Les grands progrès des nouvelles technologies de l'information et de la communication nous ont fait vivre une révolution et mis de plain-pied dans le XXIe siècle. Les possibilités sont désormais immenses de communiquer et de partager. Malheureusement, pris dans cette effervescence, nous n'avons pas anticipé les dérives et nous subissons aujourd'hui une fuite en avant de cet instrument utilisé à mauvais escient par certains. Pour lutter contre ces contenus illicites qui portent atteinte à la dignité et abusent de la liberté d'expression, nous avons pourtant déjà beaucoup légiféré : en 2004, avec la LCEN ; en 2009, avec la mise en place de la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) ; en 2016, avec la loi pour une République numérique ; en 2018, pour lutter contre le cyberharcèlement. S'ajoutent plusieurs directives européennes.
Force est de constater que les difficultés demeurent, que les discours de haine sont exacerbés et peu sanctionnés. Les attaques en raison des origines, de la religion, du sexe ou de l'orientation sexuelle d'autrui tendent à devenir, sur les réseaux sociaux, une banalité. Le racisme et l'antisémitisme prolifèrent. Les lacunes du cadre législatif sont donc réelles. Dans les faits, peu de plaintes sont déposées, peu d'enquêtes aboutissent, peu de condamnations sont prononcées. Tout se déroule comme si internet était une sphère au sein de laquelle tout peut être dit, vu et montré, la possibilité de l'anonymat ne faisant qu'amplifier la sensation d'une immunité choisie. Le défi que nous, législateurs, devons relever est donc toujours de lutter contre ces contenus.
En ce sens, la proposition de loi de notre collègue Laetitia Avia est bienvenue, mais la tâche est ardue : la liberté d'expression est une liberté fondamentale qui ne saurait être compromise. Il est souvent aisé de faire la différence entre un contenu licite et un contenu illicite, mais, parfois, ce n'est pas le cas. Par conséquent, l'autorité administrative ne doit pas bénéficier de trop grandes marges d'appréciation et les contenus ne peuvent être appréciés uniquement par des algorithmes. De plus, la toile offre une multitude de supports et de viralités exponentielles, alors que les contenus doivent pouvoir être identifiés et retirés rapidement. Nous souscrivons donc aux objectifs visés par cette proposition de loi. De même, les opérateurs doivent être mieux responsabilisés, et les sanctions effectives. Cela semble être également ce à quoi tend ce texte. Enfin, l'articulation avec le droit européen est indispensable dans ce domaine qui ne connaît évidemment pas de frontières.
Ainsi, sur un sujet aussi délicat, la rigueur juridique est de mise afin de s'assurer que les droits de chacun sont respectés. C'est le sens des amendements des membres du groupe UDI et Indépendants, dont je tiens à souligner à quel point ils se sont investis. Nous devons nous saisir de cette proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet pour envoyer un signal fort. C'est dans cet esprit que Philippe Dunoyer a déposé des amendements afin de soumettre tous les opérateurs, moteurs de recherche compris, à des mesures visant à lutter contre les contenus haineux sur internet mais aussi contre les incitations à la violence. Un volet éducation absent de la proposition initiale est également nécessaire. L'un de nos amendements vise donc à mettre en place, comme en Nouvelle-Calédonie, un référent en matière de cyberharcèlement dans les établissements du second degré.
Ces amendements permettront de clarifier ou d'enrichir un texte qui souffre de manques et d'imprécisions. Le Conseil d'État les souligne longuement dans l'avis qu'il a rendu. Les nombreuses auditions ont également mis en avant les problèmes posés par la rédaction actuelle, parfois peu claire ou attentatoire aux libertés. Je crois d'ailleurs que beaucoup d'articles seront modifiés par vos amendements, madame la rapporteure. Je ne peux que m'associer à la remarque de notre collègue sur nos conditions de travail : nous dénonçons chaque fois ces amendements de dernière minute et chaque fois on nous répond que cela s'arrangera, mais chaque fois cela recommence ! C'est quand même très préjudiciable au bon déroulement de nos travaux.
Ainsi, si nous souscrivons aux objectifs visés, nous attendons de voir quel sera le texte issu des travaux de notre commission.