La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte (nos 1907 rectifié, 2029).
Quel plaisir et même quel honneur de parler de Mayotte dans notre hémicycle ! Mayotte est un territoire profondément français. Française depuis 1841, Mayotte n'a cessé, depuis, de manifester son attachement à la France, qui s'est confirmé lors de la consultation d'autodétermination de 1974, puis en 2011, avec l'adoption du statut de département.
Pourtant, peut-être plus que tout autre territoire français, Mayotte souffre.
L'île a des besoins spécifiques particulièrement importants, comme l'a rappelé le rapporteur : Mayotte est dans une situation critique. Divers rapports, notamment celui d'une inspection générale de l'État, constatent que Mayotte souffre d'un retard d'équipement et d'une lenteur indubitable d'application des droits sociaux.
Les infrastructures de transport des biens et des personnes sont saturées, en mer comme sur terre ; les équipements aéroportuaires demeurent encore sous-dimensionnés, sans parler de la fracture numérique, qui handicape à la fois les acteurs économiques et les habitants de Mayotte.
La situation démographique et économique y est également particulièrement difficile. Mayotte connaît le record de pauvreté – 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté – et le record de surcoût du panier moyen des produits de consommation courante par rapport à la moyenne nationale – imaginez qu'il s'élève à 73 % ! Il faut ajouter que 55 % de la population a moins de vingt ans.
De plus, le problème de l'immigration, accablant, bien connu par le rapporteur, exacerbe ces difficultés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la moitié de la population de l'île est étrangère et, pour une grande part, en situation irrégulière.
Cependant, ce territoire dispose d'une grande richesse environnementale, qu'il faut préserver et protéger, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre des outre-mer. Pensez, mes chers collègues, que le lagon de Mayotte, le plus grand de l'océan Indien, avec ses 1 100 kilomètres carrés, représente 25 % de la biodiversité récifale mondiale ! Or, à cause d'une croissance démographique de 4 % et d'une urbanisation anarchique, l'écosystème mahorais est en péril et risque de disparaître si nous n'agissons pas rapidement.
Les efforts de nos concitoyens de Mayotte et des collectivités locales en faveur d'une croissance économique autonome sont considérables. Ils souhaitent que leur territoire soit enfin doté d'équipements structurants de base, indispensables au développement durable de l'emploi. Les Mahorais aspirent à prendre part au rayonnement économique et culturel de la France et de l'Europe en faisant du cent unième département un pôle d'accès aux marchés en pleine expansion de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe.
Je dirai un mot, madame la ministre, sur les chiffres qui ont été esquissés en commission et que vous avez précisés.
Nous reconnaissons volontiers les efforts consentis par l'État et les moyens mis sur la table pour accompagner le développement des outre-mer. Mais nous ne pouvons pas accepter qu'une confusion s'installe sur la réalité de l'effort supplémentaire de l'État dans le cadre de la signature du contrat de convergence pour Mayotte : 1,1 milliard d'euros, cela sonne bien à l'oreille ; toutefois, en fin de compte, entre les mesures annoncées précédemment, notamment dans le plan de 2018, et les lignes nouvelles, dont le nombre et le volume sont très faibles, cela s'apparente plus à un recyclage des promesses d'hier qu'à un effort complémentaire. Surtout, le plan ne prévoit aucune programmation financière des grandes infrastructures de désenclavement et de rayonnement régional préconisées par le rapporteur, ni aucun relèvement des dotations aux collectivités, qui sont pourtant très inférieures à la moyenne par habitant. C'est tout simplement insuffisant.
La situation que j'ai décrite appelle une action bien plus vaste et ambitieuse. Un réel effort supplémentaire est indispensable pour établir un socle assurant le rattrapage qui permettra d'enclencher le développement durable que nous appelons de nos voeux.
Tel est l'objectif de cette proposition de loi. Je salue le travail exceptionnel et la détermination sans faille de notre rapporteur, au service de son territoire et de son développement au sein de la République. Mansour Kamardine est profondément républicain, il est un véritable ambassadeur de son territoire et il fait honneur à la France.
La proposition de loi de notre groupe est simple : elle programme, sur dix ans, le rattrapage des infrastructures de base, l'établissement de l'égalité des droits sociaux et la préservation de l'environnement de l'île, pour un montant global de près d'1 milliard d'euros sur dix ans. Cette programmation est nécessaire pour apporter de la visibilité et surtout assurer des engagements financiers structurants.
Premièrement, la proposition de loi suggère une mise à niveau des infrastructures de transport de mobilité et d'interconnexion, notamment la construction d'une piste convergente à l'aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi et d'un troisième quai de débarquement dans le port en eau profonde de Longoni, ainsi que le développement des routes nationales. Alors que nous venons de débattre des mobilités pendant près de quinze jours, ce texte est au rendez-vous de la mobilité pour les Mahorais.
Il soutient également l'établissement, dans les plus brefs délais, d'une couverture numérique de l'ensemble du territoire, dont bénéficieraient l'ensemble de ses acteurs économiques et de ses habitants. Il y a deux jours, dans cet hémicycle, nous évoquions la réduction de la fracture numérique en métropole ; il ne faut pas oublier Mayotte.
Deuxièmement, notre proposition de loi vise à rendre effective l'égalité sociale. Il conviendrait d'imposer l'application stricte du code de la sécurité sociale, et ainsi de rendre effectif pour chaque citoyen le droit de bénéficier des prestations sociales. Je pense ici notamment au RSA – le revenu de solidarité active – ou aux pensions de retraite, qui ne sont toujours pas reversées comme elles le devraient.
Le texte instaure également un minimum contributif aligné sur le régime de droit commun pour les personnes pouvant justifier de 160 trimestres d'activité professionnelle. Il prévoit en outre un calcul des pensions de retraite sur la base du plafond de sécurité sociale métropolitain.
Enfin, à l'heure de l'urgence climatique et de la défense de la biodiversité, nous proposons une trajectoire bas carbone, fondée sur la production d'énergie solaire photovoltaïque et de gaz par méthanisation, ainsi qu'un soutien à la préservation des espaces naturels et agricoles, afin de supprimer, à terme, les polluants et autres substances chimiques. La biodiversité mahoraise est un atout pour assurer l'avenir de l'île.
La famille politique que je représente est profondément attachée, comme d'autres ici, aux outre-mer et à leur développement. Cette proposition de loi en est un témoignage clair. Nous portons une responsabilité à l'égard de ces territoires et nous devons les accompagner sur le chemin d'un développement économique et social viable et autonome. Nous souhaitons vous faire partager cet attachement et vous donner l'opportunité, en adoptant ce soir la présente proposition de loi, de défendre ensemble, d'une même voix, l'un de ces territoires qui contribuent tant à notre rayonnement économique et culturel mondial ! Le groupe Les Républicains soutiendra bien entendu le rapporteur dans son combat. Vive Mayotte ! Vive la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mayotte est pleinement inscrite dans notre République : territoire français depuis 1843, elle accède au statut de département en 2011 à la suite d'un référendum au résultat sans ambiguïté. Pourtant, ce territoire connaît de nombreuses difficultés et un retard indéniable en matière d'infrastructures.
Votre proposition de loi, cher collègue Kamardine, est l'occasion pour notre Assemblée de s'intéresser de près aux spécificités mahoraises. Je tiens d'emblée à saluer la qualité du rapport que vous avez rédigé : il dresse un panorama précis et détaillé des infrastructures de votre archipel ; il complète utilement le rapport d'information de la présidente de la commission des lois et de ses deux vice-présidents, qui s'intéressait davantage aux problématiques régaliennes ainsi qu'au volet économique et social.
Le département de Mayotte est en effet confronté à de multiples difficultés.
Forte croissance démographique et pression migratoire : à Mayotte, la moitié de la population a moins de dix-sept ans et le nombre d'habitants a presque doublé en vingt ans. Cela engendre un développement urbain anarchique à la source de problèmes de sécurité et d'insalubrité – nombreux sont les logements dépourvus du confort sanitaire de base et d'un raccordement total à l'électricité.
Les infrastructures mahoraises connaissent un véritable retard, que ce soit en matière de transports routier, aérien ou maritime, d'accès à internet, de réseau d'assainissement ou de gestion des déchets.
Votre proposition de loi et votre rapport permettent de mettre en lumière une réalité souvent occultée : Mayotte dispose d'une véritable richesse environnementale, qui comprend notamment un parc naturel marin et un récif corallien long de 160 kilomètres ; c'est un trésor qu'il est nécessaire de protéger.
Nous partageons le constat de l'urgence. D'ailleurs, le Gouvernement s'est engagé très clairement, en mai 2018, en proposant un important plan d'action, dont le coût global est estimé à 1,3 milliard d'euros, hors personnels de l'éducation nationale.
Venons-en au fond de cette proposition de loi. Si nous pouvons nous entendre sur le diagnostic, j'ai le regret de vous dire que nous sommes en désaccord profond sur les solutions à apporter aux différents problèmes.
Vous ne proposez qu'un seul axe de réponse : un effort de financement 995 millions d'euros sur dix ans et un fléchage de ces crédits supplémentaires vers certaines infrastructures. Je reconnais bien volontiers que certains projets que vous mettez en avant sont nécessaires et utiles au développement de Mayotte. Néanmoins, la méthode me paraît discutable. En effet, je ne partage pas la logique selon laquelle il suffirait de financements supplémentaires pour résoudre la plupart des problèmes. Nous devrions plutôt travailler sur les freins structurels qui restent à lever. Lors du Printemps de l'évaluation, nous avons constaté une sous-consommation des crédits de la mission « Outre-mer » pour l'année 2018, qui s'explique essentiellement par la difficulté à mettre en oeuvre certains projets de manière efficace, viable et pragmatique.
Par ailleurs, vous souhaitez inscrire dans la loi une grande partie du contenu du plan de convergence qui doit être conclu entre l'État et le département de Mayotte. Cette approche ne nous paraît pas judicieuse et le niveau législatif ne semble pas approprié. Laissons le soin aux acteurs locaux de négocier avec l'État les projets à développer prioritairement dans le cadre de ce plan de convergence.
En outre, je pense qu'il est de notre devoir de parlementaires de mener une réflexion pragmatique et réaliste sur le financement de nos propositions. Vous envisagez de financer les 99,5 millions d'euros annuels nécessaires par la taxe sur les transactions financières infrajournalières. Pour mémoire, cette taxe, qui avait été adoptée dans le PLF pour 2017, a été supprimée par le PLF pour 2018, juste avant son entrée en vigueur, car elle était techniquement impossible à mettre en oeuvre. Elle avait en outre été vivement critiquée par la Cour des Comptes en raison d'un fort risque de contentieux avec les investisseurs étrangers.
Enfin, je souhaite rappeler que le fonds exceptionnel d'investissement est en mesure de financer une grande partie des projets que vous mettez en avant dans la proposition de loi. Ce fonds, créé en 2009, a été très fortement redimensionné en 2019, passant de 40 millions à 110 millions d'euros. Il s'agit d'une aide financière de l'État apportée aux personnes publiques qui réalisent, en outre-mer, des investissements dans des équipements publics collectifs participant au développement économique, social, environnemental et énergétique local. Mayotte bénéficie tout particulièrement du FEI puisqu'en 2018 le département a absorbé 30 % des financements. Dès lors, l'augmentation de 70 millions d'euros du FEI devrait permettre de financer plusieurs des projets mentionnés dans la proposition de loi.
En conclusion, le groupe MODEM partage entièrement le constat des difficultés spécifiques de Mayotte et de l'urgence à y remédier. L'environnement et la production d'énergie sont également des questions importantes, vous avez raison. Toutefois, nous considérons que la proposition de loi n'apporte qu'une réponse partielle et discutable, et nous préférons soutenir la stratégie du Gouvernement pour Mayotte, qui nous semble plus ambitieuse et appropriée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte vise à lutter contre les retards d'équipement et contre les retards constatés dans la mise en oeuvre des droits sociaux dans ce département, et de faire de celui-ci un territoire zéro carbone, objectif environnemental que nous ne pouvons que partager.
Monsieur le rapporteur, vous prévoyez une programmation financière pour un effort exceptionnel de rattrapage des infrastructures. Bien entendu, les membres du groupe Socialistes et apparentés s'accordent pour reconnaître le caractère inacceptable de ces retards.
Mayotte est une terre riche et belle, qui réunit tant d'hommes et de femmes aux histoires, aux cultures, aux traditions et aux langues variées. Cette diversité, la France se fait un honneur de la rassembler en un projet commun. Mayotte est une terre française depuis 1841. À chaque référendum ou consultation – en 1974, 1976 et 2000 – , les Mahorais ont confirmé leur attachement à la France, leur lien charnel à notre patrie et leur désir indéfectible de continuer à prendre place au sein de notre République.
Mayotte a attendu plus d'un demi-siècle pour accéder à cet idéal qui lui était si cher : devenir un département français. Le combat pour la départementalisation a mobilisé plusieurs générations. En 2009, ce fut le choix de la République. Certes, ce choix nous honore ; en même temps, il nous oblige.
Je sais combien il a généré des mutations importantes et de profonds bouleversements pour Mayotte, pour les Mahorais et pour l'équilibre général de la société. Je connais les craintes et les incompréhensions qui se sont élevées parmi nos concitoyens. Notre responsabilité a toujours été d'y répondre et de relever tous les défis qui se présentent à nous. Le mal-développement, le déficit d'infrastructures, la pression migratoire et les difficultés rencontrées par la jeunesse ne sont pas encore derrière nous.
Les étapes de la mise en oeuvre de la départementalisation ont été inscrites, il y a de cela dix longues années, dans le pacte pour la départementalisation de Mayotte. Puis, dès 2012, le Président François Hollande a fait en sorte que le processus de convergence vers le droit commun soit accéléré et qu'il aille plus vite que ne le prévoyait le pacte pour la départementalisation. La revalorisation du RSA et l'indexation en ont été les premières étapes. La méthode fut déclinée en trois temps, que je ne rappellerai pas.
La proposition de loi que nous examinons maintenant comprend tout d'abord un volet de programmation financière à travers un effort exceptionnel temporaire de rattrapage des infrastructures et des dispositifs d'appui au développement économique et social : 99,5 millions d'euros par an en moyenne, sur une période de dix ans. Si son auteur demande un rattrapage des crédits alloués, c'est qu'à Mayotte, la consommation des crédits est sensiblement moins importante que dans les autres collectivités des outre-mer.
Il prévoit ensuite un ensemble d'actions à mener sur le plan des infrastructures. Il s'attache notamment à un certain nombre de gros dossiers significatifs pour le développement du cent unième département : le développement du port en eau profonde de Longoni ; le prolongement de la piste de l'aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi ; la construction d'une nouvelle piste convergeant avec la piste actuelle ; une amélioration des transports routiers, avec une évolution du plan global de transports et de déplacements.
Il prévoit aussi une augmentation des effectifs du Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte, supérieure à celle prévue dans le contrat de plan État-région.
Il souligne les difficultés afférentes à la gestion de l'eau, malgré le plan d'urgence eau, estimant que le contrat de progrès signé en juillet 2018 n'apporte pas suffisamment de moyens pour cette nécessité vitale qu'est l'eau.
L'égalité sociale fait l'objet du troisième axe de ce texte. Alors que la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « EROM », fixait l'objectif d'une égalité entre les outre-mer et la métropole, ce département français souffre d'un sérieux retard : le code de la sécurité sociale n'y est pas applicable de plein droit ; une décote de 50 % est appliquée à de nombreuses prestations de base ; beaucoup de dispositifs sociaux n'y sont pas appliqués. Il convient de mettre ces inégalités sociales en regard de deux données essentielles : Mayotte détient le record de pauvreté, puisque 84 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté, et le record de coût du panier moyen des produits de consommation courante, qui accuse un surcoût de plus de 73 % par rapport à la moyenne nationale. À cet égard, la proposition de loi prévoit l'application du code de la sécurité sociale à Mayotte au 1er janvier 2020 et la production d'un rapport du Gouvernement sur l'ouverture de certains dispositifs sociaux et l'alignement des montants des minima sociaux au niveau de ceux qui prévalent dans l'Hexagone.
Elle vise également un approvisionnement énergétique plus soucieux de l'environnement, car la production actuelle d'électricité est thermique à 95 %, alors que l'île, très ensoleillée, devrait davantage produire de l'électricité photovoltaïque. La préservation de l'environnement constitue le cinquième axe de cette proposition de loi, car, avec sa barrière de corail de 195 kilomètres, ce territoire recèle 25 % de la biodiversité récifale mondiale. Les dispositions du texte déterminent les dispositifs d'assainissement des eaux usées, de gestion des déchets et de production d'énergie bas carbone faisant l'objet d'un appui.
En outre, le rapporteur veut voir réalisés, dans la perspective des prochains Jeux de l'océan Indien, que Mayotte pourrait organiser en 2027, des équipements sportifs modernes.
Sur la question du logement, épineuse dans les outre-mer, et plus encore à Mayotte, les articles 116 et 117 de la loi EROM ont posé les bases d'une réforme foncière, en instaurant des titres de propriété et la mise en place d'une commission d'urgence foncière, qui apportera son expertise aux particuliers souhaitant régulariser leur situation. L'article 114 a d'ailleurs prévu que l'État cédera ses terrains à l'établissement public foncier de Mayotte à titre gratuit, afin de faciliter la construction de logements sociaux, de services publics ou d'écoles.
Le quatrième volet de la proposition de loi porte sur les dotations aux collectivités. Des dispositions visent à asseoir le calcul des dotations aux collectivités sur la base d'une population réelle à réactualiser, ainsi qu'à doter les collectivités mahoraises d'un fonds temporaire de rattrapage des dotations, lesquelles sont largement sous-évaluées depuis la départementalisation.
La proposition de loi porte sur des questions réelles et urgentes, mais il nous faut comprendre comment elle s'articule avec les autres textes législatifs. Si, sur le fond, cher Mansour Kamardine, vous avez sans doute raison, nous devons savoir comment les crédits énoncés dans la proposition de loi vont s'articuler avec les dispositions de la loi EROM, avec les contrats de convergence signés l'année dernière, qui sont en cours de mise en oeuvre, avec les contrats du plan d'urgence eau, eux aussi en cours de mise en oeuvre, et avec la loi de finances, qui réajuste annuellement les crédits.
Nous ne sommes pas en désaccord avec les nombreux points que vous avez soulignés. Nous saluons d'ailleurs votre travail et votre volonté de sortir ce territoire d'un long retard. Mayotte est une île au potentiel considérable. Ses élus ne peuvent plus se contenter de faire des promesses, comme Mayotte ne peut plus se contenter de faire des constats. Nous devons être au rendez-vous de l'espoir qu'ils ont fait naître. La départementalisation doit être au service d'un modèle de développement. Mayotte a besoin d'un soutien sans faille de l'État, comme l'État a besoin d'un soutien sans faille de Mayotte pour l'aider à mettre en place les bases solides d'une départementalisation réussie.
Tâchons d'être à la hauteur de l'ambition de Mayotte. Sortons des considérations politiques. C'est ce que Mayotte attend. C'est ce que Mayotte exige. C'est ce que Mayotte mérite.
Les constats sur lesquels se fonde ce texte sont indéniablement partagés, mais le groupe Socialistes et apparentés, que je représente, s'inquiète de ce qui pourrait n'être qu'une simple posture politique. C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, il m'a chargé de vous dire que, compte tenu des raisons que j'ai citées et en attendant les réponses qu'il a demandées, il s'abstiendra.
Nous sommes réunis pour étudier la proposition de loi de notre collègue mahorais visant à rattraper le retard que Mayotte a accumulé dans de nombreux domaines : infrastructures, droits sociaux, développement durable et, de façon transversale, fiscalité, économie et dotations.
En préambule, comme mes collègues, je félicite notre collègue Mansour Kamardine, car ce texte n'est pas une petite proposition de loi. Il a été longuement travaillé et il comporte de nombreux articles. Dense et riche, le rapport nous aide à souligner la situation de Mayotte, qui nous appelle tous voire qui nous émeut. Quand on lit ces pages, on se demande si Mayotte est réellement en France. Nous avons donc tous envie d'encourager la démarche du rapporteur.
Le texte vise à relancer le développement à Mayotte, ou du moins à favoriser sa relance, tout en assurant un suivi et un rééquilibrage en matière de droits sociaux et en prenant en compte, ce que je relève avec beaucoup d'enthousiasme, le volet environnemental. Qu'il soit adopté ou non, l'intégration de cette donnée est une belle démarche à initier pour l'ensemble de nos territoires.
La proposition de loi a toute sa légitimité, en premier lieu, monsieur le rapporteur, parce que vous êtes élu de ce territoire et qu'il est normal, compte tenu des attentes de Mahorais, que vous portiez leur message. Face à une situation d'urgence, les secours n'arrivent jamais assez vite. Je comprends donc parfaitement votre démarche.
Nous avons déjà évoqué Mayotte quand nous avons examiné la proposition de loi de Mme Ramlati Ali, elle aussi Mahoraise, qui posait la question du droit du sol. Peut-être est-ce là le noeud du problème ou du moins, compte tenu du lien entre Mayotte et les Comores, ce qui exacerbe les difficultés.
Nous le comprenons bien, il faut s'attaquer avec courage, dans le respect de votre histoire, à des sujets délicats, qui montrent la nécessité, au-delà du cas particulier de Mayotte, de prendre des décisions adaptées aux territoires. Même s'il s'agit d'un point crucial pour l'ensemble de la République, la différenciation est partout indispensable. À la situation vraiment exceptionnelle de Mayotte, il faut des réponses non moins exceptionnelles. C'est ce principe que le rapporteur entend suivre.
Mayotte est vraiment un territoire en souffrance. Je ne nie pas tous les efforts consentis par le Gouvernement. Le plan d'action pour l'avenir de Mayotte et de ses habitants, en cours de déploiement, est ambitieux et doté de moyens conséquents. Je remercie d'ailleurs Mme la ministre de respecter ses engagements : elle a veillé, nous le savons, à prendre les meilleures dispositions et à les mettre rapidement en oeuvre.
Pour le reste, la question de fond formulée par Mme Manin se pose à chacun d'entre nous : nous devons nous assurer que la proposition de loi entre en cohérence et même converge avec tous les autres dispositifs actuellement en vigueur. C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, il serait bon que vous nous expliquiez comment ces différentes mesures peuvent s'imbriquer. Notre travail dans cet hémicycle consiste en effet à trouver des solutions efficaces, à ne pas brouiller les messages, à montrer qu'on évite la cacophonie et que tout va dans le bon sens.
Ce matin, à la délégation aux outre-mer, je vous ai demandé comment ce texte était perçu sur le territoire et partagé avec les autres. Je sais que la politique en cours à Mayotte – cela a été relevé dans la discussion générale – nourrit un dialogue permanent et performant avec les élus locaux.
Néanmoins, je vous l'ai déjà dit, je n'oublie pas que votre démarche répond à des urgences. C'est pourquoi, madame la ministre, je me demande s'il n'est pas possible, dans le cadre du plan en cours, de rendre prioritaires les quatre points de la proposition de loi.
Pour remédier à la situation, développer les infrastructures, répondre aux enjeux de modernisation, de développement durable et d'égalité en matière de droits sociaux, la proposition de loi prévoit une budgétisation sur dix ans. N'est-il pas possible de faire plus vite, notamment en matière sociale ?
À ce propos, si je souscris à tout ce qui a été dit jusqu'à présent dans le débat, je souhaiterais apporter une nuance, qui sera la seule. Madame la ministre, il y a un point qui me dérange toujours, je vous le dis franchement. Annonce-t-on aux habitants de Bretagne ou d'Aquitaine que tant que le niveau des cotisations prélevées dans leur région ne sera pas suffisant, leurs droits sociaux seront alignés sur les cotisations perçues ? Le principe de la République est de garantir une unicité, une péréquation, une solidarité, en définitive, sans avoir à dire qu'il s'agit de solidarité. Sur tout le territoire de l'Hexagone, il me semble – mais je ne suis pas spécialiste de la question, étant élue d'un territoire à fiscalité propre – que les droits sociaux s'appliquent de manière uniforme, sauf peut-être en Alsace. Aussi, lorsque j'entends que les Mahorais doivent attendre que les cotisations atteignent à Mayotte un niveau suffisant pour que leurs droits soient établis, je m'interroge.
Je le dirais de manière différente.
Je souhaitais insister sur ce point car j'ai découvert, lors de l'examen du projet de loi EROM – et cela m'a vraiment marquée – , le décalage en matière de droits sociaux entre l'Hexagone, d'un côté, et Mayotte et les autres départements d'outre-mer, de l'autre. Je ne l'aurais pas imaginé, et c'est fondamentalement…
Oui, injuste. Tous ensemble, quel que soit notre territoire, qu'il soit situé dans l'Hexagone ou outre-mer, qu'il s'agisse d'un département ou d'une collectivité, nous devons nous unir pour remédier beaucoup plus rapidement à ces inégalités sociales.
Il est vrai que la question est traitée sous l'angle financier et sous l'angle des difficultés, des obstacles – pour éviter de parler de « handicaps » – naturels ou liés à l'histoire, dont vous avez hérité. Car Mayotte a été tributaire de décisions qui ont été prises ici : vous avez été départementalisés, avec toutes les conséquences que l'on connaît. Je sais que tous les efforts sont maintenant faits pour tenter de rendre la situation plus vivable pour Mayotte.
Toutefois, ne serait-ce qu'en raison de la gravité des enjeux et des difficultés actuelles, le groupe UDI-I a décidé de vous apporter son soutien, monsieur le rapporteur. En effet, moralement, nous voulons exprimer notre volonté que les choses changent, et rapidement, en espérant que le travail se fasse en cohérence avec le Gouvernement dans le cadre du plan d'action pour l'avenir, qui englobe tous ces sujets et n'est pas à mettre de côté. Nous voulons vous adresser un signe d'encouragement et de soutien. C'est pourquoi nous sommes favorables à cette proposition de loi, même si nous savons qu'elle ne traite que de quelques priorités. Le plan d'action pour l'avenir de Mayotte étant beaucoup plus ambitieux, les deux dispositifs doivent donc être raccordés. J'espère que vous trouverez les voies d'un accord permettant d'avancer dans les domaines qui vous semblent prioritaires pour votre territoire.
M. Mansour Kamardine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, applaudit.
Au cours du premier semestre 2018, un mouvement social d'ampleur a éclaté à Mayotte, entraînant le blocage de l'île. Cette situation a placé Mayotte en état d'urgence et a remis en lumière les difficultés structurelles qui font de ce territoire un des départements les plus pauvres de France. En effet, que ce soit dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'environnement ou encore de la sécurité, Mayotte affiche indéniablement un retard par rapport aux autres départements de la République. Et il est vrai que la pression migratoire, notamment en provenance des Comores, déstabilise l'équilibre de l'île et contribue à ses nombreuses fragilités.
Dès lors, nous partageons le constat dressé par Mansour Kamardine concernant la situation de Mayotte. Comme je l'ai indiqué en commission, j'ai pu moi-même constater les réelles difficultés rencontrées par nos compatriotes mahorais, lorsque je me suis rendu sur place avec des membres de la commission des lois, en septembre dernier.
En réaction à ce mouvement social important, Mme la ministre des outre-mer, Annick Girardin, a élaboré un plan d'action pour l'avenir de Mayotte comportant 53 engagements regroupant 125 actions pour développer et améliorer la vie quotidienne à Mayotte. Pour la période courant de mai 2018 à mai 2019, un premier inventaire peut être dressé des mesures effectives ainsi mises en oeuvre.
Sur le plan de la sécurité, les effectifs des forces de l'ordre ont fortement augmenté : plus de 170 policiers et gendarmes supplémentaires ont été mobilisés, et Mayotte bénéficie de la police de sécurité du quotidien.
Sur le plan de la prévention de la délinquance, les crédits accordés sur le fonds d'intervention pour la prévention de la délinquance ont doublé et, parmi les actions mises en oeuvre, figurent la sécurisation des abords des établissements scolaires et des transports en commun.
Sur le plan de la lutte contre l'immigration illégale, l'état-major de lutte contre l'immigration clandestine a été installé, ainsi qu'un groupe d'enquête interservices spécialisé dans le volet financier des filières.
Sur le plan de l'emploi, la direction régionale de Pôle emploi a été créée et, depuis la rentrée 2018, le dispositif cadres d'avenir Mayotte est lancé.
Sur le plan de la santé, le Gouvernement, en plus de mettre en place une agence régionale de santé de plein exercice, a engagé 20 millions d'euros de crédits en 2019 pour programmer des travaux d'urgence d'un montant total de 41,3 millions d'euros.
Sur le plan de l'éducation, un rectorat de plein exercice existera d'ici à deux ans et 500 personnels seront recrutés sur cinq ans.
La liste de ces mesures n'est bien évidemment pas exhaustive.
À ce bilan quantitatif, on peut d'ores et déjà ajouter une appréciation qualitative. Ainsi, le nombre des interpellations des étrangers en situation irrégulière à terre a augmenté de plus de 17 % en 2018 et de plus de 104 % au premier trimestre 2019. En outre, en 2018, sept filières de passeurs ont été démantelées et la délinquance, de manière globale, a baissé de 9 %. Par ailleurs, le nombre des reconduites à la frontière a été de 15 000, et ce, en dépit des mesures de suspension officielle des reconduites pendant huit mois. On note une moyenne de 2 300 éloignements par mois pour le premier trimestre 2019, contre 1 000 en 2017.
À ce premier plan d'action s'ajoutent les engagements du Gouvernement de construire les outre-mer de demain, dans le cadre de la stratégie Trajectoire outre-mer 5. 0, issue du Livre bleu. Le Gouvernement a ainsi invité les décideurs, les élus, les entreprises et les citoyens à concevoir un futur durable en outre-mer. Cette trajectoire sera présentée plus largement, dans un instant, par notre collègue Annie Chapelier.
Enfin, le Premier ministre l'a rappelé mercredi dernier devant nous, les contrats de convergence et de transformation seront signés avec les territoires d'outre-mer d'ici à la mi-juillet 2019. Ces contrats représenteront non seulement la trajectoire budgétaire de l'État et des collectivités locales de 2019 à 2022, mais aussi la signature concrète des engagements à tenir par les différentes parties. Au total, l'État devrait doter le contrat de convergence au bénéfice de Mayotte d'une somme d'1,1 milliard d'euros.
Mon cher Mansour Kamardine, je tiens tout d'abord à saluer votre travail, que l'on sait, comme celui des autres parlementaires mahorais – la députée Ali et le sénateur Thani Mohamed Soilihi – , particulièrement engagés pour la défense des intérêts de Mayotte et de ses habitants. Je le répète, nous partageons votre diagnostic sur la situation particulièrement dégradée de Mayotte.
Néanmoins, parce que les premières mesures mises en oeuvre ces derniers mois commencent à produire des effets tangibles et parce que le plan de convergence qui va engager les collectivités et, de manière conséquente, l'État au bénéfice de Mayotte est très ambitieux, les députés du groupe La République en marche s'en remettent à l'action gouvernementale plutôt qu'à votre proposition, certes sérieuse, mais dont les contours et le calendrier restent imprécis et incertains.
Mayotte a toujours exprimé son attachement à la République ; c'est à cette dernière qu'il appartient désormais d'être à la hauteur de cette fidélité. Madame la ministre, c'est parce que nous aimons Mayotte et que nous croyons à l'avenir de sa population que nous vous faisons confiance pour relever ces nombreux défis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous apprécions l'opportunité qui nous est donnée de participer, pour la troisième fois depuis le début de la législature, à un débat sur Mayotte, et il nous semble que, pour la première fois peut-être, le débat sur la situation et l'avenir de ce département peut être positif et constructif.
Mayotte est un territoire français depuis sa colonisation, en 1841. En 1974 et 1976, les Mahorais et les Mahoraises ont choisi de demeurer au sein de la République française. En 2009, à la suite d'un référendum local, l'île a obtenu le statut de région et département d'outre-mer puis, en mars 2011, elle est devenue le cent unième département français.
Malheureusement, derrière les apparences institutionnelles, la réalité est loin des principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité, qui ne s'appliquent pas uniformément sur l'ensemble du territoire comme ils le devraient. Rappelons des constats et des données qui ont été beaucoup cités en commission et aujourd'hui.
À Mayotte, 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Un logement sur trois est en tôle et 28 % d'entre eux sont dépourvus d'eau courante. Le taux de chômage y est de 26 %. La vie y est plus chère qu'en métropole – les prix des produits alimentaires, par exemple, y sont 19 % plus coûteux. Le nombre de médecins par habitant y est quatre fois moindre que dans le reste de la France. La mortalité infantile y est trois fois plus élevée qu'en métropole. La malnutrition aiguë touche 7 % des enfants de moins de cinq ans.
En matière de droit social, il a également été dit que le droit commun n'est pas appliqué à Mayotte. Rappelons que les allocations familiales y sont inférieures de 42 % à celles versées dans l'Hexagone, que les montants de la prime d'activité, du RSA, de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse y sont inférieurs de 50 % et que le SMIC y est inférieur de 25 %.
Cette situation a suscité de nombreuses mobilisations sociales populaires au cours des dernières années. Le dernier mouvement, la grève générale appelée « opération île morte », a duré de janvier à avril 2018. C'est notamment à cette occasion qu'a été présenté par de nombreux élus de Mayotte un plan de rattrapage de 1,8 milliard d'euros, qui avait pour objectif de remédier, de manière à la fois urgente et structurelle, à un certain nombre des problèmes constatés. Les 1,3 milliard d'euros proposés par le Gouvernement à la suite de cette crise étaient en deçà de cette estimation : seulement 10 à 15 % étaient en fait des mesures nouvelles.
C'est pourquoi l'initiative de notre collègue Mansour Kamardine, qui se veut complémentaire avec les mesures proposées par le Gouvernement nous semble extrêmement bienvenue. Sa proposition de loi prévoit en effet des investissements dans un certain nombre d'infrastructures, comme une piste d'aéroport, un quai de débarquement portuaire, des routes, des équipements sportifs et un réseau internet à très haut débit. Il vise également à aligner sur le droit commun les minima sociaux, les allocations familiales et les pensions de retraite, dont j'ai expliqué à l'instant qu'ils étaient inférieurs à la moyenne nationale.
Par ailleurs, la construction des infrastructures nécessaires aux réseaux d'assainissement, au traitement des déchets et au déploiement de l'énergie solaire permettrait de réussir la transition écologique.
Au total, sur dix ans, 994 millions d'euros s'ajouteraient au plan du Gouvernement, prévu pour cinq ans. Cette proposition serait financée par le rétablissement d'une taxe sur les transactions financières intrajournalières, qui avait été supprimée en 2017.
Nous soutenons ces propositions, qui vont dans le bon sens. Nous avons cependant présenté des amendements en commission et nous en défendrons quelques-uns en séance, car il nous semble que ce texte pâtit de quelques angles morts.
Notre collègue propose de développer les méthaniseurs, dont les conséquences pour l'environnement font l'objet de controverses scientifiques. Nous présenterons un amendement pour supprimer partiellement un article et un autre pour que soit dressé un rapport à ce sujet.
Nous déplorons également qu'il ne soit pas fait mention des énergies marines renouvelables, ce qui nous paraît d'autant plus regrettable que ce département présente un immense potentiel en la matière.
Par ailleurs, il n'est pas proposé d'investissement supplémentaire pour le logement et l'hôpital, deux urgences sociales à Mayotte qui appellent un rattrapage. Les réponses du Gouvernement nous semblent insuffisantes.
Concernant la pêche, rappelons que Mayotte est le plus grand lagon de l'océan Indien. Il serait dommage de ne pas exploiter davantage cette source de développement économique, d'autant plus que des propositions sont portées par des associations locales, en particulier République & Développement outre-mer, qui a imaginé un plan d'investissement de 15 millions d'euros en faveur de la pêche, notamment en vue de renouveler la flotte par l'acquisition de navires provenant de Martinique – ce qui permettrait aux pêcheurs artisanaux de dépasser les 5 000 nautiques – et de construire sept mini-ports de pêche.
Cette proposition permettrait de répondre à trois enjeux : l'autosuffisance alimentaire, alors que 90 % de l'alimentation à Mayotte est importée ; l'emploi, puisque les navires actuels ne seront plus homologués en 2021 et que 450 emplois sont menacés ; la technologie et le savoir-faire français car l'utilisation de bateaux conçus par les constructeurs martiniquais représente une alternative aux offres chinoises.
Par cet exemple, nous voulons montrer qu'il est possible d'aller plus loin dans certains domaines, d'encourager et de soutenir le développement d'infrastructures, dans l'objectif de réussir la transition écologique. Les propositions formulées nous semblent bien trop timides, même si elles représentent une avancée et complètent le dispositif en cours. Espérons donc qu'à l'issue du débat, ces propositions seront adoptées. Les problèmes structurels, héritage de décennies de sous-investissement et de sous-développement, ne seront pas tous réglés pour autant. Il convient d'aborder la question de Mayotte en mettant en avant le potentiel extraordinaire de ce territoire qui n'a pas été suffisamment mis en valeur au sein de la République.
Nous voici réunis pour débattre de la proposition de loi de notre collègue Mansour Kamardine, dont l'examen intervient au moment où Mayotte traverse un grave épisode de violences urbaines. Au nom du groupe GDR, je souhaite lui témoigner, ainsi qu'à l'ensemble des Mahorais, notre amitié et notre solidarité dans ce moment difficile. J'ai une pensée particulière pour les habitants de Passamaïnty ainsi que pour les forces de l'ordre, mobilisées face au gang se faisant appeler « brigade anti-BAC », qui sème la terreur dans ce quartier de la capitale. Député de Guyane, où sévit aussi un climat de violence délétère, je ne peux que sympathiser et appeler l'État à la plus grande fermeté dans sa réponse. Il y va de sa capacité à défendre l'intégrité de l'ensemble du territoire de la République.
Je veux également remercier, une fois n'est pas coutume, les collègues du groupe Les Républicains et leur président, d'avoir saisi l'urgence de la situation et d'avoir inscrit à l'ordre du jour de leur niche parlementaire ce texte qui a le mérite de porter à l'attention de la représentation nationale la réalité du cent unième département français.
J'évoquais à l'instant la nécessité d'une réponse ferme de la part de l'État face aux phénomènes de violence. Cependant, si elle est nécessaire, elle ne réglera pas tout. En effet, le développement économique et social de Mayotte ne peut pas se passer d'un ensemble de solutions adaptées aux réalités du territoire et concertées avec les acteurs locaux.
Bien évidemment, nous devons nous poser la question des financements – d'où cette proposition de loi. Certes, on ne part pas de rien : il faut reconnaître l'engagement fort pris par le Président François Hollande, soutenu par l'ensemble des parlementaires ultramarins de sa majorité, dont je faisais partie, notamment avec le plan Mayotte 2025, signé le 13 juin 2015 à Mamoudzou.
Cet acte fondateur devait marquer le début d'une nouvelle ère, avec un engagement de l'État pour dix ans et la volonté de conduire le territoire vers la voie du droit commun. Il s'agissait de faire de Mayotte un département à part entière et d'honorer ainsi la volonté des Mahorais, renouvelée sans cesse depuis 1974.
La loi portant égalité réelle, que nous avons votée en février 2017, prévoit, quant à elle, de mettre en place des contrats de convergence et de transformation, qui doivent se décliner sur tous les territoires ultramarins. Leur mise en place accuse un retard regrettable, mais il semblerait, madame la ministre, que vous vous soyez engagée à nous les présenter dans deux semaines, en compagnie de M. le Premier ministre. Dont acte.
Le plan de convergence pour Mayotte, en particulier, doit permettre d'appliquer le plan d'action pour l'avenir pour Mayotte. Apparemment, il se substitue à l'engagement de 2015. Soit. Nous serons donc extrêmement vigilants pour que ce plan de convergence soit conforme aux attentes et aux engagements précédents, et pour qu'à la fin, le compte y soit. Nous autres, ultramarins, ne sommes que trop habitués aux petits tours de passe-passe, à l'image de ce à quoi nous avons eu droit en Guyane, où les fortes dotations annoncées semblent s'être envolées à mesure que le pacte d'avenir se transformait en plan d'urgence.
Je l'ai dit en préambule, Mayotte est un territoire si lointain et si différent de la Guyane, et pourtant si près et si similaire dans les enjeux auxquels il fait face.
Sa démographie en fait le plus jeune département de France, juste devant la Guyane, et l'un des plus denses après les départements franciliens. Sa population est ainsi composée pour moitié de jeunes de moins de dix-sept ans. La mise en oeuvre d'un plan en faveur de la jeunesse ainsi qu'un plan de rattrapage et de prospection en matière d'infrastructures est donc indispensable et urgente.
Par ailleurs, même si, à Mayotte, le produit intérieur brut par habitant reste très supérieur à celui observé chez ses voisins, un quart de la population y vit toujours sous le seuil de pauvreté et un tiers de la population en âge de travailler n'a pas d'emploi. À l'instar de la situation Guyanaise, tout cela est simplement indigne de la République.
Le développement économique, social et environnemental de Mayotte exige donc des mesures d'urgence, qui ne relèvent pas exclusivement des Mahorais : c'est bien l'affaire de l'ensemble des Français. C'est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra cette proposition de loi, qui ne fait que répondre à l'aspiration ou plutôt au droit des Mahorais de s'épanouir pleinement dans le cadre de la République.
Enfin, même si comparaison n'est pas raison, je voudrais suggérer aux Mahorais et à leurs représentants de garder l'oeil bien ouvert quant à l'origine des fonds qui seront mobilisés dans le cadre des plans, des pactes et peut-être, si cette proposition de loi venait à prospérer, de l'effort exceptionnel de rattrapage prévu à l'article 2. Et pour cause ! Ce gouvernement s'est fait le spécialiste des jeux d'écriture comptable, en déshabillant Paul pour habiller Pierre, piochant dans des fonds déjà fléchés en direction d'un territoire afin d'y financer de nouveaux engagements. En clair, nous devrons demeurer attentifs à ce que les Mahorais ne financent pas eux-mêmes leur plan d'avenir, à l'instar des Guyanais, qui sont en train de financer une grande partie de leur plan d'urgence.
Madame la ministre, nous savons que les arbitrages rendus par Bercy ne nous sont que rarement favorables. Vous n'en êtes pas responsable. Cependant, nous comptons sur votre engagement à nos côtés pour faire entendre autrement la voix des territoires d'outre-mer. Je vous en remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La France des territoires est telle un manteau d'arlequin, belle et forte de ses couleurs, de ses formes, de ses diversités et de ses spécificités. Chaque territoire contribue à la réussite et au rayonnement de la France. C'est pourquoi l'État se doit d'être à leurs côtés, et encore plus auprès des territoires pauvres, dont fait partie Mayotte, où 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où le coût de la vie est le plus cher de France. Ce n'est pas parce que cette île aux couleurs de lagon est située à 8 000 kilomètres de la métropole qu'elle doit être délaissée car il n'y a pas de gens qui ne sont rien ; il y a seulement « le peuple, orphelin, pauvre, intelligent et fort, placé très bas et aspirant très haut », comme l'écrivait Victor Hugo.
Mayotte, comme chaque territoire de la République, représente le pays dans sa diversité, dans son ouverture au monde, dans son identité. Elle est une part de son avenir. Pourtant, comme le montre le rapport de notre collègue Mansour Kamardine, dont nous tenons à saluer l'excellent travail, ainsi que l'engagement pour ce territoire de sa collègue Ramlati Ali, Mayotte souffre de nombreuses inégalités.
Ainsi, contrairement aux autres départements ultramarins, le code de la sécurité sociale n'est pas appliqué de plein droit. De plus, une décote de 50 % est appliquée à de nombreuses prestations de base ou minimales – je pense au RSA, à l'allocation de solidarité aux personnes âgées, aux pensions de retraite, à la prime d'activité ou encore à l'allocation de soutien familial. De nombreux dispositifs et leurs droits liés n'y sont pas non plus appliqués : la couverture maladie universelle – CMU – , l'aide au paiement d'une complémentaire mais aussi la retraite complémentaire.
Les revendications liées à ces questions trouvent un fort écho parmi les députés du groupe Libertés et territoires, qui se battent sans relâche pour que nos concitoyens, où qu'ils vivent, ressentent pleinement leur appartenance à une communauté de vie et de destin, afin que raisonne positivement en eux le principe d'égalité. Notre groupe est également convaincu que la croissance de demain se jouera dans les territoires, y compris à Mayotte, que les solidarités de demain s'inventeront sur les territoires, y compris à Mayotte. Aussi, ils doivent être soutenus afin de donner la pleine mesure de leurs potentialités.
Il convient ainsi de s'interroger sur le mode de développement que l'on peut donner à ces territoires : en les liant économiquement à la métropole, on essaie finalement d'en faire de petites métropoles, ce qui fait qu'ils ont bien du mal à s'intégrer dans la zone économique à laquelle ils appartiennent, dans la mesure où les produits qu'ils consomment, viennent pour une bonne part de la métropole et non des pays voisins. Nous soutenons donc cette volonté de renforcer le développement économique endogène de Mayotte et sa position de pôle économique et culturel français et européen dans son environnement régional, comme le prévoit l'article 1er de la proposition de loi.
Nous tenons également à saluer la volonté clairement affichée dans le texte d'inscrire ce territoire dans une trajectoire bas carbone de préservation de l'environnement. Les territoires insulaires, plus que tout autre, sont les premières victimes du réchauffement climatique, et la déclinaison dans les territoires des grands objectifs fixés au niveau global est un des enjeux fondamentaux des décennies à venir.
À ces difficultés environnementales, qui iront croissant, s'ajoutent les crises sociales qui frappent régulièrement Mayotte, comme cela fut le cas en 2017 et en 2018. Nous comprenons ce cruel sentiment d'abandon qui résonne en chaque Mahorais, face à la réalité de pouvoirs publics qui se contentent généralement d'un cautère sur une jambe de bois quand des crises se font trop bruyantes, voire trop violentes. Cette capacité d'agir véritablement pour Mayotte et depuis Mayotte passe nécessairement par un renforcement de la libre administration des collectivités territoriales, car nous mesurons à quel point l'exaspération de la population mahoraise est à son comble.
Mayotte n'en peut plus d'être en retard par rapport à la moyenne nationale en matière de niveau de vie et de développement, d'être mal équipée et de constater, démunie, que les technologies mettent beaucoup de temps pour arriver jusqu'à elle. Elle a aussi de plus en plus de mal à faire face à l'arrivée sur son territoire d'une population plus pauvre venue notamment des Comores, ce qui ajoute à ses difficultés.
C'est pourquoi nous comprenons parfaitement les objectifs de cette proposition de loi. Toutefois, pour le groupe Libertés et territoires, celle-ci, au-delà des principes qu'elle affirme et auxquels nous adhérons totalement, ne nous paraît pas adéquate, dans sa rédaction et à l'heure actuelle.
En effet, le Gouvernement, par la voix de sa ministre des outre-mer, Annick Girardin, a présenté il y a un an un plan d'action pour l'avenir de Mayotte, comprenant 53 engagements et 125 actions. Ce plan de plus d'1 milliard d'euros, qui vise à améliorer concrètement la vie quotidienne des habitants et à donner un nouveau souffle au développement du territoire, est une première réponse aux difficultés de l'île et aux attentes légitimes de ses habitants : donner à Mayotte les moyens d'une croissance économique non seulement endogène mais aussi exogène, afin de lui permettre de développer tous ses atouts, d'être un fleuron en matière de développement durable et d'améliorer la vie quotidienne de ses habitants.
De plus, cette proposition de loi nous semble difficilement conciliable, en ce qui concerne le financement et la coordination politique, avec les contrats de convergence en cours de déploiement. Régler cela par la loi ne nous semble pas la voie à suivre, alors que c'est aux Mahorais et à leurs représentants de définir ces projets, en coordination avec l'État, pour une meilleure application sur le terrain. Il faut se garder de légiférer au risque de prendre des engagements qui ne pourront être tenus que très difficilement. Un premier bilan des plans en cours laisse apparaître des résultats plutôt encourageants. Aussi croyons-nous utile de les laisser se réaliser pleinement et porter leurs fruits avant d'envisager une nouvelle loi.
Enfin, traiter le développement de Mayotte à travers le prisme presque exclusif du financement nous paraît insuffisant, alors que les défis que doit relever ce territoire, ainsi que les autres de la République, exigent une refonte importante de notre architecture institutionnelle et de la gouvernance territoriale.
C'est pourquoi, mes chers collègues, si les objectifs de cette proposition de loi sont parfaitement louables, le groupe Libertés et territoires s'abstiendra sur ce texte.
Il y a vingt-cinq ans, je découvrais Mayotte. Or fouler le sol mahorais, c'est ne plus jamais le quitter. Mayotte est un émerveillement permanent, sous l'eau, sur l'eau, sur terre. En réalité, pas vraiment. La carte postale, que l'anthropisation a sérieusement écornée, a peu à peu perdu de sa superbe. L'envers de l'image, ce sont les déchets, omniprésents, les décharges à ciel ouvert, les caniveaux remplis de détritus, les cours d'eau où les femmes font directement leur lessive et qui deviennent blancs, la ville et les villages à l'habitat précaire, indigne, ces habitations que l'on appelle « bangas », faites de tôle, sur des sites où les effondrements sont fréquents, l'assainissement absent et les déchets, encore et toujours. Un tiers des habitants n'a pas d'accès direct à l'eau potable. Les milieux fragiles, les cours d'eau, la mangrove sont fortement pollués, 75 % des eaux usées se déversant directement dans les cours d'eau puis dans la mangrove et dans le lagon. Malgré tout cela, on ne peut qu'aimer Mayotte.
M. Kamardine aime son île, comme tous ceux qui connaissent Mayotte, qu'ils y soient nés ou qu'ils y aient vécu. À titre personnel, je voudrais le remercier vivement de nous permettre, une fois encore, de parler de Mayotte. Si loin des préoccupations des Français de métropole, ce petit confetti français si méconnu nous montre, une fois de plus, que nos départements d'outre-mer sont une richesse infinie et une chance pour la France, quel que soit l'état dans lequel ils se trouvent.
Mais je l'interroge. Son travail est plus que louable, notamment parce qu'il touche assez justement aux principales problématiques de l'île. Toutefois, à regarder de plus près la programmation de rattrapage et de développement durable qu'il prévoit pour Mayotte, on ne peut que souligner les grandes convergences et les redites avec les cinquante-trois engagements du plan d'action pour l'avenir de Mayotte, d'ores et déjà acté par le Gouvernement.
Je regrette que M. Kamardine n'ait pas produit un plan de développement durable spécifique à Mayotte, soulignant son côté unique, qu'il s'agisse de sa situation ou des solutions proposées, en mettant l'innovation au service de sa spécificité. Si nos outre-mer s'insèrent effectivement dans un environnement global commun, ils font face à des enjeux différents, liés à l'aire régionale à laquelle ils appartiennent. Ils ont de plus une triste longueur d'avance sur les défis mondiaux.
Comme toutes les îles, en effet, Mayotte est un écosystème fragile. Par son isolement, elle est la représentation et la concrétisation des enjeux climatiques, environnementaux et écologiques que nous subissons. Exposée en première ligne, elle est à l'avant-poste de notre nation, le lieu où nous pouvons, où nous devons relever le défi écologique du siècle. Nous ne cessons de le répéter : notre première priorité stratégique est l'accélération de la transition écologique. Or, plus encore qu'en métropole, cette urgence se fait sentir avec acuité et lucidité dans nos outre-mer, à Mayotte particulièrement.
Alors relevons le défi, mais en défendant des propositions spécifiques aux enjeux de Mayotte ! Le ministère des outre-mer a d'ores et déjà prévu et mis en place plusieurs actions pour atteindre ces objectifs qu'il résume par une trajectoire 5. 0 – zéro carbone, zéro déchet, zéro exclusion, zéro polluant agricole et zéro vulnérabilité – , car la transition écologique est forcément une transition sociale et humaine. On ne peut plus, désormais, penser le développement économique et structurel d'un territoire en faisant l'impasse sur son avenir durable. On ne peut plus calquer ce développement sur un modèle métropolitain.
Prenons pour exemple la mise à niveau des infrastructures de transport, de mobilité et d'interconnexion que préconise M. Kamardine. Quel sens donner à la construction de routes nationales sur une île où aucun point n'est à plus de trente minutes d'un centre de santé, où tout le territoire est maillé de routes, certes modestes, où il n'y a que trois points d'approvisionnement, très aléatoires, en hydrocarbures, où la distance maximale d'un point à un autre est de 60 kilomètres, où les activités sont réparties entre deux îles reliées par des barges – activités administratives et aéroportuaires pour Petite-Terre, économiques et portuaires pour Grande-Terre, sans compter l'inexistence de moyen de transport des véhicules entre les deux îles ?
La mesure 35 du plan d'action consiste déjà à accroître l'effort d'entretien des routes existantes. La mesure 36, quant à elle, prend acte du contournement et de la desserte routière de l'agglomération de Mamoudzou. Mayotte, minuscule île de 376 kilomètres carrés, étouffe dans ses embouteillages, suffoque dans sa circulation et souffre, autour de Mamoudzou, d'un engorgement digne du périphérique parisien. Le trafic routier est totalement saturé, faute non pas de routes, …
… mais de politiques de transport et de régulation des flux routiers. C'est pourquoi, dans le plan global des transports et des déplacements approuvé par l'État et les collectivités – la communauté d'agglomération de Dembeni-Mamoudzou et le département – , le développement des transports collectifs est une des priorités.
Tendre vers le zéro carbone ne se fera que grâce à une réflexion à long terme, avec des projets à mûrir de déplacements collectifs, de transports vertueux et de véhicules propres. Si j'osais, je dirais que Mayotte est le terrain idéal pour une expérimentation de mobilités propres, telles qu'on peut les concevoir.
Multiplier les infrastructures routières n'est, à mon sens, pas la bonne réponse aux problèmes criants de mobilité de l'île. Faisons de Mayotte un modèle, un exemple, en l'incluant totalement dans la trajectoire outre-mer 5. 0, en construisant une dynamique pour le monde de 2030.
Tout à fait, c'est le nom du dispositif.
Je ne trouve malheureusement pas dans cette proposition de loi le souffle dont a besoin Mayotte pour faire face à cet enjeu qui n'est pas des moindres, même s'il fait sourire monsieur Bazin. C'est pourquoi je ne voterai pas en sa faveur, faisant confiance aux solutions proposées par Mme la ministre des outre-mer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Comme vous le savez, le Rassemblement national est très attaché aux territoires d'outre-mer, …
… en particulier à Mayotte, et j'ose croire que la réciproque est vraie.
Par conséquent, je ne peux commencer mon intervention sur cette proposition de loi, que je soutiens, bien évidemment, sans dénoncer avec force non seulement les propos du président comorien qui, de nouveau, a pratiquement appelé à annexer Mayotte, mais aussi, car c'est tout aussi grave, le silence coupable des autorités françaises. Une telle provocation méritait une réaction beaucoup plus vive de la part de nos dirigeants, a minima le rappel immédiat de notre ambassadeur – vous avez utilisé cet outil diplomatique pour beaucoup moins que ça avec l'Italie. En tout cas, si j'avais été aux responsabilités, j'aurais, à la suite d'une telle déclaration, suspendu immédiatement toute coopération, notamment financière, avec ce pays. Je le répète avec force : Mayotte est française et Mayotte doit rester française ! Nos compatriotes mahorais le savent : nous resterons déterminés à les défendre.
La situation à Mayotte est extrêmement préoccupante. J'ai pu de nouveau le constater de visu il y a quelques mois. L'insécurité explose : on parle même, ces jours-ci, de la création d'une BAB, ou Brigade Anti-BAC, en clair des coupeurs de route comoriens qui ont recours à la violence la plus extrême. Le chômage de masse touche de plein fouet les Mahorais et les services publics sont submergés, etc.
Bien évidemment, la cause première de cette situation est la submersion migratoire qui touche ce département français. J'insiste sur le mot « submersion » car, quand 48 % de la population est étrangère et largement clandestine, je crois qu'il est plus que justifié !
