La proposition de loi relative à la programmation du rattrapage et au développement durable de Mayotte vise à lutter contre les retards d'équipement et contre les retards constatés dans la mise en oeuvre des droits sociaux dans ce département, et de faire de celui-ci un territoire zéro carbone, objectif environnemental que nous ne pouvons que partager.
Monsieur le rapporteur, vous prévoyez une programmation financière pour un effort exceptionnel de rattrapage des infrastructures. Bien entendu, les membres du groupe Socialistes et apparentés s'accordent pour reconnaître le caractère inacceptable de ces retards.
Mayotte est une terre riche et belle, qui réunit tant d'hommes et de femmes aux histoires, aux cultures, aux traditions et aux langues variées. Cette diversité, la France se fait un honneur de la rassembler en un projet commun. Mayotte est une terre française depuis 1841. À chaque référendum ou consultation – en 1974, 1976 et 2000 – , les Mahorais ont confirmé leur attachement à la France, leur lien charnel à notre patrie et leur désir indéfectible de continuer à prendre place au sein de notre République.
Mayotte a attendu plus d'un demi-siècle pour accéder à cet idéal qui lui était si cher : devenir un département français. Le combat pour la départementalisation a mobilisé plusieurs générations. En 2009, ce fut le choix de la République. Certes, ce choix nous honore ; en même temps, il nous oblige.
Je sais combien il a généré des mutations importantes et de profonds bouleversements pour Mayotte, pour les Mahorais et pour l'équilibre général de la société. Je connais les craintes et les incompréhensions qui se sont élevées parmi nos concitoyens. Notre responsabilité a toujours été d'y répondre et de relever tous les défis qui se présentent à nous. Le mal-développement, le déficit d'infrastructures, la pression migratoire et les difficultés rencontrées par la jeunesse ne sont pas encore derrière nous.
Les étapes de la mise en oeuvre de la départementalisation ont été inscrites, il y a de cela dix longues années, dans le pacte pour la départementalisation de Mayotte. Puis, dès 2012, le Président François Hollande a fait en sorte que le processus de convergence vers le droit commun soit accéléré et qu'il aille plus vite que ne le prévoyait le pacte pour la départementalisation. La revalorisation du RSA et l'indexation en ont été les premières étapes. La méthode fut déclinée en trois temps, que je ne rappellerai pas.
La proposition de loi que nous examinons maintenant comprend tout d'abord un volet de programmation financière à travers un effort exceptionnel temporaire de rattrapage des infrastructures et des dispositifs d'appui au développement économique et social : 99,5 millions d'euros par an en moyenne, sur une période de dix ans. Si son auteur demande un rattrapage des crédits alloués, c'est qu'à Mayotte, la consommation des crédits est sensiblement moins importante que dans les autres collectivités des outre-mer.
Il prévoit ensuite un ensemble d'actions à mener sur le plan des infrastructures. Il s'attache notamment à un certain nombre de gros dossiers significatifs pour le développement du cent unième département : le développement du port en eau profonde de Longoni ; le prolongement de la piste de l'aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi ; la construction d'une nouvelle piste convergeant avec la piste actuelle ; une amélioration des transports routiers, avec une évolution du plan global de transports et de déplacements.
Il prévoit aussi une augmentation des effectifs du Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte, supérieure à celle prévue dans le contrat de plan État-région.
Il souligne les difficultés afférentes à la gestion de l'eau, malgré le plan d'urgence eau, estimant que le contrat de progrès signé en juillet 2018 n'apporte pas suffisamment de moyens pour cette nécessité vitale qu'est l'eau.
