Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Je suis heureux d'être parmi vous avant le Conseil des ministres du commerce qui se tiendra le 27 mai prochain ; il est important pour moi d'avoir en tête, au moment où je défendrai la position de la France, les observations exprimées au sein de votre commission. Je vous indique d'autre part que je réunirai le 21 mai le comité de suivi de la politique commerciale, dont des parlementaires sont membres aux côtés de représentants des fédérations professionnelles, des ONG et du monde associatif.

Le prochain Conseil des ministres du commerce aura lieu dans un contexte particulier, au lendemain des élections européennes. On connaîtra alors la composition du nouveau Parlement européen, ce qui ne sera pas neutre, la politique commerciale étant, vous le savez, essentiellement européenne depuis le Traité de Rome. Naturellement, les parlements nationaux continueront de voter pour ratifier les accords de protection des investissements, mais, s'agissant de la politique commerciale, c'est le Parlement européen qui s'exprime lorsque les accords ne sont pas mixtes, c'est-à-dire lorsqu'ils ne comprennent pas de volet politique ou d'investissement. La composition du Parlement européen est donc un enjeu majeur pour la politique commerciale de l'Union.

Le renouvellement du Parlement européen puis de la Commission européenne sera une occasion essentielle pour définir un nouvel agenda stratégique de l'Union dans un monde profondément changé, qui se caractérise par le retour de postures protectionnistes avec les conséquences que l'on connaît : des tensions croissantes et le risque d'une guerre commerciale qui pourrait se généraliser. Le récent durcissement des États-Unis à l'égard de la Chine en est un exemple.

Dans ce contexte, l'Union européenne est l'échelle pertinente pour négocier dans la meilleure situation avec les autres grands blocs commerciaux. Surtout, l'Union a le leadership dans la défense d'un système multilatéral fondé sur des règles, avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en son centre. Il est fondamental de repenser le cadre de la protection des entreprises européennes contre les pratiques commerciales déloyales des pays tiers. Plus que jamais, notre volonté politique doit être d'obtenir l'équité et la réciprocité des relations.

D'autre part, l'Union européenne a consolidé un socle de relations commerciales par le biais d'accords commerciaux bilatéraux. Nous serons amenés à faire un point sur les négociations en cours. Si le multilatéralisme venait à être remis en cause en matière commerciale, ces accords commerciaux bilatéraux seraient une sorte d'assurance pour nos acteurs économiques et nos peuples puisqu'ils garantiraient des débouchés.

La nouvelle mandature européenne devrait aussi être le moment de porter une attention plus soutenue à la mise en oeuvre effective des accords conclus par l'Union européenne. Négocier des accords est une chose, mais il est aussi important de s'assurer de leur application. C'est pourquoi le président de la République a proposé de renforcer la responsabilité de garant du respect des accords commerciaux de la Commission européenne en créant la fonction spécifique de chief trade enforcer, fonction assortie de la faculté d'aller au contentieux si nécessaire ; l'Union doit se faire respecter en faisant respecter le contenu des accords qu'elle a signés.

Une autre des grandes priorités de la stratégie de l'Union en matière commerciale devra être d'afficher plus nettement les objectifs de développement durable et de renforcement des droits sociaux, deux sujets qui ont aussi un impact sur l'équité de la concurrence. Aussi, pour la raison que vous avez dite, madame la présidente, la France a pris une position forte en votant contre l'ouverture de la négociation avec les États-Unis, envoyant un signal clair à ses partenaires européens.

Enfin, il est évidemment nécessaire de continuer à impliquer les parlements nationaux, le plus en amont possible des négociations, de façon régulière et transparente, comme nous le faisons aujourd'hui.

Je vous parlerai des trois points inscrits à l'ordre du jour du Conseil du 27 mai : les discussions commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis ; la modernisation de l'OMC ; les négociations bilatérales en cours. Et, comme vous m'y avez invité, je présenterai l'état d'application du plan d'action CETA et j'évoquerai d'autres sujets d'actualité.

Nous avions eu l'occasion d'évoquer ensemble, en séance plénière, le 18 février dernier, les discussions commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis, à l'occasion de la discussion de la proposition de résolution sur les accords commerciaux, et nous avions vu que les mandats de négociation étaient conçus comme un ensemble de mesures de confiance. Le 15 avril, les mandats de négociation ont été mis sur la table du Conseil à l'occasion d'un Conseil Agriculture.

Nous avons toujours plaidé la nécessité de prendre le temps d'avoir de bons mandats de négociation. Nous avons été écoutés pour partie, mais pour partie seulement, ce qui explique aussi notre vote négatif. La France a cependant obtenu certains garde-fous. Tout d'abord, il est prévu que les négociations seraient suspendues si les États-Unis décidaient d'adopter de nouvelles mesures tarifaires, par exemple sur l'automobile. La conclusion de l'accord tarifaire est aussi conditionnée à la levée de mesures actuellement en vigueur pour l'acier et l'aluminium.

Par ailleurs, nous avons obtenu que les négociations ne concernent pas l'agriculture, en dépit des demandes répétées de l'administration américaine, qui a tout fait pour diviser les États membres à ce sujet. Mais il y a unité européenne sur ce point et nous nous en réjouissons. Les négociations ne couvriront pas non plus les services, les investissements et la propriété intellectuelle.

Sur le volet environnemental, nous avons obtenu qu'une étude d'impact soit menée dans les prochains mois pour évaluer l'effet d'un accord, l'Union européenne continuant d'être liée par l'Accord de Paris sur le climat. La Commission européenne devra consulter les États membres sur l'approche qu'elle compte adopter pour prendre en compte les résultats de cette étude. Cela signifie que l'on pourra éventuellement exclure d'autres lignes tarifaires des négociations en fonction des résultats de l'étude d'impact. La décision du Conseil affirme encore que l'Union européenne ne doit rechercher des accords commerciaux larges qu'avec des pays parties à l'Accord de Paris sur le changement climatique.

Enfin, nous avons obtenu que l'ancien mandat de négociation, le TTIP, soit considéré comme obsolète. Cela s'imposait car, autant sur la forme que sur le fond, l'affaire avait, à l'époque, été mal emmanchée, et cela répond à de sérieuses préoccupations des sociétés civiles.

La France a donc choisi de s'opposer à l'adoption des mandats de négociation parce que les États-Unis n'ont pas évolué sur le respect des engagements de l'Accord de Paris sur le climat, ce que nous regrettons fortement. C'est un signal clair envoyé à la Commission européenne et aux autres États membres sur le sérieux de nos propositions en matière environnementale. Les autres États membres ont pour beaucoup choisi d'adopter les mandats de négociation parce qu'ils souhaitaient éviter une escalade avec les États-Unis. La décision se prenant à la majorité qualifiée, la position française n'a pas conduit au rejet des mandats, mais certains États ont émis des préoccupations similaires aux nôtres ; la Belgique s'est abstenue, et l'Espagne a déclaré qu'il faudra, le cas échéant, évaluer, avant la signature d'un accord, le respect par les États-Unis des engagements pris dans l'Accord de Paris. Le Conseil du 27 mai sera aussi l'occasion de demander à la Commission européenne de faire le point sur le déplacement que font ses services à Washington cette semaine. Nous veillerons en effet à ce que les négociations soient menées en toute transparence.

Mais il faut être réaliste : les États-Unis ne sont pour l'instant pas prêts à s'engager définitivement dans une relation véritablement constructive. Avec M. le ministre Bruno Le Maire, j'ai d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer le représentant américain au commerce, M. Robert Lighthizer, en marge de l'assemblée générale de printemps de la Banque mondiale et du FMI. Il nous a reproché certaines décisions – notamment la taxe sur les services numériques – mais nous avons réaffirmé notre droit souverain à prendre des décisions de cette nature. Vous le savez, les États-Unis ont lancé une enquête sur le secteur de l'automobile, dont les résultats n'ont pas encore été publiés. En tout état de cause, toute mesure tarifaire qui serait prise à ce sujet contreviendrait à l'esprit de la déclaration conjointe du 25 juillet et, ce faisant, au mandat que l'Union européenne a adopté. Le 27 mai, la France appellera donc la Commission et les autres États membres à se tenir prêts à tous les scénarios, y compris en préparant des mesures de rééquilibrage proportionnées mais déterminées au cas où les exportations européennes seraient touchées par de nouvelles mesures américaines.

Le deuxième point de l'ordre du jour du Conseil des ministres du commerce portera sur la modernisation de l'OMC qui, vous le savez, se trouve dans une situation critique. Le risque est grand d'une déliquescence de l'Organisation. Ce serait une régression, le retour à la situation du début du XXe siècle et au commerce administré, avec des conflits commerciaux de grande ampleur entre les États et un risque d'escalade dans tous les sens. Ce contexte explique la multiplication d'accords commerciaux bilatéraux conclus par les États pour se prémunir en sécurisant le respect de règles essentielles quel que soit le devenir du système multilatéral.

Face à cette menace, la France s'est engagée très fortement en faveur de la réforme de l'OMC. Nous sommes convaincus de la nécessité d'un cadre commercial multilatéral, et de la capacité de faire respecter ces règles. Le président de la République avait d'ailleurs tracé les lignes d'une réforme lors de son discours devant l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en mai 2018. Il faut cependant reconnaître que le projet de réforme de l'OMC progresse avec difficulté, principalement en raison des tensions entre les États-Unis et la Chine. Alors que ces deux puissances sont engagées dans des négociations à l'issue très incertaine, nous devons être attentifs à ce qu'un remède éventuel ne soit pas également source de conséquences dommageables pour le système multilatéral. Si nos amis américains obtenaient d'importantes concessions de la Chine, ces concessions seraient vraisemblablement bilatérales. Il faudrait donc veiller à ce que le principe de non-discrimination qui est au coeur de l'OMC soit respecté. Nous sommes très vigilants à ce sujet.

En attendant, l'Union européenne travaille très activement, avec un grand nombre d'acteurs au sein de l'OMC et dans différentes enceintes, à faire progresser l'indispensable modernisation de l'Organisation. Ainsi, le groupe de travail trilatéral réunissant l'Union européenne, les États-Unis et le Japon qui travaille à la définition de nouvelles règles d'équité commerciale a formulé des propositions sur la transparence et sur les subventions industrielles distorsives.

La Commission européenne a aussi installé un groupe de travail associant l'Union européenne et la Chine, qui se consacre à la réforme de l'OMC. La déclaration finale du dernier sommet Union européenne-Chine doit être lue attentivement, parce qu'elle contient un engagement à travailler conjointement à des règles internationales sur les subventions industrielles ; c'est un pas considérable. J'ai le souvenir d'une réunion ministérielle consacrée à l'acier et à l'aluminium au sein de l'OCDE, où la position des représentants chinois n'était pas celle-là. Indéniablement, un pas a été fait, mais cela doit se traduire en réformes concrètes de la part de la Chine. M. le ministre Jean-Yves Le Drian me signalait d'ailleurs qu'à l'occasion du sommet consacré aux Routes de la soie, des propos du président Xi montraient une inflexion vers la prise en compte des préoccupations de l'Union européenne et d'autres acteurs du commerce international. Néanmoins, et je vous prie d'excuser cette référence bien peu laïque, comme Saint Thomas, nous ne croirons que ce que nous verrons.

Je mentionnerai encore le groupe d'Ottawa, qui fédère autour du Canada différents pays tels que la Corée du Sud, le Mexique, Singapour, l'Australie, le Brésil ou encore le Chili. Tous partagent avec nous la volonté de conserver le canal multilatéral.

Je n'omettrai pas, bien sûr, les autres enceintes que sont le G20 sous présidence japonaise et le G7 sous présidence française. Nous tenterons, dans ces cadres également, de continuer à faire progresser ce chantier, mais nous nous heurtons à des blocages.

L'analyse des Américains est parfois juste : il est vrai que certains pays tiers, la Chine surtout, ont des pratiques commerciales distorsives, que l'OMC n'est pas parvenue à résoudre. Nos divergences avec les États-Unis portent sur la méthode de règlement du problème. Ils veulent des solutions bilatérales quand nous souhaitons des solutions multilatérales. Parler de solutions multilatérales, c'est poser des règles et se donner les moyens de les appliquer. Or, en matière de règlement des différends, la situation de l'organe d'appel de l'OMC reste un sujet de préoccupation majeur. Comme vous le savez, le blocage par les États-Unis, persistant depuis 2017, du renouvellement des membres de cette instance risque d'entraîner la paralysie du système de règlement des différends de l'OMC d'ici la fin de l'année, faute d'un nombre de juges suffisant pour traiter les nouveaux contentieux, les contentieux en cours pouvant continuer d'être traités par les juges qui étaient anciennement en fonction, y compris si leur mandat est échu. La pérennité du système de règlement des différends comprenant deux niveaux de juridiction risque donc d'être remise en cause.

Nous sommes prêts à faire des efforts pour répondre aux critiques des autorités américaines qui ont soulevé certains points pertinents. Il est vrai que les délais de traitement prévus pour l'organe d'appel ne sont pas respectés, parce qu'il est surchargé. L'Union européenne formule des propositions d'amélioration du cadre de règlement des différends mais, pour l'instant, nous avons le plus grand mal à faire changer la position des États-Unis. Or, le risque existe que, faute de système de règlement des différends en état de fonctionner, les membres de l'OMC décident de se faire justice eux-mêmes, en imposant des sanctions commerciales unilatérales, entraînant, à terme, une guerre commerciale généralisée.

