Nous abordons un point très important dans cette discussion. Je vais donc prendre quelques instants pour présenter la vision du Gouvernement sur ce sujet.
Je commencerai par remercier tous les parlementaires qui ont proposé des amendements sur ce point. Nous partageons tous le même objectif : renforcer l'action sur la lutte contre les passoires énergétiques et atteindre les objectifs ambitieux que nous nous étions fixés dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et que nous nous fixons à nouveau avec cette loi, puisque nous réaffirmons nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de consommation. Or les bâtiments représentent 45 % de notre consommation d'énergie et 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous savons donc que le secteur du bâtiment est l'un des secteurs clés, peut-être le secteur le plus massif sur lequel agir pour pouvoir atteindre les objectifs que nous nous sommes tous fixé.
Environ 7,5 millions de logements sont des passoires thermiques, dont la moitié sont occupés par des ménages modestes. Nous sommes donc face à une urgence climatique et sociale. Toutefois, le Gouvernement souhaite agir de façon proportionnée en mettant en oeuvre des aides plus efficaces et mieux distribuées, de la transparence sur le marché, mais aussi, c'est inévitable, quelques contraintes pour permettre d'accélérer cette transition.
Un mot sur les aides même si elles ne sont pas mentionnées dans le texte – elles figureront dans la loi de finances qui sera présentée d'ici à quelques semaines. Il existe aujourd'hui deux aides principales : le crédit d'impôt – 30 % de la dépense en crédit d'impôt est versée postérieurement aux travaux avec un assez long décalage – et les aides de l'ANAH, au travers du programme « Habiter mieux » réservé aux ménages modestes, qui peuvent couvrir jusqu'à 50 % des travaux mais qui ne permettent de réaliser que 75 000 rénovations par an.
Nous allons transformer ces aides en une prime unique, bonifiée pour les ménages modestes, qui sera versée par l'ANAH au commencement des travaux. Cette aide, si on y ajoute les aides rénovation globale de l'ANAH, représente déjà 1,2 milliard d'euros chaque année, mais il faut que les ménages modestes y aient mieux accès. Pour ce faire, nous allons continuer à utiliser les certificats d'économie d'énergie. Nous nous sommes battus, avec M. François de Rugy, pour simplifier l'accès aux certificats d'économie d'énergie. On peut déléguer presque toutes les démarches aux opérateurs. Nous avons mis en place, avec le ministre d'État, des bonifications, notamment pour les combles et les chaudières, ce qui permet d'avoir accès à des travaux à 1 euro pour les ménages les plus modestes. Nous travaillons aussi sur l'éco-PTZ.
Le sujet de la distribution des aides, et donc de l'animation de la politique de la rénovation, est aussi extrêmement important. Comme vous le savez, nous travaillons actuellement à définir, notamment avec Mme Marjolaine Meynier-Millefert, le service public de l'efficacité énergétique de l'habitat. Ce service public avait été prévu par la loi de 2015 qui en avait fixé des contours relativement peu définis. Nous travaillons actuellement avec tous les acteurs pour avancer, trouver le plan de financement avec les régions et toutes les collectivités impliquées. En attendant, nous avons souhaité que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) continue à soutenir les plateformes territoriales cette année, afin de ne pas créer de trous d'air.
Autre sujet qui revient trop souvent en matière de rénovation des logements et qu'il faut débloquer, celui des copropriétés. Nous montons actuellement un plan de rénovation des copropriétés, bien sûr, en coordination avec M. Julien Denormandie, qui maximisera, simplifiera les certificats d'économie d'énergie ainsi que le droit applicable à la rénovation dans les copropriétés. Une ordonnance sur les copropriétés est en cours d'élaboration avec la Chancellerie.
Dans le projet de loi, nous avons travaillé sur des mesures de transparence et d'obligations : rendre l'audit énergétique obligatoire lors des mutations à compter du 1er janvier 2022, améliorer l'information à la location en affichant clairement et en euros les frais de chauffage dans les annonces, enfin modifier la capacité de réviser les loyers entre deux locataires, avec l'obligation de faire des travaux pour atteindre au moins la classe E.
Nous avons également évoqué le sujet de la décence qui nous permettra de poser une obligation nouvelle au titre de la décence.
L'interdiction est évidemment tentante. D'ailleurs, elle figurait dans la loi relative à la transition écologique pour la croissance verte et dans le programme présidentiel à l'horizon 2025. Mais il me semble qu'il faut faire les choses dans l'ordre et que cette interdiction ne pourra être effective que lorsque les mesures précédentes auront été pleinement mises en oeuvre et produit leurs effets pour permettre de déverrouiller avec plus d'aides – des aides mieux distribuées, des aides plus efficaces – et la transparence du marché. Nous n'atteindrons pas un volume de croisière à la bonne vitesse d'ici à l'horizon 2025 ce qui supposerait de rénover plus d'un million et demi de passoires thermiques par an sur la période. Nous ne souhaitons pas non plus mettre en place un mécanisme qui deviendrait trop anxiogène pour les propriétaires, en particulier pour les propriétaires modestes. Il en existe, puisque parmi les propriétaires de passoires thermiques, certains sont des propriétaires occupants avec des revenus limités. D'autres sont des propriétaires bailleurs. On estime à environ 500 000 le nombre de ces propriétaires bailleurs eux-mêmes à revenus modestes qui mettent en location des passoires thermiques.
Nous allons donc avancer plutôt vers des mesures concrètes, rapides, qui produisent des effets au cours de ce quinquennat. C'est la raison pour laquelle, le Gouvernement est plutôt favorable à étudier la piste de la consignation qui sera discutée un peu tard. Cette consignation repose sur des mécanismes connus : une somme est retenue par les notaires, représentative soit du coût des travaux, soit d'un montant forfaitaire qui permet d'enclencher des travaux lorsqu'une passoire thermique est vendue ; le notaire ne la restitue au nouveau propriétaire que si les travaux sont effectués et permettent au logement de sortir de son statut de passoire. Ce système est finalement très similaire à ce qui s'est fait pour la mise aux normes de l'assainissement non collectif, qui fonctionne relativement bien dans ce secteur. Ce dispositif serait un énorme accélérateur des politiques de rénovation et il serait probablement plus proportionné, à ce stade, que l'outil d'interdiction. Il nous permettrait de faire probablement jusqu'à 100 000 rénovations de plus par an.
La position du Gouvernement est donc plutôt de privilégier la refonte des aides, l'amélioration du système, un plan pour les copropriétés, la focalisation des certificats d'économie d'énergie, les quelques mesures techniques d'amélioration du fonctionnement du marché, le décret « décence » et la consignation, et de n'en venir à l'interdiction seulement une fois qu'on se sera donné une chance de faire réussir toutes ces mesures.
Dans ces conditions, je suis défavorable aux amendements qui ont été présentés dans cette discussion commune.