S'agissant d'abord d'Idlib, les accords de Sotchi avaient effectivement permis de trouver un compromis de cessez-le-feu, mais ils ne sont pas respectés par les autorités syriennes de Damas, qui ont repris les combats sur une partie du territoire. Je vous ai dit tout à l'heure que je souhaitais que l'on puisse avoir avec la Turquie, mais aussi avec la Russie, une discussion sur ce point extrêmement sensible, car c'est une vraie bombe à retardement.
La logique de Bachar el-Assad, depuis le début, c'est de reconquérir l'ensemble de la Syrie par la force – peu importe le temps qu'il faudra. Il ne faut pas se leurrer sur sa détermination. Seule la pression internationale, notamment celle de ses « partenaires », la Russie et l'Iran, pourrait peut-être infléchir sa décision, mais nous ne sommes pas dans cette configuration aujourd'hui. Il faudrait que de nombreuses protestations s'élèvent contre sa politique, mais elles sont trop rares.
S'agissant de l'utilisation d'armes chimiques, nous sommes prudents : nous réagirons si cet usage est avéré et létal. Cela fait partie des lignes rouges qu'a fixées le Président de la République et qui nous ont amenés à intervenir antérieurement. Nous avons des indices qui nous laissent penser que des armes chimiques ont pu être utilisées dans la région d'Idlib, mais cela doit encore être vérifié.
Madame Poletti, vous m'avez posé de très nombreuses questions et je dois vous répondre brièvement. La religieuse qui a été assassinée en Centrafrique n'était pas française, mais espagnole. Elle appartenait néanmoins à une congrégation française, ce qui a créé une confusion. Il n'y a pas eu de revendication et il s'agit manifestement d'un crime crapuleux. En Centrafrique, les accords de Khartoum entrent progressivement en application et la situation s'améliore.
Vous m'interrogez sur la remilitarisation : il est vrai, et j'en ai parlé, que nous sommes dans un contexte d'aggravation des tensions au niveau international. Quand je me suis rendu à Pékin il y a un mois, un bateau français a été interpellé dans les eaux internationales, le jour de mon arrivée. Les tensions s'accroissent partout et il faut que nous fassions tous notre possible, au Conseil de sécurité, pour trouver des solutions politiques à toutes les crises qui se manifestent dans le monde. J'ai évoqué les plus importantes, mais il y a des menaces partout : les crises sont malheureusement nomades et itinérantes. Je partage votre sentiment sur la multiplication des discours belliqueux et sur les risques de dégradation de la situation internationale.
Au sujet des six Français condamnés à mort, nous avons dit, nous disons et nous redirons aux autorités irakiennes notre position sur la peine de mort. Nous n'avons pas changé de position sur ce sujet : elle est ferme et nous la rappelons sans cesse, quel que soit le pays où la peine de mort est appliquée, y compris les États-Unis. Je rappelle en effet à ceux qui l'auraient oublié que la peine de mort est également appliquée aux États-Unis. Aujourd'hui, nous avons un millier de Français emprisonnés à l'étranger. Tous ne sont pas susceptibles d'être condamnés à mort, mais nous veillons sur chacun d'eux, grâce à la protection consulaire, qui n'est pas rien.
À Bagdad, nous avons demandé au consul de contrôler la bonne tenue des audiences. Nous lui avons demandé de s'assurer de la présence de l'avocat, mais aussi d'un interprète : c'est l'interprète de l'Ambassade qui sert d'interprète aux terroristes français qui sont jugés.
Nous sommes, vous le voyez, très respectueux des droits de la défense : nous donnons aux accusés des avis sur leurs capacités de faire appel et nous faisons systématiquement valoir la position française sur la peine de mort. J'en ai moi-même parlé au Président de la République irakienne et nous sommes très clairs sur le sujet. Nous assistons aux audiences et nous vérifions qu'elles se déroulent dans les règles. Elles sont publiques et conduites par un magistrat du siège, assisté de deux assesseurs. Le réquisitoire est prononcé par un procureur, en présence de l'avocat et d'un greffier. La justice irakienne fonctionne : elle admet la peine de mort, mais elle fonctionne, et nous nous en assurons dans le cadre de la protection consulaire que nous accordons à tous nos ressortissants, y compris aux Français qui sont jugés pour des faits de terrorisme.
Vous m'avez interrogé sur le Brésil. Avec mon collègue brésilien, que j'ai reçu avant-hier, nous sommes convenus de réactiver une commission qui était tombée en désuétude, afin d'échanger sur toutes les questions relatives à la frontière avec la Guyane. Il y sera notamment question des visas et des passages illégaux d'orpailleurs et de pêcheurs. J'ai par ailleurs rappelé à mon collègue nos principes fondamentaux sur le respect du droit. Il m'a fait une observation intéressante, qui montre que la pression internationale et la persuasion peuvent fonctionner : il m'a dit qu'il n'était plus envisagé que le Brésil sorte des accords de Paris.
Quant au projet de loi relatif à l'aide publique au développement, nous y reviendrons, je crois, à une autre occasion.