La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 465 à l'article 1er.
Pour manifester notre bonne volonté, je vais en effet défendre simultanément ces trois amendements, qui ont pour objet d'annexer à chaque programmation pluriannuelle de l'énergie – PPE – une feuille de route de la réduction de la consommation énergétique de divers secteurs. M. Potier, qui a insisté à plusieurs reprises sur la nécessaire sobriété énergétique, est très attaché à ces amendements. Il ne peut être présent parmi nous cet après-midi, mais je les défends en son nom.
L'amendement no 141 a trait à la consommation énergétique nocturne. Lors des débats en commission, de nombreux amendements ont été défendus qui visaient à réduire celle-ci, notamment en limitant l'affichage numérique, l'éclairage public ou le chauffage des immeubles tertiaires. De fait, ce type de consommation est d'autant moins acceptable que nous cherchons à atteindre la neutralité carbone. Or les évolutions technologiques, notamment dans le domaine de la domotique, peuvent être d'une aide précieuse pour les réduire.
L'amendement no 142 a trait, quant à lui, au numérique. Le développement du secteur numérique s'accompagne en effet d'une augmentation importante de son empreinte énergétique, laquelle inclut l'énergie de fabrication et d'utilisation des équipements. Elle est en progression rapide, de 9 % par an. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre a ainsi augmenté de 50 % depuis 2013, passant de 2,5 % à 3,7 % du total des émissions mondiales.
Enfin, l'amendement no 143 concerne le transport aérien.
La parole est à M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Monsieur le président, bienvenue ! Nous sommes très heureux que vous présidiez la séance cet après-midi, voire ce soir.
Le plaisir est partagé, monsieur le président Lescure. Hélas ! je ne serai pas des vôtres ce soir.
Madame Battistel, une feuille de route n'est pas très éloignée d'un rapport. Or vous connaissez nos préventions contre les rapports. Cela dit, les sujets que vous mentionnez sont importants…
… et peuvent faire l'objet d'une réflexion dans le cadre d'une PPE. Je pense surtout aux deux premiers sujets. Le troisième ayant déjà été traité dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, je vous suggère de retirer l'amendement no 143 .
En ce qui concerne l'amendement no 141 , n'oublions pas qu'il n'est pas possible d'éteindre toutes les lumières la nuit, car un certain nombre de bâtiments publics, à commencer par celui dans lequel nous nous trouvons – mais aussi les hôpitaux, notamment – , fonctionnent jour et nuit. Je suis cependant favorable à cet amendement, ainsi qu'à l'amendement no 142 car il me paraît important de réfléchir davantage à l'évolution de la consommation électrique du secteur du numérique, qui contribuera de manière très importante à l'avenir, on le sait, à la hausse de la consommation globale. Prenons garde, toutefois, de ne pas inciter les créateurs de cloud, c'est-à-dire les serveurs qui hébergent les données, à aller voir ailleurs. Je préfère que les données françaises restent en France.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, pour donner l'avis du Gouvernement.
Merci beaucoup de vos avis respectifs, monsieur le président, monsieur le ministre d'État. Bien entendu, monsieur le président, il ne s'agit pas d'éteindre la lumière dans les bâtiments utilisés : ne seraient concernés que ceux qui sont vides. En tout état de cause, cela permettrait de réaliser de très importantes économies. Cette préoccupation est, du reste, partagée par tous, ici.
Par ailleurs, compte tenu de votre bonne volonté, dont M. Potier vous saura gré, je retire l'amendement no 143 .
L'amendement no 143 est retiré.
L'intention de M. Potier est excellente. Il faut, en effet, encourager la sobriété et mettre fin à la croissance de la consommation d'énergie. Je donnerai un argument supplémentaire en faveur de la limitation de l'éclairage nocturne. Celui-ci a également des conséquences sur la biodiversité, car il contribue, en modifiant leur déplacement, à la diminution du nombre des insectes et il affecte ainsi la vie des poissons des rivières, qui se nourrissent de ces insectes. Un phénomène qui peut paraître périphérique comme l'éclairage nocturne a donc une série de conséquences sur l'environnement.
J'ajoute que, pour ma part, vous vous en doutez, j'aurais souhaité le maintien de l'amendement relatif au transport aérien.
En ce qui concerne le numérique et le cloud, la plupart des professionnels réfléchissent actuellement à la question, effectivement très importante, de leur consommation d'énergie. Toutefois, la notion de feuille de route est extrêmement vague. Il faudra donc bien réfléchir aux indicateurs qui y figureront, afin de ne pas pénaliser une industrie qui est l'un de nos vecteurs de croissance potentielle.
Sur l'article 1er, je suis saisi par le groupe La République en marche et le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 560 .
Monsieur le ministre d'État, nous avons déjà évoqué le sujet en commission. Il s'agit d'un amendement d'appel. En 2023, la centrale du Vazzio, qui est la seule, en France, à produire de l'électricité à partir de fioul lourd – avec toutes les conséquences que l'on sait sur la santé publique et l'environnement – devrait arrêter de fonctionner. Un projet doit être mis en oeuvre dès 2019 pour être opérationnel en 2023. Or, si le Gouvernement et les élus semblent discuter, aucune solution de rechange viable n'a encore été trouvée. Les délais ne pourront donc pas être respectés alors que, je le répète, la production d'électricité à partir de fioul lourd dans une zone résidentielle n'est plus du tout acceptable, pour les raisons que j'ai indiquées. Monsieur le ministre d'État, quand allons-nous enfin trouver une solution de remplacement viable à la centrale du Vazzio ?
La parole est à M. Anthony Cellier, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Je veux tout d'abord apporter une clarification et revenir sur mes propos concernant l'autonomie énergétique de la Corse, qui ont suscité un certain émoi. En ce qui concerne la sécurité de l'approvisionnement de l'île, le développement des énergies renouvelables et la réduction de la consommation d'énergie en Corse, la commission des affaires économiques a adopté un amendement qui permet aux collectivités de mettre en oeuvre plus facilement des démarches de maîtrise de l'énergie.
Quant à la centrale à laquelle vous avez fait référence, je laisse M. le ministre d'État l'évoquer, car je crois qu'il a un calendrier en tête.
Je veux confirmer à M. Pupponi ce que j'ai dit la semaine dernière en commission et poursuivre la discussion que nous avons eue tout à l'heure avec M. Acquaviva sur l'autonomie énergétique de la Corse, qui est un objectif que nous recherchons conjointement. J'ai un peu plaisanté à propos de la solidarité nationale, sachant qu'on ne l'entendrait pas forcément de la même manière des deux côtés de la Méditerranée et selon son orientation politique. Mais, plus sérieusement, nous souhaitons que les îles en général, la Corse en particulier, parviennent à l'autonomie énergétique, une véritable autonomie énergétique. Car il ne suffit pas, même si c'est une bonne chose pour assurer la sécurité de l'approvisionnement, qu'un câble sous-marin relie, comme c'est le cas actuellement, la Corse à l'Italie ; l'autonomie de l'île doit être assurée par les énergies renouvelables. Nous y travaillons avec la collectivité de Corse.
En attendant, nous devons répondre à une urgence, à savoir la fin programmée de la centrale au fioul lourd. Du reste, une autre centrale du même type fonctionne en Guyane. Les deux situations sont un peu comparables : il s'agit de territoires isolés. Dans les deux cas, nous souhaitons en finir avec ce type de production ; c'est clair et net. Le processus est engagé. Des discussions et des négociations, que je souhaite mener conjointement, doivent avoir lieu entre les élus de la collectivité de Corse, le gouvernement français et EDF. Ces trois acteurs sont ceux qui peuvent régler au plus vite le problème, sachant que la perspective de court terme est le remplacement de la centrale au fioul lourd par une centrale à gaz. Mais, encore une fois, ce n'est qu'une étape vers l'autonomie assurée par les énergies renouvelables. J'émets donc un avis défavorable.
Vos réponses sont plus précises que celles que vous nous avez apportées tout à l'heure et de nature à nous rassurer.
Monsieur le ministre d'État, je conclurai, moi aussi, par une touche d'humour : en Corse, on peut rire de tout, mais il ne faut pas le faire.
Sourires.
L'amendement no 560 n'est pas adopté.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 506 .
Merci, monsieur le président Speedy Renson…
Par cet amendement, nous proposons que la feuille de route de la rénovation énergétique des bâtiments soit publiée dès 2019, en annexe de l'actuelle PPE, et non pas en 2022. C'est très important : le rapport du Haut Conseil pour le climat a souligné le retard pris en matière de rénovation énergétique et l'insuffisance des résultats du plan en cours. Nous devons donc agir dès cette année, pour répondre à l'urgence.
Je vous retourne le compliment, monsieur Orphelin…
Quel est l'avis de la commission ?
Nous devons laisser au Gouvernement un délai suffisant pour rédiger cette feuille de route. En l'espèce, 2019 me semble trop proche, d'autant plus que le Gouvernement a déjà publié, en avril 2018, un plan de rénovation énergétique des bâtiments.
D'autres amendements, qui n'ont pas été présentés, tendaient à avancer l'échéance à 2020 ou 2021, ce qui ne me semble pas pertinent puisque la feuille de route constituera un volet de la PPE.
Par ailleurs, nous l'avons dit en commission, le Sénat devrait procéder à une rectification rédactionnelle.
Même avis.
La PPE est en cours de consultation et sera bientôt finalisée. Nous aurons ensuite le temps d'écrire la feuille de route de la rénovation énergétique. Je n'y mets pas de mauvaise volonté, mais je ne comprends pas qu'il faille attendre 2022. Des mesures ont été prises à la suite du plan climat mais, une nouvelle fois, comme au cours des dix dernières années, nous ne sommes pas au bon rythme. J'ai vu l'amendement de compromis qui vient d'être diffusé et nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau tout à l'heure, mais nous aurions besoin d'une mobilisation générale du Gouvernement et de l'ensemble des acteurs en faveur de la rénovation énergétique. Cette feuille de route serait très utile dès maintenant. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez attendre 2022.
Pas de faux débats entre nous ! Le but n'est pas de savoir si nous publions cette feuille de route maintenant ou en 2022 mais si nous la rédigeons dans les six mois qui suivent la publication de la PPE, à laquelle elle vient en appui.
Même si ce n'est pas le point qui retient le plus l'attention lorsque l'on évoque la PPE, rappelons que son premier pilier est la maîtrise et la baisse des consommations, afin d'atteindre les objectifs écologiques pour le climat. Toute production d'énergie consomme des matières premières et nous devons, d'une manière générale, limiter notre empreinte énergétique. Les mesures que nous prenons, en particulier toutes celles qui se rapportent au logement, ont également un objectif social. Enfin, elles ont aussi un objectif économique, car la réduction de la consommation d'énergie dans les bâtiments représentera un bénéfice pour les entreprises et une économie globale pour la France. La baisse des importations d'énergie fossile est salutaire pour le climat mais aussi pour l'économie française.
L'absolue nécessité de déployer des moyens ne fait pas débat entre nous. L'enjeu n'est pas de savoir si nous devons publier la prochaine feuille de route de la rénovation énergétique des bâtiments en 2022 ou en 2019, mais de faire en sorte qu'une telle feuille de route soit publiée, systématiquement, dans les six mois après la publication de la PPE.
Cette feuille de route existe déjà, puisque nous avons un plan de rénovation énergétique des bâtiments. Plutôt que de la reprendre à zéro, continuons à la faire vivre en la complétant pour la rendre plus performante. Pourquoi, dans ce contexte, ne pas proposer des rendez-vous réguliers avec les députés, le cas échéant dans le cadre du fameux groupe d'études que l'on souhaite créer à l'Assemblée nationale ?
L'amendement no 506 n'est pas adopté.
Nous en venons à des explications de vote sur l'article 1er.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
Le groupe Les Républicains ne votera évidemment pas cet article, qui témoigne de l'absence de stratégie du Gouvernement pour la filière électrique. Le rôle d'un gouvernement est d'établir des stratégies, de faire des choix, d'accorder des priorités, de définir des objectifs, mais ce gouvernement mène une stratégie de la non-gestion et du glissement dans le temps. Ainsi, nous nous donnons un délai supplémentaire alors que nous savons fort bien que nous ne parviendrons pas à remplir l'objectif.
La raison aurait dû commander à ce gouvernement de hiérarchiser les objectifs, le premier étant de décarboner notre système de production d'énergie.
Dès lors que cet objectif aurait été reconnu comme prioritaire, nous aurions pu constater que notre système de production électrique est particulièrement performant à l'échelle mondiale, ce qui nous aurait permis de concentrer nos efforts sur les autres filières consommatrices d'énergie.
Hélas, le Gouvernement fait de l'écologie, non une vraie stratégie, mais un outil d'affichage et de communication. L'exemple de Fessenheim est révélateur : depuis dix ans, la centrale nucléaire fait l'objet de transactions entre les écologistes politiques français et les écologistes politiques allemands…
… alors qu'elle devrait être un outil d'aménagement du territoire. Et cette stratégie perdure, malheureusement, alors que nous devrions nous donner le temps de prendre une vraie décision, à savoir conforter un système français vertueux à l'échelle mondiale car il a prouvé sa sobriété en matière d'émissions de gaz à effet de serre.
Précisons la position des députés de la Gauche démocrate et républicaine. Je l'ai dit, nous adhérons aux projets de trajectoires que vous avez présentés, mais nous restons très préoccupés par les incertitudes, source de tensions majeures, qui entourent les décisions devant permettre de réduire la part du nucléaire à 50 % d'ici à 2035.
Par ailleurs, même si, sur le fond, vous avez apporté des éléments d'information éclairants sur la question de l'hydroélectricité, ce dont nous vous remercions, nous restons largement sur notre faim, quant à la forme, du fait de l'absence de débat à propos de cette filière majeure.
Enfin se pose le problème de la feuille de route de la rénovation des logements, secteur particulièrement sensible dans la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Nous nous abstiendrons lors du vote de l'article 1er, sachant que nous avons d'autres sujets d'irritation majeurs, comme nous l'avons dit au cours de la discussion générale.
Pour des raisons résolument contraires à celles du groupe Les Républicains, le groupe La France insoumise ne votera pas non plus l'article 1er, ne serait-ce que parce qu'il repousse encore l'objectif de la réduction de la part du nucléaire, ce qui revient à nous placer devant le fait accompli.
Hier, le Haut Conseil pour le climat a dressé un constat très sévère : il a estimé que la France n'était pas sur la bonne trajectoire et ne se donnait pas les moyens d'y parvenir. Cet article, sous couvert de répondre à un état d'urgence écologique et climatique, n'est pas à la hauteur des enjeux actuels. Nous ne cessons de le répéter depuis le début des débats.
Nous serons confrontés à un problème très grave si nous nous contentons de parler d'écologie et d'urgence écologique sans tirer les conséquences qui s'imposent, en dépit des préconisations des associations, du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – GIEC – et de nombreux autres organismes. Il faut rompre avec notre modèle de production et de consommation. Or nous faisons, avec ce texte, une sorte d'écologie d'accompagnement du système, en croyant que cela suffira pour sauver l'humanité ainsi que l'ensemble des espèces animales et végétales. Ce n'est absolument pas le cas. Nous restons dans le cadre d'une République des pollueurs.
M. François Ruffin applaudit.
… même si nous regrettons de n'avoir pas pu, dans le cadre de ce projet de loi, discuter du fond de la PPE. Nous l'avons déjà dit en discussion générale.
La décision de reporter de 2025 à 2035 l'objectif fixé dans la loi de ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % est raisonnable et pragmatique. Nous souhaitons cependant signaler au Gouvernement que cette part doit pouvoir évoluer. Elle ne doit pas être un dogme et nous pourrions envisager, dans l'intérêt de notre mix électrique, de l'augmenter dans l'avenir, selon l'état des dernières connaissances scientifiques et de la recherche, en particulier pour ce qui concerne le retraitement des déchets. Ne nous fermons pas la possibilité de revenir à une part plus importante du nucléaire dans la production d'électricité.
Le groupe Libertés et territoires s'abstiendra lors du vote de l'article 1er, car il aurait été possible d'afficher un engagement plus volontaire pour relever les enjeux énergétiques et électriques, définir la place du nucléaire, obtenir des réponses, que nous n'avons toujours pas, pour tout ce qui a trait au climat. Nos appels à établir un échelonnement plus volontaire n'ont pas même été entendus. Je reviens notamment sur la part du nucléaire dans l'énergie électrique : nous avons proposé un juste milieu entre les deux positions extrêmes de cet hémicycle, qui consistait à placer la France au niveau des autres pays du monde en 2035, à l'issue d'un parcours jalonné d'étapes intermédiaires, correspondant exactement à la trajectoire suivie par l'Allemagne depuis 2011. Or il n'y a pas vraiment eu de débat sur ce point. On en reste à l'objectif d'une part de 50 % d'ici à 2035, et d'ici là, advienne que pourra ! Pour ces raisons, nous nous abstiendrons.
Le groupe Socialistes et apparentés considère que l'article 1er ne répond pas aux préconisations du GIEC et du Haut Conseil pour le climat. Néanmoins, des avancées ont été réalisées grâce à l'adoption d'un certain nombre d'amendements. En conséquence, nous nous abstiendrons.
Au cours de la discussion générale, nous avons promis aux Français de ne pas leur mentir. L'article 1er tend à définir et à poser les bases de nos objectifs pour l'énergie et le climat. Beaucoup d'amendements ont été déposés par les différents groupes en commission et en séance publique. Nous pouvons nous réjouir de l'inscription de ces objectifs dans ce premier article et du rappel de l'urgence climatique et écologique. Nous avons également pris soin de nous fixer un objectif de décarbonation en 2050 en prévoyant des étapes intermédiaires pour ne pas être en retard.
Dès lors que nous avons décidé de ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % d'ici à 2035, nous devons mettre en place tous les moyens pour y parvenir. Nous avons par ailleurs prévu de réduire la part des énergies fossiles de 30 à 40 %. Ce sont des dispositions essentielles pour amorcer enfin la transition écologique et énergétique.
Le groupe La République en marche votera l'article 1er.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 41
Contre 7
L'article 1er est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous en venons à des amendements portant article additionnel après l'article 1er.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 311 deuxième rectification et 540.
L'amendement no 311 deuxième rectification de Mme Isabelle Valentin, est défendu.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 540 .
Il vise à introduire un allégement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – pour les biocarburants composés d'au moins 30 % d'esters méthyliques d'acides gras. Ceux-ci bénéficieraient ainsi de la même taxation avantageuse que les biocarburants de type B100.
L'outil qui permet d'inciter au développement des biocarburants est la taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants, dont les évolutions sont discutées lors de l'examen du projet de loi de finances. J'émets un avis défavorable.
Avis défavorable également, pour les mêmes raisons.
Les amendements identiques nos 311 deuxième rectification et 540 ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 833 rectifié , 834 rectifié , 512 rectifié , 755 , 193 et 631 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 833 rectifié et 834 rectifié sont identiques, de même que les amendements nos 193 et 631 .
Les amendements identiques nos 833 rectifié et 834 rectifié font l'objet des sous-amendements nos 878 , 863 , 864 , 865 , 866 , 879 et 880 .
Sur les amendements identiques nos 833 rectifié et 834 rectifié , je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Charles Colas-Roy, pour soutenir l'amendement no 833 rectifié .
J'ai l'honneur de présenter, au nom du groupe La République en marche, un amendement qui vise à instituer une loi fixant tous les cinq ans, à compter de 2023, les principaux objectifs à atteindre dans la PPE. Nous pourrons ainsi poser véritablement les jalons permettant de réaliser notre ambition en matière de neutralité carbone.
Cet amendement est le fruit d'un travail de plus d'un an avec le rapporteur et l'ensemble des collègues de la majorité. Je sais que cette démarche est également partagée par de nombreux collègues de sensibilités différentes.
Nous traduisons ainsi la volonté que nous avons, depuis un an, de mettre la PPE, qui est la feuille de route de la transition énergétique, au coeur des débats parlementaires. Grâce à cette loi programmatique, tous les cinq ans, à compter de 2023, nous donnerons au Parlement les moyens de débattre, d'exercer sa mission de contrôle et d'influer véritablement sur la feuille de route énergétique de la France.
Nous comblons ainsi un vide, en complétant la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous pouvons être fiers de renforcer la place de la représentation nationale dans les débats sur l'énergie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit également.
La parole est à M. Anthony Cellier, pour soutenir l'amendement no 834 rectifié .
Je tiens à remercier M. Colas-Roy, qui a rappelé que nous avons travaillé plus d'un an sur cette thématique. Je remercie également le président de la commission des affaires économiques, M. Lescure, et la présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Mme Pompili, qui a partagé ses expériences de députée. Nous avons abouti à la rédaction d'un amendement dont nous pouvons être légitimement fiers.
Cette loi précisera : les objectifs intermédiaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour trois périodes successives de cinq ans ; les objectifs de réduction de la consommation d'énergie par secteur d'activité, pour deux périodes successives de cinq ans ; les objectifs de développement des énergies renouvelables pour l'électricité, la chaleur et le gaz, pour deux périodes successives de cinq ans ; les objectifs de diversification du mix de production d'électricité, pour deux périodes successives de cinq ans.
L'amendement prévoit aussi que le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie et celui fixant la stratégie nationale bas-carbone devront être adoptés dans les douze mois qui suivent l'adoption de la loi. Ces décrets seront compatibles avec les objectifs fixés dans la loi votée. L'amendement rend également la stratégie nationale bas-carbone plus ambitieuse, alors que celle-ci doit aujourd'hui simplement répartir le budget carbone « par catégories de gaz à effet de serre lorsque les enjeux le justifient ».
J'espère que ces deux amendements identiques seront adoptés à l'unanimité.
M. le président de la commission des affaires économiques applaudit.
Je souhaite que M. le rapporteur apporte une réponse sur chacun de ces sous-amendements, parce qu'ils sont importants.
Le sous-amendement no 878 vise à ce que cette loi quinquennale sur l'énergie – tel pourrait être son titre – soit inscrite dans le code de l'énergie. Déjà que le dispositif sera hybride, puisque nous aurons désormais à la fois une loi et un décret, qui entrera dans les détails techniques, le fait que cette loi quinquennale ne soit pas inscrite dans un code risquerait de poser problème.
Les sous-amendements nos 863 et 864 prévoient que les prérogatives du législateur sur le cadre général de la PPE s'exerceront dès la prochaine PPE. Sinon, ces prérogatives ne s'exerceraient qu'en 2023, c'est-à-dire durant la prochaine législature, ce qui revient à demander au Parlement actuel de renoncer à ses prérogatives.
Le sous-amendement no 865 vise à insérer la notion de loi de programmation et le sous-amendement no 866 vise, à défaut, à substituer aux mots « les priorités d'action et la marche à suivre » les mots « la programmation des actions ». En effet, je n'avais encore jamais rencontré la notion de « marche à suivre » dans un texte législatif.
Le sous-amendement no 879 tend à ce que le niveau du budget carbone et sa répartition sectorielle soient fixés par la loi, conformément à la recommandation formulée par le Haut Conseil pour le climat dans son rapport de 2019. Un objet de cette loi devra être de fixer « le plafond national des émissions de gaz à effet de serre déterminant le budget carbone [… ] et sa répartition par grands secteurs ».
Enfin, le sous-amendement no 880 , dans le prolongement du rapport que le Haut Conseil pour le climat a rendu hier, vise à ce que les prérogatives du législateur portent non seulement sur les émissions de gaz à effet de serre, mais également sur l'empreinte carbone.
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir l'amendement no 512 rectifié .
Il faut améliorer la participation des parlementaires à la définition de la loi sur l'énergie. Si ce qui est proposé va dans le bon sens, il faut, de notre point de vue, aller encore plus loin et prévoir dans le domaine de l'énergie, comme dans les domaines de la défense et de la justice, une loi de programmation, afin de regrouper en un seul texte législatif l'ensemble des dispositifs relatifs à l'énergie, qui sont malheureusement, à l'heure actuelle, éparpillés dans différents textes adoptés depuis juin 2017.
Mais notre ambition va encore plus loin : on nous a expliqué qu'il fallait s'attaquer aux objectifs en matière de consommation, d'émissions et de production d'énergies renouvelables. Or ces objectifs doivent être définis non pas du seul point de vue du carbone mais également du point de vue de la production d'énergie, sans omettre le débat sur la souveraineté nationale en matière énergétique.
Il convient de se pencher non pas seulement sur les objectifs, mais aussi sur l'adéquation entre les besoins et les ressources, entre les productions et les consommations, qui permet d'atteindre ces objectifs. À cette fin, il convient de participer en amont à la phase de définition et de calcul des besoins en fonction de l'offre.
L'adoption de cet amendement permettrait enfin – c'est une évidence – de donner plus de poids aux parlementaires dans la définition de la stratégie énergétique nationale, en rétablissant la hiérarchie des normes. Aujourd'hui, nous inscrivons dans la loi ce que la réglementation a défini, alors que c'est à la réglementation de s'adapter à ce qu'a défini le législateur.
Ces amendements en discussion commune ont des portées différentes. Il vous appartient de faire votre choix en fonction de la nature des débats sur les orientations énergétiques que vous souhaitez pour les prochaines législatures : nous contenter de débattre de quelques objectifs ou participer dans le détail à la définition de ces objectifs.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 755 .
Il vise à faire passer la PPE du niveau réglementaire au niveau législatif en prévoyant une loi de programmation. Non seulement celle-ci fixera des objectifs, mais elle entrera dans les détails et elle comprendra, ce qui est le plus important, les annexes budgétaires et la planification des moyens consacrés à l'atteinte des résultats souhaités.
Je laisserai Julien Aubert défendre l'amendement no 631 , qui est identique à celui-ci.
Notre débat porte sur l'inscription dans la loi d'une partie de la PPE. Monsieur Colas-Roy, si cela fait un an que vous travaillez sur le sujet, je suis étonnée que vous nous proposiez d'attendre 2023 pour débattre de la PPE dans l'hémicycle. Pourquoi ne pas avoir saisi l'occasion de ce projet de loi relatif à l'énergie et au climat pour ouvrir le débat sur la PPE ? Pourquoi votre amendement ne prévoit-il ce débat qu'à compter de 2023, dans le cadre d'une loi quinquennale ? Nous nous privons de nos prérogatives parlementaires en renvoyant ce débat à la prochaine PPE.
C'est pourquoi je soutiens votre amendement très judicieux, à la condition que soient adoptés les sous-amendements nos 863 et 864 de Mme Batho. Il faut que nous puissions débattre dès maintenant des mix énergétiques. N'attendons pas 2023 !
Nous sommes tous d'accord au moins sur un point : le Parlement devrait non seulement être associé à la définition de la stratégie énergétique, mais avoir un rôle prééminent en la matière.
Un des avantages du présent amendement est de donner au législateur compétence pour définir la PPE, alors que vous proposez, au contraire, que la PPE complète les objectifs fixés par la loi, ce qui pourrait poser, d'ailleurs, des problèmes de calendrier.
Nous sommes dans un monde étrange : alors que les orientations choisies par le Gouvernement ne cadrent pas avec les objectifs que le législateur avait fixés en 2015, l'exécutif propose de tordre la loi afin de faire entrer sa PPE dans les clous législatifs. Il convient donc de rétablir la hiérarchie des normes.
Il faut simplifier et ne prévoir qu'un seul moment, le moment parlementaire, durant lequel nous débattrons des objectifs et fixerons la PPE.
Je tiens à ajouter que, s'il est bien de mentionner les objectifs, il convient surtout de définir le chemin qui sera pris pour les atteindre. Le vrai débat doit porter sur les moyens budgétaires. Nous devrions adopter une méthodologie prenant en compte deux critères : le coût et, surtout, l'efficacité environnementale, afin de déterminer, in fine, le coût de la tonne de CO2 évitée. Autrement dit, il faut, pour une somme donnée, que l'impact soit maximal en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous aurions ainsi un débat rationnel et serein.
Je crains qu'en nous contentant de fixer des objectifs nous ne retombions dans la même ornière qu'en 2014, que vous ne semblez pas éviter non plus : viser la lune et rester à terre.
Quel est l'avis de la commission sur ces différents amendements et sous-amendements ?
… parvenir à un consensus – ce qu'on n'avait pas réussi à faire lors de l'examen de la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte – sur la question de l'intégration des parlementaires à une réflexion globale sur la stratégie de notre pays dans les dix prochaines années en matière de politique énergétique. Les amendements no 833 rectifié et 834 rectifié sont tout de même, je le répète, le fruit du travail d'une année de concertation et de négociation, étape par étape. Sur ces bancs, les parlementaires qui ont de l'expérience savent très bien que tout cela ne tombe pas du ciel.
Le dispositif que nous proposons nous semble être un bon équilibre. Je précise que la loi inclura certains aspects de la stratégie nationale bas-carbone. Pour vous répondre au sujet de votre sous-amendement no 878 , madame Batho, il faudrait donc modifier, outre le code de l'énergie, le code de l'environnement.
On peut débattre du degré de technicité que doivent atteindre les réflexions des parlementaires. La vertu de notre amendement est de permettre aux parlementaires de s'approprier la stratégie énergétique nationale et de donner les grandes orientations, sans tomber dans les travers d'une discussion sur les détails techniques ou financiers des appels d'offres, par exemple.
C'est un avis personnel. Il n'y a pas lieu de débattre de ces détails dans l'hémicycle. Je préfère qu'on se concentre sur le cap à fixer pour notre pays et sur la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. C'est d'ailleurs ce que nous faisons, d'une certaine manière, depuis le début de l'examen du présent projet de loi. Il convient également de déterminer le calendrier approprié et le rendez-vous adéquat pour vérifier si les objectifs sont atteints.
Monsieur Aubert, j'ai l'habitude de vous citer sur ce point.
Vous dites souvent que le Parlement n'est qu'un chef de gare qui constate qu'un train n'est pas arrivé à l'heure. Pour ma part, je vous propose d'être non seulement ce chef de gare, mais aussi l'aiguilleur qui permet à ce train d'arriver à l'heure à la prochaine gare.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit également.
Je suis défavorable aux amendements no 512 rectifié , 755 , 193 et 631 , ainsi qu'à l'ensemble des sous-amendements, à l'exception du no 880, car il est nécessaire de prendre en compte l'empreinte carbone.
Les amendements présentés par M. Colas-Roy, au nom du groupe La République en marche, et par M. le rapporteur font suite à un travail mené, ces derniers mois, par la commission des affaires économiques, sous la houlette de son président, Roland Lescure, et par la commission du développement durable, sous la houlette de sa présidente, Barbara Pompili.
Nous en avions parlé dès la première audition en commission du développement durable. J'avais dit mon intérêt, à titre personnel, et celui du Gouvernement pour une démarche associant le Parlement à la PPE, en tout cas à la stratégie en la matière, en prévoyant une clause de revoyure tous les cinq ans.
Nous savons que les moyens doivent être déployés dans le temps et que nous devons assurer autant que possible une cohérence et une constance des actions dans le temps. Si l'on change de cap tous les cinq ans, il sera assez difficile d'obtenir des résultats. La plupart des investissements dans le domaine de l'énergie aboutissent en cinq à dix ans, qu'il s'agisse de la production, des réseaux ou des économies.
Je suis donc très heureux que nous puissions prévoir cette disposition aujourd'hui dans le cadre du projet de loi relatif à l'énergie et au climat. Ce n'était pas son objet initial, mais il est tout à fait positif d'introduire cette clause de revoyure tous les cinq ans, qui impliquera un débat et des décisions à prendre.
En revanche, je le dis très clairement, je suis défavorable aux amendements prévoyant un vote sur la PPE au Parlement. On serait dans une confusion totale ! La loi de 2015 a prévu que la PPE soit publiée par décret. Certains se sont opposés à cette disposition à l'époque – c'est bien leur droit. Ceux qui sont toujours élus peuvent revenir à la charge aujourd'hui, mais leur proposition fragiliserait l'ordre juridique.
Les précédentes lois datent de 2015 – loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte – et de 2005 – loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE. Dix ans ont donc séparé ces deux lois. Il n'y avait pas forcément, auparavant, de lois régulières.
Le débat actuel témoigne de la volonté du Parlement de se saisir des enjeux énergétiques, ce qui est une bonne chose, mais le programme électronucléaire français, rappelons-le, a été lancé sans la moindre décision législative.
Monsieur Aubert, il faudrait savoir ! Préférez-vous qu'il n'y ait pas de débats aujourd'hui sur ce sujet, au Parlement ?
Nous traitons mieux ces sujets aujourd'hui, avec des débats publics et parlementaires ; tant mieux !
Je suis favorable aux amendements identiques présentés par le groupe La République en marche et par M. le rapporteur, ainsi qu'au sous-amendement no 880 . Je suis défavorable aux autres amendements et sous-amendements.
La place du Parlement dans la définition de la politique énergétique est aujourd'hui devenue une question de souveraineté. Les enjeux ont beaucoup changé depuis les années 1960 et 1970. La souveraineté nationale est, jusqu'à preuve du contraire, exercée par l'Assemblée nationale. C'est donc bien à nous de nous prononcer en la matière.
Il faut bien clarifier les choses. Le rapporteur a dit que le dispositif proposé permettrait à l'Assemblée nationale de s'approprier les enjeux du débat, comme si nous étions une bande de citoyens, un peu plus éclairés que les autres, appelés à s'approprier un sujet qui les dépasserait. Il faut aller bien plus loin : la proposition de Mme de La Raudière et de M. Aubert nous permettrait non seulement de nous approprier le sujet, mais de nous exprimer et de définir la politique énergétique de la France, ce qui me semble essentiel.
Le problème principal soulevé par les amendements de la majorité et du rapporteur est celui du calendrier : renvoyer la prochaine discussion parlementaire à 2023, c'est faire la politique de l'autruche. Nous allons avoir, pendant les trois prochaines années, c'est-à-dire pendant ce quinquennat, des choix énergétiques structurants à faire ; il sera trop tard pour les faire dans cinq ans. Votre proposition nous prive de notre capacité à nous exprimer sur ces choix essentiels, qui doivent être faits, non pas dans cinq ans, mais maintenant.
Je pense notamment au « nouveau nucléaire ». Vous le savez très bien, si nous ne prenons pas une décision, dans les trois ans qui viennent, sur un éventuel nouveau programme nucléaire, nous ne serons pas capables de maintenir notre système de production énergétique à une échéance de vingt ans. Supposons que l'on veuille adapter le rythme de fermeture des centrales nucléaires à leur durée d'exploitation initialement programmée et réduire ainsi la part du nucléaire dans le mix électrique français – objectif que nous contestons. Si l'on veut que cette décroissance soit progressive et raisonnable, il faudra tout de même prendre, dans les trois prochaines années, la décision de lancer un nouveau programme nucléaire. Votre amendement ne permet pas de le faire.
L'amendement no 833 rectifié , que j'ai cosigné, et l'amendement identique no 834 rectifié visent à donner au Parlement des moyens législatifs pour agir en faveur de la transition énergétique.
Le Haut Conseil pour le climat a rappelé, dans un rapport remis au Premier ministre, que la neutralité carbone en 2050 était techniquement réalisable. Cela étant dit, elle impose une transformation profonde de l'économie et de la société, à un rythme soutenu. Le présent projet de loi nous donne l'occasion de changer concrètement nos manières d'agir face à « l'urgence écologique », notion que nous avons introduite dans la loi avec l'article 1er.
Avec ces amendements, le Parlement va se donner la capacité d'influer sur les politiques publiques et de répondre à la crise climatique par l'intermédiaire d'une loi qui fixera, tous les cinq ans, nos priorités d'action. Comme l'a dit le ministre d'État, cette loi ne concurrencera pas la PPE. Au contraire, elle permettra au Parlement de compléter et d'enrichir les travaux menés par le Gouvernement.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter ces amendements dans leur rédaction actuelle. Ils encourageront le Parlement à assumer ses responsabilités pour la réussite de la transition écologique.
Ce débat a une histoire : la transition énergétique avait fait l'objet d'un débat national, qui était censé déboucher sur une loi de programmation. Le Gouvernement a fait le choix, lors du précédent quinquennat, de ne pas présenter de loi de programmation et de renvoyer la PPE à un décret. Non seulement cela a nourri la frustration de la représentation nationale, mais cela pose également un problème politique de fond : les choix de politique énergétique relèvent de la souveraineté démocratique. À cet égard, il est bon, effectivement, que nous ayons désormais à débattre tous les cinq ans pour fixer le cadre de l'action.
Nous aurions pu parvenir à un consensus si la majorité et le Gouvernement avaient évolué en ce sens, mais vous restez au milieu du gué en proposant quelque chose d'hybride : la loi qui sera débattue tous les cinq ans s'en tiendra aux objectifs. Il existe d'ailleurs une ambiguïté liée à l'expression « marche à suivre » : cette loi portera-t-elle aussi sur les actions et la programmation des actions ? Ce n'est pas très clair.
Nous avons besoin, de toute façon, d'une loi qui fixe un cadre assez précis, y compris une répartition par grands secteurs, et d'un décret qui porte sur certaines modalités pratiques d'application. En tout cas, ce ne sont pas seulement les objectifs qui relèvent du domaine de la loi.
En outre, pour parvenir à un consensus, le principe de souveraineté du législateur doit s'appliquer à la prochaine PPE. Rien ne s'y oppose, d'autant que la prochaine PPE est déjà en retard.
Je remercie le rapporteur et le ministre d'État d'avoir émis un avis favorable sur l'amendement no 880 . Cependant, au-delà de notre désaccord sur le calendrier, je ne comprends pas pourquoi ils sont défavorables à l'amendement no 879 , car il reprend une recommandation importante du rapport du Haut Conseil pour le climat, selon lequel il appartient au législateur de déterminer le niveau du budget carbone et sa répartition par grands secteurs.
Je m'inscris en faux contre les propos de M. Schellenberger. Ce n'est pas parce que nous prévoyons d'adopter une loi de programmation sur l'avenir énergétique de la France tous les cinq ans, en corrélation avec le décret relatif à la PPE, que nous nous interdisons de proposer, à divers moments du quinquennat, d'autres lois importantes relatives à l'énergie. Le ministre d'État l'a rappelé à plusieurs reprises, l'hydroélectricité, la réorganisation d'EDF et la réforme du code minier seront peut-être abordées dans des textes à venir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La simplicité est souvent bonne conseillère, et il faut éviter les usines à gaz.
Premièrement, du point de vue juridique, je ne vous ferai pas l'insulte, monsieur le ministre d'État, de vous rappeler les termes de l'article 34 de la Constitution : il appartient au législateur de déterminer les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement. Le Parlement est donc totalement dans son rôle lorsqu'il vote une loi en la matière. Cela relève même de sa compétence, dès lors que l'objectif est, en l'occurrence, la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, il revient au décret de mettre en application une telle loi qui fixe les objectifs.
Pourquoi ai-je critiqué votre proposition, monsieur le rapporteur ? Vous m'avez peut-être mal compris, car vous avez perçu cette critique, forcément, comme une opposition. Or il y a des nuances. Je vous rassure : nous allons voter votre amendement et celui de la majorité.
Ah !
Nous allons le voter, mais en sachant pertinemment que vous ne faites, malheureusement, que la moitié du chemin.
L'objectif général en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre est fixé par le GIEC. Notre plus-value, en tant que Parlement français, est de dire, compte tenu de la situation française, de notre mix énergétique actuel, de l'acceptabilité sociale des mesures envisagées et de nos moyens budgétaires : « Voilà le chemin que nous pouvons parcourir ; voilà ce qui semble raisonnable. » En effet, comme je l'ai dit, il serait stupide de faire un hara-kiri industriel et social pour écrêter l'augmentation de la température d'un dix-millième de degré seulement !
Contrairement à ce que vous pensez, toute la beauté du discours ne tient donc pas forcément dans les objectifs. Elle tient plutôt dans le fait d'expliquer à nos compatriotes le chemin que nous avons pris et les objectifs que nous avons retenus compte tenu de l'efficacité des différentes politiques, de nos moyens budgétaires et de la faisabilité des mesures envisagées. Elle est là, notre plus-value ! Elle consiste à dire, par exemple, que nous avons choisi de développer l'hydrogène plutôt que d'investir dans les biocarburants, car nous avons évalué l'impact de chacune de ces mesures en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone et leurs conséquences en matière d'industrie et d'emploi.
Je ne demande pas à ce que nous nous occupions de la tambouille : lancement ou non d'appels d'offres, application ou non de tarifs de rachat, etc. Mais entre ce niveau de logistique pure et le niveau stratosphérique, il y a de la marge. Vous nous dites : « Moi, je regarde les étoiles. » Attention, lorsqu'on marche le nez en l'air, on risque de se prendre les pieds dans le tapis.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le sous-amendement no 880 est adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 833 rectifié et 834 rectifié , sous-amendés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 55
Contre 2
Les amendements identiques nos 833 rectifié et 834 rectifié , sous-amendés, sont adoptés. En conséquence, les amendements no 512 rectifié , 755 , 193 et 631 tombent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous vérifierons si vous n'êtes pas l'un des deux collègues qui a voté contre, monsieur Aubert !
Sourires.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l'amendement no 611 .
Pour l'instant, la PPE est construite, s'agissant du mix énergétique, sur le fondement d'une seule et unique hypothèse : que tous les réacteurs nucléaires seront prolongés au-delà de leur durée de vie prévue à quarante ans. Or le président de l'Autorité de sûreté nucléaire – ASN – lui-même a répété à plusieurs reprises que cette prolongation au-delà de quarante ans n'était pas acquise. En effet, on n'a pas encore tranché sur certains nouveaux critères de sûreté post-Fukushima. De plus, chaque réacteur fait l'objet d'un examen au cas par cas. Or, en fonction de la liste des travaux à effectuer sur chaque réacteur, il ne sera pas nécessairement rentable pour l'exploitant d'en prolonger certains.
L'ASN et l'IRSN – Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – ont besoin de marges de manoeuvre, et ce n'est pas nouveau. Déjà, en 2013, l'ASN soulignait l'importance de disposer de marges de manoeuvre suffisantes dans le système électrique français pour faire face à l'éventuelle nécessité de suspendre simultanément le fonctionnement de plusieurs réacteurs qui présenteraient un défaut générique grave. Dix ans plus tôt, le président de l'ASN de l'époque avait déclaré : « en cas de problème de sûreté générique et grave, je serais conduit à aller voir le Premier ministre et à lui dire : " Monsieur le Premier ministre, vous avez le choix entre deux décisions possibles : première version, on coupe l'électricité ; deuxième version, on continue à faire fonctionner le parc nucléaire d'EDF dans un mode dégradé. " » Voulons-nous nous retrouver dans cette situation ?
L'ASN a émis de nombreuses mises en garde, car elle ne souhaite pas prendre ses décisions sous la pression. Or elle prend des décisions courageuses : elle l'a montré au sujet des soudures de l'EPR de Flamanville ou encore de la centrale nucléaire du Tricastin. Mais, à chaque fois, une pression énorme a pesé sur ses épaules, ce qui ne devrait pas être le cas. Nos autorités de sûreté doivent pouvoir prendre leurs décisions en toute sérénité.
Au vu de la part importante représentée par l'électricité dans notre mix énergétique, nous avons besoin de marges de manoeuvre. Je terminerai en rappelant que, la semaine dernière, la Commission européenne a recommandé à la France d'être plus claire et prévoyante sur la diversification de son mix et sur ses capacités nucléaires. Nous ne pouvons pas construire toute notre politique en retentant l'hypothèse la plus optimiste de toutes. Par cet amendement, nous proposons simplement d'élaborer un plan B au cas où.
Madame la présidente Barbara Pompili, je suppose que cet amendement fait suite à des échanges que vous avez eus avec l'ASN et l'IRSN. Tout ce que vous avez rappelé est d'ailleurs connu.
Je voudrais tout d'abord répondre sur plusieurs points. La PPE est construite à partir de scénarios prévoyant l'arrêt de certains réacteurs nucléaires, quelle que soit la raison de cet arrêt. Celui-ci peut découler d'une décision de l'ASN faisant suite à une visite décennale ou résulter d'une décision politique. Je renverse d'ailleurs l'argument que vous venez de présenter : même si l'ASN dit que toutes les centrales passant les visites décennales peuvent être prolongées, le Gouvernement peut faire le choix politique d'anticiper des arrêts programmés, autrement dit d'arrêter des réacteurs sans attendre qu'ils soient déclarés inaptes au fonctionnement. C'est le choix qu'a fait ce gouvernement, et il continuera à s'appliquer si le gouvernement suivant ne modifie pas la PPE.
Si je comprends bien votre propos, vous vous inquiétez de ce qui pourrait arriver si les décisions de l'ASN amenaient à fermer davantage de réacteurs. Je rappelle à ce sujet que l'ASN ne prend jamais la décision de fermer une centrale ou un réacteur. Elle émet des recommandations soulignant la nécessité de conduire des travaux et de réaliser des investissements pour continuer leur exploitation. Votre question est donc la suivante : si l'ASN émettait de telles recommandations et si l'opérateur faisait part de son incapacité à réaliser les investissements requis dans le délai imparti, ou bien s'il fallait procéder à une série de mises à l'arrêt dépassant les capacités identifiées dans la PPE, que ferait-on ?
Vous allez même plus loin, puisque vous demandez qu'on anticipe ces scénarios. En réponse à cela, je soulève à mon tour une question : jusqu'où doit-on aller ? Faut-il anticiper un scénario noir dans lequel dix, quinze ou vingt réacteurs sur les cinquante-huit en service devraient être mis à l'arrêt, en quelques années, pour des raisons de sécurité ? Est-ce cela que vous entendez ? Il faut que nous soyons précis. Il ne s'agit pas d'agiter la peur – je ne crois pas que cela soit votre objectif.
S'agit-il donc de disposer de réserves capacitaires ? Nous en avons déjà. En France, nous disposons de réserves capacitaires thermiques, dont certaines ne fonctionnent jamais et d'autres très peu. Ces réserves sont constituées aussi bien par de petites centrales que par des groupes électrogènes dans les hôpitaux ou ici même à l'Assemblée nationale.
L'idée est-elle d'arrêter certaines consommations pendant des durées prolongées ? Nous avons également des dispositifs de ce type, qui sont activés si l'appareil de production n'est pas en mesure de répondre à un pic de demande. Faut-il aller au-delà de ces mesures ? Souhaitez-vous que nous soyons potentiellement en situation de surproduction ? Il faudrait alors que la somme des capacités nucléaire, renouvelable et thermique installées, susceptibles d'être activées à tout moment, soit très supérieure à la demande pour pouvoir faire face à d'éventuels « trous » de production. Vous voyez bien que tout cela soulève des questions économiques.
Je ne souhaite pas, pour ma part, que des décisions conduisent à déséquilibrer le marché de l'électricité. Or une situation de surproduction risquerait d'entraîner une chute des prix. Nous ne parviendrions plus, alors, à équilibrer les coûts de production. La question est donc : comment équilibrer l'offre et la demande avec telle ou telle marge de sécurité ? Les scénarios de la PPE intègrent déjà une marge de sécurité. Je ne vois pas la nécessité de prévoir des marges supplémentaires.
M. François-Michel Lambert a rappelé précédemment que le Japon avait été obligé d'arrêter tous ses réacteurs, presque du jour au lendemain, à la suite de la catastrophe de Fukushima. Il s'agit là de cas extrêmes appelant des mesures extrêmes, d'urgence. Au Japon, le débat est d'ailleurs inversé par rapport à celui que nous avons chez nous, puisqu'il porte sur l'opportunité de rouvrir ou non certains réacteurs.
Enfin, je ne peux laisser dire que nous faisons peser toute la responsabilité sur les épaules de l'ASN ; ce n'est pas vrai. Par ailleurs, si EDF n'est pas d'accord avec l'ASN, c'est celle-ci qui a le dernier mot. Il ne revient pas au Gouvernement de trancher, et l'opérateur ne peut passer outre cet avis.
Vous le voyez bien, d'ailleurs, à propos de Flamanville. Si nous cherchions à avoir une sécurité maximale en matière, non de fonctionnement de l'installation, mais d'approvisionnement en électricité, nous pourrions décider de mettre l'EPR en fonctionnement, et de chercher ensuite des solutions, le risque que cela pose des problèmes de sûreté étant très faible – certains ont d'ailleurs défendu ce point de vue. Or l'ASN a estimé qu'un tel risque ne pouvait être pris et que les réparations devaient être effectuées avant même la mise en fonctionnement. L'avis de l'ASN prime.