La départementalisation de Mayotte, actée depuis le référendum de 2009, aurait dû entraîner un effort particulier de la France. C'est le rattrapage de cet effort qui nous est proposé dans ce texte : c'est cet effort que nous soutenons.
Pour mémoire, je citerai les propos de la présidente de la commission des lois de notre assemblée, à la suite d'une mission parlementaire conduite à Mayotte : « À l'évidence Paris s'est trop souvent contenté d'administrer Mayotte, sans vision d'ensemble, ne changeant rien, n'apportant rien. Mayotte, département le plus jeune et le plus pauvre de France, est sans doute le territoire d'outre-mer qui a été le plus oublié par la République ». Sic.
C'est pourquoi je vous suggère, madame la ministre, de mettre en place un comité de suivi et de pilotage de la départementalisation. Ce comité transpartisan, réunissant élus locaux et responsables nationaux, me semble incontournable pour assurer l'avenir de Mayotte.
Je reconnais qu'un premier effort a été accompli avec la suppression partielle du droit du sol à Mayotte : c'est une première étape pour lutter contre l'immigration, mais elle est clairement insuffisante. Le Gouvernement doit utiliser tous les outils en sa possession – diplomatiques, financiers voire militaires – pour faire cesser la colonisation de Mayotte par les Comores.
Cette proposition de loi va bien sûr dans le bon sens, cher collègue Kamardine.
Tout d'abord, il me paraît en effet tout d'abord indispensable de s'inscrire dans le temps long : en ce sens, l'idée d'une loi de programmation est incontournable. Il faudrait d'ailleurs une grande loi de programmation pour tous les outre-mer. Mayotte et, plus globalement, l'outre-mer doivent être replacés au coeur de l'économie française. C'était d'ailleurs un des axes forts de ma campagne présidentielle de 2017.
Plutôt pas mal !
Il est en effet nécessaire de construire une économie ultramarine solide, pour donner à nos compatriotes ultramarins l'espoir de pouvoir vivre localement de leur travail, pour utiliser ces territoires comme porte d'entrée pour nos entreprises vers les économies régionales qui bordent nos territoires ultramarins, mais aussi pour développer des pôles d'excellence autour de l'économie de la mer. Nous avons ainsi proposé, pendant la campagne des élections européennes, la création d'une agence maritime européenne, afin de faire coopérer les nations européennes concernées par ces problématiques maritimes, parmi lesquelles la préservation de la biodiversité occupe une place prépondérante.
À l'heure où, à l'image des choix exprimés pour les îles Éparses, l'exécutif montre son désintérêt pour cette France au-delà des mers, voire envisage de s'en séparer, à l'heure où Mayotte, morceau de France de l'océan Indien, est menacée par une immigration et une insécurité déjà insoutenables, et à l'heure où le potentiel économique et environnemental de ces régions peut devenir un atout pour la France, je salue la proposition de loi de Mansour Kamardine, que j'assure de mon soutien total.
Il me revient de clore la discussion générale. Nous nous accordons tous à peu près sur les constats – même si certains se sont exprimés avec un peu plus d'outrance. Comme d'autres, je pense que si l'on classait les départements en fonction de la force de leur sentiment d'appartenance à la France, Mayotte arriverait sans doute en tête. Rattachée à la France depuis 1841, elle a par deux fois, en 1974 et 1976, démontré qu'elle souhaitait rester française, et la seconde fois à plus de 99 %.
S'il ne fait aucun doute que Mayotte est française, force est de constater que son niveau de développement reste insuffisant. Largement délaissée et livrée à elle-même à la suite de sa départementalisation en 2011, elle a accumulé nombre de retards à tous les niveaux, du social à l'éducation en passant par les infrastructures, le logement ou l'eau, sans parler de l'insécurité et de l'immigration. Par ailleurs, certains pans de la législation nationale ne sont toujours pas appliqués à Mayotte. Cette application partielle et différée du droit commun est, en partie, à l'origine de revendications répétées et de mouvements sociaux, comme celui de 2018, visant à instaurer l'égalité réelle avec la métropole. Ainsi, Mayotte a été paralysée par un mouvement social, aussi appelé grève générale de 2018 ou « opération île morte » : pendant près de quatre mois, cette année-là, nous n'avons pu assister qu'impuissants au blocage de l'île.
Monsieur le rapporteur, oui, Mayotte souffre. Oui, Mayotte doit être soutenue. Oui, Mayotte a besoin d'aide. Oui, Mayotte nécessite un plan de développement d'ampleur et ambitieux. Nul ne peut le nier. Nul ne peut l'ignorer, et nous ne l'ignorons pas. Le groupe La République en marche, comme le Gouvernement, en particulier le ministère des Outre-mer, est conscient des difficultés de Mayotte et de la nécessité des actions à mener. Nous comprenons également les motivations de notre collègue Mansour Kamardine, qui l'ont poussé à nous soumettre la présente proposition de loi.
Pour autant, ce retard structurel ne pourra être rattrapé sans une réelle stratégie, comme celle mise en place par le ministère des outre-mer dès le début de la crise, avec une vraie ambition pour Mayotte. Je parle, bien sûr, du plan d'action pour l'avenir de Mayotte et de ses habitants, fruit d'un travail concerté avec les élus, les collectifs et l'intersyndicale. Présenté le 15 mai 2018 par Annick Girardin, les 53 engagements et 125 actions qu'il contient pour développer le territoire et améliorer la vie quotidienne sont déjà en phase de déploiement et constituent une réelle avancée.
Construit selon le format méthode-projet, que je sais cher à Mme la ministre, ce plan répond à des nombreuses inquiétudes et revendications du peuple mahorais. Si je ne puis être exhaustif, je tiens toutefois à en présenter quelques mesures phares.
Sur le plan sécuritaire, un état-major de lutte contre l'immigration clandestine, dirigé par un préfet de plein exercice, a été mis en place dès le 14 mai 2018. Les résultats en matière de sécurité et de lutte contre l'immigration clandestine sont sans appel, puisqu'on a dénombré pas moins de 15 000 éloignements en 2018 puis une moyenne de 2 300 par mois en 2019, contre 1 600 en 2017. Par ailleurs, sept filières de passeurs ont été démantelées et la délinquance a connu une baisse de 9 % au premier trimestre de 2019.
Concernant les infrastructures, d'importants efforts ont été menés en matière de gestion de l'eau. Ainsi, afin de poursuivre les efforts de modernisation du réseau d'eau et d'assainissement, un contrat de progrès d'un montant de 140 millions d'euros a été signé avec le Syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte. Dans le même temps, de gros efforts ont été apportés en matière de logements. En effet, 400 logements sociaux ont été mis en chantier par l'opérateur Société immobilière de Mayotte, grâce à une enveloppe supplémentaire de 10 millions par an depuis 2018, portant la participation de l'État à 30 millions d'euros, ce qui permettra de construire 4 000 logements sociaux.
Les secteurs du social, de l'éducation et de la santé ne sont pas en reste non plus. Je pense par exemple à la mise en place, en avril dernier, du fonds de développement social de Mayotte, avec un fonds d'amorçage de 10 millions d'euros, cofinancé par le ministère des outre-mer et le conseil départemental, afin de construire des crèches et de développer des structures d'accueil pour personnes âgées et personnes en situation de handicap. Je pense également à la création d'une ARS et d'un rectorat de plein exercice, qui seront tous deux effectifs dès le 1er janvier 2020.
Je m'arrêterai là, mais la liste de mesures essentielles au développement de Mayotte est encore longue, et je ne peux que m'en féliciter.
Monsieur le rapporteur, même si nous ne voterons pas pour la proposition de loi, soyez assuré que le Gouvernement, le groupe La République en marche et plus particulièrement nos collègues parlementaires mahorais travaillent chaque jour à une mise en place rapide, efficace et durable de l'ensemble des mesures du plan Mayotte 2022 et du contrat de convergence qui sera signé dans les prochaines semaines.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Mansour Kamardine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je tiens d'abord à remercier tous les orateurs qui ont pris la parole car ils ont partagé le constat de la situation inextricable et insupportable de souffrance dans laquelle se trouve Mayotte.
Ensuite, je voudrais sans tarder apporter des réponses à certaines interrogations.
Premièrement, on m'a objecté qu'il y a un problème de méthode et qu'il faut lever des freins. Je le dis solennellement à la représentation nationale, il n'y a pas de freins à la mise en oeuvre de mes propositions. Tous ceux qui se sont exprimés ont salué l'action du Gouvernement ; je le salue moi aussi, parce qu'il a prévu la mise en place d'un dispositif d'ingénierie pour accompagner Mayotte. Le problème d'ingénierie qui existe à Mayotte n'est pas propre à ce département : il existe dans toutes les collectivités de France.
En effet, la décentralisation a déstructuré toutes les compétences, notamment dans les préfectures et dans les services de l'État, si bien que nous rencontrons des difficultés en matière d'ingénierie, y compris au sein de l'État. À Mayotte, un dispositif a été mis en place et la ministre a expliqué qu'il y avait déjà des recrutements : il n'y a donc plus de problème d'ingénierie.
Deuxièmement, se pose la question de l'articulation entre mes propositions et le plan du Gouvernement. Nos collègues l'ont rappelé, il y a d'abord eu Mayotte 2025, processus lancé par la majorité socialiste, à laquelle participait d'ailleurs notre chère ministre.
Sourires.
Les mesures de Mayotte 2025 ont été reprises dans la loi EROM, qui a prévu la mise en place de contrats de convergence, car tout le monde convenait du retard de développement des outre-mer. S'agissant de Mayotte, ce contrat a été signé en décembre dernier, et il est en cours de mise en place. Avant cette signature, pour répondre à l'urgence sociale, le Gouvernement a mis en place le fameux plan d'urgence de 1,3 milliard d'euros. Que contient-il ? Six chapitres, qui portent notamment sur la sécurité, le logement, l'école et la santé – faute de temps, je n'entrerai pas dans le détail. Le Gouvernement propose maintenant l'application du contrat de convergence 2019-2022, dont on a enfin appris que son montant serait de 1,6 milliard d'euros. En vérité, il porte sur les mêmes sujets, car Mme la ministre a dit à plusieurs reprises que le contenu du plan d'urgence pour Mayotte représentait les engagements du Gouvernement pour la législature. Le contrat de convergence recycle donc les mêmes sujets, notamment l'école, la santé ou l'accès au centre de Mamoudzou.
Ma proposition, qui est celle des Mahorais, part d'un constat simple : pendant quarante-trois ans, des choses ont été faites à Mayotte, mais le Gouvernement a toujours décidé de ce qui était bon pour les Mahorais. Or un constat d'échec collectif s'impose – car nous aussi, nous avons été aux responsabilités ! Les Mahorais m'ont chargé de vous dire ce qui leur semblait être leurs priorités : la piste de décollage longue, le troisième quai de débarquement portuaire, l'université, l'environnement. Or, en tout état de cause, ces questions ne trouvent pas de réponses dans le plan du Gouvernement, notamment dans le contrat de convergence, qu'on nous sort un peu du chapeau.
La vérité est ailleurs. On nous demande de rejeter ces propositions parce que des actions sont en cours et qu'il y a un calendrier dont on ne parle pas aujourd'hui : celui du toilettage institutionnel visant à nous faire sortir du champ de l'article 73 de la Constitution. Je veux vous dire tout de suite que les Mahorais ne se laisseront pas faire, parce qu'ils sont très attachés à la départementalisation ; il serait bon de garder cela à l'esprit.
Madame Chapelier, j'ai entendu vos propos sur les routes. Quand vous êtes à Mayotte, à Bouéni ou à Mtsamboro, et que vous voulez conduire votre enfant à l'école, il faut, pour faire ne serait-ce que 10 kilomètres, se lever à 4 heures du matin pour espérer arriver à 8 heures ! Si vous voulez que nous allions à l'école ou au travail en âne, nous pouvons en acheter pour éviter d'utiliser la voiture ! Je crois que nous pouvons conjuguer environnement – nous y sommes très attachés – et développement.
Enfin, madame la ministre, vous avez dit tout à l'heure que j'étais venu alerter la représentation nationale, mais je ne suis pas un lanceur d'alerte.
Sourires.
Je suis venu vous dire la souffrance des Mahorais et vous proposer des solutions.
M. Jean Lassalle applaudit.
Je propose un développement durable. Vous ne nous donnez pas la possibilité de toucher le même RSA, la même pension alimentaire, les mêmes allocations familiales et les mêmes droits. De grâce, permettez-nous au moins d'avoir le même développement ! Si nous développons notre économie et créons des emplois, nous ne quémanderons pas le RSA que vous ne voulez pas nous allouer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, SOC, UDI-I et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits.
La discussion générale a été de très bon niveau, et il serait bon de ne pas transformer le débat par des caricatures. Vous l'avez tous dit : tous, ici, nous aimons Mayotte française. Il n'y a d'ambiguïtés ni sur ce sujet, ni sur la souveraineté française, ni sur les questions constitutionnelles.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vais apporter quelques réponses à vos interventions.
D'abord, s'agissant du coût de la vie, dans tous les territoires d'outre-mer, nous rencontrons des difficultés liées aux importations, à l'octroi de mer – ce n'est pas spécifique à Mayotte – , aux marges. Nous y avons répondu et espérons pouvoir disposer d'outils. Nous avons confié une mission à Francis Amand sur tous ces sujets : il a commencé par La Réunion, vous le savez, et poursuit son travail dans l'océan Indien, avant d'aller vers d'autres territoires d'outre-mer, car, je le répète, tous sont plus ou moins confrontés à la même problématique. Il faut aussi soutenir les filières locales, afin que l'on puisse produire mieux et plus à Mayotte.
Vous avez parlé du coût de la vie à Mayotte. Vous l'avez souvent dit, le différentiel est de 73 %, selon l'association Familles rurales. Les dernières données sont celles établies par l'INSEE en 2015. Elles ne sont peut-être pas satisfaisantes, mais elles nous permettent au moins de procéder à des comparaisons, car elles portent sur l'ensemble des outre-mer, et elles ne plairont pas forcément. À Mayotte, les prix sont de 6,9 % plus élevés qu'en métropole ; à La Réunion, de 7,1 % ; en Martinique, de 12,3 % ; en Guyane, de 11,6 % ; en Guadeloupe, de 12,5 %. Je sais ce que nous, ultramarins, pensons de ces chiffres : quand nous passons à la caisse d'un supermarché, on ne retrouve pas ces taux – moi aussi, étant ultramarine, je fais mes courses dans les supermarchés, y compris à Mayotte, quand j'y passe. Ces chiffres ne sont qu'une moyenne, mais quand on achète du fromage ou des yaourts pour ses enfants, on les paie beaucoup plus cher qu'en métropole. Je n'ai pas dit cela pour que nous nous lancions dans une bataille de chiffres, mais pour vous montrer que nous devons utiliser ces derniers avec précaution.
Je n'ai d'ailleurs pas donné les chiffres relatifs au Pacifique car je n'en dispose pas ce soir.
S'agissant de la lutte contre l'immigration clandestine, oui, 50 % de la population de Mayotte est étrangère – vous m'avez entendue le dire souvent, et je ne suis pas sûre que beaucoup de responsables politiques l'aient dit avant moi. Oui, la moitié des étrangers sont en situation irrégulière, il faut se l'avouer. Moi qui n'ai jamais de tabou, je n'ai aucune difficulté à l'admettre. C'est d'ailleurs grâce à moi que l'on a commencé à parler davantage du droit du sol et de la différenciation à Mayotte.
Il y a bien longtemps que François Baroin a évoqué une réforme du droit du sol à Mayotte !
Pour ma part, je parle en tant que membre du Gouvernement.
Nous avons osé poser un certain nombre de questions relatives à certaines spécificités mahoraises – et uniquement mahoraises, je le précise.
Vous le savez, nous nous sommes donné les moyens de lutter plus fermement contre l'immigration clandestine dans le cadre du plan d'urgence. Je crois pouvoir dire, parce que je l'ai constaté moi-même, que nous sommes meilleurs à terre mais qu'il nous reste encore beaucoup d'efforts à faire en mer. C'est pourquoi le Président de la République a évoqué, le 1er février, un plan civilo-militaire, sur le modèle de l'opération Harpie menée en Guyane. Nous sommes en train de finaliser ce plan, qui nous permettra d'être plus opérationnels en mer, grâce à des moyens plus importants, et de procéder à un plus grand nombre d'interceptions et de reconduites à la frontière. Je rappelle d'ailleurs que, depuis le début de l'année, 5 000 personnes ont été reconduites à la frontière à Mayotte – dans ce département, nous reconduisons plus de 20 000 personnes par an et nous avons l'objectif d'en reconduire 25 000, et j'ajoute qu'une bonne moitié des reconduites à la frontière sont opérées à Mayotte et en Guyane.
J'en viens à la sécurité à Mayotte. M. Serville a parlé du niveau de violence, qui n'est pas acceptable – il ne l'est d'ailleurs sur aucun territoire d'outre-mer. Comme vous avez déjà pu le constater, vous pouvez compter sur moi pour me battre pour obtenir des moyens supplémentaires afin de lutter contre ce fléau à Mayotte. Malheureusement, cela n'empêche pas des incidents extrêmement graves comme ceux que l'on a encore observés il y a quelques jours, souvent provoqués par des bandes de jeunes. Je souligne tout de même que 170 policiers et gendarmes supplémentaires ont été déployés sur le territoire : ainsi, l'effectif des forces de l'ordre est porté aujourd'hui à 1 070 gendarmes et policiers. Nous devons également nous féliciter du travail accompli par les polices municipales. Toutes ces actions portent déjà des fruits. Il est toujours très difficile de se réjouir de résultats positifs, car ces derniers ne sont jamais à la hauteur des attentes – quand une violence est commise, quand une personne est victime de violences, cela entraîne immanquablement des difficultés – , mais les chiffres de la délinquance ont diminué de 9 %. C'est minime, certes, mais c'est tout de même 9 % de violences en moins. Cela prouve que quand on agit fermement, on obtient des résultats. Il faut donc continuer.
S'agissant de la sécurité sociale, compte tenu des propos tenus tout à l'heure par Maina Sage, il faut vraiment que je reprécise ce que j'ai dit. En 2011, il n'y avait pas de droits à la sécurité sociale à Mayotte, mais il n'y avait pas non plus de cotisations. Il a alors été décidé – pas par moi – de définir deux courbes : la première pour l'augmentation des cotisations sociales, patronales et salariales, la seconde pour l'augmentation des droits. L'idée n'était pas de faire se superposer les eux : l'essentiel était qu'elles convergent vers les taux nationaux. Je n'ai absolument pas dit qu'il fallait rechercher l'équilibre à Mayotte – l'équilibre de la sécurité sociale doit être considéré au niveau national – ; j'ai dit que les deux courbes devaient progresser ! Il a été décidé que l'augmentation des droits serait étalée jusqu'en 2036. Lorsque je suis arrivée aux responsabilités, j'ai trouvé que ce calendrier était parfaitement scandaleux.
Permettez-moi de faire un peu d'histoire, un peu d'archéologie historique et juridique, car je veux bien que l'on me reproche un certain nombre de choses, mais ces reproches doivent être adressés à l'ensemble des gouvernements qui se sont succédé. Le pacte de départementalisation de Mayotte a été voulu par le président Nicolas Sarkozy, avec votre soutien, monsieur le rapporteur. Lors de la création du département de Mayotte, le 1er avril 2011, vous avez fixé le cadre de la convergence ainsi que le calendrier, qui devait s'étaler sur vingt à vingt-cinq ans, selon les prestations, en prévoyant une progressivité pour chacune des deux courbes. Nous pouvons débattre de ce calendrier, qui a été modifié pour certaines prestations mais reste toujours en vigueur : l'objectif est toujours d'atteindre la convergence en 2036. Certes, François Hollande a élaboré Mayotte 2025, mais, d'un point de vue administratif et juridique, l'échéance 2025 ne figure nulle part : la trajectoire s'étend toujours jusqu'à 2036. Voilà le drame : nous n'allons tout de même pas attendre l'année 2036 pour que le montant de l'AAH à Mayotte soit au même niveau qu'en métropole, alors qu'il est moins élevé de moitié actuellement !
Certes, des améliorations ont été apportées. Ainsi, le montant du RSA a été porté à 50 % du niveau national. Ce fur une satisfaction pour beaucoup, mais pas pour moi.
Sourires sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Jacob, vous connaissez mon honnêteté sur ces sujets : je dis tout simplement comment les choses se sont passées. Du reste, c'est vous qui aviez mis en place cette courbe, avec le rapporteur Mansour Kamardine à l'époque !
Petit à petit, il faut que la population mahoraise bénéficie de droits égaux à ceux du reste de la population française. C'est ce que j'ai dit dès ma nomination. Votre collègue Ramlati Ali a aussi porté ce combat dès son élection : elle a continué à sensibiliser le Gouvernement à la réalité du territoire mahorais et a dénoncé cette situation paradoxale.
La priorité est de donner un calendrier aux Mahorais et aux Mahoraises. En effet, en dehors de la date de 2036, jamais corrigée dans les faits, nous ne savons pas quand seront augmentés les droits à Mayotte. Vous le savez, je me suis engagée à ce que ce calendrier soit donné à tous les Mahorais avant la fin de l'année. Tout à l'heure, je vous proposerai l'application à Mayotte du code de la sécurité sociale au 1er janvier 2020 – nous aurons l'occasion d'en discuter ensemble.
Je souhaite donner quelques explications supplémentaires avant d'entamer la discussion des articles. Il y a une problématique extrêmement grave que vous n'avez pas soulevée : au-delà de l'injustice que constitue l'application de taux plus bas pour le calcul des différentes prestations sociales à Mayotte, très peu de Mahorais demandent à accéder à ces droits sociaux.
La Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion connaissent des problèmes similaires alors qu'elles sont des départements français depuis soixante-treize ans !
Sur la question du handicap, par exemple, on comptait 367 bénéficiaires de l'AAH à Mayotte en 2018, et 453, donc un tout petit peu plus, en 2017. Nous savons pertinemment qu'un certain nombre de personnes ne viennent pas réclamer leurs droits : il y a un problème d'information que nous devons absolument résoudre. De même, seules 463 personnes âgées perçoivent l'APA : compte tenu du contexte mahorais, il n'est pas possible qu'elles soient les seules à y avoir droit ! Il nous faut donc véritablement informer les Mahoraises et les Mahorais de leurs droits. Ces derniers datent non pas d'aujourd'hui, mais de 2011 : il y a donc bien eu un problème d'information. Il est tout de même dommage que nous ayons attendu aujourd'hui pour parler de tous ces chiffres !
Monsieur le rapporteur, je partage tous les constats que vous avez dressés, mais c'est ensemble que nous devons maintenant apporter des réponses. L'objectif de convergence doit enfin s'accompagner d'une planification qui réponde aux besoins de ce territoire. Vous le savez, depuis que je suis ministre des outre-mer, il n'y a pas une seule nouvelle aide instaurée au niveau national qui n'ait pas été étendue exactement à l'identique à Mayotte. C'est un combat à chaque fois qu'une nouvelle aide est créée, mais c'est mon travail. Il est anormal que la convergence ne soit pas planifiée pour l'ensemble des mesures sociales, mais nous donnerons un calendrier aux Mahorais avant la fin de l'année.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre, vous avez dit que vous vouliez faire un peu d'histoire. En 2011, lorsque la départementalisation a été décidée, je n'étais pas aux responsabilités.
Je sais que vous n'étiez plus député, mais vous étiez là quand même !
J'ai été battu en 2007 : je n'étais donc pas là. Cela étant, si Nicolas Sarkozy n'avait pas pris cette décision en 2011, nous ne serions probablement pas dans cet hémicycle maintenant pour débattre de l'égalité sociale et d'un plan de rattrapage. Soyons fiers de ce qui a été fait ! On dit souvent que les jeunes générations n'ont pas à critiquer ce qu'ont fait les anciens : ils doivent chercher à comprendre et essayer de progresser. Nous sommes donc là pour progresser, pour élaborer un plan, pas pour parler de Nicolas Sarkozy, qui n'est plus aux responsabilités.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I ainsi que parmi les députés non inscrits.
S'il y avait eu un ministre des outre-mer sous le quinquennat de François Hollande, nous n'en serions pas là !
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
J'ai rarement assisté à un débat aussi surréaliste. Honnêtement, je suis choqué. J'ai entendu Mme Le Pen, qui a malheureusement quitté notre hémicycle, se délecter de son score à Mayotte, où le Rassemblement national a recueilli 45 % des voix aux élections européennes. En Guyane aussi, son parti a rassemblé 27 % des électeurs. Quant à moi, je considère qu'on ne peut pas tirer profit des misères sociales. Ne cherchons pas à faire peser la responsabilité de la situation sur des hommes et des femmes, des Comoriens, qui, pendant longtemps, ont vécu avec les Mahorais. Aujourd'hui, ces personnes sont certainement en situation illégale, mais elles vivent à Mayotte. Je ne considère pas qu'il faut rejeter les Surinamais et les Brésiliens : nous devons, au contraire, trouver un accord avec le Brésil et le Suriname pour constituer une société commune. De même, je ne pense pas qu'il faille couper les ponts diplomatiques avec les Comores : nous devons, au contraire, trouver une solution avec ce pays. Au-delà des frontières, il y a des hommes et des femmes, il y a une fraternité à construire.
Les slogans de Mme Le Pen, qui considère qu'il faut absolument supprimer le droit du sol, tant au niveau national qu'au niveau mahorais, et que l'on assiste à une submersion…
Ah, madame Le Pen, vous voilà de retour ! Vous avez dû entendre ma voix de loin. Vous dénoncez une submersion par les étrangers – c'est la même théorie que l'on retrouve ici, dans le dossier mahorais. Eh bien non ! S'il y a une responsabilité, c'est la nôtre !
Si l'on observe aujourd'hui un réflexe populiste en France, où une partie de nos concitoyens se réfugient sous la bannière du Rassemblement national, c'est qu'il faut que l'État assume ses responsabilités, madame la ministre.
Soixante-treize ans après la départementalisation, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion attendent une application réelle, concrète et citoyenne de l'égalité des droits ! Soixante-treize ans ! Nous avons même dû voter une loi pour l'égalité réelle outre-mer. Savez-vous pourquoi ? Vous n'êtes pas la seule concernée, madame la ministre : l'ensemble des gouvernements qui se sont succédé peuvent être tenus pour responsables. Il n'y a pas de reconnaissance ni de respect envers les territoires ultramarins. Il n'y a qu'une reconnaissance tronquée. Vous dites que vous aimez l'outre-mer, que vous aimez Mayotte, mais sans reconnaissance ni respect, ce n'est pas de l'amour mais de la compassion. C'est la pire des choses car vous nous extorquez l'essentiel de nous-mêmes, c'est-à-dire notre dignité.
Lorsque M. Kamardine m'a parlé de sa proposition de loi, je lui ai fait observer qu'il n'y a pas d'égalité sans émancipation, qu'il n'y a pas de progrès si l'on se contente des dotations de l'État et qu'il faut absolument construire des politiques internes de développement.
Je termine, madame la présidente. La situation actuelle est liée au fait que l'on ne trouve pas de vraies solutions pour Mayotte. Nos interlocuteurs, au niveau de l'État, sont des ministères qui n'ont pas de pouvoirs, pas de compétences, comme le ministère des outre-mer, qui attend l'autorisation pour décider de quoi que ce soit. Mayotte et la Guyane risquent alors d'être le foyer de révolutions.
Monsieur Letchimy, veillez à respecter votre temps de parole.
La parole est à M. Philippe Folliot.
Le sujet est éminemment passionnel et, si cette proposition de loi de notre collègue Mansour Kamardine a un mérite, c'est de braquer les projecteurs sur la situation de Mayotte et sur ce que vivent nos compatriotes mahorais. Cette situation n'est en effet comparable à nulle autre. Si nous devions, en France hexagonale, supporter ce que nos compatriotes mahorais supportent en matière de difficultés liées à l'immigration – l'équivalent serait 15 à 18 millions de clandestins dans l'Hexagone – , cela entraînerait les réactions que chacune et chacun peut imaginer, à quoi s'ajoutent les difficultés liées à tous les retards accumulés.
Vous l'avez fort justement dit, madame la ministre, nous héritons d'une situation vieille de plusieurs décennies. Je me souviens des débats que nous avons eus dans cet hémicycle au moment de la départementalisation, des nombreux espoirs que celle-ci avait suscités et de la volonté unanime d'aller dans le sens de l'égalité, avant que tout cela ne se heurte au mur des réalités budgétaires et sociales propres à ce territoire.
Pour moi cette proposition de loi est un cri du coeur, un appel au secours, et elle doit être entendue comme tel.
J'ai eu le privilège en 2011, du temps où les députés étaient à peu près traités à égalité, de me rendre à Mayotte, et j'y ai vu le formidable espoir suscité par le projet de départementalisation, soutenu par tous si mes souvenirs sont bons. Et puis, quelques années après, la majorité suivante a mis les cantons et les départements par terre ; il a fallu reconstruire pendant un an et demi des cantons immenses, mais peu importe. De ce fait, il ne s'est rien passé sous ce mandat, qui était, je crois, celui de M. Hollande.
Bravo, cher Mansour Kamardine : vous parlez avec votre coeur, vous êtes courageux. Or, même avec la départementalisation, j'ai l'impression que rien n'a changé, parce que plus rien ne change dans ce pays. La majorité actuelle peut préparer ses valises, comme l'ont fait avant elle les chiraquiens et les cohortes de sarkozystes ; quant aux hollandistes, ils ont limité les dégâts parce qu'ils ont su s'adapter. En tout cas, les députés de cette majorité passeront à la casserole comme tous les autres.
Rires.
Pourquoi ? Parce qu'on ne s'occupe plus des vrais problèmes, ni des vôtres, ni de ceux de qui que ce soit.
Mme Le Pen, qui est arrivée en tête des élections européennes il y a un mois, a parlé ce soir comme si elle ne parlait pas. Elle n'est quand même pas à l'origine de tous les maux ! Nous sommes un pays désincarné. Nous ne sommes plus rien, cher ami. Je voterai donc votre texte, en attendant mieux !
Vos interventions, madame la ministre, comme celles des nombreux orateurs qui se sont exprimés lors de la discussion générale, ont été somme toute plutôt optimistes, même si tous ont relevé l'ampleur de la tâche pour les Mahorais. Je voudrais saluer l'engagement sans faille et le travail remarquable du rapporteur Mansour Kamardine en faveur de la programmation du rattrapage et du développement durable de Mayotte.
Vous avez parlé d'un « département de tous les défis », madame la ministre, en précisant qu'à Mayotte, tout est urgent. Vous avez aussi affirmé que Mayotte ne peut pas se construire sans la confiance. Or, vous le savez, la confiance ne se décrète pas : elle se décline sur le terrain, dans le respect des engagements pris.
Il y a certes des avancées, comme un rectorat de plein exercice, mais, pour la libre administration des collectivités, pour la réalisation de l'égalité sociale, la mise à niveau des infrastructures de transport ou l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, le chemin est encore long. Pour préserver l'environnement de Mayotte et son lagon, de nombreuses initiatives gouvernementales seraient bienvenues.
Lors de l'examen en commission, la majorité a rejeté tous les amendements et tous les articles ; c'est bien regrettable. Je crains fort que, comme pour le pouvoir d'achat ou la sécurité intérieure, la procrastination gouvernementale ne soit en marche !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est relativement simple. Je le lis, pour que chacun s'en imprègne : « La République réaffirme le bénéfice garanti à tout Mahorais des droits économiques, sociaux, environnementaux et politiques dont dispose tout citoyen français, notamment les symboles de la France que sont la devise, l'hymne et le drapeau national. »
Lors de certains jeux internationaux auxquels ils participent, nos jeunes n'ont pas le droit de hisser le drapeau ni de chanter l'hymne national, ce qui les frustre, au plus profond d'eux-mêmes, dans leur fierté d'être français. Cet amendement vise à empêcher que des Français ne soient ignorés dans ce qu'ils ont de plus profond. Certes, cela ne figure pas dans le contrat de convergence, ni dans le plan d'urgence pour Mayotte, mais cela ne coûtera pas un centime à la République.
C'est un cri du coeur ; les Mahorais réclament cette reconnaissance. On peut imaginer qu'au moins cette demande-ci soit acceptée.
Sourires. – M. Christian Jacob applaudit.
L'appartenance de Mayotte à la France ne fait aucun doute. Mayotte est citée, de même que toutes les autres collectivités ultramarines, à l'article 72-3 de la Constitution, ce qui garantit aux Mahorais les mêmes droits qu'à tous les autres citoyens – nous venons d'en débattre.
Concernant les Jeux des îles de l'océan Indien, il ne peut y avoir deux délégations françaises ; il n'y en a qu'une, composée de Réunionnais et de Mahorais. Cela s'est toujours passé de la sorte et c'est ainsi que je le conçois, les deux territoires défilant ensemble derrière le drapeau tricolore. C'est de nouveau de cette manière que les choses se passeront sous peu, lors de la prochaine édition de ces Jeux, et l'hymne national retentira pour cette délégation.
Madame la ministre, répondre à M. Kamardine que Mayotte fait partie de la République est digne de La Palice, mais ce qu'il demande est un peu différent. Selon lui, il serait intéressant que Mayotte puisse s'exprimer librement dans le cadre de ces Jeux, d'une façon distincte de La Réunion, ce qui me semble assez légitime, et surtout, si j'ai bien compris, qu'elle puisse être représentée par un drapeau en tant qu'entité régionale dans les manifestations sportives, ce qui n'est pas du tout interdit par la Constitution.
Moi qui suis autonomiste, je demande davantage, je suis pour le drapeau rouge, vert, noir : le rouge de la souffrance de nos peuples, le noir qui rappelle la négritude et l'Afrique et le vert de l'espérance de l'émancipation césairienne. Reste que M. Kamardine a le droit de demander un drapeau ; on pourrait très bien arborer à la fois le drapeau tricolore et un drapeau mahorais.
Même si l'amendement peut paraître superfétatoire, je considère cette proposition comme un cri du coeur d'un élu des outre-mer qui se demande parfois si son territoire fait vraiment partie de la République.
M. Jean Lassalle applaudit.
Sachez, chers collègues, que c'est une question que nous nous posons régulièrement lorsque nous constatons qu'aucune réponse n'est apportée aux demandes que nous formulons.
Notre collègue Letchimy le rappelait, cela fait soixante-treize ans que nous sommes supposés être des départements, et pourtant, les lois ne s'appliquent pas chez nous comme dans les autres départements. Les lois contraignantes s'appliquent directement mais appliquer les lois qui pourraient nous apporter un peu de souplesse et faciliter le développement de nos territoires suppose de passer par 10 000 artifices qui interdisent toute application réelle.
C'est pourquoi je considère cet amendement comme un cri du coeur qu'il faut entendre, parce que nous sommes nombreux dans nos territoires à nous demander si nous sommes des Français à part entière ou des Français entièrement à part.
Je voudrais vous faire part de mon étonnement, madame la ministre. Je ne pense pas vous insulter en vous rappelant que vous serviez déjà la République en tant que secrétaire d'État en 2015 – chargée de la coopération, vous deviez porter notre parole dans le monde – , année où les jeux qui vont se dérouler à Maurice cette année s'étaient déroulés à La Réunion. Or voici ce que disait Patrick Kanner, qui était alors le ministre chargé des sports dans le même Gouvernement : « Le drapeau de Mayotte, c'est le drapeau français. » Du fait de la Constitution elle-même, vous ne pouvez pas demander aux Français de Mayotte, notamment à ceux qui réussissent dans une compétition internationale, de porter un autre drapeau alors qu'ils ont le leur, comme ils ont leur hymne.
Je veux bien qu'on nous dise que notre plan n'a pas de cohérence, que nous devons aller à l'école à dos d'âne – je le dis pour taquiner un peu Mme Chapelier – , mais, de grâce, votons cet amendement qui ne coûtera pas un centime à la République.
M. Jean Lassalle applaudit.
Je ne me rappelle pas les propos de M. Kanner, qui était effectivement mon collègue à l'époque, mais je me rappelle bien comment les choses se sont passées, puisque j'étais aux affaires étrangères. Mais ce n'est pas le débat.
Les choses sont très simples. Soit il s'agit de compétitions provinciales, comme il y en a souvent dans les bassins maritimes ; dans ce cas, La Réunion et Mayotte y participent chacune de son côté, comme le feraient la Martinique et la Guadeloupe dans le cadre de compétitions caribéennes. Soit il s'agit d'une compétition internationale, comme c'est le cas ici ; chaque pays est alors représenté par une seule délégation, et cela vaut donc aussi pour la France.
Pendant longtemps, trop longtemps peut-être, la délégation française n'a été composée que de Réunionnais. Désormais, les Mahorais comme les Réunionnais y ont toute leur place.
Il n'y a qu'une délégation nationale, celle de la France de l'océan de l'Indien. C'est ainsi que les choses sont organisées. Nous respectons la contrainte que les pays de l'océan Indien se sont eux-mêmes donnée dans la charte de ces Jeux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La question posée n'est pas celle de la composition de la délégation. Quand un Mahorais participe à une compétition – nous avons des athlètes de très bon niveau, capables d'apporter des médailles à la nation – , par exemple s'il arrive premier dans une course de 5 000 mètres, a-t-il ou non le droit de hisser le drapeau et d'entendre La Marseillaise ? Voilà la vraie question. Or la charte des Jeux des îles de l'océan Indien interdit aux Mahorais d'arborer le drapeau français. Comment une grande républicaine comme vous peut-elle accepter une telle hérésie, à la fois politique et intellectuelle ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 17
Contre 25
L'amendement no 14 n'est pas adopté.
Sur l'article 1er, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur.
Mes chers collègues, je tiens à vous lire l'article 1er : « L'effort de la Nation en faveur du département de Mayotte tend à mettre à niveau les infrastructures de transport de mobilité et d'interconnexion, à réaliser l'égalité sociale, à garantir la libre administration des collectivités territoriales, à inscrire ce territoire dans une trajectoire bas-carbone de préservation de l'environnement, à renforcer son développement économique endogène et sa position de pôle économique et culturel français et européen dans son environnement régional, à un horizon de trois, six ou dix ans selon les opérations. »
Je ne vois pas en quoi cela serait dramatique, alors que cela correspond quasiment au discours de politique générale du Premier ministre, comme si celui-ci avait d'abord lu ma proposition avant de venir le prononcer !
Sourires.
Si vous rejetez cet amendement, vous rejetez aussi la déclaration de politique générale que vous avez approuvée il y a quelques jours.
Je vais vous expliquer, chers amis : lorsque nous sommes arrivés ici, en juin 2017, j'ai voté la confiance au Gouvernement…
… précisément parce que j'ai fait confiance en amont. Or j'ai été déçu puisqu'on nous a servi le projet de « communauté de l'archipel », ce qui a mis le feu aux poudres à Mayotte. J'ai donc décidé de faire désormais confiance au cas par cas ; à titre d'exemple, j'ai voté la dernière loi. Je fais confiance quand cela va dans le bon sens. C'est pourquoi, puisque l'article 1er va dans le bon sens, je vous propose de l'adopter avec moi.
M. Stéphane Peu applaudit.
Je veux simplement rappeler le contexte dans lequel cette proposition de loi intervient. Nous l'avons suffisamment dit, un plan d'urgence a été annoncé, en 2018, à hauteur de 1,3 milliard d'euros. Il s'agit non pas d'une question financière, mais d'un engagement à apporter des réponses immédiates aux crises liées à l'insécurité et à l'immigration, mais aussi en matière de construction d'écoles ou de logements. Il était urgent d'apporter ces réponses.
Vous avez décidé qu'il était nécessaire de mettre en place, dans tous les territoires d'outre-mer, des plans de convergence qui nous amènent jusqu'en 2030. Cela a été fait pour Mayotte. J'insiste sur ce point parce que le plan de convergence prévu par le département de Mayotte et l'ensemble de ses élus ne peut pas être remis en question ici. Il est ensuite complété, comme le veut la loi EROM – loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique – , par un contrat de convergence et de transformation, qui précise les actions sur les quatre premières années de ce plan. Il s'agit d'entrer dans le concret, avec des financements à hauteur, très certainement, de 1 à 1,6 milliard. Certaines opérations sont reprises du plan d'urgence, d'autres non et vont beaucoup plus loin.
Nous ne retrouvons pas exactement dans la proposition de loi de M. Kamardine l'ensemble des projets figurant dans le contrat de convergence et de transformation ; il n'y a pas de cohérence entre les deux. Des choix sont faits dans cette proposition de loi tandis que d'autres sont faits par le département, qui est signataire de ce contrat de convergence. Ce n'est pas moi qui ai décidé que les contrats de plan État-région seraient signés avec les régions et que les contrats de convergence et de transformation seraient signés avec les départements, les communes et les agglomérations d'outre-mer. C'est donc un travail de tout le territoire.
Même si je partage beaucoup de combats, de constats et d'objectifs avec le député Kamardine, nous ne classons pas obligatoirement les projets selon le même ordre de priorité. L'État doit aider le territoire à relever tous ses défis, mais les priorités restent celles du territoire !
Quand un contrat est signé avec une collectivité, en l'espèce le département, cela signifie qu'il y a eu négociation ; vous le savez bien, monsieur Letchimy, car vous avez signé des contrats de plan État-région ! Chacun négocie ses projets et les finance.
Dès lors, on ne peut pas dire ici que ce n'est pas à Paris de décider et, en même temps, voter cette proposition de loi qui comporte des mesures que l'on retrouve dans le contrat de convergence, mais aussi d'autres qui n'y figurent pas.
En l'occurrence, il ne s'agit que de l'article, pas de la proposition de loi !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 18
Contre 24
L'article 1er n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 2 , portant article additionnel après l'article 1er.
Nous proposons de consacrer, à Mayotte, un droit à l'accès à l'eau, garanti par la gratuité, au minimum, des 14,6 mètres cubes d'eau potable indispensables à la vie. Nous avons discuté de cet amendement en commission. Il s'agit d'un amendement d'appel : à Mayotte, près de quatre habitants sur dix seraient concernés par le manque d'accès à l'eau potable, certaines rivières alimentant l'île en eau potable étant extrêmement polluées. Cette situation inadmissible perdure : en 2017, selon l'INSEE, 29 % des ménages n'avaient pas accès à un point d'eau à l'intérieur de leur résidence principale, soit quasiment autant que les 30 % recensés en 2012. L'adoption de cet amendement permettrait de réaffirmer la nécessité de l'accès à l'eau et de la gratuité des mètres cubes nécessaires à la vie, pour garantir ce droit d'accès à l'eau.
La commission émet un avis défavorable, pour un motif relativement simple : la difficulté aujourd'hui pour Mayotte n'est pas tant le prix de l'eau que l'accès à l'eau. L'important, ce sont les investissements qu'il est nécessaire de réaliser pour que chacun ait de l'eau quand il se présente devant une borne-fontaine. La gratuité des premiers mètres cubes d'eau n'est pas vraiment l'enjeu pour Mayotte aujourd'hui.
La gestion de l'eau n'est pas une compétence de l'État. Toutefois, à Mayotte, l'État est aux côtés des communes : il fournit des ressources humaines en ingénierie, qui jouent un rôle important, et apporte des financements.
Dans le cadre du prochain contrat de convergence et de transformation, qui devrait être signé d'ici à la mi-juillet, l'État apportera, sur quatre ans, des financements de 56,43 millions d'euros pour l'eau potable et de 63,14 millions pour l'assainissement, soit 119,5 millions au total. C'est une somme importante au regard de celles que nous engageons dans les autres départements d'outre-mer, mais il est nécessaire de porter l'effort à ce niveau à Mayotte.
Madame la ministre, j'aimerais que vous nous expliquiez comment vous pouvez distinguer ce qui relève de la contractualisation ou du conventionnement – par exemple, l'extension de la piste de l'aéroport, le troisième quai à Longoni ou les investissements pour régler les problèmes d'alimentation en eau ; en la matière, les efforts sont partagés avec la collectivité territoriale de Mayotte et la population – et ce qui relève de la responsabilité régalienne de l'État ?
À la suite d'un référendum, la population de Mayotte a décidé d'être dans la République française. Or la République se permet d'appliquer une décote de 50 % sur les prestations de base comme le RSA, l'ASPA – allocation de solidarité aux personnes âgées – ou la couverture maladie universelle. Comment peut-on expliquer aux Mahorais que vous négociez, vous enlevez, vous amputez ce qui relève du droit régalien, au mépris du principe d'égalité, créant ainsi un problème de non-reconnaissance ? C'est ce que j'appelle la reconnaissance tronquée, la reconnaissance humiliante. Expliquez-nous comment vous en arrivez là !
Vous me répondrez que ce n'est pas vous, que cela résulte d'une décision de 2011. Je critique la décision prise sous Nicolas Sarkozy comme je critique toutes les décisions prises sous François Hollande, qui conduisent à un dépositionnement social du peuple mahorais.
L'amendement no 2 n'est pas adopté.
Il vise à relever le montant de la dotation au programme de rattrapage, en reprenant la proposition faite par les élus mahorais au sein de l'Association des maires de Mayotte. Nous proposons ainsi de porter le budget minimum à 1,8 milliard d'euros pour la période 2018-2028.
Nous nous appuyons notamment sur le rapport remis en 2016 par la Cour des comptes, qui indique que l'État semble s'être engagé dans « une forme de "rattrapage" implicite et partiel par rapport aux autres DOM, dans la mesure où l'effort budgétaire global par habitant à Mayotte demeure inférieur à celui consenti dans ces départements ». Il nous semble que l'ambition doit être plus forte pour ce rattrapage. Nous suggérons donc de retenir le montant proposé initialement, qui nous semble mieux adapté pour atteindre les objectifs visés par la proposition de loi.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à doubler le montant prévu à l'article 2.
Vous faites allusion à la proposition des maires de Mayotte. Or la sollicitation des maires a déjà reçu une première réponse – je fais preuve d'une grande rigueur intellectuelle – avec le plan d'urgence, qui comprenait la construction d'écoles et d'autres mesures de cette nature.
Je vous invite à retirer votre amendement pour éviter à nos collègues de vous opposer un vote défavorable.
L'amendement no 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
L'article 3 n'est pas adopté.
L'article 4 n'est pas adopté.
Il est important de préciser le contenu de cet article car, du fait de notre charge de travail, certains n'ont pas eu le temps de le lire complètement et d'en maîtriser le contenu. Il démontre que nous ne nous situons pas dans le même registre que le plan de convergence du Gouvernement. Il tend à arrêter les financements pour la construction des infrastructures suivantes : piste longue convergente à l'aéroport de Pamandzi, troisième quai de débarquement au port en eau profonde de Longoni, routes nationales, contournement et desserte routière de l'agglomération de Mamoudzou, réseau haut débit numérique, retenue d'eau collinaire d'Ourovéni, réseau d'équipements sportifs et transformation du centre universitaire en université dotée d'un institut universitaire de technologie.
Le contrat de convergence qui nous a été annoncé et dont on peut retrouver les détails dans le rapport, comme notre collègue Stéphane Mazars l'a souligné, prévoit, ainsi que l'a rappelé Mme la ministre, un montant de 1,6 milliards d'euros, dont 200 millions d'euros pour les infrastructures de santé, 140 millions pour l'eau et l'assainissement, 450 millions pour les équipements scolaires, 230 millions pour le logement et la politique de la ville, et 45 millions pour les infrastructures sportives. C'est loin de la trajectoire que nous vous proposons. On peut donc très bien accepter les objectifs que nous souhaitons fixer sans nuire en rien au périmètre du contrat de convergence en cours.
Madame la ministre, Mme la présidente a eu raison de refuser d'alourdir les débats, mais vous avez dit tout à l'heure que vous négociiez ce contrat avec d'autres partenaires. Or il comporte les éléments de contractualisation, au sens strict du terme, avec les autres partenaires, dans leurs champs de compétence, ainsi qu'un volet consacré à la valorisation de ce que l'État apporte en plus.
Je précise pour ceux qui ne le savent pas encore qu'à Mayotte, la décentralisation n'a pas atteint le même niveau qu'ailleurs. En effet, à Mayotte, les routes nationales, les lycées et collèges ou l'aéroport de Pamandzi restent de la compétence de l'État. Le périmètre proposé est donc très différent de celui du contrat de convergence, qui comporte, je le répète, un volet consacré à la contractualisation et un autre au champ extracontractuel, qui valorise à juste titre l'effort du Gouvernement en faveur du redressement de la situation de Mayotte. Cela n'affaiblit donc en rien les négociations engagées par le Gouvernement.
Vous avez raison de vouloir éclairer l'ensemble des parlementaires. Vous évoquez les compétences des différents acteurs et votre proposition de loi traite de deux projets forts, qui représentent des investissements importants : la piste longue de l'aéroport et le troisième quai de débarquement.
S'agissant des ports, je rappelle qu'ils relèvent de la compétence départementale et qu'un travail est mené avec le département. Celui-ci a fixé des priorités, dont la première consiste à remettre à niveau les infrastructures existantes, pour un montant fixé à 24 millions d'euros par le contrat conclu avec le département. Comme de nombreux élus et professionnels du territoire, le département insiste sur le fait que ce troisième quai n'est absolument pas indispensable, en tout cas dans les trois, quatre ou cinq premières années du contrat. En revanche, cette réflexion pourra être menée dans le cadre du plan de dix ans qui nous conduit jusqu'en 2030.
Nous ne soutenons donc pas des positions contraires, mais nous disons que, dans le contrat actuellement signé avec le département, l'action prioritaire porte sur la remise à niveau et la sécurité des quais existants, car c'est l'urgence, et que, dans un deuxième temps, pourra éventuellement intervenir l'installation d'un troisième quai, projet que Mayotte décidera ou non de porter.
Pour ce qui concerne la piste longue, l'amélioration de la desserte aérienne de Mayotte est une priorité du Gouvernement, qui figurait dans le plan d'urgence et pour laquelle 13,5 millions d'euros ont été engagés. J'ai dit voilà quelques mois à Mayotte que nous réaliserions des aménagements de sécurité sur la piste de l'aéroport. C'est fait. J'ai dit également que l'État lancerait une mission pour l'amélioration de la desserte aérienne. C'est également fait, et nous attendons le rapport. L'État s'engage à poursuivre l'étude du développement de l'aéroport de Mayotte.
Ce projet de piste longue se heurte toutefois aux informations nouvelles dont nous disposons, car il se situe sur la partie de Mayotte qui se trouve au niveau de la mer et, comme vous le savez, on a constaté l'apparition d'un volcan sous-marin qui atteint aujourd'hui 800 mètres et qui a des répercussions sous forme de séismes qui touchent Mayotte, avec des risques d'immersion, voire de tsunami, au sujet desquels nous attendons des études et des compléments d'information. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, des recherches scientifiques sont en cours et devraient nous permettre de disposer d'une cartographie des zones immergées. C'est malheureusement aussi cette partie de Mayotte qui s'enfonce de 10 centimètres par an. Je suis persuadée que, pour ce qui concerne ce projet de piste longue, ou plutôt rallongée – puisqu'on parle aujourd'hui de piste « convergente » – , vous partagez avec moi l'idée qu'il nous faut travailler d'urgence sur les informations supplémentaires dont nous disposons.
L'article 5 n'est pas adopté.
La ministre nous a dit tout à l'heure qu'elle reviendrait sur les questions d'égalité sociale. J'aurais donc souhaité qu'elle nous dise quelle est la trajectoire prévue. En effet, un engagement a été pris : on nous a assuré que tout serait mis en oeuvre dans un délai restreint – d'ici à 2025.
Madame la ministre, si nous faisons des élections, c'est pour demander à nos concitoyens s'ils sont d'accord avec ce qui a été fait et avec ce qui a été programmé. En 2012, les Français ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord avec les orientations de M. Nicolas Sarkozy. Dont acte. En 2017, ils ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord avec ce qu'avait fait François Hollande. Dont acte – et c'est ce qui justifie que nous nous trouvions ici aujourd'hui.
Nous ne pouvons pas ressasser sans cesse ce qui a été fait : le Gouvernement exerce sa responsabilité et reconnaît ses actes. Je souhaite donc simplement qu'il soit tenu compte des engagements pris, y compris par l'actuelle majorité. Ne me ramenez pas à 1930 : je n'étais pas né !
Sourires.
Je vous redis exactement ce que j'ai déjà dit : aujourd'hui, la trajectoire a pour horizon 2036, et c'est scandaleux. Je ferai tout, d'ici à la fin de l'année, pour que le projet qui sera présenté aux Mahoraises et aux Mahorais en vue du rééquilibrage le plus rapide possible de leurs droits puisse correspondre à votre souhait. Je l'ai dit et je serai au rendez-vous de la fin de l'année pour faire ces propositions. Il est en effet anormal qu'à Mayotte, le montant de l'AAH, l'allocation pour adulte handicapé, représente la moitié du montant national – et il en va de même pour toutes les autres prestations sociales. Mais je dois également avoir un débat sur les cotisations avec l'ensemble du territoire, car il nous faut, là aussi, accompagner les entreprises.
Ce sont deux sujets, mais ils doivent être traités en même temps avec les ministres concernés et nous aurons mis les choses à plat avant la fin de l'année. En toute honnêteté, il me semble en effet que nous avons, jusqu'à présent, davantage progressé sur les cotisations sociales des employeurs et des salariés à Mayotte que sur les droits. J'en suis persuadée, mais je ne dispose pas encore de l'ensemble des chiffres. Laissez-moi les obtenir, et nous serons, je l'espère, l'un à côté de l'autre avec un grand sourire, d'ici à la fin de l'année.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'article 6 n'est pas adopté.
L'article 7 n'est pas adopté.
L'article 8 n'est pas adopté.
L'article 9 n'est pas adopté.
Pour en avoir, là aussi, le coeur net, je vais vous lire, mes chers collègues, l'article 10 : « Les dotations, les subventions et les fonds de péréquation versés par l'État aux collectivités et aux syndicats de coopération intercommunale de Mayotte sont calculés à compter du 1er janvier 2020 sur la base du rapport d'audit et de préconisation prévu à l'article 11. À compter du 1er janvier 2021, les dotations, les subventions et les fonds de péréquation versés par l'État aux collectivités et aux syndicats de coopération intercommunale de Mayotte sont calculés sur la base du recensement de l'année précédente réalisé selon les modalités précisées à l'article 11. »
Madame la ministre, vous nous indiquez qu'un contrat de convergence est en discussion. Pouvez-vous dire, en regardant la représentation nationale les yeux dans les yeux, que ce contrat de convergence contient les mesures de rattrapage en matière de dotations aux collectivités locales ?
Chacun peut me juger sur mes propos et mes actes ; j'ai l'habitude de tenir mes engagements. Pour le reste, chacun fera ses commentaires.
Les dotations aux collectivités donnent lieu à débat, et pas seulement à Mayotte. Une mission vient d'être lancée sur ce thème, notamment sur la péréquation, avec le sénateur Patient. Vous considérez, au vu des derniers chiffres de l'INSEE, que la réalité démographique de Mayotte n'est pas suffisamment prise en compte, ou vous demandez des missions plus rapides.
Un système a été mis en place. Il donnera ses résultats le moment venu, mais nous avons un travail plus large à mener sur les dotations dans l'ensemble des outre-mer. J'espère que nous serons, sur ce point aussi, au rendez-vous de la fin de l'année, pour Mayotte comme pour les autres territoires.
Je rappelle néanmoins à tous que le rééquilibrage et la péréquation feront, pour l'ensemble des outre-mer, des gagnants et des perdants.
L'article 10 n'est pas adopté.
L'article 11 n'est pas adopté.
Les articles 12 et 13 comportent des dispositions relatives à l'environnement. Aujourd'hui, chacun se précipite pour se montrer plus vert que les Verts.
À Mayotte, nous sommes confrontés à un véritable enjeu en matière d'environnement.
D'après la lecture que nous en faisons, la proposition qui nous est faite par le Gouvernement en matière de trajectoire bas-carbone repose sur un chiffre de l'ordre de 80 %, alors que l'objectif est de 0 % pour l'ensemble du territoire. Pouvez-vous nous préciser les mesures que prévoit le contrat de convergence en la matière ? Serons-nous bien, à la fin de l'échéance, à 0 % d'énergies carbonées ?
L'article 12 n'est pas adopté.
Je présenterai également l'amendement no 5 , qui vient un peu plus tard, mais qui est lié à celui-ci.
Effectivement, monsieur le rapporteur, tout le monde est aujourd'hui animé par une haute conscience écologique. C'est dans cet esprit que l'amendement no 4 vise à supprimer l'alinéa 4 de cet article, car nous souhaitons donner l'alerte sur les conséquences néfastes de la méthanisation à outrance, laquelle serait contre-productive par rapport à l'objectif initial de préservation de l'environnement inscrit dans votre proposition de loi.
Il nous semble que ce modèle doit être évité compte tenu des risques d'accaparement des terres agricoles pour développer des cultures destinées aux méthaniseurs.
L'amendement no 5 , quant à lui, vise à demander qu'un rapport soit remis au Parlement sur les risques de ce procédé à l'échelle industrielle, qui peuvent également concerner l'ensemble des outre-mer. Il faut que nous soyons au clair sur ce type de dispositif si nous voulons vraiment mettre en oeuvre des politiques de développement durable, soutenables socialement et écologiquement.
La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements. À titre personnel, je suis défavorable au premier mais favorable au second.
L'amendement no 4 apparaît complètement coupé des réalités locales. En effet, Mayotte étant une île, il n'y a pas de ballets de camions qui parcourraient des kilomètres et des kilomètres. Il ne serait pas contraire à l'écologie de faire un peu de méthanisation en attendant d'atteindre les objectifs bas-carbone. Tout excès est insignifiant. Il est un peu démagogique d'imaginer que, du jour au lendemain ou en deux ans, l'énergie sera entièrement propre. Je ne peux donc pas soutenir cette démarche.
L'amendement no 5 , en revanche, constitue une initiative tout à fait salutaire et mérite d'être soutenu, puisqu'il s'agit de demander au Gouvernement de réfléchir à un plan de formation pour les jeunes, en particulier sur les questions liées à l'environnement.
L'amendement no 4 n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Matthieu Orphelin vise à mettre en valeur la « biodiversité marine et terrestre » mahoraise. Au-delà, comme cela a été dit lors de la discussion générale, il s'agit de valoriser Mayotte, alors que nous avons beaucoup parlé de ses problèmes et de ses retards ; il est bon de mettre aussi en avant ses atouts.
Par ailleurs, la richesse environnementale de Mayotte n'est pas seulement terrestre : l'île possède l'un des plus grands lagons du monde, le premier de l'Océan indien, et il mérite une attention particulière.
Trente-quatre lieux dans le monde sont considérés comme des « points chauds » – hotspots – de la biodiversité. La Polynésie, dont la surface est grande comme l'Europe, n'en compte que deux. C'est donc un atout pour Mayotte, mais aussi pour la France entière.
Je vois bien quel sort est réservé aux articles. Au-delà de ce qu'il adviendra de cet amendement, je souhaite que l'on retienne cette idée, que l'on n'oublie pas Mayotte dans nos plans consacrés à l'environnement. Il convient de valoriser les atouts spécifiques de chaque territoire.
Un grand merci, madame Sage, pour ces mots de sympathie à l'endroit du département de Mayotte.
La commission émet un avis défavorable. En ce qui me concerne, je le soutiens, car je suis attaché à l'idée qu'à Mayotte, nous avons reçu la biodiversité non pas de nos parents ou de nos ancêtres, mais de nos enfants et petits-enfants. Nous avons la lourde responsabilité de la léguer telle que nous l'avons reçue, à défaut de l'accroître.
J'ajoute que cet amendement correspond à la pensée même de M. Hulot, qui a siégé ici au banc du Gouvernement. S'il avait été là aujourd'hui, vous l'auriez tous acclamé, comme ministre d'État de la majorité ; je n'imagine pas que vous l'auriez contredit. Je vous invite donc à voter cet amendement en pensant à lui et pour l'inciter à revenir dans vos rangs.
Vous connaissez mon implication sur les questions liées à la biodiversité, sachant que 85 % de la biodiversité française se trouve dans les territoires d'outre-mer. Je me suis beaucoup battue pour que l'enveloppe dédiée leur soit allouée à la même hauteur. Le compte n'y est pas tout à fait, mais nous pouvons continuer à nous battre.
Mayotte possède, en effet, l'un des plus beaux lagons du monde. J'ai eu le plaisir d'y naviguer, et je vous confirme que ce fut pour moi un magnifique moment.
Des actions de protection mais, aussi, d'éducation en faveur des jeunes sont prévues dans le contrat de développement que le département signera avec l'État. Et 3,4 millions d'euros sont fléchés pour la biodiversité, ce qui est, très certainement, insuffisant compte tenu de la richesse mahoraise en la matière, mais c'est déjà un pas en avant car peu de choses ont été faites. Là encore, je souhaite que l'on aille beaucoup plus vite et beaucoup plus loin. Je m'y efforce, avec vous tous, au rythme qu'il est possible de tenir.
La déclaration que vous venez de faire, madame la ministre, est très importante. Je souhaite que vous franchissez le pas et réussissez ainsi à imposer à l'État, à la République, une véritable politique de reconnaissance, ni tronquée ni erronée. Il faut véritablement que vos propos soient traduits en actes.
Vous n'avez pas tout à fait répondu à mes questions tout à l'heure mais je vais en poser une autre à partir d'un exemple. Vous appliquez une décote de 50 % sur les prestations sociales de base. Vrai ou faux ? Pourquoi ne pas en appliquer une, dans tous les outre-mer, sur les services écosystémiques apportés par la nature ? Là, nul chiffrage ! M. Folliot en parle beaucoup lors de ses interventions, Mme Sage ne cesse de le faire également, nous le disons tous : 80 % de la biodiversité française est dans les outre-mer ; 97 % de la surface maritime nationale et 80 % de la surface maritime européenne sont dans les outre-mer. Quand avez-vous évalué les valeurs écosystémiques, les services écologiques rendus ? Combien cela vaut-il ? Combien cela vous rapporte-t-il ? Leur valeur est bien réelle !
Puisque vous appliquez des décotes aux Mahorais dans le cadre de la départementalisation, faites-en autant avec les valeurs – que vous n'avez pas estimées à ce jour – apportées par les lagons ! Essayez de répondre à mes questions ! Quand donc ouvrirez-vous un chantier d'identification et d'évaluation des valeurs écosystémiques apportées par l'outre-mer, de telle sorte que l'on puisse parler d'égal à égal ?
L'amendement no 7 n'est pas adopté.
L'amendement no 5 a été défendu par Mme Obono.
La commission et le Gouvernement ont donné leur avis.
L'amendement no 5 n'est pas adopté.
L'article 13 n'est pas adopté.
L'article 14 n'est pas adopté.
L'article 15 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 1 , portant article additionnel après l'article 15.
Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport établissant les besoins et perspectives induits par la transition écologique en matière de formation et d'emploi dans les différents secteurs économiques mahorais.
Là encore, nous l'avons beaucoup dit au cours de la discussion, il s'agit d'un enjeu majeur, non seulement pour Mayotte, mais pour l'ensemble de notre pays. Il est urgent d'investir dans l'éducation et la formation. Il nous semble donc nécessaire de disposer de la meilleure analyse possible des besoins et des potentiels en la matière. D'où cette demande de rapport.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement. À titre personnel, j'y suis favorable, car je considère que c'est une bonne initiative.
Je ne veux pas que vous pensiez que je ne veux pas vous répondre, monsieur Letchimy. Chacun souhaiterait que nous avancions, mais je vais d'autant plus prendre le temps de vous répondre que nous sommes d'accord sur le fond.
Des décotes sont effectivement appliquées sur les prestations sociales et les minima sociaux – ce qui n'est d'ailleurs pas exactement la même chose. Est-ce ou non normal ? La réponse est non… sauf qu'il faut prévoir une trajectoire pour atteindre un versement à 100 %, sans décote.
Vous me demandez, d'une manière un peu agressive, à quel moment une réflexion sera menée sur nos richesses en matière de biodiversité, nos étendues maritimes et nos forêts, et sur la manière de les valoriser. J'ai moi-même posé la question : quand reconnaîtra-on que les océans – la France dispose du deuxième domaine maritime au monde – , que les forêts – à Mayotte mais aussi dans l'Hexagone – constituent de véritables puits de carbone, et qu'ils ont donc une valeur française, européenne ?
Bien sûr ! Les territoires d'outre-mer doivent effectivement bénéficier d'un retour sur cette richesse inestimable.
Nous sommes d'accord. Cette réflexion fait déjà son chemin au sein du Gouvernement.
Je vous prie de m'excuser, madame Obono, j'allais oublier de vous répondre : j'émets un avis défavorable sur l'amendement…
Ayant siégé, comme moi, de nombreuses années dans cette assemblée, vous faites preuve d'une certaine impatience, monsieur Letchimy. Il faut maintenir notre dynamique et notre pression collective pour y parvenir.
Je reviens à l'amendement. Les besoins de formation dans les territoires d'outre-mer, notamment à Mayotte, doivent être cartographiés, en particulier en ce qui concerne les emplois verts et bleus. J'y crois fortement. Cela relève de la compétence du département, et nous y travaillons avec ce dernier. J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement.
L'amendement no 1 n'est pas adopté.
Ils visent à inciter le Gouvernement à réfléchir à ce que peut être le rôle économique du port de Longoni. Il s'agit d'une question majeure.
Mayotte – je le dis à l'attention de ceux qui ne s'y sont pas encore rendus – se situe à l'entrée nord du canal du Mozambique, lequel sépare Madagascar du continent africain. Dans les mois à venir, l'Afrique va développer des activités économiques considérables, notamment d'exploitation gazière. Nous pensons que nous pouvons prétendre participer à cette dynamique. Grâce à son port, Mayotte peut servir de base arrière à nos entreprises, mais aussi aux sociétés étrangères qui travaillent en Afrique. Nous pourrions bénéficier de retombées économiques considérables, y compris en matière d'emploi.
Les Mahorais qui négocient avec le Gouvernement sont conscients des enjeux et se battent pour que le port de Longoni devienne un port d'État. Nous souhaitons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport formulant des propositions pour l'évolution du port, tant sur le plan statutaire qu'au regard du rôle économique qu'il pourrait jouer.
Je ne suis d'ailleurs pas le premier à faire cette demande. Dans un référé du 16 octobre 2017, la Cour des comptes a appelé l'attention sur « l'intérêt de doter le port de Longoni d'un statut permettant à l'État de participer à sa gouvernance. Celui de grand port maritime de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion pourrait être un modèle, après analyse des conséquences juridiques et financières. » Je reprends cette proposition à mon compte et souhaite vous la faire partager. Nous ne pouvons pas rester sourds à l'invitation de la Cour des comptes.
Le port de Longoni relève de la compétence départementale. C'est donc avec le département et l'ensemble des élus que nous devons réfléchir aux problèmes de gouvernance, ce qui est l'une de nos priorités. L'État est là pour accompagner, avec le département, le délégataire chargé des études.
Le statut juridique et la gouvernance d'un grand port maritime diffèrent de ceux d'un port d'État – vers lequel certains souhaitent tendre. C'est un débat que Mayotte doit avoir, sur le territoire, avec l'ensemble de ses élus. L'État accompagnera cette réflexion.
Je crois que Mayotte peut effectivement jouer un rôle dans cette partie du monde. Vous dites qu'elle peut être une « base arrière » ; pour ma part, je parle souvent d'une « base d'avitaillement ». Il importe de positionner l'ensemble des territoires d'outre-mer, grâce à leurs aéroports ou leurs ports. Nous partageons votre point de vue sur ces questions, mais il faut y travailler avec le département.
Je fais écho aux propos de Mme la ministre. Nous prenons note de l'engagement de l'État en faveur d'une réflexion approfondie sur le canal du Mozambique. Quand nous nous sommes rendus à Mayotte, avec la commission des lois, en septembre 2018, on a appelé notre attention sur la nécessité de développer une stratégie à l'égard de cette zone, compte tenu notamment du développement de l'Afrique de l'Est. Je souscris donc aux propos du rapporteur à ce sujet, en me félicitant que l'État contribue à la réflexion.
Les porteurs de projets que nous avons rencontrés à la chambre de commerce et d'industrie nous ont fait part de leur volonté de mener des politiques économiques dynamiques sur ce territoire, tout en signalant les problèmes en matière d'infrastructures.
Avant le dernier vote sur ce texte, je souhaite vous dire, monsieur le rapporteur, que Mayotte a été au coeur de nos débats ce soir, mais que la volonté de mener une politique dynamique en faveur de nos outre-mer, en particulier de cette petite île, restera d'actualité. À l'occasion de notre déplacement, nous avons rencontré des gens chaleureux, qui croient à leur destin, à l'avenir, et qui pensent que, si nous avons de l'ambition pour ce territoire, tous les défis dont vous avez parlé, madame la ministre, pourront être relevés.
C'est une tâche difficile, ardue, qui exige des moyens, mais je crois que l'État est au rendez-vous. Je rappelle que 1,1 milliard d'euros sera consacré aux projets en faveur du développement de l'île, chiffre supérieur – c'est l'ironie de ce débat – à celui qui figure dans la proposition de loi de M. Kamardine.
Je ne vais pas lancer un débat sur les îles Éparses de l'océan Indien à cette heure avancée de la nuit, même si elles entretiennent un lien intime avec Mayotte. En effet, si vous me passez l'expression, Mayotte est, à certains égards, la « base arrière » des îles Éparses.
Comme vient fort justement de le souligner Stéphane Mazars, un certain nombre d'enjeux se dessinent dans le canal du Mozambique, qui devrait devenir, fort de ses énormes ressources gazières, la « mer du Nord du XXIe siècle ». Au milieu du canal se trouve l'île française de Juan de Nova, qui dispose de gisements gaziers avérés. Une question se pose, dont nous débattons au sein du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises : celle de la poursuite de la délivrance des permis d'exploration des ressources gazières sous Juan de Nova. Ce matin même, madame la ministre, vous nous avez communiqué des éléments rassurants à ce sujet, dans le cadre d'une audition par la délégation aux outre-mer.
Par ailleurs, le Président de la République nous a donné des assurances concernant le maintien de la souveraineté française sur ces îles, sachant que la vision de certaines autorités malgaches, qui spéculent sur un abandon de souveraineté de notre part, entre en totale contradiction avec les objectifs que nous évoquons. Stéphane Mazars, pour sa part, a fait référence à la coopération régionale.
L'adaptation du port de Longoni pour répondre aux besoins en matière de logistique et d'avitaillement est un enjeu majeur dans la perspective d'une éventuelle exploitation des ressources naturelles de la zone, par la France ou d'autres pays.
L'ensemble des articles et des amendements portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
La parole est à M. le rapporteur.
Au terme de nos échanges, mes chers collègues, je voudrais vous remercier, quel que soit le sens de votre vote. Je veux vous dire le plaisir que j'ai eu à partager avec vous l'ambition que nous nourrissons pour Mayotte. Épris de la vision du général de Gaulle, nous défendons la France en grand. La France ne peut être la France sans ses départements et territoires d'outre-mer. La France n'est belle, n'est grande, que lorsqu'elle s'adresse au monde et, pour cela, elle a besoin de ses satellites.
Vous avez formulé, les uns et les autres, des observations ; nous avons dressé un constat partagé ; je tiens à vous en remercier. Certains d'entre vous ont souhaité m'accompagner plus avant.
Madame la ministre, je vous remercie pour la qualité de nos débats. Nous avons toutefois un véritable désaccord sur ce que doit être le développement de Mayotte. Vous considérez qu'il faut continuer à construire des écoles ou des logements locatifs, ce qui est une bonne chose. Pour ma part, j'estime que, pour assurer le développement durable de cette collectivité et lui permettre d'aller plus loin, il nous faut édifier des bases, ce qui passe par les infrastructures.
Merci à vous tous, sur tous les bancs, pour ce constat partagé, même si nous sommes, à Mayotte, un peu déçus, car nous avons le sentiment d'avoir été, une fois encore, poussé hors des murs de la République. Mais nous allons continuer, comme nous savons le faire, à nous accrocher, jusqu'à ce que nous arrivions à bon port.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LaREM.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, rapporteure de la commission des affaires sociales.
C'est un honneur pour moi d'être rapporteure, devant cet hémicycle, de cette proposition de loi relative à l'accueil familial. Elle me tient tout particulièrement à coeur, d'une part parce que j'en suis à l'initiative, d'autre part parce que son examen permettra de sensibiliser à ce mode d'accueil trop peu connu. C'est aussi l'occasion pour nous de débattre de questions fondamentales : le vieillissement de la population, la prévention de la perte d'autonomie et, surtout, les conditions du bien-vivre et du bien-vieillir dans la dignité.
Le vieillissement de la population de notre pays est une réalité connue de tous. Pour vous rappeler quelques chiffres, le nombre de personnes de plus de 60 ans, aujourd'hui de 15 millions, passera à 24 millions en 2060. Dans le même temps, les plus de 85 ans passeront de 1,4 à 5 millions. Par ailleurs, on dénombre à l'heure actuelle 1,3 million de personnes âgées dépendantes.
Face à ce constat, nous ne pouvons pas dire, aujourd'hui, que toutes les conditions sont réunies pour assurer le bien-vieillir de nos concitoyens âgés ou en perte d'autonomie. Le modèle actuel n'est pas satisfaisant ; tous les signaux sont au rouge, comme l'ont démontré de nombreux travaux parlementaires et gouvernementaux. Il est donc urgent de sortir de ce modèle binaire qui propose soit le tout-domicile, soit le tout-EHPAD – établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – , sans offre alternative viable. Notre ambition doit être de proposer une solution d'accueil correspondant à chaque âge de la vie, à tout niveau de dépendance, de définir un vrai parcours de la personne accueillie, dans le respect de sa dignité.
À cet égard, j'ai trouvé très éclairant d'entendre le Comité consultatif national d'éthique, qui a rendu, en 2018, un avis sur les enjeux éthiques du vieillissement. Le Comité s'est interrogé, d'une part, sur les effets néfastes de la concentration des personnes âgées, présentant des niveaux de dépendance très différents, dans des établissements spécialisés, d'autre part, sur les conditions d'une meilleure intégration dans la société des personnes âgées en perte d'autonomie, qui seraient à même de garantir le bien-vivre, mais aussi le bien-vieillir ensemble. Le Comité a conclu qu'il était impératif de faire en sorte que le défi de la perte d'autonomie ne soit pas seulement traité comme un enjeu sanitaire, mais aussi, et surtout, comme un enjeu social et éthique. Il nous faut penser le bien-vivre jusqu'au terme de la vie, dans le respect de la dignité et en préservant le lien social.
En ce sens, l'accueil familial doit être encouragé, car il offre une solution souple de prise en charge des personnes âgées ou handicapées en perte d'autonomie. Il privilégie un lien de proximité entre l'accueillant et l'accueilli, et constitue une solution alternative humaine entre le tout-domicile et le tout-établissement. Je suis convaincue que la cohésion de notre société dépend de l'éclosion de nouvelles formes de solidarité, dont l'accueil familial fait partie.
L'accueil familial est un mode d'accueil et d'accompagnement temporaire ou permanent de personnes âgées ou en situation de handicap, mis en place il y a maintenant trente ans par la loi du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes. Les personnes sont accueillies au domicile d'un particulier, d'un couple ou d'une famille, en échange d'une rémunération. L'accueil familial offre ainsi un accompagnement personnalisé, chaleureux, tout en donnant la possibilité à la personne accueillie de participer à la vie de la famille et de développer des liens intergénérationnels.
L'accueil familial répond ainsi à trois enjeux fondamentaux de la perte d'autonomie : le respect de la dignité de la personne, la préservation de son autonomie et un accompagnement en accord avec sa volonté.
Pourtant, il peine à se développer et à se structurer comme une solution alternative viable à la prise en charge systématique en établissement spécialisé dès lors que le maintien à domicile n'est plus possible. Alors que ce dispositif existe juridiquement depuis 1989, seules 15 000 personnes vivent en accueil familial, pour environ 10 000 accueillants familiaux, tandis que 800 000 personnes sont hébergées en établissement.
Il existe plusieurs freins au développement de l'accueil familial : la méconnaissance du dispositif par les personnes âgées ou handicapées, la volonté inégale des départements de le développer, la lourde charge administrative pesant sur l'accueillant et l'accueilli, et la rémunération faible de l'accueillant, en outre très inégale d'un département à l'autre.
L'un des freins majeurs est, bien sûr, la précarité du statut d'accueillant familial dans le cadre du contrat de gré à gré.
La loi prévoit aujourd'hui la coexistence de deux statuts permettant d'exercer le métier d'accueillant familial.
Le statut historique, issu de la loi de 1989, prend la forme d'un contrat de gré à gré entre l'accueillant et l'accueilli. Il concerne près de 98 % des quelque 10 000 accueillants familiaux. Avec le contrat de gré à gré, les accueillants familiaux ne bénéficient pas du statut de salarié, ni donc de toute la protection qui lui est associée. Lorsque nous les avons auditionnés, les accueillants familiaux nous ont dit qu'ils se sentaient comme des travailleurs de second rang.
Le contrat de gré à gré présente deux problèmes majeurs. Tout d'abord, les accueillants familiaux ne sont pas couverts par le droit à l'assurance chômage. Cela signifie que, si la personne accueillie décède ou est hospitalisée pour une longue durée, l'accueillant perd, du jour au lendemain, toute rémunération s'il ne retrouve pas immédiatement une autre personne à accueillir. Il ne bénéficie alors ni du droit au chômage ni d'un accompagnement personnalisé.
Le second problème est l'obligation pesant sur l'accueillant familial d'assurer la continuité de l'accueil. Nombre d'accueillants familiaux se trouvent dans l'impossibilité de se faire remplacer pour prendre leurs congés, alors même qu'ils ont droit à trente jours de congés par an. J'ai rencontré des accueillants familiaux qui n'avaient pris ni repos hebdomadaire ni congés depuis six ans. On voit bien que cette obligation les expose à un risque majeur d'usure professionnelle.
La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, a introduit le second statut, celui de salarié, pour les accueillants familiaux, ceux-ci pouvant être employés par des personnes morales de droit public ou de droit privé autorisées par le département. Ils peuvent ainsi bénéficier de l'ensemble des droits sociaux rattachés au salariat.
Toutefois, l'accueil familial salarié demeure extrêmement marginal et confidentiel, car il peine à se développer, alors que cette possibilité existe depuis 2007. On considère aujourd'hui qu'il ne concerne que 2 % des accueillants familiaux. Ce chiffre peut étonner au regard du niveau de protection qu'offre le statut de salarié.
Les organismes que j'ai auditionnés ont relevé deux freins au développement de l'accueil familial salarié : d'une part, la réticence des départements, qui exercent la compétence sociale, à autoriser une personne morale à utiliser le salariat ; d'autre part, le faible intérêt des établissements sociaux et médico-sociaux à développer cette forme d'accueil. À cet égard, nous pouvons nous interroger sur l'une des préconisations du rapport Libault, qui consisterait à restreindre le salariat aux seuls établissements sociaux et médico-sociaux.
Je suis convaincue que l'avenir de l'accueil familial repose sur la consolidation du statut d'accueillant familial par le biais de la systématisation du salariat, celui-ci étant déjà prévu par le code de l'action sociale et des familles.
Les avantages pour les accueillants familiaux sont nombreux : la détention d'un véritable contrat de travail donnant accès à l'ensemble de la protection sociale qui lui est associée, notamment l'ouverture des droits à l'allocation chômage ; un droit à congé effectif, puisque les modalités de remplacement de l'accueillant sont à la charge de l'employeur, de même que la charge administrative. Par ailleurs, alors que le contrat de gré à gré implique une relation binaire dans laquelle l'accueilli paie l'accueillant, le salariat repose sur un modèle triangulaire, liant la personne morale, l'accueillant et l'accueilli. Cela tend à démonétiser la relation entre l'accueillant et l'accueilli, ce qui permet à l'accueillant de se recentrer sur son coeur de métier, à savoir l'accueil et l'accompagnement.
Aussi, la proposition de loi vise à systématiser, sur l'ensemble du territoire, le salariat des accueillants familiaux. L'agrément serait toujours délivré par le président du conseil départemental. L'obligation de salariat a suscité quelques inquiétudes lors du débat en commission des affaires sociales. Certains d'entre vous se sont interrogés sur le devenir des 10 000 accueillants familiaux employés actuellement dans le cadre d'un contrat de gré à gré. Je veux les rassurer : ces accueillants familiaux pourront rester dans ce même cadre, puisque les deux statuts continueront à figurer dans le code de l'action sociale et des familles.
Certains d'entre vous ont proposé d'étudier un contrat de gré à gré aménagé, ouvrant droit à l'allocation chômage.
À l'heure où la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées dans les établissements atteint ses limites du point de vue de la capacité d'accueil, de la bientraitance et du coût, l'accueil familial offre une solution alternative humaine en matière d'accompagnement et d'hébergement, qui est insuffisamment développée et trop méconnue. Il me semble que la systématisation du salariat est un réel moyen de développer l'accueil familial.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Les débats ont été vifs en commission. Force est de constater que cette proposition de loi ne fait pas l'unanimité, même si elle a le mérite d'ouvrir le débat.
Les travaux conduits par Dominique Libault l'ont bien montré, les Français souhaitent préserver la liberté de choix quant à leur lieu d'accueil, avec une préférence très marquée pour le maintien à domicile, mais également une claire conscience des risques d'isolement et de la charge qu'il implique pour les proches aidants.
Le développement de l'accueil familial peut être une solution. Environ 6 000 personnes âgées sont accueillies dans ce cadre. La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a amélioré la qualité et la sécurité des accueils, ainsi que la prise en compte des besoins et des attentes des personnes accueillies.
Nous partageons avec vous l'objectif de développer l'accueil familial, mais non les solutions que vous préconisez. Nous estimons que le débat n'est pas mûr et que plusieurs pistes doivent être étudiées pour renforcer les liens entre les accueillants et les autres acteurs professionnels présents sur le territoire.
Je présenterai la position du Gouvernement sur chacune des dispositions de l'article 1er, qui constitue l'article cadre de votre proposition de loi.
La première mesure consiste à rendre obligatoire le salariat des accueillants familiaux par une personne morale. Aujourd'hui, le recours à ce statut est possible, mais il est soumis à de nombreuses contraintes. La personne morale employeur doit recueillir l'accord préalable du conseil départemental. La réglementation est complexe, constituée par un ensemble de dispositions du code de l'action sociale et des familles, du code du travail, voire du statut des agents non titulaires de la fonction publique territoriale.
Les modalités d'organisation sont spécifiques : en application de la directive européenne sur le temps de travail, la loi interdit aux accueillants familiaux salariés de travailler plus de 258 jours par an. Cette règle oblige les accueillants à accueillir davantage de personnes pour bénéficier d'un revenu correct et fait du remplacement un problème quasi insoluble pour les employeurs, à moins d'organiser l'accueil dans des logements dédiés, comprenant des espaces réservés à l'accueillant, aux personnes accueillies, mais aussi aux remplaçants.
Le salariat des accueillants familiaux entraîne également des coûts supplémentaires par rapport au gré à gré : l'employeur doit faire face à des frais de gestion, au coût du remplacement des accueillants, au coût des indemnités dues à l'accueillant en cas de départ de la personne accueillie, aux charges supplémentaires liées à la couverture chômage obligatoire des accueillants et aux indemnités dues en cas de rupture de leur contrat. L'ensemble de ces charges induit, vous en conviendrez, un coût de l'accueil plus élevé pour les personnes accueillies et une rémunération moindre pour les accueillants familiaux.
Compte tenu de ces contraintes, le salariat des accueillants familiaux est aujourd'hui quasi inexistant : plus de 98 % des accueillants familiaux exercent leur activité dans le cadre d'une relation directe, dite de gré à gré, avec la personne accueillie. Par ailleurs, les quelques expériences d'accueil familial salarié mises en oeuvre à ce jour n'ont pas été concluantes. Dans ce contexte, si l'on rendait obligatoire le salariat des accueillants familiaux, la quasi-totalité des accueillants familiaux risquerait de disparaître.
Vous proposez également de revaloriser l'indemnité journalière représentative des frais d'entretien, en portant les montants minimum et maximum de cette indemnité, actuellement fixés respectivement à deux et cinq fois le minimum garanti, à quatre et sept fois ce minimum garanti. Si cette mesure peut sembler légitime sur le fond, puisqu'elle permettrait de mieux prendre en compte les frais induits par l'accueil – je pense en premier lieu à l'alimentation, aux dépenses d'hygiène et aux dépenses énergétiques – , elle appelle de la part du Gouvernement deux remarques.
D'abord, le vecteur juridique ne nous semble pas adapté, puisque les modalités de fixation des montants minimum et maximum de cette indemnité relèvent non pas de la loi, mais du règlement. Ces modalités devraient donc être modifiées par un décret, et non par une loi.
Surtout, elle entraînerait une hausse significative des dépenses à la charge des personnes accueillies : pour un accueil permanent, soit la quasi-totalité des accueils, la revalorisation proposée aboutirait à une hausse de 217 euros par mois des montants minimum et maximum de l'indemnité, à la charge exclusive des personnes accueillies, puisque l'indemnité d'entretien ne figure pas dans le périmètre des dépenses prises en charge par l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap ou l'aide sociale. Il est à craindre que de nombreuses personnes accueillies ne puissent assumer cette dépense supplémentaire et se détournent de l'accueil familial. In fine, on peut craindre que cette mesure n'aille à l'encontre de l'objet même du texte.
Vous proposez ensuite – c'est la troisième disposition de l'article 1er – d'interdire aux départements de délivrer des agréments pour l'accueil d'un nombre de personnes inférieur à celui demandé par le candidat à l'agrément. Cela vise à mettre fin à la pratique de certains départements qui limitent systématiquement les nouveaux agréments à l'accueil d'une seule personne, quel que soit le nombre de personnes que souhaite accueillir le candidat à l'agrément. Or la motivation de ce type de décisions d'agrément a été modifiée, les départements étant désormais contraints de motiver « toute décision d'agrément ne correspondant pas à la demande, notamment en termes de nombre, de catégories de personnes susceptibles d'être accueillies ou de temporalités de l'accueil ».
Il n'est pas souhaitable d'aller plus loin en interdisant la délivrance d'agréments pour l'accueil d'un nombre de personnes inférieur à celui demandé par le candidat à l'agrément, car les départements seraient alors contraints de refuser l'agrément si le nombre de personnes paraît inadapté au vu des conditions de logement proposées ou des aptitudes du candidat.
Il convient de laisser la possibilité aux départements d'évaluer, à l'aune des critères d'agrément, si la demande du candidat est adaptée, et de fixer des limites à l'agrément le cas échéant. Au demeurant, l'obligation de motiver toute décision ne correspondant pas à la demande permet de limiter les pratiques abusives en la matière.
Enfin, vous proposez d'étendre aux accueillants familiaux le droit au répit instauré pour les proches aidants. Or la situation des accueillants familiaux ne peut être tout à fait assimilée à celle des proches aidants. En effet, les accueillants familiaux sont des professionnels rémunérés, disposant du droit à congés. Ceux-ci sont financés par le biais de l'indemnité de congé versée en complément de leur rémunération. Durant leurs périodes d'absence, les accueillants familiaux organisent leur remplacement, sans surcoût pour la personne accueillie, laquelle rémunère alors le remplaçant en lieu et place de l'accueillant.
À l'aune de ces observations, il apparaît que les questions posées sont justifiées et méritent une réflexion spécifique, afin que nous puissions apporter collectivement des réponses aux secteurs concernés, ainsi qu'aux premiers bénéficiaires, à savoir les accueillants et les accueillis.
Il faut consolider l'accueil familial du point de vue des accueillants familiaux, en améliorant leur statut, en rendant plus effectif leur droit à congé et en limitant les disparités territoriales en matière d'agrément ainsi que de financement, par le biais des aides sociales – y compris les aides extralégales – , tout en garantissant aux personnes accueillies un accueil de qualité à un coût maîtrisé.
L'équilibre entre les divers aspects de la question est subtil. Il n'existe a priori aucune solution miracle. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi.
Toutefois, celle-ci nous engage à approfondir le sujet. Comme vous le savez, Agnès Buzyn présentera en fin d'année un projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Les travaux à venir permettront d'enrichir la réflexion à ce sujet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Étant donné que nous n'aurons pas le temps d'achever la discussion générale avant la levée de la séance, j'aimerais répondre à Mme la secrétaire d'État sur plusieurs points.
Madame la secrétaire d'État, vous affirmez que le salariat obligatoire présenterait un danger pour les accueillants familiaux. Toutefois, si nous maintenons la situation qui prévaut actuellement, dans laquelle deux types de contrats coexistent, à savoir le gré à gré et le salariat, ce dernier ne progressera pas. Il faut donc le systématiser.
Introduit en 2007, l'accueil familial salarié ne concerne que 2 % des accueillants familiaux. Nous nous sommes interrogés sur les causes de cette situation, alors même que le salariat offre des garanties supplémentaires, notamment en matière d'allocation chômage, qui est un aspect essentiel de la question.
Nous nous sommes rendu compte que les départements, détenteurs de la compétence en matière d'action sociale, peinent à autoriser des personnes morales devenir employeur dans ce domaine ; il y a là un premier frein. Le second frein réside dans le fait que très peu de personnes morales, notamment parmi les établissements sociaux et médico-sociaux, souhaitent développer l'accueil familial. Peut-être faut-il donc s'interroger...
Je n'avais pas compris, madame la rapporteure, que vous souhaitiez intervenir sur le fond. Or il est d'usage que le rapporteur ne reprenne la parole qu'à l'issue de la discussion générale. Je vous invite à achever rapidement votre propos, afin que nous puissions entendre la première oratrice inscrite dans la discussion générale avant la fin de la séance.
Dans ce cas, j'évoquerai l'indemnité représentative des frais d'entretien. Vous affirmez, madame la secrétaire d'État, que son augmentation induirait un reste à charge plus élevé pour la personne accueillie.
Comme vous le savez, son montant est fixé par le département à un niveau compris entre deux et cinq fois le minimum garanti. Il en résulte une forme d'iniquité majeure, car la même personne ne paiera pas le même reste à charge selon le département où elle est accueillie.
Dans mon département de Saône-et-Loire, nous avons choisi de rémunérer l'accueillant avec une indemnité représentative des frais d'entretien fixée à 3,5 fois le minimum garanti. Si nous portions ce montant à quatre fois le minimum garanti – la proposition de loi vise à relever le minimum et le maximum de l'indemnité respectivement à quatre et sept fois le minimum garanti – , il en résulterait une augmentation de 45 euros par mois. Nous resterions donc très en deçà du coût de la prise en charge en EHPAD.
La proposition de loi soumise à notre examen vise à développer l'accueil en famille des personnes âgées et handicapées. Ce texte s'inscrit donc dans l'actualité, tout en répondant à une véritable urgence : repenser, sans plus attendre, les modes d'accompagnement de nos aînés et des plus fragiles, en offrant une solution alternative solide et juste au tout-domicile et au tout-EHPAD.
Moins coûteux, plus respectueux de la dignité de la personne et de la préservation de son autonomie, le dispositif des accueillants familiaux existe depuis trente ans. Pourtant, il peine à être connu et reconnu : 15 000 personnes seulement vivent en accueil familial, pour environ 10 000 accueillants familiaux.
Plusieurs réformes récentes se sont efforcées de favoriser le développement de l'accueil familial. Le dernier texte en date, la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, a introduit plusieurs avancées, dont une obligation de formation renforcée des accueillants, un référentiel d'agrément au niveau national, un assouplissement de la limitation de la capacité d'accueil et un élargissement des possibilités de rémunération des accueillants familiaux.
Les faiblesses et les écueils de ce dispositif sont multiples, de la fragilité du statut des accueillants familiaux à la limitation du nombre de personnes accueillies, en passant par une rémunération faible et l'absence de droit au répit.
La présente proposition de loi vise donc à lever plusieurs freins qui font obstacle au nécessaire développement de ce mode d'accompagnement.
La précarité du statut d'accueillant familial étant le principal de ces freins, le texte prévoit de systématiser le salariat, en rendant obligatoire l'emploi des accueillants familiaux par une structure tierce, tout en maintenant le contrat d'accueil écrit préexistant.
Le recours au statut de salarié est possible depuis l'entrée en vigueur, en 2007, de la loi DALO. Pourtant, il ne concerne aujourd'hui que 2 % des accueillants. Ainsi, nous n'inventons rien ; nous généralisons, pour garantir à tous les accueillants un accès aux droits sociaux et à la protection sociale.
Enfin, les accueillants familiaux ne bénéficient pas du droit au répit créé par la loi du 28 décembre 2015 pour les proches aidants de personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie. Ce texte vise à le leur étendre, ce qui représenterait une avancée significative, sachant que nombre d'entre eux n'ont pu prendre aucun congé pendant des années !
Nous partageons un même diagnostic. Si la proposition de loi comporte des angles morts, reconnaissons tous qu'elle ouvre un débat crucial qu'il faut approfondir. Par conséquent, sortons des dogmes et laissons vivre le texte ! Le groupe Les Républicains soutient la proposition de loi avec force et conviction.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En application du quatrième alinéa de l'article 50 du règlement, qui prévoit que la dernière séance de la journée s'achève à une heure du matin, je vais lever la séance.
Prochaine séance, lundi 24 juin, à seize heures :
Discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace.
La séance est levée.
La séance est levée, le vendredi 21 juin, à une heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra