C'est un honneur pour moi d'être rapporteure, devant cet hémicycle, de cette proposition de loi relative à l'accueil familial. Elle me tient tout particulièrement à coeur, d'une part parce que j'en suis à l'initiative, d'autre part parce que son examen permettra de sensibiliser à ce mode d'accueil trop peu connu. C'est aussi l'occasion pour nous de débattre de questions fondamentales : le vieillissement de la population, la prévention de la perte d'autonomie et, surtout, les conditions du bien-vivre et du bien-vieillir dans la dignité.
Le vieillissement de la population de notre pays est une réalité connue de tous. Pour vous rappeler quelques chiffres, le nombre de personnes de plus de 60 ans, aujourd'hui de 15 millions, passera à 24 millions en 2060. Dans le même temps, les plus de 85 ans passeront de 1,4 à 5 millions. Par ailleurs, on dénombre à l'heure actuelle 1,3 million de personnes âgées dépendantes.
Face à ce constat, nous ne pouvons pas dire, aujourd'hui, que toutes les conditions sont réunies pour assurer le bien-vieillir de nos concitoyens âgés ou en perte d'autonomie. Le modèle actuel n'est pas satisfaisant ; tous les signaux sont au rouge, comme l'ont démontré de nombreux travaux parlementaires et gouvernementaux. Il est donc urgent de sortir de ce modèle binaire qui propose soit le tout-domicile, soit le tout-EHPAD – établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – , sans offre alternative viable. Notre ambition doit être de proposer une solution d'accueil correspondant à chaque âge de la vie, à tout niveau de dépendance, de définir un vrai parcours de la personne accueillie, dans le respect de sa dignité.
À cet égard, j'ai trouvé très éclairant d'entendre le Comité consultatif national d'éthique, qui a rendu, en 2018, un avis sur les enjeux éthiques du vieillissement. Le Comité s'est interrogé, d'une part, sur les effets néfastes de la concentration des personnes âgées, présentant des niveaux de dépendance très différents, dans des établissements spécialisés, d'autre part, sur les conditions d'une meilleure intégration dans la société des personnes âgées en perte d'autonomie, qui seraient à même de garantir le bien-vivre, mais aussi le bien-vieillir ensemble. Le Comité a conclu qu'il était impératif de faire en sorte que le défi de la perte d'autonomie ne soit pas seulement traité comme un enjeu sanitaire, mais aussi, et surtout, comme un enjeu social et éthique. Il nous faut penser le bien-vivre jusqu'au terme de la vie, dans le respect de la dignité et en préservant le lien social.
En ce sens, l'accueil familial doit être encouragé, car il offre une solution souple de prise en charge des personnes âgées ou handicapées en perte d'autonomie. Il privilégie un lien de proximité entre l'accueillant et l'accueilli, et constitue une solution alternative humaine entre le tout-domicile et le tout-établissement. Je suis convaincue que la cohésion de notre société dépend de l'éclosion de nouvelles formes de solidarité, dont l'accueil familial fait partie.
L'accueil familial est un mode d'accueil et d'accompagnement temporaire ou permanent de personnes âgées ou en situation de handicap, mis en place il y a maintenant trente ans par la loi du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes. Les personnes sont accueillies au domicile d'un particulier, d'un couple ou d'une famille, en échange d'une rémunération. L'accueil familial offre ainsi un accompagnement personnalisé, chaleureux, tout en donnant la possibilité à la personne accueillie de participer à la vie de la famille et de développer des liens intergénérationnels.
L'accueil familial répond ainsi à trois enjeux fondamentaux de la perte d'autonomie : le respect de la dignité de la personne, la préservation de son autonomie et un accompagnement en accord avec sa volonté.
Pourtant, il peine à se développer et à se structurer comme une solution alternative viable à la prise en charge systématique en établissement spécialisé dès lors que le maintien à domicile n'est plus possible. Alors que ce dispositif existe juridiquement depuis 1989, seules 15 000 personnes vivent en accueil familial, pour environ 10 000 accueillants familiaux, tandis que 800 000 personnes sont hébergées en établissement.
Il existe plusieurs freins au développement de l'accueil familial : la méconnaissance du dispositif par les personnes âgées ou handicapées, la volonté inégale des départements de le développer, la lourde charge administrative pesant sur l'accueillant et l'accueilli, et la rémunération faible de l'accueillant, en outre très inégale d'un département à l'autre.