Nous attendions depuis plusieurs mois le grand projet de loi qui devait répondre à l'urgence climatique et écologique : c'était le texte visant à faire notre planète à nouveau « grande » – je le dis volontairement en français – pour reprendre les mots d'Emmanuel Macron. Ce texte arrive enfin au Parlement, et je voudrais vous dire notre déception. Alors que les préoccupations environnementales mobilisent les peuples, et notamment les citoyens les plus jeunes, que les résultats électoraux nous rappellent notre responsabilité et que les effets du changement climatique se multiplient sous nos yeux, nous sommes face à un texte creux, composé de 8 articles, dans sa version initiale, qui se résument à 2 mises à jour d'objectifs et à 4 fermetures de centrales à charbon. C'est un peu juste, vous en conviendrez, Monsieur le ministre, pour rendre notre planète grande à nouveau. L'annonce de la présentation d'une lettre rectificative en conseil des ministres, le 12 juin dernier, jour du discours de politique générale du Premier ministre, nous a laissés espérer une tentative de sursaut. Il ne s'agissait, en fait, que de rétablir les dispositions visant à supprimer les tarifs réglementés du gaz et de l'électricité qui ont été censurées dans la loi PACTE par le Conseil constitutionnel et que nous avions combattues.
Ce projet de loi tend à actualiser des trajectoires et des objectifs que nous approuvons, mais absolument rien n'est prévu pour en assurer la transcription. Où sont les moyens ? Quels sont les leviers ? Vous ne prévoyez rien pour la transition écologique des bâtiments, alors que le secteur résidentiel et le secteur tertiaire représentent 45 % de la consommation énergétique. Il n'y a rien, non plus, en ce qui concerne les transports, qui représentent pourtant 31 % de la consommation nationale. Nous aurions pu avoir un débat sur ce dernier point dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités, mais tous nos amendements visant à favoriser le développement du fret ferroviaire et fluvial, à maintenir les petites lignes et les petites gares ou à mieux prendre en compte l'impact carbone du transport aérien ont été renvoyés aux calendes grecques ou au projet de loi de finances.
Nous soutenons naturellement – comment pourrait-il en être autrement ? – l'objectif sous-tendu par l'article 3, qui vise à entraîner la fermeture de 4 centrales à charbon en métropole à l'horizon 2022, même si vous auriez pu proposer, plus simplement, une interdiction claire et définitive de l'usage du charbon comme combustible pour la production d'énergie, hors usage individuel. Nous nous satisfaisons du fait que le Gouvernement prévoie les modalités d'accompagnement des salariés, des sous-traitants et des territoires. Nous sommes convaincus que la transition écologique et énergétique, comme toute transition, sera à la fois destructrice et créatrice d'activités et d'emplois. À cet égard, un mécanisme global d'accompagnement des entreprises et des salariés devrait être pensé collectivement dans les prochains mois, et l'État doit y prendre sa part.
Pour ce qui est des objectifs actualisés par l'article 1er, il y a un constat partagé : l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique n'était pas suffisamment réaliste. Sur ce point, comme sur les autres, il manque néanmoins les modalités qui permettront d'atteindre l'objectif. Il n'y a rien, notamment, en ce qui concerne la levée des freins à la transition énergétique, qui est pourtant nécessaire – les conclusions de notre mission d'information sur ce sujet le montreront très prochainement. Le projet de loi ne prévoit rien, non plus, à propos de l'hydroélectricité, alors que le Premier ministre a évoqué ce sujet dans sa déclaration de politique générale. Comme vous le savez, l'hydroélectricité a un rôle majeur à jouer dans la réussite de la transition énergétique.
Nous serons force de proposition grâce à nos nombreux amendements. Ce n'est pas une surprise si plus de 700 amendements ont été déposés sur ce texte.
Nous souhaitons également adresser une remarque de forme au Gouvernement. Les articles 9 à 12 du projet de loi, qui sont issus d'une lettre rectificative présentée en conseil des ministres, ont seulement été mis en ligne sur le site de l'Assemblée, avec l'exposé des motifs et l'étude d'impact qui correspondent, le 13 juin dernier, à 16 h 25, ce qui a tout juste laissé 24 heures pour le dépôt des amendements au sein de notre commission, et postérieurement à l'examen du texte par la commission du développement durable. Le Gouvernement avait amplement la capacité de déposer cette lettre rectificative dans des délais décents après la décision du Conseil constitutionnel du 16 mai dernier. Ce procédé particulièrement irrespectueux du Parlement est contraire à l'exigence de sincérité.
Nous nous sommes attachés, je l'ai dit, à faire des propositions pour donner une substance aux objectifs fixés par ce texte. J'espère que ces propositions seront accueillies avec enthousiasme.