, ni à court terme, dans l'urgence – il le fallait – , ni pour assurer le développement de Mayotte à moyen et à long termes.
Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, porte également sur l'égalité sociale. C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur et vous pouvez compter sur moi pour le faire avancer. Nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre un peu plus tard.
Les prestations sociales ne sont pas les mêmes à Mayotte que dans les autres départements d'outre-mer ou dans l'Hexagone, et ce n'est pas juste.
Cela tient à une histoire administrative plus récente, ce qui n'est cependant pas un argument suffisant pour justifier la persistance d'une telle inégalité. Cela tient également à un équilibre délicat entre la capacité du tissu économique local et les légitimes attentes de la population. Car, pour augmenter les prestations de sécurité sociale, il faut augmenter aussi les cotisations sociales. C'est ainsi que fonctionne notre système.
Et augmenter les cotisations sociales implique d'augmenter le coût du travail, ce qui peut pénaliser les entreprises et l'emploi dans un territoire où le taux de chômage atteint déjà 35 %. Cela signifie non pas qu'il ne faut pas le faire, mais qu'il faut agir de manière raisonnée, juste pour tous, et accompagnée.
Lors de mon déplacement d'avril, j'ai annoncé qu'un calendrier d'évolution des prestations serait donné aux Mahoraises et aux Mahorais avant la fin de l'année – cela n'avait jamais été fait – car il faut donner des perspectives, réalistes, mais ambitieuses.
Vous proposez également, monsieur le rapporteur, de mieux doter les collectivités. Je répondrai dans le détail un peu plus tard mais je peux d'ores et déjà indiquer que l'accompagnement des collectivités fragiles en termes d'ingénierie est une de mes priorités. Une première réponse a déjà été apportée à Mayotte sur ce point.
C'est pour cela que le renforcement des services de l'État et la création d'une plateforme de six agents de haut niveau sont en cours. Nous avons déjà publié les profils de poste. Il faut à présent que Mayotte trouve les hommes et les femmes nécessaires, de manière que ces projets puissent avancer au bon rythme pour les populations.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les éléments que je souhaitais partager avec vous, en remerciant à nouveau M. le rapporteur de son travail et de son engagement en faveur de Mayotte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte ;
Discussion de la proposition de loi visant à développer l'accueil familial des personnes âgées et handicapées ;
Discussion de la proposition de loi relative à plusieurs articles de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra