Intervention de Hubert Wulfranc

Séance en hémicycle du mercredi 26 juin 2019 à 15h00
Énergie et climat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Wulfranc :

Le projet de loi propose de substituer à l'objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050 celui de la neutralité carbone à cette même échéance. Le travail en commission a permis de définir précisément cet objectif, que nous approuvons. Cela étant, il ne doit pas occulter la réduction impérative de moitié des consommations d'énergie d'ici à 2050, qui doit être, à nos yeux, la priorité.

En matière énergétique, c'est la consommation d'énergie primaire de combustibles fossiles qui serait réduite de 40 % d'ici à 2030. C'est là un objectif plus ambitieux, que nous approuvons également, sachant que le mix énergétique français se nourrit encore à près de 40 % de pétrole, contrairement à l'idée reçue d'une France du tout-nucléaire.

S'agissant du nucléaire, vous confirmez l'objectif d'une réduction à 50 % de sa part dans la production d'électricité, en reportant l'échéance à 2035. Le nucléaire est hors champ du débat climatique, puisqu'il permet à notre production électrique d'être décarbonée à plus de 90 %. Si le nucléaire fait question, c'est pour des problèmes de coût et de gestion de déchets ainsi que parce que l'opinion publique est légitimement sensible aux problèmes de sûreté.

Les députés communistes avaient voté, en 2015, l'objectif de réduction à 50 % du nucléaire en 2025, sous trois conditions : baisse de la consommation d'énergie ; montée en puissance des énergies renouvelables ; sécurité d'approvisionnement des Français. Ces conditions restent d'actualité, mais les incertitudes et les tensions sont beaucoup plus élevées, les décisions bien plus difficiles à prendre. Il faut envisager la fermeture de douze à quatorze réacteurs d'ici à 2035 dont quatre à six d'ici à 2028. Mais quelle obligation de résultat l'État s'imposera-t-il pour les salariés et les territoires ? Il ne s'agira pas ici seulement d'accompagner.

De plus, notre parc fonctionne depuis déjà quarante ans ; le coût et la durée des travaux à réaliser sont encore inconnus. Enfin, des réacteurs nouveaux – mais de quel type ? – devront être construits pour assurer la sécurité d'approvisionnement et la sûreté de la production.

Bref, le plan stratégique demandé à EDF par l'État fait cruellement défaut à notre débat pour apprécier les enjeux financiers, industriels et sociaux des transformations à venir, alors que cette programmation pluriannuelle de l'énergie est révisable. Je veux vous alerter : le scénario de Fessenheim ne doit pas se reproduire.

Vous accordez la priorité à l'arrêt et à la fermeture des quatre centrales à charbon que compte notre pays. Aucun des salariés de ces centrales ne vous dira qu'il n'est pas conscient de la fin inévitable de l'utilisation de ce combustible fossile ; c'est pourquoi ils ont mis à votre disposition leur expertise afin de proposer un process de production à partir de déchets recyclés. Or vous refusez d'examiner cette alternative alors que la fermeture de ces quatre centrales sans autre forme de procès dès 2020-2021 peut mettre en difficulté le réseau électrique français pour passer les pointes hivernales de consommation, au risque de devoir importer de l'électricité des centrales à charbon allemandes !

Finalement, votre projet de loi, dont on pourrait admettre que les intentions sont ambitieuses, ne prend pas suffisamment en compte la réalité concrète à laquelle pourrait être exposée la population : une sécurité d'approvisionnement qui pourrait être dégradée, avec la généralisation de procédures d'effacement.

Nous l'avons dit, c'est la consommation d'énergie qui doit être le levier d'urgence pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout particulièrement dans le domaine des transports et du logement. Or les lois adoptées et les choix budgétaires en la matière tournent le dos au report modal vers des transports plus propres. Quant à la rénovation thermique de l'habitat, elle est atone. Les milliards, c'est là qu'il faut les mettre en priorité !

Quant à l'essor accéléré des énergies renouvelables, l'hydroélectricité est dans l'expectative du renouvellement des concessions, qui risque de désoptimiser la contribution de la première énergie renouvelable en France. Pour l'éolien terrestre et le solaire, il convient de dire leurs limites : elles sont intermittentes et non pilotables. Ce n'est pas par hasard si l'Allemagne, qui a massivement investi dans l'éolien et le solaire, s'est créé une immense capacité d'appoint d'origine fossile – aujourd'hui du charbon, demain du gaz de Russie.

Il n'y aura donc, selon nous, qu'une part raisonnable d'énergie renouvelable solaire et éolienne terrestre à atteindre. Leurs progressions peuvent également se heurter à des handicaps, lorsque ces projets entrent en contradiction avec d'autres usages des territoires – agricoles, forestiers ou liés à la préservation de la biodiversité. Sur ce point, le recul des prérogatives de l'autorité environnementale qu'entraîne l'article 4 de la loi constitue un acte périlleux.

Restent des filières dont nous estimons qu'elles doivent être encouragées : les réseaux de chaleur et le biogaz avec l'avenir qui lui est promis.

Enfin, sur les articles relatifs à la tarification de l'énergie, ajoutés au texte à la dernière minute, mon collègue Sébastien Jumel vous a exposé notre position.

En l'état, votre projet de loi ne nous paraît donc ni pragmatique, ni durable.

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