« Vous faites un pari risqué, car il n'est pas certain que vous trouviez les 13 milliards d'euros prévus si vous n'obligez pas les collectivités à apporter leur contribution, en baissant leurs dotations. » Nous, nous pensons, comme beaucoup d'entre vous, que la baisse des dotations fut peut-être utile à un certain moment, mais qu'à force certaines collectivités se sont retrouvées avec une DGF négative et qu'aujourd'hui cela ne ressemble plus à grand-chose, car c'est un système extrêmement centralisé, technocratique, qui pousse tout le monde à faire moins et décourage l'esprit d'initiative.
Ce que nous pensons – et je réponds une nouvelle fois à Mme Pires Beaune, en m'excusant si je me suis mal exprimé la fois précédente – , c'est que c'est par l'intermédiaire de la non-dépense tendancielle que nous trouverons ces économies. Je rappelle que la limite des 1,2 % de progression des dépenses s'applique aux plus grosses collectivités, les 319 concernées par le format contraignant de la contractualisation ; cela représente les deux tiers de la dépense publique. La commune dont les dépenses de fonctionnement s'élèveraient à 100 millions d'euros – je rappelle que les dépenses d'investissement ne sont pas concernées, puisque l'idée est précisément d'encourager l'investissement – serait autorisée par le contrat à dépenser 101,2 millions, soit 1,2 million de plus, à moins que le contrat ne soit adapté, ce qui pourrait être le cas par exemple d'une commune démographiquement très dynamique. Vous voyez donc bien, monsieur Forissier, que ces « économies », comme vous dites, sont en réalité des non-dépenses tendancielles.
Ce sera d'autant plus facile à obtenir que nous avons pris des dispositions pour que les dépenses de personnel n'augmentent pas : jour de carence, gel du point d'indice. On aborde là la question très importante du statut de la fonction publique territoriale et de la façon dont l'employeur gère la masse salariale. C'est de la responsabilité des élus locaux puisque ce sont eux qui décident, ou non, d'embaucher ; ils peuvent aussi négocier une partie des indemnités de leur personnel, notamment pour les agents contractuels, et agir sur les échelons. Toutefois, vous avez raison : il existe des rigidités, et il faudra s'y atteler.
Je rappelle que 1,2 %, cela correspond à la dynamique moyenne des dépenses sur les six dernières années, alors qu'il y a eu augmentation du point d'indice et suppression du jour de carence ces deux dernières années. Certes, c'est difficile, cela dépend des situations locales – d'où la contractualisation – , mais ce ne sont ni des baisses de dotation ni des économies imposées : c'est de la non-dépense tendancielle. Cela reste ardu, mais le contexte a tout de même bien changé.
S'agissant des départements, Vincent Descoeur, qui connaît bien la question, a raison de souligner que la situation est extrêmement différente d'un département à l'autre. Les droits de mutation ont augmenté en moyenne de 10 % ; dans certains départements, les plus riches, les plus dynamiques, comme ceux d'Île-de-France, l'augmentation atteint jusqu'à 30 à 40 % ; dans d'autres, on enregistre des pertes fiscales. Quant au nombre de personnes touchant le RSA, il a baissé de 4 % en moyenne, ce qui fait que les dépenses sociales sont moins dynamiques. Dans certains départements, en revanche, on enregistre une explosion de ces dépenses, du fait de la présence de mineurs isolés : vous avez cité le cas du Nord, du Pas-de-Calais.
Devant le congrès des départements de France, le Premier ministre a tenu un discours de vérité. Il a d'abord déclaré que le fonds exceptionnel devait être supprimé, puisque par nature il était exceptionnel – mais je crois que beaucoup de présidents de conseils départementaux sont d'accord avec cela. D'ailleurs, il s'élevait à quelque 200 millions d'euros il y a deux ans, à 130 millions l'année dernière, et ne permettait pas de couvrir les frais découlant des mineurs isolés et du RSA. Nous avons fait le choix de la vérité, celui de ne pas créer un fonds exceptionnel qui ne réglerait rien, mais de rebaser dans le budget 120 millions pour les mineurs isolés : ce que vous n'avez pas dit, c'est qu'il y a une augmentation des crédits de l'aide sociale à l'enfance. Il est vrai que cela ne va pas régler le problème pour beaucoup de départements. Le fonds exceptionnel avait été conçu pour quinze départements, il avait fini par profiter à quarante-cinq, soit la moitié du total ; c'est donc structurellement qu'il faut changer les choses.
Ce que le Premier ministre a proposé au congrès, c'est de discuter au cours de cette année du refinancement du RSA et de la compétence des départements en matière de mineurs isolés. S'agit-il ou non d'une fonction régalienne ? Comment contrôler qu'il s'agit bien de mineurs ? Les présidents de conseils départementaux constatent en effet que de nombreuses personnes touchent une aide au titre des mineurs isolés alors qu'ils ne sont pas mineurs. Du coup, les vrais mineurs, qui auraient besoin de toucher l'aide sociale à l'enfance, qui est de la compétence du département, ne peuvent plus être aidés financièrement. C'est une question complexe, que personne n'a encore réussi à régler, parce que cela coûte extrêmement cher et renvoie non seulement aux drames sociaux que connaissent notre pays, et certaines régions en particulier, mais aussi au problème des migrants. Il faudra la traiter au long cours : ce n'est pas dans le cadre d'un projet de loi de finances qu'on pourra le faire. Nous n'allons donc pas régler la question départementale aujourd'hui, mais il faudra que ce soit fait cette année. Gérard Collomb, Jacques Mézard et moi-même y travaillons, sous l'autorité du Premier ministre.
La dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle est une question extrêmement intéressante. Je vais prendre un engagement, devant vous, monsieur Corbière, et devant tous ceux qui sont intervenus, car je partage votre opinion : c'est un mauvais calcul que d'avoir proposé la DCRTP des communes comme variable d'ajustement.