L'égalité sociale fait l'objet du troisième axe de ce texte. Alors que la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite « EROM », fixait l'objectif d'une égalité entre les outre-mer et la métropole, ce département français souffre d'un sérieux retard : le code de la sécurité sociale n'y est pas applicable de plein droit ; une décote de 50 % est appliquée à de nombreuses prestations de base ; beaucoup de dispositifs sociaux n'y sont pas appliqués. Il convient de mettre ces inégalités sociales en regard de deux données essentielles : Mayotte détient le record de pauvreté, puisque 84 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté, et le record de coût du panier moyen des produits de consommation courante, qui accuse un surcoût de plus de 73 % par rapport à la moyenne nationale. À cet égard, la proposition de loi prévoit l'application du code de la sécurité sociale à Mayotte au 1er janvier 2020 et la production d'un rapport du Gouvernement sur l'ouverture de certains dispositifs sociaux et l'alignement des montants des minima sociaux au niveau de ceux qui prévalent dans l'Hexagone.
Elle vise également un approvisionnement énergétique plus soucieux de l'environnement, car la production actuelle d'électricité est thermique à 95 %, alors que l'île, très ensoleillée, devrait davantage produire de l'électricité photovoltaïque. La préservation de l'environnement constitue le cinquième axe de cette proposition de loi, car, avec sa barrière de corail de 195 kilomètres, ce territoire recèle 25 % de la biodiversité récifale mondiale. Les dispositions du texte déterminent les dispositifs d'assainissement des eaux usées, de gestion des déchets et de production d'énergie bas carbone faisant l'objet d'un appui.
En outre, le rapporteur veut voir réalisés, dans la perspective des prochains Jeux de l'océan Indien, que Mayotte pourrait organiser en 2027, des équipements sportifs modernes.
Sur la question du logement, épineuse dans les outre-mer, et plus encore à Mayotte, les articles 116 et 117 de la loi EROM ont posé les bases d'une réforme foncière, en instaurant des titres de propriété et la mise en place d'une commission d'urgence foncière, qui apportera son expertise aux particuliers souhaitant régulariser leur situation. L'article 114 a d'ailleurs prévu que l'État cédera ses terrains à l'établissement public foncier de Mayotte à titre gratuit, afin de faciliter la construction de logements sociaux, de services publics ou d'écoles.
Le quatrième volet de la proposition de loi porte sur les dotations aux collectivités. Des dispositions visent à asseoir le calcul des dotations aux collectivités sur la base d'une population réelle à réactualiser, ainsi qu'à doter les collectivités mahoraises d'un fonds temporaire de rattrapage des dotations, lesquelles sont largement sous-évaluées depuis la départementalisation.
La proposition de loi porte sur des questions réelles et urgentes, mais il nous faut comprendre comment elle s'articule avec les autres textes législatifs. Si, sur le fond, cher Mansour Kamardine, vous avez sans doute raison, nous devons savoir comment les crédits énoncés dans la proposition de loi vont s'articuler avec les dispositions de la loi EROM, avec les contrats de convergence signés l'année dernière, qui sont en cours de mise en oeuvre, avec les contrats du plan d'urgence eau, eux aussi en cours de mise en oeuvre, et avec la loi de finances, qui réajuste annuellement les crédits.
Nous ne sommes pas en désaccord avec les nombreux points que vous avez soulignés. Nous saluons d'ailleurs votre travail et votre volonté de sortir ce territoire d'un long retard. Mayotte est une île au potentiel considérable. Ses élus ne peuvent plus se contenter de faire des promesses, comme Mayotte ne peut plus se contenter de faire des constats. Nous devons être au rendez-vous de l'espoir qu'ils ont fait naître. La départementalisation doit être au service d'un modèle de développement. Mayotte a besoin d'un soutien sans faille de l'État, comme l'État a besoin d'un soutien sans faille de Mayotte pour l'aider à mettre en place les bases solides d'une départementalisation réussie.
Tâchons d'être à la hauteur de l'ambition de Mayotte. Sortons des considérations politiques. C'est ce que Mayotte attend. C'est ce que Mayotte exige. C'est ce que Mayotte mérite.
Les constats sur lesquels se fonde ce texte sont indéniablement partagés, mais le groupe Socialistes et apparentés, que je représente, s'inquiète de ce qui pourrait n'être qu'une simple posture politique. C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, il m'a chargé de vous dire que, compte tenu des raisons que j'ai citées et en attendant les réponses qu'il a demandées, il s'abstiendra.