Les éléments fournis, qui sont transparents et connus de tous, répondent aux préoccupations exprimées par cet amendement. Je souhaite qu'il soit retiré. Si tel n'était pas le cas, j'émettrais un avis défavorable.
Je vous remercie, monsieur le ministre d'État, pour cette réponse, mais il faut bien comprendre que mon amendement ne tombe pas du ciel ! Il s'agit d'une demande réitérée de l'ASN elle-même.
L'ASN et l'IRSN font évidemment un excellent travail, comme nous l'avons vu au sujet des soudures de l'EPR : malgré les nombreuses pressions exercées, notamment par EDF, pour éviter les réparations ou ne les engager qu'après la mise en service de l'EPR, ces autorités ont tenu bon.
Toutefois, leurs responsables nous disent, lorsque nous les auditionnons dans le cadre d'une commission d'enquête ou les recevons dans notre bureau, qu'ils subissent des pressions énormes. Il est en effet question de milliards d'euros et de filières entières. On sait très bien qu'aujourd'hui, une décision de l'ASN sur l'EPR aura des conséquences sur l'ensemble de la filière nucléaire. De même, lorsqu'il faut arrêter les quatre réacteurs du Tricastin, l'ASN prend cette décision malgré les pressions qu'elle subit du fait du caractère absolument essentiel de ce secteur économique et énergétique pour le fonctionnement de notre pays.
Nous demandons simplement que l'on réfléchisse à des scénarios alternatifs, par exemple en mobilisant des ressources renouvelables au lieu de faire appel massivement aux énergies importées, notamment thermiques.
Quant à la question de la surproduction, nous sommes déjà un peu dans cette situation, mais ce n'est pas grave.
Il conviendrait de prévoir des systèmes d'économie d'énergie que l'on pourrait déclencher à certains moments, notamment en période de pointe. Sur ce sujet, j'avais déposé un amendement en commission, mais il a malheureusement été rejeté : il faudrait identifier partout les consommations d'énergie qui ne sont pas essentielles et que l'on pourrait arrêter – je pense par exemple aux panneaux publicitaires lumineux, qui consomment une énergie folle.
Voilà des solutions qui pourraient être envisagées dans le cadre de la PPE. Il s'agit simplement de prévoir des options alternatives en cas de problème.
Mme Delphine Batho et Mme Mathilde Panot applaudissent.
Vous avez vous-même expliqué, madame Pompili, qu'il existait deux leviers d'action.
Le premier consiste à neutraliser la demande ou la consommation. Nous sommes déjà capables de le faire aujourd'hui : c'est Réseau de transport d'électricité – RTE – qui en est chargé, et nous lui avons demandé d'affiner les mécanismes existants, s'agissant notamment de la rémunération d'un certain nombre de gros consommateurs qui acceptent d'être débranchés à tout moment, en cas de besoin, lorsque l'offre n'arrive vraiment pas à répondre à la demande. Nous avons pu constater que ces mécanismes n'avaient pas toujours fonctionné parfaitement ; c'est pourquoi RTE a repris les choses en main. Les nouveaux moyens technologiques, notamment les réseaux intelligents, permettront d'aller très loin, y compris d'agir sur la demande des particuliers.
Le deuxième levier d'action, ce sont les interconnexions avec les pays voisins. Comme je l'ai redit à plusieurs reprises, la France soutient ardemment la politique européenne de développement des interconnexions – elle en est même l'un des moteurs. Il existe donc une solidarité européenne lorsque, dans tel ou tel pays, la demande est supérieure à l'offre. Les interconnexions permettent de mutualiser nos moyens de production pour faire face à une situation fragile dans un pays donné. D'ailleurs, la France bénéficiaire de cette politique puisqu'elle est exportatrice nette d'électricité – à de nombreux moments, c'est la France qui exporte son électricité. Cependant, elle peut aussi être amenée à en importer.
Ainsi, la future interconnexion entre la France et l'Espagne nous permettra de bénéficier, à certains moments, des fortes productions espagnole et portugaise d'énergie renouvelable éolienne. D'autres chantiers sont en cours avec l'Italie, le Royaume-Uni, notamment dans le tunnel sous la Manche, ou encore avec l'Irlande – je pense au Celtic Interconnector. Nous allons continuer dans cette voie.
En tout cas, comme je l'ai répété à plusieurs reprises depuis le début de ce débat, on ne peut pas laisser dire aux Français que la question de la sécurité de l'approvisionnement n'est pas prise en compte. Quels que soient les modes de production, c'est une obsession permanente de RTE, l'autorité chargée d'équilibrer à tout moment, dans le cadre d'une programmation dans la durée, l'offre et la demande.
J'ai cosigné cet amendement de Mme Pompili. Je vous avais également interrogé en commission à ce sujet, monsieur le ministre d'État, et vous m'aviez répondu à peu près la même chose. Je ne suis pas sûr que l'on s'entende bien sur le besoin. Nous ne sommes pas en train de mettre en question la sécurité de l'approvisionnement ou la sécurité nucléaire, mais de vous demander comment vous ferez face aux fermetures de centrale programmées.
En tant que rapporteur pour avis du budget de la marine, j'ai appris que nous allions retirer du service un sous-marin nucléaire d'attaque qui n'est pourtant pas le plus âgé – il se trouve qu'il a « vieilli » plus vite que celui qui avait été construit quelques années avant lui. De même, les centrales nucléaires ont été construites par modèle, par type, par génération, et elles n'ont pas forcément toutes vieilli de la même façon. Aujourd'hui, la fermeture de certaines centrales est planifiée, mais que se passerait-il si, pour les raisons que je viens d'évoquer, un réacteur devait être arrêté plus tôt que prévu ? Si c'est un phénomène générationnel, ces arrêts anticipés pourraient même concerner deux ou trois réacteurs en même temps, ce qui aurait un impact majeur sur l'approvisionnement énergétique de notre pays.
Bien sûr, EDF, RTE, Enedis et les autres acteurs font tout ce qu'il faut pour assurer l'approvisionnement. Nous connaissons les mécanismes d'effacement, mais ils jouent sur les pics et non sur la masse de la consommation. Aujourd'hui, nous avons un scénario, mais ne serait-il pas plus prudent d'en envisager un second dans lequel les choses ne se passeraient pas aussi simplement et certains réacteurs pourraient être défaillants plus tôt que prévu ?
L'amendement no 611 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 152 .
Cet amendement, qui tend à modifier l'article L. 311-5-5 du code de l'énergie relatif au plafond d'autorisations d'exploiter des installations de production d'électricité nucléaire, vise trois objectifs : ne pas autoriser la construction de nouvelles centrales nucléaires en France ; ramener le plafond de capacité nucléaire autorisée de 63,2 à 52,2 gigawatts d'ici à 2030 ; donner à l'État la possibilité de prononcer l'abrogation des autorisations d'exploiter pour faire respecter ce plafond.
Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable. Je ne pense pas qu'il faille interdire toute nouvelle installation nucléaire et fermer dès aujourd'hui la porte au nouvel EPR. Je ne souhaite pas donner à l'État la possibilité d'abroger les autorisations d'exploiter : une telle disposition serait coûteuse pour l'ensemble des contribuables car elle nécessiterait une indemnisation sans doute importante des exploitants. Enfin, je souhaite laisser l'opérateur établir un plan cohérent de fermeture de ses réacteurs.
Nous avons déjà débattu de cette question. Avis défavorable.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je répondrai à M. le rapporteur et à M. le ministre d'État tout en présentant mon amendement suivant, no 154.
Monsieur le rapporteur, cela fait plusieurs fois que vous repoussez l'une de nos propositions en mettant en avant la nécessité d'indemniser EDF. Or, au vu des règles du jeu actuelles, cette problématique de l'indemnisation d'EDF se pose en tout état de cause. Aussi, comment comptez-vous faire pour que la diminution de la part du nucléaire dans le mix énergétique d'ici à 2035, que vous programmez, n'entraîne aucune indemnisation d'EDF ? À ma connaissance, cette pratique a fait l'objet d'un protocole lors de la fermeture de la centrale de Fessenheim, par exemple. Peut-être entendez-vous débattre de l'avenir d'EDF et de son statut – il est vrai que cette question est liée au sujet de notre amendement, mais j'aimerais mieux comprendre vos intentions.
L'amendement no 154 vise à donner à l'État la possibilité de prononcer l'abrogation de l'autorisation d'exploiter. À ma connaissance, aussi longtemps qu'EDF restera une société anonyme, la question de son indemnisation se posera en tout état de cause.
L'amendement no 152 n'est pas adopté.
Mme Delphine Batho vient de soutenir l'amendement no 154 .
Quel est l'avis de la commission ?
Je veux juste répondre à la question de Mme Batho sur les indemnisations. Je ne reviendrai pas sur les conditions déplorables dans lesquelles la centrale de Fessenheim a été fermée : l'arrêté pris par le précédent gouvernement a été cassé par le Conseil d'État. Ce n'est donc pas un modèle à suivre.
Le Gouvernement a demandé à EDF, l'unique opérateur des centrales nucléaires en France, détenu à plus de 80 % par l'État, d'élaborer un plan stratégique conforme à la PPE. Les arrêts de réacteurs sont donc décidés par l'opérateur lui-même. Aucun gouvernement n'avait jamais fait cela – en le disant, je réponds en même temps aux questions précédentes. Nous avons demandé à EDF d'indiquer précisément dans quels sites il prévoit de fermer quels réacteurs – le site de Fessenheim a été fermé entièrement, mais il se peut que, sur d'autres sites, un seul réacteur soit fermé, les autres continuant à fonctionner. Voilà comment nous arrivons à ne pas verser d'indemnité à EDF. Si nous procédions par abrogations administratives sans l'accord de l'opérateur – c'est déjà possible, nous n'avons pas besoin de la loi pour cela – , nous devrions engager une négociation et verser des indemnités.
Par ailleurs, l'une des options envisagées est de créer, au sein du groupe EDF, une structure détenue à 100 % par l'État. Ce n'est pas nécessairement la solution qui sera retenue, mais cela éviterait les contentieux avec les actionnaires privés.
L'amendement no 154 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre d'État, vous vous souvenez probablement de l'échange que nous avons eu en commission sur la question de la construction d'un nouveau parc nucléaire.
Permettez-moi de vous donner lecture du discours du Président de la République sur la PPE : « Je demande à EDF de travailler à l'élaboration d'un programme de nouveau nucléaire, en prenant des engagements fermes sur le prix pour qu'il soit plus compétitif. Tout doit être prêt en 2021, pour que le choix qui sera proposé aux Français puisse être un choix transparent et éclairé. » Il est donc bien question, et pas seulement pour EDF, de l'engagement d'un nouveau programme nucléaire en France.
Cela figure d'ailleurs dans le plan stratégique d'EDF du 19 avril 2017, élaboré durant le précédent quinquennat, qui mentionne un futur EPR, la nécessité d'établir un « basic design »… « L'objectif d'EDF est de mettre en service une paire d'EPR NM [… ] en France à l'horizon 2030, ouvrant ainsi la voie au renouvellement du parc existant. » Le plan stratégique précise que la décision sera prise après 2018 – on sait maintenant que ce sera en 2021 – et sera articulée avec l'évolution future du parc existant, dans le respect de la PPE.
Si j'en crois ce que vous avez dit, monsieur le ministre d'État, à propos des indemnisations, l'opérateur est coopératif, à la demande de l'État, concernant la fermeture d'un certain nombre de réacteurs, à condition qu'il soit autorisé à engager la construction d'un nouveau parc nucléaire, …
… malgré les problèmes de fond que cela soulève et les difficultés industrielles qui ne manqueront pas de se poser au regard de ce qui se passe pour l'EPR de Flamanville.
L'amendement no 156 dispose donc qu'il n'y aura pas de nouvelles centrales nucléaires en France.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 485 .
Cet amendement vise exactement le même objectif que celui de Mme Batho : il tend à empêcher la construction de nouvelles installations nucléaires dans notre pays.
En commission, Mme Batho a fait état de l'achat ou du projet d'achat de terrains par EDF, notamment dans le centre de la France : il est question de 400 hectares autour de trois sites, Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux et Belleville-sur-Loire. La presse s'en est largement fait l'écho.
Nous voulons qu'il soit écrit noir sur blanc qu'il n'y aura pas de nouveau programme nucléaire français. Tant que nous continuons à développer l'énergie nucléaire, nous ne nous donnons pas les moyens d'encourager la transition énergétique à la hauteur de ce qu'il faudrait, à savoir 100 % d'énergies renouvelables. Aujourd'hui, le nucléaire à tout-va bloque le développement de ces énergies renouvelables.
Je demande leur retrait, à défaut de quoi ce serait un avis défavorable. Je continue à penser que l'énergie nucléaire doit devenir un pilier de la stratégie énergétique française. Madame Panot, vous pouvez ne pas être d'accord…
… et je peux ne pas être d'accord avec vous. Ce qui était depuis des décennies un socle pour notre politique énergétique doit devenir un pilier solide sur lequel viendront s'appuyer les énergies renouvelables, afin de voir disparaître, dans un temps que j'espère le plus court possible, des énergies fossiles qui ont pour conséquence un réchauffement climatique que je dénonce comme vous et que la commission a également dénoncé par ses engagements pour le climat. Nous ne sommes pas d'accord sur les moyens d'y parvenir, et nous vous proposons cette trajectoire.
En politique, mieux vaut appliquer la pédagogie de la répétition. Je vais donc répéter ce que j'ai déjà dit. Par ailleurs, ce n'est pas parce que vous répéterez une interprétation que vous savez fausse ou dont vous savez qu'elle nous fera, chaque fois, redire ce qu'il en est, qu'elle deviendra une vérité.
Deux points. On peut avoir une divergence sur le point de savoir s'il faut dire dès maintenant si on construira de nouvelles centrales nucléaires en France. Mme Panot et ses collègues disent qu'il ne faut plus en construire. C'est un choix politique, mais ce n'est pas celui de l'actuelle majorité, du Président de la République et du Gouvernement.
Le Président de la République a en effet déclaré en novembre 2018 que nous demandions à la filière électronucléaire française, dont EDF est le chef de file, de renseigner précisément – c'est l'extrait que vous avez lu, madame Batho – les conditions techniques et économiques qui s'appliqueraient en cas de commande de nouveaux EPR s'ajoutant à celui de Flamanville, lequel n'est pas encore en service.
Vous ne contesterez pas que, même si EDF le voulait, il ne pourrait pas construire des EPR en France contre l'avis de l'État. Il ne s'agit tout de même pas d'une simple demande de permis de construire dans une commune qui voudrait bien accueillir un équipement de ce genre. Il ne faut pas exagérer !
La question est donc celle du calendrier. Nous avons dit que nous voulions disposer de tous les éléments de réponse, à la fois techniques et financiers. Selon EDF, en effet, il serait possible de produire de l'électricité avec de nouveaux EPR à un coût moindre que celui qui a été fixé dans le contrat signé avec le Royaume-Uni pour Hinkley Point. Nous avons répondu que le dernier contrat avait été signé au tarif de 90 euros le mégawattheure et que l'annonce d'un prix inférieur devait être fondée sur des éléments concrets. Cela ne peut pas être une simple profession de foi.
Ces éléments doivent être fournis avant la fin de l'année 2021, comme le Président de la République l'a dit et comme je l'ai dit également, afin que les Français puissent faire un choix éclairé en 2022. Il ne vous aura pas échappé qu'on ne peut pas toucher au calendrier électoral – on peut toujours raccourcir un mandat, mais on ne peut pas le rallonger. Le choix se fera donc après les scrutins présidentiel et législatif de 2022.
On ne peut pas être plus transparent vis-à-vis des Français qu'en mettant sur la table les éléments du choix. Celui-ci ne se fera pas dans les bureaux d'un ministère, comme cela a été le cas pour le lancement du programme électronucléaire français, avec des engagements très lourds dont nous sommes encore tributaires aujourd'hui. Tout cela se fera dans la transparence.
Ne laissez donc pas croire – car, dans le fond, vous savez que c'est faux – qu'on décidera de cela à la fin de l'année 2021 ou au mois de janvier 2022, à trois mois de l'élection présidentielle et cinq mois des élections législatives. Cette transparence est nécessaire entre nous et devant les Français qui nous regardent ou liront le compte rendu de nos débats.
Cela étant, vous n'empêcherez pas la filière électronucléaire française de dire qu'elle pourrait aller plus vite, ni certains élus de dire qu'ils souhaiteraient accueillir un EPR dans leur région.
Ce n'est pas le président de la région Normandie ou celui de la région Hauts-de-France qui décidera car, en France, cette compétence ne relève pas de la région, mais vous ne les empêcherez pas de dire ce qu'ils ont envie de dire – les prises de position des uns et des autres font d'ailleurs partie du débat démocratique. De même, d'autres pourront déclarer qu'ils ne souhaiteront jamais en accueillir dans leur région, mais ce n'est pas davantage eux qui décideront.
Reconnaissez au moins que le processus est transparent, qu'un calendrier est fixé et que ce calendrier correspond au programme démocratique des Français, ce qui est inédit. Cela ne s'est, en effet, jamais passé comme cela, et c'est un progrès.
En attendant, je donne un avis défavorable à votre amendement, car nous n'avons pas fait le choix de dire non par avance.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre d'État, et je voudrais que vous me compreniez. Le 30 avril dernier, lors de son audition par la commission des affaires économiques, dont je suis membre, le président-directeur général d'EDF a déclaré : « nous proposerons, le moment venu, de construire de nouvelles centrales nucléaires », au-delà de Flamanville donc ; à la demande du Gouvernement, « EDF prépare tous les éléments qui permettront [à celui-ci] de prendre en 2021 une décision concernant la construction de nouvelles centrales nucléaires ». Compte tenu du discours du Président de la République sur la PPE et des propos du président-directeur général d'EDF devant la représentation nationale, il est normal que je vous interroge à ce sujet.
Cependant, j'ai très bien décodé vos paroles et je devine les débats internes au Gouvernement sur cette question, dont votre prédécesseur avait d'ailleurs fait état, lorsqu'un rapport commandé par le Gouvernement avait recommandé la construction de six nouveaux EPR en France.
Quels que soient nos débats sur la prolongation du parc existant, sur la fermeture des centrales ou sur le rythme de réduction de la part du nucléaire, le fait d'engager un nouveau programme nucléaire est une question d'une autre nature. La politique du fait accompli que mène actuellement EDF – avec laquelle j'ai bien compris que vous prenez vos distances – , qui consiste notamment à acheter des terrains et à répéter que des projets se préparent et que le Gouvernement est d'accord, pose assurément un problème, car le législateur n'a aucunement débattu de l'engagement d'un nouveau programme nucléaire en France.
Pour nous, vous l'avez bien compris, la question n'est pas celle du calendrier : nous trouvons que c'est une folie que de faire un nouveau programme nucléaire français, alors que l'énergie nucléaire est aujourd'hui complètement dépassée. En effet, elle est déjà plus chère que certaines énergies renouvelables et va l'être de plus en plus – les courbes vont s'inverser. Elle bloque, en outre, le développement des énergies renouvelables, et la France est en train de prendre un retard considérable en la matière, car nous ne savons pas quoi faire des déchets. Ne faites pas cette tête, monsieur le ministre d'État ! Connaissez-vous un seul spécialiste qui dirait le contraire ? Vous êtes en train d'enfouir des déchets sous terre, et ce n'est pas responsable.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Du respect ? Je suis plus respectueuse que ne l'est le ministre d'État, notamment envers les associations !
Sans vouloir être catastrophiste, si l'on considère qu'aucune des préconisations de la commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité nucléaires n'a été prise en compte, …
… il y a des choses qui font peur.
Je ne cesse de vous rappeler la question des sous-traitants, qui a l'air de vous passer au-dessus de la tête, mais le fait qu'on nous signale une perte de compétences dans le nucléaire devrait nous alerter. Le fait que les sous-traitants n'aient pas de convention collective devrait nous alerter collectivement, que l'on soit pronucléaire ou antinucléaire, car personne n'a intérêt à ce qu'il y ait des problèmes de sûreté et de sécurité liés aux conditions de travail qui existent aujourd'hui dans les centrales.
Toutes ces questions ne sont ni posées ni réglées pour les installations nucléaires existantes. Je répète donc que nous nous opposerons toujours à un nouveau programme nucléaire français, car l'énergie nucléaire est une énergie du passé.
Il est défendu. Il concerne le plafond de capacité nucléaire, dont nous avons déjà débattu à l'article 1er.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 133 .
Nous avons effectivement déjà eu ce débat cette nuit. Il s'agit de soumettre la capacité nucléaire autorisée à un plafond décroissant.
Je suis saisi d'un amendement no 609 .
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'amendement no 610 , je suis également saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l'amendement no 609 .
Ce débat a en effet eu lieu ce matin et je n'ai malheureusement pas pu y participer, en raison d'une réunion sur Whirlpool qui se tenait à Bercy. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no 610 , qui est un amendement de repli.
Le principe est simple : il s'agit de respecter les engagements que nous avons pris dans la PPE, en fixant un plafond de 50 % de production d'énergie nucléaire dans le mix électrique. Nous éviterions ainsi de nous retrouver dans la situation que nous avons connue à la suite de la loi de 2015 : nous nous étions donné un objectif de 50 % en 2025, mais nous avons dû repousser cette date, car rien n'avait été fait. Je suis persuadée que le Gouvernement veut faire des choses pour que nous avancions, et il ne s'agit donc pas d'un manque de confiance, mais il faut nous assurer que nous parviendrons bien à notre objectif.
Le plafond que nous proposons de fixer par l'amendement no 609 correspond à la fermeture de quatorze réacteurs ; celui de l'amendement no 610 , à la fermeture de douze réacteurs. Il y a peu de risques à fixer un tel plafond car, de toute façon, comme M. le ministre d'État l'a justement dit tout à l'heure, les centrales concernées auront passé l'âge de 50 ans. Aujourd'hui, le plus vieux réacteur en fonctionnement dans le monde a 48 ans. Certains réacteurs auront donc été arrêtés, que ce soit par décision politique ou par décision de l'ASN.
Au moins disposerons-nous d'une base qui nous permettra d'avoir un objectif très clair et de développer un mix électrique moins dépendant du nucléaire et laissant leur place aux énergies renouvelables, lesquelles seront en outre au fil du temps, comme cela a été dit tout à l'heure, moins chères et plus intéressantes économiquement et du point de la compétitivité face à nos voisins. Ceux-ci n'ont pas les mêmes contraintes – ils n'ont pas de nucléaire ou en ont moins que nous – et sont en train de nous doubler sur le terrain des énergies renouvelables. Il ne faudrait pas que nous fassions avoir !
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 135 .
En commission, nous nous sommes efforcés de parvenir à un compromis et à une rédaction commune avec le rapporteur. C'est ainsi que nous en sommes venus à proposer le plafond de 52,2 gigawatts qui fait l'objet de cet amendement.
L'amendement no 610 a été défendu par Mme Pompili.
Quel est l'avis de la commission ?
J'émets un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements. La PPE prévoit clairement la fermeture de quatorze réacteurs d'ici à 2035. La PPE relève d'un décret qui s'impose à EDF comme à toute entreprise, EDF ayant en plus l'obligation d'établir un plan stratégique compatible avec cette PPE. Inscrire un plafond pour 2035 « en dur » dans la loi, c'est ouvrir la porte à une réduction progressive du plafond au gré des majorités, au risque d'en faire un objet politique, plutôt que d'identifier un chemin cohérent de transition énergétique.
Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. Le rapporteur vient de présenter de nouveau des arguments. J'émets un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Il est vrai que nous avons déjà beaucoup discuté des arguments. Pour ma part, j'aimerais simplement revenir, au terme de cette discussion, sur une confusion que j'ai relevée dans ces amendements, contre lesquels je voterai : il ne faut pas confondre énergie et capacité. Certains proposent de réduire de 50 % ou de 35 % ; on parle d'énergie, non de capacité installée. Nous avons besoin d'une clarification dans ce domaine, y compris vis-à-vis de nos concitoyens. La capacité n'a rien à voir avec l'énergie.
Je me suis permis de demander des scrutins publics, car ce n'est pas tous les jours que l'on voit les deux anciens coprésidents du groupe écologiste ne pas être du même avis sur le nucléaire ! Cela permettra de clarifier vos positions internes et vous aidera à les connaître.
Vous avez bien compris que je serai contre ces amendements, madame Pompili, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, il est mauvais d'imposer une forme de rigidité. J'étais déjà contre le plafond parce que nous ne savons pas de quoi l'avenir sera fait – non pas que nous n'aurions pas le temps de revoter une loi mais nous devons faire preuve de pragmatisme en matière de politique énergétique. Ni vous ni moi ne savons exactement si nous trouverons la solution au problème du stockage ou ce que seront les prix du pétrole dans cinq ou dix ans. De manière générale, graver dans le marbre un plafond de capacité nucléaire installée, c'est en soi discutable.
Ensuite, vous pouvez très bien, avec la même capacité nucléaire installée, atteindre 50 % de la production électrique. Si vous électrifiez tous les nouveaux usages et que vous alimentez tout cela avec des énergies renouvelables, vous aurez respecté l'objectif en pourcentage sans toucher pour autant à la capacité : c'est ce que mon collègue Frédéric Petit voulait dire, je suppose. De mon point de vue, vous créez une forme d'ambiguïté.
Pour ces deux raisons, et parce que j'aime la clarté, je voterai contre. Et parce que j'aime la clarté, j'ai proposé, avec le groupe Les Républicains, de vous aider dans ce combat, monsieur le ministre d'État, vous qui êtes devenu un grand défenseur du nucléaire !
Il faudrait savoir ! Cela dépend des jours et des heures !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 11
Contre 38
L'amendement no 609 n'est pas adopté.
L'amendement no 135 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 9
Contre 40
L'amendement no 610 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 479 .
Il vise à ce que la fermeture d'une centrale ou d'un réacteur nucléaire soit décidée par une autorité politique, soit par le Gouvernement, par décret, soit par le Parlement. Elle ne doit plus intervenir à la demande de l'exploitant, cette situation nous semblant paradoxale.
Nous avons effectivement déjà eu ce débat. Avis défavorable.
L'amendement no 479 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 487 .
Il vise à imposer que le plafond de production d'électricité d'origine nucléaire ne puisse être modifié qu'à la baisse, dans la perspective de la réduction de la production d'énergie nucléaire que nous appelons de nos voeux.
Cet amendement est dépourvu de portée juridique. J'en demande le retrait. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Il y a des moments où il faut se détendre un peu… En résumé, vous proposez, par cet amendement, que la souveraineté populaire et nationale d'aujourd'hui, à savoir l'Assemblée nationale, empêche la souveraineté populaire et nationale telle qu'elle sera incarnée dans trois ou quatre ans de voter comme elle l'entend ; c'est évidemment impossible ! Même si vous inscrivez dans une loi qu'un plafond ne peut être révisé qu'à la baisse, une prochaine majorité à l'Assemblée ne sera pas tenue par ce vote ; ce serait la négation même de la souveraineté démocratique !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je suis quand même sidéré qu'un mouvement qui n'arrête pas de parler du peuple puisse proposer un amendement pareil !
Il en va de même pour vos objectifs ! Arrêtez, monsieur le ministre d'État !
C'est absolument sidérant, mais c'est comme cela : ce sont les délices de La France insoumise !
L'amendement no 487 n'est pas adopté.
Non ! Nous, nous faisons de la politique ; lui, il méprise les individus !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Madame Panot, s'il vous plaît ! Vous n'avez même pas voté sur l'amendement que vous avez vous-même proposé !
L'amendement no 131 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Monsieur le président, constatant que les esprits s'échauffent, ce qui est un comble en cette période caniculaire, je demande une suspension de séance, de manière à refroidir les esprits.
Sourires.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.
Après l'article 1er
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 666 .
Cet amendement vise à introduire des budgets carbone indicatifs pour le transport international. Le caractère « indicatif » est extrêmement important, les règles s'appliquant à ce secteur dépendant de discussions européennes et internationales. Notre groupe vous propose cet amendement à l'initiative de Dominique Potier, qui a largement expliqué son combat.
Je salue le travail et l'investissement de M. Potier en la matière. La rédaction de l'amendement ayant été modifiée à ma demande, j'exprime un avis favorable, comme je m'y étais engagé.
Je voudrais d'abord rappeler que les émissions de dioxyde de carbone liées au transport maritime ou au transport aérien ne sont pas directement décomptées dans les émissions nationales, mais qu'il existe, par ailleurs, des accords internationaux visant à limiter ces émissions. Je le répète – je ne sais pas en quelle langue il faut le dire ! – , des démarches sont déjà engagées pour réduire les émissions du transport maritime et du transport aérien. Ce n'est pas encore à la mesure des efforts nécessaires mais c'est engagé. La France est à la pointe de ces initiatives en Europe et dans le monde, même si certains prétendent qu'elle est toujours à la traîne ; en l'espèce, la France est systématiquement à la pointe.
Par ailleurs, nous avons demandé que la Commission européenne qui sera désignée dans les semaines qui viennent considère la question des émissions du transport aérien comme prioritaire. Ce sujet a été également évoqué dans le cadre de la campagne pour les élections européennes. Les résultats ne dépendent évidemment pas que de nous puisqu'il s'agit de négociations internationales, mais c'est la bonne échelle compte tenu du caractère international de ce secteur.
Je sais qu'on nous opposera la suppression envisagée des liaisons aériennes entre les Pays-Bas et la Belgique. Ce sera peut-être un progrès mais, franchement, il ne doit pas y en avoir beaucoup ! Le trafic aérien international, européen ou domestique n'est pas à cette échelle. Ce n'est pas à vous que je le dis, madame Battistel, pas plus qu'à M. Potier, mais à l'attention de ceux qui brandissent cet exemple et font de l'agitation sur cette question, dont ils font l'alpha et l'oméga, alors que les émissions des vols intérieurs représentent au maximum 1 % de nos émissions de gaz à effet de serre.
Les budgets carbone indicatifs proposés par votre groupe à l'initiative de M. Potier permettront le suivi et la transparence que nous devons aux Français pour vérifier que les émissions de gaz à effet de serre liées au transport international maritime ou aérien, voire à d'autres modes de transport, sont orientées à la baisse. Je donne donc un avis favorable à cet amendement.
Sans relancer ici les discussions très importantes que nous avons eues sur la contribution du secteur aérien à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, j'apporte mon soutien à cet amendement effectivement très positif. J'en profite, en ce jour de canicule, pour saluer la campagne d'Air France diffusée sur divers supports : « Un million de sièges à 40 euros. Plus la température monte, plus les prix baissent sur la France et l'Europe ! » Quelle belle campagne quand on parle d'avion et de climat !
Je n'avais pas noté que c'était l'objet de cet amendement !
La parole est à Mme Delphine Batho.
Je soutiens cet amendement. Il est faux de dire comme vous le faites, monsieur le ministre d'État, que le secteur aérien ne représente que 1 % des émissions.
Les vols intérieurs !
J'entends bien ! Il s'agit en réalité d'une sous-évaluation. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME – et The Shift Project, entre autres, il faudrait prendre en compte le forçage radiatif lié à ces émissions en haute atmosphère.
Par ailleurs, vous ne pourrez pas dire que le Haut Conseil pour le climat est un repaire d'agitateurs. Or celui-ci demande dans son rapport que les émissions des transports internationaux, notamment celles du secteur aérien, dont il souligne la hausse de plus de 6 %, fassent l'objet de mesures. Il est donc tout à fait raisonnable de vouloir que les budgets carbone concernent ce secteur.
L'amendement no 666 est adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 807 .
Il vise à faire en sorte que le secteur des transports participe, comme le secteur du bâtiment, à la limitation des émissions de dioxyde de carbone, au travers d'une contribution à la charge, non pas des transporteurs, mais des donneurs d'ordre. Ceux-ci auront ainsi intérêt à limiter le recours à certaines méthodes qu'ils utilisent actuellement, ce qui devrait normalement réduire les émissions de dioxyde de carbone.
Cette proposition, dont nous avons déjà débattu lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, soulève de nombreuses questions. En l'état, elle risque d'alourdir la pression fiscale sur les entreprises et de créer une distorsion de concurrence entre les donneurs d'ordre qui sont en France et ceux qui sont à l'étranger. J'y suis donc défavorable.
J'émets moi aussi un avis défavorable, pour les mêmes raisons que le rapporteur.
L'amendement no 807 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 627 .
Il vise à habiliter la collectivité de Corse, en application de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, à prendre des dispositions spécifiques à la Corse en matière d'énergie, notamment de planification énergétique et de maîtrise de la demande d'énergie. La collectivité transmettrait évidemment à l'État les dispositions qu'elle compte mettre en oeuvre.
La Corse ne maîtrise pas les moyens ni les outils juridiques qui lui permettraient d'atteindre son objectif d'autonomie énergétique, objectif d'intérêt général qui ne concerne pas que la Corse. L'inadaptation de certaines règles, notamment des contraintes en matière de seuils et de tarifs, freinent la mise en oeuvre de cette politique. Il est tout à fait nécessaire d'adapter ces règles à la situation de l'île.
Ainsi habilitée à prendre des dispositions spécifiques, la collectivité de Corse pourrait remédier à cette inadaptation et s'engager dans une démarche plus efficace vers l'autonomie énergétique, toutes choses qui vont dans le sens de l'intérêt général et, à ce titre, intéressent évidemment M. le ministre d'État.
Vous souhaitez que la Corse puisse prendre des mesures spécifiques en matière de maîtrise de la demande d'énergie. L'article 7 bis vous satisfera en partie puisqu'il ouvre désormais aux collectivités, dans les zones non interconnectées, la possibilité de contractualiser directement avec les acteurs de la maîtrise de la demande et de recevoir une compensation.
Je vous invite à retirer votre amendement.
Je demande moi aussi son retrait. Sinon, j'émettrai un avis défavorable.
Je comprends bien la logique politique et institutionnelle de M. Castellani, qui est autonomiste – voire plus – , mais il faut tout de même être concrets. Il s'agit de définir des objectifs, y compris, comme vous l'avez écrit, en matière de « planification », de « maîtrise de la demande », etc. Or tout cela emporte des conséquences concrètes en matière de financement, en l'occurrence, par l'État, puisque qu'il s'agit de zones non interconnectées.
Il est donc logique que la programmation pluriannuelle de l'énergie de la Corse, comme celle des autres territoires insulaires, fasse l'objet d'une coélaboration, ainsi que la loi le prévoit. La délégation complète de cette compétence à la collectivité de Corse pourrait conduire à déléguer entièrement le financement, sachant qu'est aujourd'hui versée une importante subvention.
Il m'est difficile de retirer un amendement émanant de notre groupe et dont nous avons discuté ensemble. Je ne prendrai pas cette responsabilité.
Sur le fond, vous connaissez très bien notre approche. Il faut s'adapter aux réalités – cela ne vaut pas que pour la Corse – et, plus encore, entretenir avec l'État, dans ce domaine comme dans d'autres, une relation constructive et approfondie, loin de la pression médiatique et, même, des débats d'hémicycles. C'est ainsi que nous avancerons tous ensemble et que nous pourrons construire un avenir commun.
J'entends votre refus d'une délégation de compétence à la collectivité de Corse, monsieur le ministre d'État, mais l'amendement fait également état d'un certain nombre de blocages techniques, institutionnels qui empêchent la Corse de s'orienter vers les énergies renouvelables : textes administratifs – qui s'appliquent ou non – , décisions de la Commission de régulation de l'énergie – CRE – ou d'EDF…
Par exemple, la Corse devrait avoir un barrage hydraulique dans chaque microrégion, ce qui permettrait de produire de l'électricité, de gérer l'eau, d'irriguer et de développer l'agriculture. Or deux projets sont bloqués depuis vingt ans ; EDF et le Gouvernement n'en parlent plus. Il n'est pas possible de refuser d'agir et, en même temps, de refuser que les Corses agissent lorsqu'ils se montrent disposés à gérer leurs problèmes !
Soit le Gouvernement agit avec les opérateurs pour débloquer les dossiers – l'exposé sommaire évoque notamment le tarif de rachat pour les projets photovoltaïques, trop bas pour intéresser les opérateurs – , soit il revient aux Corses d'agir. Le Gouvernement ne peut pas dire qu'il ne veut pas qu'ils fassent quoi que ce soit et ne rien faire lui-même.
C'est donc aussi un amendement d'appel : que fait-on, en pratique, pour développer les énergies renouvelables en Corse ?
L'amendement no 627 n'est pas adopté.
La parole est à M. Vincent Thiébaut, pour soutenir l'amendement no 74 .
On peut se féliciter de la réussite de l'Accord de Paris sur le climat et des obligations qu'ils fixent. Celles-ci nous obligent philosophiquement et politiquement et, surtout, nous poussent à agir concrètement.
Il faut transformer notre manière de produire, de consommer, mais aussi de construire. Le secteur du bâtiment et de la construction est l'une des principales sources d'émission de gaz à effet de serre dans notre pays. Cet amendement de mon collègue Holroyd vise donc à faire en sorte que tout projet de nouvelle construction intègre dans son bâti ou par le financement de projets en France ou dans le monde la compensation carbone pour le coût carbone qu'elle a généré.
Il reviendra au Gouvernement de fixer par décret le type de construction concerné ainsi que le type de projets pouvant recevoir cette compensation carbone.
Cet amendement relève du même esprit que celui que j'avais déposé lors de la discussion de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, et qui avait été adopté. Il avait inscrit dans le code de la construction et de l'habitation et dans celui des marchés publics la nécessité de favoriser des matériaux renouvelables répondant notamment aux obligations en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Je demande le retrait de l'amendement. Sinon, je donnerai un avis défavorable. Prévoir qu'une construction soit totalement neutre en carbone – certes, le voeu est pieux – me paraît peu opérationnel.
Néanmoins, votre préoccupation est déjà prise en compte par les dispositions que nous avons adoptées dans le cadre de la loi ELAN, vous l'avez précisé, et le sera plus encore par la réglementation thermique à venir. Je vous rappelle que la loi ELAN prévoit que, à compter de 2020, les nouvelles constructions devront respecter un certain niveau d'empreinte carbone, évalué sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, en intégrant la capacité de stockage du carbone dans les matériaux.
Je confirme ces éléments et rappelle que la réglementation environnementale pour le bâtiment sera publiée en 2020 en remplacement de la réglementation thermique. Tout cela sera intégré. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de l'ajouter dans le présent projet de loi. J'émets un avis défavorable.
Cette disposition est en effet issue de mon amendement à la loi ELAN. Je prends la responsabilité de retirer cet amendement pour qu'il n'y ait pas de redondance !
L'amendement no 74 est retiré.
Cet amendement est important pour Les Républicains, car il vise à clarifier le rôle du nucléaire dans la transition énergétique. Nous avons débattu et nous savons bien que certains collègues veulent sortir du nucléaire. Le Gouvernement, quant à lui, veut diminuer sa part mais n'envisage en aucun cas d'en sortir.
Cet amendement vise à préciser que la décarbonation repose sur la substitution de l'électricité décarbonée ou du biogaz à des énergies fossiles et que la transition énergétique tient pleinement compte du rôle majeur de l'énergie nucléaire française dans la stabilisation du réseau électrique français et européen – puisque c'est une énergie pilotable – , dans la stabilisation du prix de l'électricité – qui est demeuré relativement peu élevé, ce qui permet d'ailleurs de financer en partie cette transition énergétique – et dans le développement de nouvelles filières – qu'il s'agisse des réacteurs de quatrième génération, de l'enfouissement des déchets radioactifs ou encore du démantèlement des installations.
En matière de gestion des déchets, nous sommes l'un des pays leader avec le projet de centre industriel de stockage géologique, Cigéo. Des collègues disaient tout à l'heure que nous n'avions pas de solution ; bien au contraire ! La France est en pointe dans ce domaine, avec la Suède. En matière de démantèlement, certains pays sont plus en avance que le nôtre, mais une filière va se constituer – c'est d'ailleurs une nécessité puisque nous fermerons des centrales à un moment donné.
Enfin, l'amendement vise à préserver le potentiel nucléaire français, c'est-à-dire la capacité de piloter l'offre d'électricité de manière à absorber le développement des énergies intermittentes – un amendement du MODEM à l'article 1er avait exactement le même objectif.
J'émets un avis défavorable, comme je l'avais fait en commission. Vous soulignez la nécessité d'assurer un niveau de compétence dans la filière nucléaire française, point sur lequel vous rejoignez d'une certaine manière Mme Panot. Or nous sommes particulièrement attentifs à cette exigence. Le contrat de filière impose d'assurer un degré de compétence du personnel qui travaille dans les centrales, que ce soit en matière de démantèlement ou de recherche. En outre, vous évoquez le développement des réacteurs de quatrième génération, lequel fait partie des hypothèses de travail.
Vous proposez sans cesse d'introduire dans le texte des dispositions relatives au nucléaire, monsieur Aubert. Vous souhaitez que le mix énergétique n'en soit pas un, puisqu'il ne serait pas diversifié et reposerait essentiellement sur le nucléaire. En l'occurrence, vous incluez aussi le biogaz, dont vous avez déjà parlé, mais pourquoi uniquement lui ?
Pour notre part, nous sommes favorables à une véritable diversification reposant sur l'ensemble des potentiels français, en métropole et outre-mer. La souveraineté, c'est aussi cela ! Autant que faire se peut, ces potentiels doivent être renouvelables et décarbonés, car il s'agit de mener une double transition, la priorité numéro un étant la préservation du climat, et la priorité numéro deux, la diversification des sources de production d'énergie – pas seulement d'électricité.
Ainsi, on ne parle presque jamais de la production de chaleur renouvelable, alors que c'est l'un des axes forts de notre PPE. Les Français doivent pouvoir se chauffer à un prix modéré et stable dans le temps, grâce à des ressources renouvelables comme la biomasse, issue notamment de nos forêts – vous n'évoquez d'ailleurs pas du tout la biomasse solide.
J'émets évidemment un avis défavorable.
Je souhaite réagir à l'amendement de notre collègue Aubert, avec qui j'ai l'honneur de travailler au sein de la commission d'enquête sur l'impact des énergies renouvelables.
J'ai souvent posé la question suivante aux différents acteurs, notamment aux représentants de la CRE : quel est le coût réel du nucléaire ? Nous disposons de différentes hypothèses, selon que l'on inclut ou non le démantèlement et le stockage, outre la production.
Développer les énergies renouvelables, c'est aussi une façon d'accroître la stabilité des prix, donc l'accessibilité à l'énergie. Ce que l'on ne fait pas payer aux consommateurs – je rappelle la dette d'EDF, liée à ses infrastructures – le sera par le contribuable. Cet amendement me semble donc un peu dangereux, car il donnerait une fausse information sur le coût réel du nucléaire.
Deux choses.
Premièrement, monsieur Thiébaut, je vous renvoie au dispositif de l'ARENH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique. D'une part, il permet un rachat de l'électricité produite par les fournisseurs alternatifs, ce qui favorise la concurrence. D'autre part, ce prix intègre tous les coûts du nucléaire, notamment les provisions pour le démantèlement et le coût de Cigéo, sur lesquels des rapports ont été publiés. On peut certes avoir un débat sur le grand carénage…
… mais, dans ce cas, les durées d'exploitation des centrales ne sont plus les mêmes.
Deuxièmement, monsieur le ministre d'État, mon amendement ne traite en rien de la diversification. Quand bien même, comme vous le souhaitez, le nucléaire produirait 50 % de l'électricité, son rôle resterait majeur.
Cet amendement ne dit pas autre chose.
Contrairement à des énergies non pilotables, le nucléaire permet de stabiliser le réseau français et européen. En deçà d'un certain niveau, il ne peut plus jouer ce rôle de stabilisateur. Sous quel niveau serait-il potentiellement dangereux de descendre ? Les études de l'OCDE montrent que, lorsque l'on intègre plus de 15 % à 20 % d'électricité intermittente, on change de système.
Par ailleurs, l'emploi et le savoir-faire sont en effet de vraies questions. Moins on a de réacteurs, plus il est difficile de maintenir des filières. En matière de sûreté nucléaire, il est d'ailleurs préférable de disposer d'un parc de cinquante-huit réacteurs que d'un parc plus réduit : le niveau de contrôle et d'audit y est bien supérieur puisque l'on y consacre beaucoup plus de moyens. N'aurait-on qu'un seul réacteur que nous serions obligés de conserver des structures de contrôle, de sûreté et de sécurité, qui coûtent cher, et le risque serait le même puisqu'un accident, quel qu'il soit, toucherait une partie du territoire.
Il faut donc déconnecter les différents aspects.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 4
Contre 38
L'amendement no 570 n'est pas adopté.
Il tend à promouvoir l'éthanol. Le développement des biocarburants participe à la transition écologique. L'éthanol constitue une alternative efficace qui produirait un double effet bénéfique tant pour l'environnement que pour les automobilistes, qui verraient leur budget carburant réduit.
Monsieur le ministre d'État, le 23 octobre 2018, vous rappeliez le souhait du Gouvernement que les carburants d'origine agricole, à terme, soient fabriqués à partir de notre ressource, française et européenne, issue de préférence des céréales ou des betteraves. Il y va également de notre souveraineté énergétique.
Notre pays dispose de la ressource nécessaire puisqu'elle est la première puissance agricole européenne et que la filière de la betterave à sucre se trouve en difficulté à la suite de la levée des quotas en 2017, car le cours du sucre a atteint son plus bas niveau depuis dix ans.
La filière betteravière offre en outre des performances environnementales intéressantes, en ce sens qu'elle limite l'utilisation de pesticides.
Si la consommation de superéthanol-E85 est en essor, très peu de stations-service le proposent. L'objectif de cet amendement est d'atteindre, au 31 décembre 2022, l'objectif de 40 % de stations-service équipées de pompes de distribution d'E85.
Il est défavorable. Je ne suis pas favorable à la fixation d'une telle obligation. Je pense que les stations-service sauront s'adapter à la demande et que l'offre suivra.
Je vois bien l'idée sous-tendue par cet amendement.
Toutefois, il existe des mécanismes assez puissants en faveur du développement des carburants qui intègrent des huiles végétales, qu'il s'agisse du E85 ou du E10, pour lequel est prévue une incorporation systématique de bioéthanol : cette filière est donc déjà très soutenue. Il me semble que votre amendement, monsieur Vatin, ne ferait en réalité qu'ajouter une contrainte supplémentaire sur les distributeurs.
Par ailleurs, je ne suis pas persuadé que le volume de 500 mètres cubes pour les stations-service devant proposer de l'E85 soit approprié : en effet, seraient exonérées de l'obligation de le proposer les petites stations-service, qui ont déjà du mal à survivre et à affronter la concurrence de la grande distribution. Certes, hormis celui de Total, on ne compte pas énormément de réseaux intégrés en France. En effet, comme vous le savez, beaucoup de stations-service sont rattachées à un supermarché lui-même indépendant : les chaînes de grandes surfaces comme Leclerc, Intermarché ou Système U regroupent en réalité des commerçants indépendants fédérés dans des coopératives d'achat. Je pense donc que le système ne serait pas très opérationnel.
Enfin, point n'est besoin d'une telle disposition pour développer l'utilisation du carburant, y compris de l'E85, dont la consommation a d'ailleurs beaucoup augmenté ces derniers mois, parce que les Français ont tout simplement constaté qu'il était moins cher. Il est en effet moins cher non pas à la production mais à la vente, du fait de la détaxation que l'État lui a accordée, précisément pour en soutenir le développement.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
En rencontrant les agriculteurs producteurs de betteraves, je n'ai pas eu le sentiment qu'ils étaient rassurés comme peuvent l'être les distributeurs.
Je ferai simplement une remarque, pour moi fondamentale. L'amendement ne vise que l'E85. Or d'autres générations de biocarburants sont en cours de développement ; il s'agit en effet d'un domaine dans lequel les innovations sont nombreuses. Je trouve anormal, incohérent, de figer les choses dans une loi, d'autant que les générations à venir devront encore faire baisser le pourcentage de pétrole utilisé dans l'E85.
