Intervention de Jean Terlier

Séance en hémicycle du jeudi 20 juin 2019 à 15h00
Sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Terlier :

Je tiens, tout d'abord, à rappeler le contexte dans lequel nous examinons la proposition de loi de notre collègue Éric Ciotti. Le sujet de la sécurité n'est pas nouveau ; le Gouvernement s'en est saisi il y a déjà plusieurs mois. Ainsi, le 8 janvier dernier, le ministre de l'intérieur a annoncé la préparation d'une loi d'orientation et de programmation pour la sécurité dont nous serons tous invités à débattre. Ce texte fixera la vision à long terme de notre politique de sécurité intérieure et ne se limitera pas à la police et à la gendarmerie nationales. Il offrira une vision globale de ce que l'excellent rapport Fauvergue-Thourot a appelé le « continuum de sécurité ».

Cher collègue Éric Ciotti, si nous sommes, ici, tous d'accord pour doter nos forces de sécurité de moyens humains et matériels qui leur permettent d'exercer leurs missions dans de meilleures conditions, votre proposition de loi n'apporte aucune réponse satisfaisante aux enjeux majeurs de la sécurité et aux besoins de ceux qui la servent.

Vous proposez une augmentation du budget de la sécurité. Sur ce point, nous sommes d'accord avec vous : le financement des forces de l'ordre est une priorité. Il l'était déjà, pour le Président de la République, en 2017, et le Gouvernement s'est engagé à traduire cette priorité dans les faits. Du reste, les crédits affectés à la défense et à la sécurité constituent le deuxième pôle budgétaire. L'État y consacre plus de 62 milliards d'euros cette année ; les seuls crédits de la mission « Sécurités » ont augmenté de 1,65 %, soit 13,5 milliards d'euros supplémentaires investis.

Quelques observations sur vos propositions, maintes fois répétées. S'agissant de la création de 15 000 postes de police et de gendarmerie pour 2025, je me permets de vous rappeler que le Gouvernement, qui a d'ores et déjà prévu la création de 10 000 emplois sur la durée du quinquennat, a créé 2 500 postes dès cette année, quand – je sais que vous appréciez qu'on le rappelle – la révision générale des politiques publiques a conduit à en supprimer près de 12 000 entre 2007 et 2012.

En ce qui concerne le paiement des heures supplémentaires dues aux agents des forces de l'ordre, je me permets, là encore, de vous rappeler que la loi de finances pour 2019 consacre plus de 64 millions d'euros à des mesures catégorielles, dont une partie est allouée au remboursement d'heures supplémentaires impayées, dont le stock s'élevait déjà, en 2008, à plus de 12,6 millions.

Je ne multiplierai pas les exemples, mon cher collègue : ils risquent d'être trop nombreux. Votre proposition de loi se veut ambitieuse, mais elle ne traduit pas effectivement les réponses qu'attendent nos forces de l'ordre dans la durée.

J'en viens au second volet de votre proposition de loi.

Sur les peines plancher, le débat est ancien et a déjà eu lieu à propos de nombreux textes de loi et, encore très récemment, lors de l'examen du projet de loi de programmation et de réforme de la justice. Nous vous l'avons rappelé en commission, l'instauration de peines plancher contrevient aux principes d'individualisation et de nécessité de la peine, qui constituent les pierres angulaires de notre système juridique. Rien ne justifie que nous renoncions à ces principes. En outre, vous l'avez constaté, les peines plancher m'ont aucun caractère dissuasif : leur efficacité dans le domaine de la récidive n'a toujours pas été démontrée, bien au contraire.

En proposant d'instaurer une peine d'expulsion du territoire automatique et obligatoire sanctionnant tous les crimes et délits commis envers un agent détenteur de l'autorité publique par un étranger séjournant de façon irrégulière en France ou y séjournant de façon régulière depuis moins de cinq ans, vous vous livrez à une surenchère pénale démagogique et inutile. Surtout, vous affichez une méfiance inconsidérée à l'égard du pouvoir judiciaire. Il est en effet regrettable que vous ne soyez pas convaincu que nos magistrats sont parfaitement aptes à juger si ces étrangers constituent une menace à l'ordre public justifiant leur interdiction de séjour sur le territoire.

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