Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du jeudi 27 juin 2019 à 15h00
Énergie et climat — Article 3

François de Rugy, ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je tiens d'abord à saluer le travail mené depuis des mois sur ce projet de loi, notamment sur le terrain, sur les quatre sites concernés, que je rappelle : Cordemais, en Loire-Atlantique ; Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, en Provence ; Le Havre, en Seine-Maritime, en Normandie ; Saint-Avold, en Moselle, en Lorraine. Mme Zannier, notamment, est très concernée par l'avenir du site de Saint-Avold, en Moselle, et très impliquées sur le dossier.

À la suite de nos discussions, le texte a effectivement été enrichi en commission, et c'est ainsi que le périmètre du dispositif d'accompagnement prévu pour les salariés travaillant directement dans les entreprises qui opèrent dans ces quatre centrales a été étendu aux sous-traitants ; c'était essentiel car les salariés de certaines entreprises sous-traitantes travaillent à plein-temps dans ces centrales.

Comme l'a dit Mme Zannier, nous avons rencontré ensemble des salariés de la centrale de Saint-Avold, sur le site même. Je comprends tout à fait qu'il est difficile, au-delà même des questions sociales et des interrogations sur l'avenir personnel de chaque salarié, de devoir arrêter les activités dans le bassin industriel de Saint-Avold, en Lorraine. On a encore en mémoire les dernières mines de charbon, même si elles ont fermé il y a déjà quinze ans. Or les centrales de Saint-Avold et de Gardanne sont issues de Charbonnages de France : elles ont été construites pour donner un débouché à la production de charbon, mais aussi pour compléter la production d'électricité. Disons-le : à cette époque, on a tenté de relancer la production de charbon par le plan charbon.

Évidemment, les temps ont changé. Je me souviens bien d'un ouvrier qui nous a dit être là depuis le début – les tranches fonctionnant au charbon de la centrale de Saint-Avold ont été mises en service en 1981, je crois. D'autres ouvriers, arrivés plus récemment, viennent d'autres centrales qui ont déjà fermé ou sont des anciens mineurs de charbon qui, après avoir connu la fermeture des mines, vont connaître celle de la centrale. On sait ce que cela représente dans une région comme la Lorraine, qui a déjà connu beaucoup de restructurations industrielles et de disparitions d'activités, notamment les mines de charbon.

Comme vous, je tiens à saluer l'attitude des salariés et de leurs syndicats, qui acceptent de travailler concrètement, alors qu'ils préféreraient, bien sûr, que l'on prolonge l'activité. D'autant qu'il y a deux tranches à gaz à Saint-Avold : ils auraient vu d'un bon oeil que l'on remplace les tranches charbon par les tranches gaz. À cet égard, ceux qui, dans leurs amendements ou leurs prises de position, proposent de supprimer toutes les énergies fossiles, doivent tenir compte des gens qui travaillent concrètement sur ces territoires, en espérant un remplacement du charbon par le gaz. D'ailleurs, les tranches gaz de Saint-Avold ont, certaines années, fonctionné pratiquement en permanence, notamment en 2017, je crois, parce que la demande était forte. Nous leur avons tenu un langage de vérité : nous n'avons pas entretenu d'illusions, nous n'avons pas brandi la chimère d'un remplacement par le gaz, parce que, hormis le projet de centrale à gaz de Landivisiau, en Bretagne, destiné à compléter l'offre et ainsi à assurer la sécurité de l'approvisionnement, il n'y a aucun projet de nouvelle centrale à gaz sur le territoire métropolitain continental – Corse exceptée, donc. Les choses sont claires, mais d'autant plus difficiles, c'est évident.

Nous avons tenu le même langage de vérité, il y a quelques mois, au Havre, où nous avons rencontré les élus et les salariés : dans la mesure où EDF ne poursuit pas de projet de reconversion sur ce site, la centrale fermera en 2021, comme EDF l'a annoncé.

La situation est différente selon les sites : Saint-Avold et Gardanne sont exploitées par la société privée Uniper – c'était auparavant une autre société ; les actifs ont été mis en vente, même si le processus de vente n'est pas finalisé. C'est EDF qui opère dans les deux autres centrales, celles de Cordemay et du Havre.

À Gardanne, comme j'ai eu l'occasion de le dire, dans un autre débat, en réponse à François-Michel Lambert, une tranche bois a été envisagée, mais de nombreuses difficultés se posent et on ne sait pas si cela va marcher. Il reste que la parole de l'État sera tenue et que la tranche charbon fermera aussi.

Enfin, concernant Cordemay, en Loire-Atlantique, le discours est le même. Cependant, EDF nous a informés d'un projet de reconversion non pas de la centrale, mais d'une autre activité : des déchets de bois pourraient être transformés en pellets, qui pourraient eux-mêmes éventuellement produire de l'électricité. Ce process industriel, à ce stade, n'est pas clairement consolidé, si je puis dire. Le ministère a posé un certain nombre de questions à EDF, qui doit encore y répondre. C'est précisément parce que ce projet est examiné en profondeur que cela prend un peu de temps, mais nous avons clairement indiqué qu'il n'y aurait pas de moratoire.

En effet, si nous avions prononcé un moratoire sur la fermeture des centrales à charbon, nous n'aurions pas tenu nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, M. Wulfranc a soulevé la question de la sécurité d'approvisionnement. C'est évidemment notre préoccupation majeure, constante, transversale : elle concerne tous les territoires et tous les équipements. RTE – Réseau de transport d'électricité – a fait un premier rapport. Nous lui avons demandé d'approfondir l'analyse des risques, en prévoyant des conditions extrêmes, comme un très grand froid. Son verdict public, rendu au mois d'avril dernier, si je me souviens bien, indique clairement qu'il y a une voie, certes étroite, pour fermer ces quatre centrales à charbon d'ici à 2022.

Comme l'a dit Mme de Lavergne, c'est un choix important en matière énergétique : nous tournons une page, comme nous l'avons fait en fermant nombre de centrales au fioul. C'est la concrétisation de la transition énergétique : sur nombre de ces territoires, d'autres activités de production énergétique, d'énergies renouvelables ou des activités industrielles liées aux énergies renouvelables vont prendre le relais après la fermeture des unités de production de l'électricité par le charbon.

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