… mais je demeure perplexe quant à leur intérêt, à un moment où nous essayons plutôt d'aménager les peines pour éviter d'accroître la surpopulation carcérale.
S'agissant de la fin de l'excuse de minorité, c'est là encore un vieux débat. Je sais que vous pensez que des jeunes de 16 ans grands et baraqués devraient pouvoir être condamnés comme des majeurs. Là encore, un principe fondamental de notre droit s'y oppose : celui d'envisager le mineur comme un être en devenir. Par conséquent, on doit garder l'espoir qu'il sera sensible à des mesures d'éducation.
C'est la raison pour laquelle notre justice des mineurs, si souvent décriée, permet tout de même à la grande majorité des jeunes qui passent devant le juge de retrouver le chemin du respect de la loi.
Nous ne voyons donc pas en quoi le fait de les juger comme des majeurs sera plus efficace et leur permettra de mieux comprendre la règle et de l'appliquer.
Avec les nombreuses dérogations que vous proposez, l'excuse de minorité sera vidée de son sens. Parmi les engagements internationaux que nous avons pris, la Convention internationale des droits de l'enfant nous engage à ne pas traiter les enfants âgés de 16 à 18 ans différemment de ceux de moins de 16 ans. Je vous renvoie à ce titre au très bel exposé des motifs de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante : « La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »
Je ne suis donc pas persuadée que la proposition de loi offre une solution adéquate au problème réel de la délinquance des mineurs.
Vous prévoyez aussi un durcissement des peines en cas d'injures publiques à l'endroit des forces de l'ordre – celles-ci passeraient de 12 000 euros à un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Il est vrai que les incivilités et les comportements méprisants ou agressifs à l'égard des forces de l'ordre voire des pompiers sont inadmissibles. Il faut cependant voir si ce que vous proposez est de nature à régler le problème.
S'agissant des polices municipales, il faut certes parvenir à leur donner des prérogatives plus importantes, car, étant très présentes sur le terrain, elles sont parfois en danger. Vous proposez d'habiliter les agents de police municipale à réaliser des contrôles d'identité. Certaines procédures sont toutefois réservées à des fonctionnaires nationaux, qui sont formés et les appliquent alors avec davantage de sécurité.
Je reconnais que les contrôles d'identité demeurent une plaie dans les relations entre la police et les habitants de certains quartiers, notamment les plus jeunes. Sans doute devons-nous approfondir la réflexion sur ce point. Manuel Valls avait généralisé les caméras permettant de vérifier que le contrôle s'effectue dans de bonnes conditions. Un bilan de cette procédure est souhaitable. Bref, nous devons travailler sur ce sujet, mais votre proposition me semble un peu rapide.
Cette proposition de loi ne me surprend pas, car elle traite des sujets de préoccupation de M. Ciotti, qui sont sérieux et fondamentaux. En l'état actuel, je suis toutefois perplexe quant aux solutions proposées. C'est la raison pour laquelle, sans préjuger toutefois de la discussion, notre groupe s'abstiendra très certainement.