Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du jeudi 20 juin 2019 à 21h30
Rattrapage et développement durable de mayotte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Nous apprécions l'opportunité qui nous est donnée de participer, pour la troisième fois depuis le début de la législature, à un débat sur Mayotte, et il nous semble que, pour la première fois peut-être, le débat sur la situation et l'avenir de ce département peut être positif et constructif.

Mayotte est un territoire français depuis sa colonisation, en 1841. En 1974 et 1976, les Mahorais et les Mahoraises ont choisi de demeurer au sein de la République française. En 2009, à la suite d'un référendum local, l'île a obtenu le statut de région et département d'outre-mer puis, en mars 2011, elle est devenue le cent unième département français.

Malheureusement, derrière les apparences institutionnelles, la réalité est loin des principes républicains de liberté, d'égalité et de fraternité, qui ne s'appliquent pas uniformément sur l'ensemble du territoire comme ils le devraient. Rappelons des constats et des données qui ont été beaucoup cités en commission et aujourd'hui.

À Mayotte, 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Un logement sur trois est en tôle et 28 % d'entre eux sont dépourvus d'eau courante. Le taux de chômage y est de 26 %. La vie y est plus chère qu'en métropole – les prix des produits alimentaires, par exemple, y sont 19 % plus coûteux. Le nombre de médecins par habitant y est quatre fois moindre que dans le reste de la France. La mortalité infantile y est trois fois plus élevée qu'en métropole. La malnutrition aiguë touche 7 % des enfants de moins de cinq ans.

En matière de droit social, il a également été dit que le droit commun n'est pas appliqué à Mayotte. Rappelons que les allocations familiales y sont inférieures de 42 % à celles versées dans l'Hexagone, que les montants de la prime d'activité, du RSA, de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse y sont inférieurs de 50 % et que le SMIC y est inférieur de 25 %.

Cette situation a suscité de nombreuses mobilisations sociales populaires au cours des dernières années. Le dernier mouvement, la grève générale appelée « opération île morte », a duré de janvier à avril 2018. C'est notamment à cette occasion qu'a été présenté par de nombreux élus de Mayotte un plan de rattrapage de 1,8 milliard d'euros, qui avait pour objectif de remédier, de manière à la fois urgente et structurelle, à un certain nombre des problèmes constatés. Les 1,3 milliard d'euros proposés par le Gouvernement à la suite de cette crise étaient en deçà de cette estimation : seulement 10 à 15 % étaient en fait des mesures nouvelles.

C'est pourquoi l'initiative de notre collègue Mansour Kamardine, qui se veut complémentaire avec les mesures proposées par le Gouvernement nous semble extrêmement bienvenue. Sa proposition de loi prévoit en effet des investissements dans un certain nombre d'infrastructures, comme une piste d'aéroport, un quai de débarquement portuaire, des routes, des équipements sportifs et un réseau internet à très haut débit. Il vise également à aligner sur le droit commun les minima sociaux, les allocations familiales et les pensions de retraite, dont j'ai expliqué à l'instant qu'ils étaient inférieurs à la moyenne nationale.

Par ailleurs, la construction des infrastructures nécessaires aux réseaux d'assainissement, au traitement des déchets et au déploiement de l'énergie solaire permettrait de réussir la transition écologique.

Au total, sur dix ans, 994 millions d'euros s'ajouteraient au plan du Gouvernement, prévu pour cinq ans. Cette proposition serait financée par le rétablissement d'une taxe sur les transactions financières intrajournalières, qui avait été supprimée en 2017.

Nous soutenons ces propositions, qui vont dans le bon sens. Nous avons cependant présenté des amendements en commission et nous en défendrons quelques-uns en séance, car il nous semble que ce texte pâtit de quelques angles morts.

Notre collègue propose de développer les méthaniseurs, dont les conséquences pour l'environnement font l'objet de controverses scientifiques. Nous présenterons un amendement pour supprimer partiellement un article et un autre pour que soit dressé un rapport à ce sujet.

Nous déplorons également qu'il ne soit pas fait mention des énergies marines renouvelables, ce qui nous paraît d'autant plus regrettable que ce département présente un immense potentiel en la matière.

Par ailleurs, il n'est pas proposé d'investissement supplémentaire pour le logement et l'hôpital, deux urgences sociales à Mayotte qui appellent un rattrapage. Les réponses du Gouvernement nous semblent insuffisantes.

Concernant la pêche, rappelons que Mayotte est le plus grand lagon de l'océan Indien. Il serait dommage de ne pas exploiter davantage cette source de développement économique, d'autant plus que des propositions sont portées par des associations locales, en particulier République & Développement outre-mer, qui a imaginé un plan d'investissement de 15 millions d'euros en faveur de la pêche, notamment en vue de renouveler la flotte par l'acquisition de navires provenant de Martinique – ce qui permettrait aux pêcheurs artisanaux de dépasser les 5 000 nautiques – et de construire sept mini-ports de pêche.

Cette proposition permettrait de répondre à trois enjeux : l'autosuffisance alimentaire, alors que 90 % de l'alimentation à Mayotte est importée ; l'emploi, puisque les navires actuels ne seront plus homologués en 2021 et que 450 emplois sont menacés ; la technologie et le savoir-faire français car l'utilisation de bateaux conçus par les constructeurs martiniquais représente une alternative aux offres chinoises.

Par cet exemple, nous voulons montrer qu'il est possible d'aller plus loin dans certains domaines, d'encourager et de soutenir le développement d'infrastructures, dans l'objectif de réussir la transition écologique. Les propositions formulées nous semblent bien trop timides, même si elles représentent une avancée et complètent le dispositif en cours. Espérons donc qu'à l'issue du débat, ces propositions seront adoptées. Les problèmes structurels, héritage de décennies de sous-investissement et de sous-développement, ne seront pas tous réglés pour autant. Il convient d'aborder la question de Mayotte en mettant en avant le potentiel extraordinaire de ce territoire qui n'a pas été suffisamment mis en valeur au sein de la République.

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