Mayotte est pleinement inscrite dans notre République : territoire français depuis 1843, elle accède au statut de département en 2011 à la suite d'un référendum au résultat sans ambiguïté. Pourtant, ce territoire connaît de nombreuses difficultés et un retard indéniable en matière d'infrastructures.
Votre proposition de loi, cher collègue Kamardine, est l'occasion pour notre Assemblée de s'intéresser de près aux spécificités mahoraises. Je tiens d'emblée à saluer la qualité du rapport que vous avez rédigé : il dresse un panorama précis et détaillé des infrastructures de votre archipel ; il complète utilement le rapport d'information de la présidente de la commission des lois et de ses deux vice-présidents, qui s'intéressait davantage aux problématiques régaliennes ainsi qu'au volet économique et social.
Le département de Mayotte est en effet confronté à de multiples difficultés.
Forte croissance démographique et pression migratoire : à Mayotte, la moitié de la population a moins de dix-sept ans et le nombre d'habitants a presque doublé en vingt ans. Cela engendre un développement urbain anarchique à la source de problèmes de sécurité et d'insalubrité – nombreux sont les logements dépourvus du confort sanitaire de base et d'un raccordement total à l'électricité.
Les infrastructures mahoraises connaissent un véritable retard, que ce soit en matière de transports routier, aérien ou maritime, d'accès à internet, de réseau d'assainissement ou de gestion des déchets.
Votre proposition de loi et votre rapport permettent de mettre en lumière une réalité souvent occultée : Mayotte dispose d'une véritable richesse environnementale, qui comprend notamment un parc naturel marin et un récif corallien long de 160 kilomètres ; c'est un trésor qu'il est nécessaire de protéger.
Nous partageons le constat de l'urgence. D'ailleurs, le Gouvernement s'est engagé très clairement, en mai 2018, en proposant un important plan d'action, dont le coût global est estimé à 1,3 milliard d'euros, hors personnels de l'éducation nationale.
Venons-en au fond de cette proposition de loi. Si nous pouvons nous entendre sur le diagnostic, j'ai le regret de vous dire que nous sommes en désaccord profond sur les solutions à apporter aux différents problèmes.
Vous ne proposez qu'un seul axe de réponse : un effort de financement 995 millions d'euros sur dix ans et un fléchage de ces crédits supplémentaires vers certaines infrastructures. Je reconnais bien volontiers que certains projets que vous mettez en avant sont nécessaires et utiles au développement de Mayotte. Néanmoins, la méthode me paraît discutable. En effet, je ne partage pas la logique selon laquelle il suffirait de financements supplémentaires pour résoudre la plupart des problèmes. Nous devrions plutôt travailler sur les freins structurels qui restent à lever. Lors du Printemps de l'évaluation, nous avons constaté une sous-consommation des crédits de la mission « Outre-mer » pour l'année 2018, qui s'explique essentiellement par la difficulté à mettre en oeuvre certains projets de manière efficace, viable et pragmatique.
Par ailleurs, vous souhaitez inscrire dans la loi une grande partie du contenu du plan de convergence qui doit être conclu entre l'État et le département de Mayotte. Cette approche ne nous paraît pas judicieuse et le niveau législatif ne semble pas approprié. Laissons le soin aux acteurs locaux de négocier avec l'État les projets à développer prioritairement dans le cadre de ce plan de convergence.
En outre, je pense qu'il est de notre devoir de parlementaires de mener une réflexion pragmatique et réaliste sur le financement de nos propositions. Vous envisagez de financer les 99,5 millions d'euros annuels nécessaires par la taxe sur les transactions financières infrajournalières. Pour mémoire, cette taxe, qui avait été adoptée dans le PLF pour 2017, a été supprimée par le PLF pour 2018, juste avant son entrée en vigueur, car elle était techniquement impossible à mettre en oeuvre. Elle avait en outre été vivement critiquée par la Cour des Comptes en raison d'un fort risque de contentieux avec les investisseurs étrangers.
Enfin, je souhaite rappeler que le fonds exceptionnel d'investissement est en mesure de financer une grande partie des projets que vous mettez en avant dans la proposition de loi. Ce fonds, créé en 2009, a été très fortement redimensionné en 2019, passant de 40 millions à 110 millions d'euros. Il s'agit d'une aide financière de l'État apportée aux personnes publiques qui réalisent, en outre-mer, des investissements dans des équipements publics collectifs participant au développement économique, social, environnemental et énergétique local. Mayotte bénéficie tout particulièrement du FEI puisqu'en 2018 le département a absorbé 30 % des financements. Dès lors, l'augmentation de 70 millions d'euros du FEI devrait permettre de financer plusieurs des projets mentionnés dans la proposition de loi.
En conclusion, le groupe MODEM partage entièrement le constat des difficultés spécifiques de Mayotte et de l'urgence à y remédier. L'environnement et la production d'énergie sont également des questions importantes, vous avez raison. Toutefois, nous considérons que la proposition de loi n'apporte qu'une réponse partielle et discutable, et nous préférons soutenir la stratégie du Gouvernement pour Mayotte, qui nous semble plus ambitieuse et appropriée.