Pour certains, Mayotte est le territoire de tous les dangers, un territoire où règne l'insécurité, où l'immigration est incontrôlée. Je préfère la voir comme le territoire de tous les défis, et vous n'entendrez de ma part aucun fatalisme mais uniquement une parole d'action et d'ambition.
Je ne cherche pas à faire de l'angélisme. Les défis sont immenses, et tout est urgent à Mayotte. Nous en sommes tous d'accord.
Les établissements scolaires sont en surcapacité, avec un nombre d'élèves en constante augmentation. Les besoins de formation sont criants dans tous les domaines. Les infrastructures de base, notamment en matière de transport, d'eau, d'assainissement et de logements décents, accusent un retard considérable. La pauvreté touche huit Mahorais sur dix et le territoire souffre d'une pénurie de médecins et de spécialistes.
On pourrait se contenter de ce constat d'un territoire français et d'une population française – vous l'avez dit, monsieur le rapporteur – en souffrance, sans proposer de solutions nouvelles. Pour ma part, je suis à la fois lucide sur les réalités de Mayotte et déterminée à apporter des solutions à la hauteur des enjeux.
Mais Mayotte, ce n'est pas que cela ; c'est aussi un réservoir de biodiversité ultramarine, peu valorisée et insuffisamment protégée. C'est aussi peut-être le plus beau lagon du monde, insuffisamment protégé lui aussi, mais dont le potentiel touristique est trop peu exploité.
Depuis quelques semaines, et la découverte de ce phénomène rare et exceptionnel qu'est la naissance d'un volcan, tous les regards de la recherche scientifique se tournent vers Mayotte. L'État, avec les établissements scientifiques dont je salue la mobilisation demandée par ma collègue Frédérique Vidal, n'a pas attendu d'être mis face à ses responsabilités. Nous sommes au rendez-vous, et avons mobilisé près de 5 millions d'euros dès cette année pour la surveillance et l'observation de ce phénomène. Un nouvel observatoire volcanologique sera créé.
Mayotte, c'est aussi une jeunesse, porteuse de promesses, d'énergie, de dynamisme, d'innovation, si nous savons lui donner les outils de l'émancipation qu'elle mérite.
Aujourd'hui, monsieur le rapporteur, vous avez décidé avec votre groupe des Républicains d'appeler l'attention de la représentation nationale sur la situation de votre territoire.
Je rappelle que Mayotte faisait déjà l'objet d'un plan stratégique, baptisé Mayotte 2025, lancé en 2015. Mayotte 2025 a permis plusieurs réalisations concrètes que je souhaite rappeler, car nous oublions souvent les avancées, même si elles ont tardé à venir : déploiement du code du travail ; création de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte et de la commission d'urgence foncière ; 4 millions d'euros mobilisés pour les infrastructures sportives ; création d'une direction des affaires culturelles ; lancement du dispositif Cadres avenir.
Née d'un manque de visibilité et de suivi des actions, la crise du début de l'année 2018 a conduit le Gouvernement à agir beaucoup plus rapidement à Mayotte. Face à l'urgence de la situation, il fallait une mobilisation forte, en réponse à des citoyens réclamant plus de sécurité, plus de développement, plus d'État.
Ce mouvement, vous le savez, a traduit d'abord une exigence de sécurité. Né en réaction à des violences perpétrées par de jeunes délinquants sur des élèves, il a mobilisé des mères, des pères et des citoyens appelant l'État à protéger leurs enfants. Cet appel a été entendu par le Gouvernement. Dès le début du mois de mars 2018, nous avons déployé un dispositif exceptionnel et durable, pour sécuriser les établissements et les transports scolaires.
Dans le même temps, et sans attendre, nous avons annoncé le renforcement dans la durée des forces présentes sur le territoire pour assurer la sécurité au quotidien et lutter de façon résolue contre l'immigration irrégulière qui bouleverse tous les champs de la vie quotidienne des Mahorais.
Ces différentes mesures ont été matérialisées par le plan pour l'avenir de Mayotte, que j'ai présenté sur place, en mai 2018, et qui traduit ces engagements. J'ai pu, à ce moment-là, mesurer à quel point la confiance s'était brisée entre l'État et nos concitoyens mahorais. Or, Mayotte ne pourra pas se construire sans la confiance des Mahoraises et des Mahorais envers leurs élus, envers l'État, et, surtout, envers l'avenir.
Confiance à retrouver en matière de sécurité, d'abord. Je le dis souvent : il n'y a pas de développement sans sécurité, et pas de sécurité sans développement.
Confiance en l'État sur place, ensuite. J'ai choisi Dominique Sorain, qui dirigeait à l'époque mon cabinet, pour être préfet, délégué du Gouvernement à Mayotte. Menant un travail de fond, avec une équipe renforcée, dans tous les domaines prioritaires pour les Mahorais, il a permis l'élaboration de ce plan. Il a fixé un cadre et une méthode.
Le cadre, tout d'abord : c'est répondre aux enjeux de ce territoire, aux besoins de sa population et de ses représentants. Le plan pour l'avenir de Mayotte traite non seulement de sécurité, de lutte contre l'immigration, d'accès aux soins mais aussi de rattrapage administratif, avec la création d'un rectorat de plein exercice, d'une agence régionale de santé qui n'est plus placée sous la tutelle de celle de La Réunion, et d'une direction régionale de Pôle emploi dédiée. Ces trois demandes anciennes, que vous avez portées, comme d'autres élus, monsieur le rapporteur, n'avaient jamais été entendues.
Ce plan traite aussi de l'accompagnement des acteurs locaux dans la conduite des projets d'accès à l'eau et de construction de logements sociaux. Ses 53 engagements et 125 actions font l'objet d'un suivi attentif. Comme j'en avais pris l'engagement, je suis moi-même allée sur place en présenter le premier bilan au mois d'avril, onze mois après son adoption. Le site internet Transparence permet à chacun de nos concitoyens de s'assurer de l'avancée de ce plan.
La méthode, ensuite, c'est la concertation et l'écoute. Ce plan est un document n'émanant pas seulement du Gouvernement ou de l'État mais de l'ensemble des pouvoirs publics, car ont été associés à son élaboration les collectivités territoriales et les parlementaires qui l'ont souhaité.
Autour du préfet, délégué du Gouvernement, une équipe interministérielle est venue renforcer les services de l'État sur place. Cette équipe était en lien direct avec les élus, les acteurs du mouvement social et toutes les composantes de la société civile. C'est sans doute pour ces raisons que le résultat est à la hauteur des attentes de nos concitoyens sur la période définie.
C'est ma méthode, et vous la connaissez : celle de la concertation, de la coconstruction, de la transparence et de l'écoute du terrain. Ce n'est qu'ainsi que l'on peut bâtir une vraie politique, une vraie stratégie pour répondre aux attentes de la population.
Cette stratégie trouvera également à s'inscrire dans le plan de convergence de Mayotte prévu dans le cadre de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de février 2017, adoptée ici à l'unanimité.
Ce plan fixe les orientations stratégiques et les objectifs à l'horizon 2030 en matière d'infrastructures, d'éducation, d'économie ou encore de santé. Il a été coconstruit par les acteurs du territoire et adopté en décembre 2018 à Mayotte.
Mais cette stratégie n'a de sens qu'incarnée dans des projets concrets répondant bien aux besoins de nos concitoyens. C'est l'objet des contrats de convergence et de transformation, qui sont en cours de négociation et de finalisation. Pour Mayotte comme pour la plupart des autres départements et régions d'outre-mer, ils seront signés le 8 juillet prochain, comme l'avait annoncé le Premier ministre au Sénat et à l'Assemblée.
Le Président de la République a souhaité que leur durée soit fixée à quatre ans, de 2019 à 2022, ce qui permet de donner un cap réaliste aux projets et qui permettra à la population de mesurer très concrètement le respect des engagements pris.
Élaboré selon la méthode que j'ai rappelée, le contrat pour Mayotte associe l'État, le département, la communauté d'agglomération de Dembeni-Mamoudzou ainsi que les quatre autres intercommunalités de l'île. Il a fait l'objet de plusieurs allers-retours entre les principaux acteurs pour aboutir au meilleur document possible – du moins je l'espère car je ne découvrirai le document final que dans quelques jours. Il sera très prochainement signé.
Je peux déjà indiquer qu'il transcrira financièrement les engagements de l'État au titre du plan pour l'avenir de Mayotte : 119,5 millions d'euros pour l'eau et l'assainissement ; 476 millions d'euros pour les infrastructures scolaires ; 172 millions d'euros pour le centre hospitalier ; 136 millions d'euros pour le logement social ; 160 millions d'euros pour les investissements routiers, dont le contournement de Mamoudzou, pour ne citer que les principales masses financières. Son montant total devrait s'établir autour de 1,6 milliard d'euros, dont 1,1 milliard de crédits d'État, soit 275 millions d'euros en moyenne par année.
Ce contrat couvre un champ encore plus large que le plan pour l'avenir de Mayotte, puisqu'il y est aussi question de la prévention des risques naturels, du changement climatique et de la transition énergétique, de l'enseignement supérieur, des infrastructures culturelles et de l'accompagnement à l'ouverture internationale des entreprises.
Monsieur le rapporteur, cher Mansour Kamardine, vous constatez déjà que les ambitions de ce contrat de convergence et de transformation pour les quatre prochaines années vont au-delà de celles de votre proposition de loi. Nous devons être à la hauteur des espoirs des Mahoraises et des Mahorais. Je sais que nous travaillerons ensemble pour y parvenir.
Vous en serez d'accord, les réponses aux besoins de rattrapage des infrastructures de Mayotte figurent bien dans ce contrat. Elles tiennent compte des capacités de réalisations du territoire, et c'est un point important, car il ne suffit pas d'espérer tout, tout de suite.
L'étroitesse du territoire, les difficultés à y identifier et dégager du foncier de même que la disponibilité des acteurs publics comme privés amènent à devoir établir des priorités, accompagner et suivre attentivement le bon avancement des projets. Il ne suffit pas de signer des contrats : comme j'ai pu le constater ces dernières années à la tête du ministère, il est nécessaire d'accompagner la réalisation des projets.
Le financement de ce contrat de convergence et de transformation est assuré : il figurera dans le projet de loi de finances pour 2020.
Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, l'État n'a pas ménagé sa peine pour agir, ni à court terme, dans l'urgence – il le fallait – , ni pour assurer le développement de Mayotte à moyen et à long termes.
Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, porte également sur l'égalité sociale. C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur et vous pouvez compter sur moi pour le faire avancer. Nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre un peu plus tard.
Les prestations sociales ne sont pas les mêmes à Mayotte que dans les autres départements d'outre-mer ou dans l'Hexagone, et ce n'est pas juste.
Cela tient à une histoire administrative plus récente, ce qui n'est cependant pas un argument suffisant pour justifier la persistance d'une telle inégalité. Cela tient également à un équilibre délicat entre la capacité du tissu économique local et les légitimes attentes de la population. Car, pour augmenter les prestations de sécurité sociale, il faut augmenter aussi les cotisations sociales. C'est ainsi que fonctionne notre système.
Et augmenter les cotisations sociales implique d'augmenter le coût du travail, ce qui peut pénaliser les entreprises et l'emploi dans un territoire où le taux de chômage atteint déjà 35 %. Cela signifie non pas qu'il ne faut pas le faire, mais qu'il faut agir de manière raisonnée, juste pour tous, et accompagnée.
Lors de mon déplacement d'avril, j'ai annoncé qu'un calendrier d'évolution des prestations serait donné aux Mahoraises et aux Mahorais avant la fin de l'année – cela n'avait jamais été fait – car il faut donner des perspectives, réalistes, mais ambitieuses.
Vous proposez également, monsieur le rapporteur, de mieux doter les collectivités. Je répondrai dans le détail un peu plus tard mais je peux d'ores et déjà indiquer que l'accompagnement des collectivités fragiles en termes d'ingénierie est une de mes priorités. Une première réponse a déjà été apportée à Mayotte sur ce point.
C'est pour cela que le renforcement des services de l'État et la création d'une plateforme de six agents de haut niveau sont en cours. Nous avons déjà publié les profils de poste. Il faut à présent que Mayotte trouve les hommes et les femmes nécessaires, de manière que ces projets puissent avancer au bon rythme pour les populations.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les éléments que je souhaitais partager avec vous, en remerciant à nouveau M. le rapporteur de son travail et de son engagement en faveur de Mayotte.