Aussi, lors du Conseil des ministres du commerce du 27 mai, la France insistera sur la nécessité de traiter des pratiques commerciales distorsives qui sont à la racine des tensions actuelles, de creuser davantage les pistes permettant de sauvegarder le système de règlement des différends, et de réfléchir à des « plans B » en cas de blocage définitif de l'organe d'appel.

Le troisième point de l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres du commerce portera sur les négociations en cours. De manière générale, j'ai ressenti lors d'une réunion informelle qui s'est tenue à Bucarest qu'une majorité d'États membres sont favorables à ce que la Commission actuelle finalise de nouveaux accords avant de passer le témoin. Pour sa part, la France considère qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, ce qui semble pourtant être le cas s'agissant des négociations entre l'Union européenne et le Mercosur.

Le 38e cycle de négociations, qui a eu lieu en mars dernier en Argentine, s'est une nouvelle fois clôturé sans accord, alors que les négociations ont été engagées il y a vingt ans. On sent, du côté européen, une pression forte de la part de la Commission et d'une majorité d'États membres pour faire aboutir ces discussions. Nous rappelons que des points de blocage restent à régler : sur l'automobile, sur les services maritimes, sur les produits laitiers, sur les indications géographiques. Un accord de cette importance – il serait, s'il était conclu, plus important en masse que celui conclu avec le Japon – ne peut être conclu à n'importe quelles conditions. Nous avons clairement exprimé nos lignes rouges sur nos intérêts défensifs – le secteur de la viande bovine, de la volaille, de l'éthanol, des sucres, du maïs doux – et nous estimons qu'à ce stade les conditions ne sont pas réunies, tant s'en faut, pour conclure un accord à brève échéance. Nous sommes encore loin du compte, au regard de nos intérêts offensifs prioritaires, sur les plans tarifaire et non-tarifaire. Nous souhaitons d'autre part que certains enjeux du développement durable, le principe de précaution au premier chef, soient mentionnés explicitement dans l'accord. Nous restons également vigilants quant au respect de l'Accord de Paris. Les déclarations de M. Bolsonaro, pendant la campagne présidentielle, n'étaient pas rassurantes ; les messages actuels le sont davantage, mais sur ce sujet seulement. Enfin, les préférences collectives européennes en matière sanitaire excluent, par exemple, l'importation de boeuf aux hormones en France. Cela supposera des engagements fermes et publics de renforcement des moyens alloués au contrôle de la traçabilité des produits alimentaires exportés vers l'Union européenne. Les parties semblent souhaiter faire aboutir la négociation avant les élections prévues en septembre en Argentine, mais la France réitèrera son souhait que ces éléments importants aient été réglés avant de conclure quelque accord que ce soit.

Les négociations avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont été lancées il y a un an. L'axe indopacifique est important pour la France, présente dans l'océan Indien à La Réunion et à Mayotte. Les négociations avancent à bon rythme, notamment avec la Nouvelle-Zélande qui a une forte volonté politique d'aboutir rapidement. Nos secteurs offensifs sont les marchés publics et les indications géographiques. Les deux pays souhaitent faire du développement durable un chapitre ambitieux du texte, et la Nouvelle-Zélande s'est dit prête à faire du respect de l'Accord de Paris une clause essentielle du futur accord de libre-échange, clause qui, si elle n'était pas respectée, pourrait donc entraîner la suspension de cet accord. Nous qui avons toujours plaidé auprès des autres États membres de l'Union européenne en faveur de l'introduction d'une clause de ce type dans les accords commerciaux avec des pays tiers, pour l'instant sans succès, nous félicitons que la Nouvelle-Zélande aille en ce sens. Nous avons aussi des sensibilités dans le domaine agricole – s'agissant notamment des filières bovine, ovine et laitière, régulièrement rappelées et qui sont prises en compte par la Commission européenne. Enfin, nous n'oublions pas la préservation des intérêts de nos territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie en particulier.

La Commission européenne poursuit également un calendrier de négociations ambitieux dans la zone ASEAN. La présidence roumaine a mis à l'ordre du jour du Conseil des affaires générales du 25 juin la décision autorisant la signature des deux accords – libre-échange et protection des investissements – conclus avec le Vietnam et se réserve la possibilité d'organiser un débat d'orientation politique sur ces accords lors du Conseil des ministres du commerce du 27 mai. Ce sont des accords prometteurs en termes de nouvelles opportunités commerciales et de sécurité juridique. Les services de la Commission effectuent d'autre part un suivi sérieux et régulier de la ratification par le Vietnam des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT); il y va du respect de droits sociaux sur lesquels nous ne transigerons pas.

Le 7ème cycle des négociations entre l'Union européenne et l'Indonésie a eu lieu en mars 2019 et une nouvelle session devrait se tenir en juillet. Le contexte électoral en Indonésie explique pour partie la lenteur des progrès de la négociation. La question de l'huile de palme provoque d'autre part quelque crispation chez nos partenaires mais, là encore, nos décisions sont celles d'États souverains, et doivent être respectées.

Les négociations entre l'Union européenne et la Chine en vue de conclure un accord global d'investissement se poursuivent. Les récents sommets sino-français et sino-européens ont donné une impulsion politique significative à ces négociations en appelant à leur conclusion d'ici 2020. L'enjeu est un meilleur accès au marché chinois, mais nous sommes conscients du chemin qui reste à parcourir.

Je l'ai rappelé en introduction : l'Union européenne doit aussi mettre l'accent sur la mise en oeuvre effective des accords commerciaux conclus, de manière contentieuse le cas échéant. Je demande régulièrement des informations régulières au Conseil sur les actions menées dans ce cadre. Ouvertures de contentieux à l'OMC et activation des règlements des différends doivent nous permettre d'être crédibles pour le respect des règles.

J'en viens, comme vous me l'avez demandé, à la mise en oeuvre du plan d'action CETA. Un tableau actualisé de suivi des actions est consultable sur les sites internet de la direction générale du Trésor et du ministère des affaires étrangères. Le premier axe du plan d'action concerne la mise en oeuvre exemplaire du CETA. On constate avec satisfaction que certains risques potentiels identifiés ne se sont pas réalisés. Les premiers résultats montrent que les échanges entre l'Union européenne et le Canada ont augmenté de 7 %. Entre la France et du Canada, les échanges de biens ont atteint 6,27 milliards d'euros en 2018. On note que les exportations françaises à destination du Canada ont atteint leur plus haut historique avec 3,36 milliards d'euros en 2018, en augmentation de 6,6 % ; dans le même temps, nous importons moins du Canada, si bien que notre balance commerciale s'est significativement améliorée, passant en un an de 39,7 millions à 455,1 millions d'euros. La France bénéficie donc largement de la mise en oeuvre provisoire du CETA.

Pour répondre à la demande du Parlement, nous avons commandé aux corps d'inspection compétents un rapport de suivi fin de l'accord sur cinq filières agricoles sensibles : viande bovine, viande porcine, viande de volaille, sucre et éthanol. Ce rapport a été communiqué par le Secrétariat général des affaires européennes à votre commission ; publié le 21 février dernier et consultable en ligne, il conclut qu'en l'état des informations disponibles, aucun territoire et aucune filière n'a subi de conséquences négatives liées à l'entrée en vigueur provisoire du CETA. Le marché européen n'a pas été submergé ou déstabilisé et nos règles sanitaires ont été respectées. Dans le même temps, nous avons profité de l'ouverture du marché canadien du fromage en saturant les contingents tarifaires à hauteur de 98,48 %. D'autre part, des craintes s'étaient exprimées en Europe au sujet de la viande de boeuf ou le porc ; or, moins de 500 tonnes et de 260 tonnes respectivement ont été exportées vers l'Union européenne, sur des contingents de 45 000 tonnes et de 75000 tonnes. Ce rapport d'inspection a aussi fixé une méthodologie en proposant la création d'un groupe de suivi des effets des accords commerciaux sur les filières agricoles sensibles appelé à se réunir chaque semestre pour alimenter les travaux du Comité de suivi de la politique commerciale.

Enfin, s'agissant des questions liées à l'investissement, la Cour de justice de l'Union européenne, le 30 avril dernier, a jugé le tribunal d'investissement du CETA conforme au droit de l'Union européenne. Cette décision, qui rejoint celle qu'a prise le Conseil constitutionnel en 2017, ouvre la voie au lancement du processus de ratification. L'étude d'impact devrait être disponible dans quelques semaines ; cela ouvrira la voie au dépôt du projet de loi de ratification sur le bureau des assemblées.

Je m'en tiens là pour laisser du temps aux questions.

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