Nous voici réunis pour débattre de la proposition de loi de notre collègue Mansour Kamardine, dont l'examen intervient au moment où Mayotte traverse un grave épisode de violences urbaines. Au nom du groupe GDR, je souhaite lui témoigner, ainsi qu'à l'ensemble des Mahorais, notre amitié et notre solidarité dans ce moment difficile. J'ai une pensée particulière pour les habitants de Passamaïnty ainsi que pour les forces de l'ordre, mobilisées face au gang se faisant appeler « brigade anti-BAC », qui sème la terreur dans ce quartier de la capitale. Député de Guyane, où sévit aussi un climat de violence délétère, je ne peux que sympathiser et appeler l'État à la plus grande fermeté dans sa réponse. Il y va de sa capacité à défendre l'intégrité de l'ensemble du territoire de la République.
Je veux également remercier, une fois n'est pas coutume, les collègues du groupe Les Républicains et leur président, d'avoir saisi l'urgence de la situation et d'avoir inscrit à l'ordre du jour de leur niche parlementaire ce texte qui a le mérite de porter à l'attention de la représentation nationale la réalité du cent unième département français.
J'évoquais à l'instant la nécessité d'une réponse ferme de la part de l'État face aux phénomènes de violence. Cependant, si elle est nécessaire, elle ne réglera pas tout. En effet, le développement économique et social de Mayotte ne peut pas se passer d'un ensemble de solutions adaptées aux réalités du territoire et concertées avec les acteurs locaux.
Bien évidemment, nous devons nous poser la question des financements – d'où cette proposition de loi. Certes, on ne part pas de rien : il faut reconnaître l'engagement fort pris par le Président François Hollande, soutenu par l'ensemble des parlementaires ultramarins de sa majorité, dont je faisais partie, notamment avec le plan Mayotte 2025, signé le 13 juin 2015 à Mamoudzou.
Cet acte fondateur devait marquer le début d'une nouvelle ère, avec un engagement de l'État pour dix ans et la volonté de conduire le territoire vers la voie du droit commun. Il s'agissait de faire de Mayotte un département à part entière et d'honorer ainsi la volonté des Mahorais, renouvelée sans cesse depuis 1974.
La loi portant égalité réelle, que nous avons votée en février 2017, prévoit, quant à elle, de mettre en place des contrats de convergence et de transformation, qui doivent se décliner sur tous les territoires ultramarins. Leur mise en place accuse un retard regrettable, mais il semblerait, madame la ministre, que vous vous soyez engagée à nous les présenter dans deux semaines, en compagnie de M. le Premier ministre. Dont acte.
Le plan de convergence pour Mayotte, en particulier, doit permettre d'appliquer le plan d'action pour l'avenir pour Mayotte. Apparemment, il se substitue à l'engagement de 2015. Soit. Nous serons donc extrêmement vigilants pour que ce plan de convergence soit conforme aux attentes et aux engagements précédents, et pour qu'à la fin, le compte y soit. Nous autres, ultramarins, ne sommes que trop habitués aux petits tours de passe-passe, à l'image de ce à quoi nous avons eu droit en Guyane, où les fortes dotations annoncées semblent s'être envolées à mesure que le pacte d'avenir se transformait en plan d'urgence.
Je l'ai dit en préambule, Mayotte est un territoire si lointain et si différent de la Guyane, et pourtant si près et si similaire dans les enjeux auxquels il fait face.
Sa démographie en fait le plus jeune département de France, juste devant la Guyane, et l'un des plus denses après les départements franciliens. Sa population est ainsi composée pour moitié de jeunes de moins de dix-sept ans. La mise en oeuvre d'un plan en faveur de la jeunesse ainsi qu'un plan de rattrapage et de prospection en matière d'infrastructures est donc indispensable et urgente.
Par ailleurs, même si, à Mayotte, le produit intérieur brut par habitant reste très supérieur à celui observé chez ses voisins, un quart de la population y vit toujours sous le seuil de pauvreté et un tiers de la population en âge de travailler n'a pas d'emploi. À l'instar de la situation Guyanaise, tout cela est simplement indigne de la République.
Le développement économique, social et environnemental de Mayotte exige donc des mesures d'urgence, qui ne relèvent pas exclusivement des Mahorais : c'est bien l'affaire de l'ensemble des Français. C'est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra cette proposition de loi, qui ne fait que répondre à l'aspiration ou plutôt au droit des Mahorais de s'épanouir pleinement dans le cadre de la République.
Enfin, même si comparaison n'est pas raison, je voudrais suggérer aux Mahorais et à leurs représentants de garder l'oeil bien ouvert quant à l'origine des fonds qui seront mobilisés dans le cadre des plans, des pactes et peut-être, si cette proposition de loi venait à prospérer, de l'effort exceptionnel de rattrapage prévu à l'article 2. Et pour cause ! Ce gouvernement s'est fait le spécialiste des jeux d'écriture comptable, en déshabillant Paul pour habiller Pierre, piochant dans des fonds déjà fléchés en direction d'un territoire afin d'y financer de nouveaux engagements. En clair, nous devrons demeurer attentifs à ce que les Mahorais ne financent pas eux-mêmes leur plan d'avenir, à l'instar des Guyanais, qui sont en train de financer une grande partie de leur plan d'urgence.
Madame la ministre, nous savons que les arbitrages rendus par Bercy ne nous sont que rarement favorables. Vous n'en êtes pas responsable. Cependant, nous comptons sur votre engagement à nos côtés pour faire entendre autrement la voix des territoires d'outre-mer. Je vous en remercie.