L'amendement no 303 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 754 .
Déposé à l'initiative de notre collègue François-Michel Lambert, il tend, à titre expérimental et pendant une durée maximale de cinq ans, à autoriser les régions à instaurer, par une délibération, une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulation ou des portions de voie de circulation situées sur leur territoire. Les régions pourraient choisir la technologie et le prestataire chargé du recouvrement de la taxe.
Toutes les modalités concrètes de cette taxe étant définies avec précision dans le corps de l'amendement, je ne vais pas vous les lire, hormis celle figurant au 3, relative à son taux : ce dernier sera compris entre 0,015 euros et 0,20 euros par kilomètre.
L'exposé sommaire est simple. Cette proposition participerait bien sûr aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce droit d'expérimentation permettrait aux régions d'assurer la couverture des coûts d'usage, de prendre en compte une partie des surcoûts engendrés par la généralisation des poids lourds de 44 tonnes, de réduire la demande et, in fine, d'optimiser le transport routier de marchandises et de laisser évidemment aux régions la liberté de leur politique locale.
Sauf erreur de ma part, cet amendement avait déjà été déposé lors du débat sur le projet de loi d'orientation des mobilités, il y a quelques semaines, et il avait alors été rejeté par la rapporteure, Mme Bérangère Abba.
Au moment où nous menons une réflexion globale sur le sujet, nous ne pouvons envisager une participation des transporteurs à l'utilisation de l'infrastructure routière que dans le cadre du droit européen. L'expérimentation d'une redevance d'utilisation régionalisée semble prématurée et brouillerait les réflexions au niveau national. Cet amendement aurait d'ailleurs davantage vocation à figurer en loi de finances.
Même argumentation que M. le rapporteur : avis défavorable.
Cet amendement me semble bon d'abord sur le fond, car il entre dans le cadre de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Il est par ailleurs conforme à l'esprit de coopération entre l'État et les régions, qui nous semble une démarche tout à fait démocratique et positive, dont nous parlions tout à l'heure.
Comme cela a été souligné, il est similaire à d'autres déposés précédemment, notamment par le groupe communiste sur le projet de loi d'orientation des mobilités. Nous allions plus loin que vous, cher collègue Castellani, puisque nous proposions l'établissement d'une taxe à l'échelle régionale qui non seulement irait dans le sens que vous prévoyez en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais qui serait également de nature à permettre aux régions de disposer d'une recette à même de couvrir leurs nouvelles compétences en matière de mobilités. Je prends note donc de cette proposition avec intérêt : nous voterons donc pour.
L'amendement no 754 n'est pas adopté.
L'amendement no 692 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er bis, amendé, est adopté.
L'amendement no 513 tend à quantifier les gisements de biomasse disponible dédiée à la méthanisation, à l'éthanol et au biodiesel afin de savoir combien notre pays est capable de produire de biocarburants et de biogaz sans utiliser les terres agricoles destinées à l'alimentation.
L'amendement no 514 part du principe qu'une certaine part des terres agricoles, fixée à 7 % de la surface agricole utile, n'est pas exclusivement dédiée à l'alimentation et pourrait utilement être intégrée au bilan proposé par l'amendement no 513 .
L'amendement no 515 vise, si la solution des 7 % ne convenait pas, à ce que le pourcentage de surface agricole utile à inclure dans la quantification des gisements disponibles soit défini par décret.
Monsieur Bolo, je comprends tout à fait, sur le principe, l'objectif de vos amendements. Ils me semblent néanmoins un peu trop précis pour relever du domaine de la loi. Je vous suggère donc de les retirer afin que nous conservions la formulation actuelle, qui est plus générale et qui, je pense, couvre davantage le champ de ces études.
Même argumentation et même avis que M. le président de la commission.
La parole est à M. le ministre d'État, pour soutenir l'amendement no 842 .
Il tend à rédiger un peu différemment l'article 1er ter car nous considérons qu'en l'état, il n'est pas applicable en pratique et fait double emploi avec la législation existante.
D'une part, s'il est indispensable que la programmation pluriannuelle de l'énergie intègre une « quantification des gisements d'énergies renouvelables disponibles dans une perspective de neutralité carbone », comme le prévoit cet article, il n'est pas réaliste qu'une évaluation fine de la capacité de production soit réalisée au niveau régional. Le document serait en effet considérablement alourdi et une telle rédaction introduirait une fragilité juridique de l'approbation du document si les données détaillées n'étaient pas disponibles au niveau d'une seule région. J'insiste sur ce point : vous le savez, de nombreux recours sont toujours déposés ou peuvent l'être ; si les rédactions pour lesquelles nous optons ne sont pas solides, nous offrons autant de failles aux professionnels des recours.
D'autre part, le code de l'environnement prévoit déjà l'élaboration de schémas régionaux de biomasse analysant la situation de la production, de la mobilisation et de la consommation de biomasse et fixant des objectifs de mobilisation et des mesures pour les atteindre. Ces schémas, en cours d'élaboration dans la plupart des régions, portent sur les périodes quinquennales de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Il est à noter que les schémas régionaux s'articulent avec une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse, mise à jour dans l'année qui suit la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est-à-dire tous les cinq ans.
L'article 1er ter, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 808 .
Il est favorable : une récente décision de la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, a en effet indiqué qu'un tel document devait être transmissible.
Même argumentation et même avis favorable.
L'amendement no 808 est adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 832 .
Absolument : je me réjouis, et je remercie le rapporteur et le ministre.
Je signale que l'exposé des motifs figurant au bas de l'amendement no 832 n'est pas le bon…
L'amendement tend à ce que le plan stratégique prévoie le calendrier prévisionnel de fermeture de chaque réacteur nucléaire concerné, année après année.
J'ai cru comprendre tout à l'heure, dans les propos tenus par M. le ministre à propos de l'énergie nucléaire, que le plan stratégique d'EDF devait nécessairement comporter, en application de la PPE, les réacteurs que l'entreprise choisirait de fermer.
Le Gouvernement a indiqué que les modalités d'identification des sites à fermer figureraient dans la PPE. Les fermetures seront confirmées trois ans avant la date de fermeture prévue.
Je pense que c'est une bonne solution, d'une part parce qu'il faut être prêt sur le plan technologique, d'autre part parce que fermer des tranches n'est pas sans impact social. Nous devons donc, comme nous allons le faire pour les centrales à charbon, assurer la transition auprès des personnels de ces centrales nucléaires.
Même argumentation et même avis défavorable.
Je vous remercie de votre réponse. Dès lors que la PPE comportera un tel calendrier, par concordance, ne devrait-il pas également figurer obligatoirement au plan stratégique ? Je pose la question…
Je n'ai pas de leçons à donner, mais évitons un deuxième Fessenheim, monsieur le ministre d'État ! Pour cela, il faudra surveiller de près la maîtrise de la décision politique – et nous y veillerons. Quand on voit les traces que cela a laissées, à Fessenheim, pour ce qui concerne les salariés, par suite des continuels glissements de calendrier… En 2018, par exemple, l'annonce du report de la fermeture a provoqué des drames psychosociaux !
Ce qui importe, c'est qu'il y ait un suivi et que l'on fixe dans la loi des obligations de résultat concernant la reconversion économique du territoire et la reconversion professionnelle des salariés – nous y reviendrons. Il y a dix mois, seuls 188 agents, soit 25 % des salariés, étaient assurés de leur avenir, eu égard aux diverses options qui leur avaient été proposées. Nous souhaiterions, dix mois après, et vu les avancées obtenues, bénéficier d'une nouvelle estimation. Je rappelle que 588 emplois sont concernés.
Pour en revenir à l'amendement, il faudra veiller à bien maîtriser les choses entre le moment où la décision politique aura été rendue publique et la présentation par EDF de son plan stratégique, qui interviendra, selon vos dires, trois ans plus tard.
Monsieur Wulfranc, l'accompagnement social et territorial est bien évidemment au coeur de notre démarche, et depuis le début. Je le dis sans pour autant faire de fausses promesses – car des promesses, il y en a eu, à Fessenheim, allant de l'implantation d'une usine de batteries jusqu'à la production de voitures électriques, et que sais-je encore… Pour ma part, je me suis rendu à plusieurs reprises sur le terrain pour rencontrer les élus, et cela va continuer. Nous prévoyons la même chose s'agissant des sites accueillant des centrales à charbon. Cela n'avait pas été fait par le passé, lorsque des centrales thermiques avaient fermé. Si nous le faisons, c'est pour éviter de laisser les salariés dans l'incertitude.
Je partage votre point de vue, monsieur Wulfranc – sans pour autant vouloir noircir le tableau à outrance. Chacun le sait : pour des salariés, être dans l'incertitude totale quant à leur avenir et à l'avenir du site, c'est très perturbant, cela peut causer des dégâts psychologiques, vous l'avez souligné. D'ailleurs, sur certains sites, les organisations syndicales, même si elles sont contre le principe d'une fermeture, ont dit qu'elles aimeraient connaître la date prévue pour celle-ci afin de pouvoir travailler le plus rapidement possible aux perspectives de reconversion – EDF s'étant fermement engagé à reclasser tous les salariés.
Madame Batho, il convient en effet de vous donner une réponse plus précise encore. Votre amendement ne saurait être adopté car vous prévoyez de mentionner les fermetures « année par année ». Or la programmation pluriannuelle de l'énergie s'étale sur dix ans et, pour ce qui concerne la fermeture des réacteurs nucléaires, nous avons fixé une trajectoire jusqu'en 2035, afin que les choses se fassent de façon progressive et que le site, l'entreprise et les salariés puissent anticiper ces fermetures. En outre, les décisions doivent être prises trois ans à l'avance. Ce ne pourra donc pas être fait « année par année ». Je confirme l'avis défavorable émis sur votre amendement.
Je supprime les mots « année par année ». Cela donne donc, pour la fin de la dernière phrase : « après le mot : "évolutions", sont insérés les mots : "et le calendrier prévisionnel de fermeture" ; ».
Monsieur le rapporteur, quel est votre avis sur la nouvelle rédaction de l'amendement de Mme Batho ?
Défavorable.
L'amendement no 832 , tel qu'il vient d'être rectifié, n'est pas adopté.
L'article 1er quater, amendé, est adopté.
L'article 1er quinquies est adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 161 .
En cohérence avec d'autres amendements que nous avons présentés sur cette question, il convient que la définition des objectifs de réduction de l'empreinte carbone de la France se fasse aussi de manière territorialisée. Cela permettrait de tenir compte des spécificités et contraintes de chaque territoire, tout en garantissant la juste répartition de l'effort de réduction de l'empreinte carbone dans l'ensemble du pays.
Je précise que nous transcrivons là la recommandation no 5 du Haut Conseil pour le climat dans son rapport pour 2019 : « Les planifications climat-air-énergie à l'échelle régionale et infrarégionale constituent des éléments clés d'organisation de la contribution des politiques territoriales aux objectifs climatiques de la France, et permettent une appropriation des enjeux par les acteurs locaux. Les moyens (humains, techniques, organisationnels, financiers) des collectivités pour élaborer ces plans devraient être identifiés et soutenus, et les données et les méthodes de travail à promouvoir mieux harmonisées (élaboration des plans climat, indicateurs, suivi, cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone et les budgets carbone). »
D'abord, je pense qu'il convient de laisser aux collectivités le soin de fixer leurs propres objectifs en matière d'empreinte carbone.
Ensuite, les collectivités qui sont des portes d'entrée pour les importations auraient une empreinte carbone bien plus importante que les autres. Prenons l'exemple d'une tomate qui serait produite en Espagne et qui entrerait en France via l'Occitanie : du fait de l'importation de cette tomate, qui aurait parcouru une longue distance, l'empreinte carbone de la région Occitanie serait plus forte que celle d'une région qui ne serait pas une porte d'entrée pour les importations, quand bien même ladite tomate serait consommée ailleurs sur le territoire national.
Votre amendement soulève donc des difficultés. Il faudrait y retravailler. Je demande son retrait ; à défaut, l'avis de la commission sera défavorable.
Exactement la même argumentation que le rapporteur et exactement la même conclusion : retrait ou avis défavorable.
Donneriez-vous le même avis sur le no 162, qui est un amendement de repli ?
Madame Battistel, il faudrait d'abord nous dire si vous retirez l'amendement no 161 !
Auparavant, je voudrais signaler à M. le rapporteur que l'on pourrait ne considérer que les productions in situ.
Il faut distinguer deux choses, madame Battistel. D'une part, il y a les émissions de gaz à effet de serre – c'est ce que nous produisons – , mesurées à l'échelle du territoire national, et, en la matière, nous visons la neutralité. D'autre part, il y a l'empreinte carbone, qui concerne les importations et que nous avons définie comme le poids en carbone d'un produit ou d'un service consommé sur notre sol. Ce sont deux choses bien différentes. De ce fait, l'amendement no 162 fait lui aussi problème.
Oui, et nous le retravaillerons en vue d'un autre véhicule législatif. Il me semblerait toutefois important de disposer d'un suivi territorial, à une échelle à définir, afin de disposer d'une vision sectorielle des efforts à produire.
L'amendement no 161 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 162 .
L'amendement no 162 est retiré.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 802 .
L'article 1er sexies, que nous avons adopté en commission à l'initiative du rapporteur, constitue une avancée puisqu'il prévoit que la stratégie bas-carbone doit désormais fixer des objectifs en matière de réduction de l'empreinte carbone, et pas seulement en matière d'émission de gaz à effet de serre. Il donne en outre une définition de cette empreinte carbone, qui jusqu'alors n'existait pas. Le hic, c'est que cet article n'entrera en vigueur que pour la prochaine législature. L'objet du présent amendement est de faire en sorte qu'il s'applique dès à présent.
Rien en effet ne justifie le report après 2022 de la définition de ces objectifs. La stratégie bas-carbone comporte déjà un chapitre sur l'empreinte carbone. La seule chose qui manque, ce sont des objectifs de réduction.
Les méthodes de calcul ne posent pas non plus de difficulté. Non seulement on peut le faire, mais on doit le faire puisque cela correspond à la recommandation no 7 du rapport pour 2019 du Haut Conseil pour le climat, qui appelle à renforcer le projet de stratégie nationale bas-carbone, notamment en ce qui concerne les transports aériens et maritimes et les objectifs de réduction de l'empreinte carbone.
Nous avons déjà eu cette discussion – passionnante, d'ailleurs, car elle est presque philosophique – sur notre modèle de consommation.
De nombreuses hypothèses simplificatrices sont en cours d'élaboration pour calculer l'empreinte carbone de la France. Par exemple, l'intensité en gaz à effet de serre des modes de production n'est aujourd'hui pas disponible par pays, mais est estimée par grandes régions mondiales. Les méthodes de calcul ne me semblent pas assez stabilisées pour prévoir l'application de cette disposition dans un délai aussi court que celui que vous préconisez – mais je sais que vous ne partagez pas mon analyse. L'avis est défavorable.
Même argumentation et même avis. Je me suis déjà exprimé par ailleurs sur la fragilité de la méthode de calcul de l'empreinte carbone.
Je conteste ces arguments. S'il y avait des difficultés méthodologiques, je pense que le Haut Conseil pour le climat les aurait soulevées – on peut lui faire confiance. Il n'y aurait pas non plus un volet aussi clair de la stratégie concernant cet aspect. Il ne manque plus qu'une chose : définir des objectifs de réduction.
À ce stade du débat, je veux souligner que chaque avancée de ce texte est renvoyée à plus tard.
Que le législateur ait son mot à dire sur la PPE : c'est pour 2023. Les objectifs en matière d'empreinte carbone : c'est pour 2022. La lutte contre les passoires thermiques, dont nous débattrons plus tard : c'est pour 2028. Ce n'est pas sérieux, surtout eu égard à la discussion que nous avons eue sur la nécessité de tirer les leçons de la méthode qui consiste à légiférer en fixant des objectifs pour les futurs gouvernements.
L'amendement no 802 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 172 .
L'amendement no 172 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er sexies est adopté.
Sur l'amendement no 836 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre d'État, pour soutenir cet amendement, qui tend à supprimer l'article 1er septies.
À dix-huit heures, M. Marc Le Fur remplace M. Hugues Renson au fauteuil de la présidence.
L'amendement tend à supprimer une disposition adoptée en commission, au terme d'un débat qui m'a semblé un peu rapide, et toutes ses implications n'avaient pas forcément été vues. Il s'agit en effet d'obliger les constructeurs automobiles qui commercialisent, sur le territoire français, des véhicules à motorisation essence hybride à proposer au moins un modèle de motorisation hybride à carburant modulable fonctionnant au superéthanol-E85.
Rappelons d'abord que tous les constructeurs ne proposent pas de moteurs hybrides et que, pour ceux qui le font, cela représente un effort. Un constructeur, que tout le monde connaît bien, dispose en ce domaine, qu'il a développé depuis vingt ans, une gamme très large, mais d'autres constructeurs ne s'y sont mis que plus récemment. De fait, cela représente des investissements industriels importants, tout comme l'électrification du parc automobile, pour lequel les constructeurs consentent aussi des efforts.
Le Gouvernement a toujours prôné une forme de neutralité technologique pour atteindre l'objectif de baisse des émissions de CO2 des voitures. Un bonus écologique, vous le savez, a été mis en place pour les véhicules écologiques qui émettent moins de 20 grammes de CO2 par kilomètre, sans oublier la prime à la conversion.
Obliger les constructeurs à commercialiser certaines motorisations n'est donc pas le choix qui a été fait en France. Ce n'est pas non plus le cas au niveau de l'Union européenne : or il serait difficile, pour l'industrie automobile, de ne faire les choses qu'à l'échelle franco-française, le marché étant bien entendu européen. Tout laisse à penser, au demeurant, qu'une telle disposition ne survivrait pas à l'examen du Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, si le superéthanol-E85 a un impact moindre sur l'environnement que l'essence entièrement issue du pétrole raffiné – il permet de réaliser un gain d'environ 40 % d'émission de CO2 sur l'ensemble du cycle de vie du carburant – , il est justifié d'atteindre cet objectif de protection de l'environnement par une mesure moins attentatoire à la liberté d'entreprendre des constructeurs automobiles et de manière neutre technologiquement.
Je vous rappelle que nous soutenons déjà la conversion vers la filière de carburation employant des produits d'origine agricole, par plusieurs mesures, à travers des subventions à l'investissement et des taux de TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – moins élevés que pour les carburants issus des produits pétroliers fossiles. Je vous propose de lui apporter un soutien accru, via la prime qui lui est dédiée, en favorisant les véhicules conçus pour rouler avec du superéthanol-E85, donc d'utiliser un autre levier que celui proposé dans l'article 1er septies. Un abattement de 40 % sur les taux d'émission de CO2 sera pris en compte, de sorte qu'un grand nombre de véhicules dits « flexfuel » – c'est-à-dire de véhicules qui utilisent aussi bien l'E10 que l'E85 – seront éligibles à la prime à la conversion.
En commission, j'avais déjà émis un avis défavorable sur l'amendement qui a introduit l'article. Étant un garçon constant, je suis favorable à l'amendement de suppression.
Le présent article a en effet été introduit en commission par un amendement de notre collègue Besson-Moreau. Nous vous remercions de ces explications, monsieur le ministre d'État, et nous entendons vos explications : c'est le choix de la neutralité technologique qui a été fait, et cet article comporte des risques au regard de la liberté d'entreprendre. Nous voterons donc évidemment l'amendement de suppression, en saluant l'effort que vous venez d'annoncer : l'abattement de 40 % pour l'éligibilité à la prime à la conversion. Nous y serons attentifs, au cours des prochains mois, dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de l'action du Gouvernement.
Nous avons demandé un scrutin public, car ce n'est pas tous les jours qu'un amendement imposé au Gouvernement et adopté en commission, contre l'avis du rapporteur, à l'initiative d'un membre de la majorité, est démonté dans l'hémicycle. Cela revient, au fond, à critiquer notre rôle, à ne pas laisser prospérer notre droit d'amendement.
Vos arguments juridiques se tiennent, monsieur le ministre d'État. Néanmoins, lorsque le Parlement, par exemple, a fixé une échéance pour interdire le plastique, cela a eu d'importantes répercussions pour certaines entreprises. À l'époque de la loi sur la transition énergétique, je m'en souviens, plusieurs d'entre elles étaient ainsi menacées de disparition, et l'on ne s'était pas posé la question de la liberté d'entreprendre. Bref, l'objectif de réduction des gaz à effet de serre peut conduire à imposer certaines contraintes aux entreprises, et vous ne vous êtes pas privés de le faire en bien des occasions.
La présente mesure permet aussi d'insister sur les biocarburants et la nécessité de miser, à l'avenir, sur les moteurs hybrides. Pour ces raisons, il me paraît préférable de la conserver, quitte à attendre l'analyse qu'en fera le Sénat. Libre au Conseil constitutionnel, le cas échéant, de juger ensuite que nous sommes allés trop loin. Il arrive en effet que nous fassions sauter certaines dispositions sans savoir si le Conseil constitutionnel nous aurait suivis dans cette voie. Que le législateur arrête de se suicider par peur de la mort !
Nous devons avoir, avant l'examen du projet de loi de finances pour 2020, une réflexion approfondie et globale sur l'évolution de tous nos dispositifs : bonus-malus, prime à la conversion, suramortissement, etc. Nous pourrons ainsi avoir une vue d'ensemble sur les dispositifs de soutien aux motorisations plus propres, moins émettrices de gaz à effet de serre ou de polluants locaux et moins consommatrices d'énergie.
Certains dispositifs en vigueur, en effet, ne semblent pas assez performants. Les émissions de CO2 de voitures neuves en France sont ainsi reparties à la hausse depuis deux ans. Comme nous l'avions dit lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, nous devons avoir cette réflexion globale – j'y ai repensé en entendant M. le ministre d'État annoncer, pour le PLF de 2020, un dispositif spécifique pour le bioéthanol. Nous devons, dans une approche partagée, trouver le moyen de redonner à tous ces dispositifs l'efficacité qu'ils ont perdue.
J'entends bien vos arguments, monsieur le ministre d'État, et j'y suis plutôt sensible. Nous ne devons pas, c'est vrai, tordre le bras des industriels, qui ont beaucoup d'autres problèmes à affronter. Il convient toutefois d'insister sur l'accompagnement fiscal que vous venez d'évoquer ; cette avancée importante interviendra, j'imagine, lors de l'examen du projet de loi de finances, autrement dit pas avant la fin de l'année.
J'ai relu l'amendement ayant introduit cet article en commission. On voit très bien quel est le constructeur concerné. Je viens de me rendre, avec quelques collègues députés, au Brésil, où le groupe Renault, m'a-t-on dit, est l'un des premiers acteurs sur le marché automobile. Il y diffuse beaucoup de véhicules équipés pour rouler, parfois à 100 %, au bioéthanol. Techniquement, cela requiert des calculateurs d'injection et des tubulures d'acheminement du carburant qui résistent à la corrosion ; une telle modification n'est pas considérable, mais la garantie que le constructeur apporte sur ses véhicules ne s'applique évidemment pas à ceux que l'utilisateur pourrait modifier par lui-même.
Il serait donc bienvenu que nos constructeurs nationaux consentent un petit effort pour diffuser une technologie qu'ils fabriquent de toute façon. J'imagine que le coup de pouce fiscal dont nous parlons les y incitera, et que ce débat, en tout état de cause, leur fera un peu siffler les oreilles.
En commission des affaires économiques, monsieur Aubert, nous avons démocratiquement adopté un amendement. Je ne vois donc pas du tout, même si je perçois l'intention, pourquoi vous avez parlé de « suicide » parlementaire. Mais je sais que vous le faites exprès.
Quoi qu'il en soit, je réitère ici l'argument développé sur l'amendement de M. Fasquelle relatif au carburant E85. Si vous n'avez pas écouté, j'évoquais la production d'une nouvelle génération de carburants, qui, eux, n'utilisent pas forcément du blé, de l'orge et des betteraves, mais plutôt des algues marines.
Cibler un produit dans une loi n'est pas de bonne méthode à mes yeux, d'autant que nous incitons nos industriels à se tourner vers des solutions de plus en plus innovantes. M. le ministre d'État a parlé des incitations déjà existantes, mais aussi de la neutralité technologique. Si je ne m'abuse, monsieur Aubert, vous êtes bien membre de l'OPECST, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, même si l'on ne vous y voit pas souvent.
Je vous invite donc à lire le rapport que j'ai rédigé en binôme avec l'un de vos collègues, membre du groupe Les Républicains du Sénat : vous y découvrirez ce que nous disons sur les biocarburants, et cela, j'en suis sûre, lèvera le débat que nous venons d'avoir.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
En principe, monsieur Aubert, on ne s'exprime pas plusieurs fois sur un amendement ; néanmoins, puisque vous avez été interpellé, je vous redonne la parole.
En effet, monsieur le président.
N'instrumentalisons pas l'OPECST. Je suis très heureux que notre collègue s'y épanouisse et y produise beaucoup de rapports, mais nous avons tous beaucoup de fonctions, parmi lesquelles, pour ce qui me concerne, la présidence d'une commission d'enquête. Bref, nous sommes tous très occupés.
Exclamations.
Cela fait quinze ans que l'on discute de la filière française des biocarburants et que l'on nous explique qu'il faudrait déjà faire litière de la première génération au motif qu'il en existe une deuxième et même une troisième. Si l'on veut développer la filière, à mon sens, il faut d'abord miser sur ce qui fonctionne. Vous avez mentionné les algues, madame Tiegna. Fort bien, mais la première génération est toujours là, qui fonctionne et s'exporte ; nous devrions donc plutôt l'accompagner dans notre pays.
On peut penser que l'incitation est la seule manière de le faire mais, on le sait bien, la fixation volontariste d'une norme est tout à fait possible aussi : en témoigne votre vote de tout à l'heure sur un amendement qui fixe un taux compris entre 20 et 40 % pour un produit trois fois plus coûteux que l'hydrogène industriel. De deux choses l'une : soit vous appliquez le même argument à toutes les énergies, soit vous en discriminez certaines par vos désaccords avec les industriels qui les produisent.
Avec la norme visée, nous ne parlons pas d'une question technique, mais politique. Et nous avons donc un désaccord politique : pour ma part, je crois nécessaire d'accompagner la filière dont nous parlons. Aussi, pour aider la majorité à respecter son propre travail en commission, voterai-je contre cet amendement de suppression.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 36
Contre 3
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 190 .
Il vise à renforcer l'article 1er octies par la demande faite au Gouvernement de remettre chaque année un rapport – je sais que vous m'en ferez le reproche, monsieur le président de la commission – , lors de la présentation du projet de loi de finances, sur la conformité de cet article avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, la stratégie nationale bas-carbone et les engagements internationaux de la France en la matière.
Au regard de l'urgence écologique et climatique, collectivement décrétée en commission à travers l'article 1er, le Parlement doit en effet être éclairé sur la compatibilité de chaque PLF avec cette déclaration et, par déclinaison, avec les programmations et stratégies que je viens de mentionner. Il s'agit donc d'une demande de rapport, certes, mais un rapport un peu particulier puisqu'il vise à éclairer les décisions qui peuvent être prises dans le cadre des projets de loi de finances.
Je comprends votre préoccupation, madame Battistel, mais je pense qu'à terme, la démarche que vous suggérez pourra être utilement intégrée au jaune « Financement de la transition écologique » qui sera annexé dès 2019 au projet de loi de finances. Je demande le retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.
C'est le même : retrait ou avis défavorable. Le Gouvernement est tout à fait favorable, sur le fond, à la mesure que vous préconisez, qu'on peut appeler le « budget vert », à savoir une analyse des crédits au regard des objectifs climatiques de l'ensemble du budget. Je rappelle néanmoins que nous souhaitons que cette démarche soit intégrée à ce qu'on appelle le « jaune » relatif au financement de la transition écologique, qui sera annexé dès 2019 au projet de loi de finances.
Si votre amendement était voté, nous disposerions de deux rapports redondants, ce qui nuirait à la lisibilité globale de cette démarche nouvelle, importante, qui ne sera pas facile à mener mais qui s'avère indispensable pour progresser dans l'évaluation écologique, en particulier climatique, de la politique budgétaire.
Je ne comprends pas tout à fait les arguments avancés par Mme Battistel, dont l'amendement me paraît satisfait par l'amendement adopté en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire à mon initiative puis modifié en commission des affaires économiques, dont nous parlerons plus tard : cet amendement prévoit la publication d'un budget vert, à savoir un nouveau document qui, selon moi, s'ajoute au jaune budgétaire – issu d'un amendement que j'ai déposé sur le projet de loi de finances de l'année dernière – , lequel vise, pour sa part, à énumérer les dépenses vertes ainsi que les recettes fiscales relevant de la fiscalité écologique.
Le budget vert – objet de l'un de mes amendements, je le répète – , ne satisfait-il pas votre amendement, madame Battistel ? Le budget vert consiste en effet à passer au scanner toutes les dépenses et toutes les rentrées fiscales de l'État pour savoir si elles sont compatibles ou non avec les engagements internationaux de la France – je pense bien sûr à l'accord de Paris et aux traités relatifs à la biodiversité. Vous pourriez expliquer comment s'articuleraient ces deux documents, car il me semble préférable d'élaborer deux documents plutôt qu'un seul.
Je souhaitais le même éclaircissement de la part du ministre d'État car j'ai l'impression que mon amendement n'est pas aussi satisfait que cela. Je rejoins Mme Peyrol : il s'agit d'obtenir un document complémentaire beaucoup plus précis et qui analysera ligne par ligne les enjeux que j'ai mentionnés.
L'amendement no 190 n'est pas adopté.
L'amendement no 693 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, pour soutenir l'amendement no 811 .
Il est bien question ici du second document – et non pas du jaune budgétaire – , à savoir le budget vert, qui pourra prendre la forme d'un rapport mais qui fera apparaître certains programmes en vert, en gris, en marron, en fonction de leur plus ou moins grande conformité avec les accords que la France a passés. La commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à reporter à 2020 la présentation de ce document. Or, en 2019, je pense que le temps est venu d'arrêter de procrastiner. Le Président de la République en avait pris l'engagement lors du premier One Planet Summit, en 2017, et nous sommes en 2019. À la suite du Conseil de défense écologique, l'engagement a été pris que nous devions disposer de ce document.
Grâce aux conclusions de la mission de l'IGF – l'inspection générale des finances – , qui doivent être rendues cet été, nous devrions avoir les premiers outils pour évaluer la compatibilité du budget avec les engagements de la France. J'ai tout à fait conscience qu'en 2019, nous aurons un document non pas parfait mais d'utiles éléments. De toute façon, il faut accepter de prendre des risques méthodologiques. Mme Batho évoquait tout à l'heure les méthodologies pour évaluer l'empreinte carbone. Nous ne serons jamais parfaits et il faut l'accepter si nous voulons avancer. Je souhaite donc, je le répète, que ce premier document nous soit transmis dès 2019, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.
Il est favorable. Le Gouvernement ne pourrait-il pas prendre des engagements en la matière devant l'Assemblée ?
Je suis également favorable à cet amendement.
L'amendement no 811 est adopté.
L'article 1er octies, amendé, est adopté.
Je soulignerai brièvement ce qu'il y a de cocasse – pour ne pas être désagréable – à proposer au Parlement de ratifier la création d'un Haut Conseil pour le climat alors qu'il est déjà en activité et que sa composition est déjà arrêtée. On peut par ailleurs s'interroger non pas sur son utilité mais sur le risque qu'il ne doublonne avec d'autres organismes comme le Conseil national de la transition écologique ou le Conseil de défense écologique récemment créé. On peut donc s'interroger sur la multiplication des instances.
On doit par ailleurs noter le décalage entre les recommandations de ces instances et les actions réellement engagées, au point que ces partenaires majeurs que sont les ONG environnementales ont été contraintes de saisir les tribunaux administratifs pour dénoncer les manquements de l'action de l'État en matière climatique.
Autant d'éléments qui vont nous conduire à proposer, par le biais d'un amendement, que le Haut Conseil puisse être plus largement saisi sur les dossiers relatifs à la lutte contre le dérèglement climatique.
L'article 2 crée le Haut Conseil pour le climat, qui s'inscrit dans la gouvernance renouvelée, voulue par le Gouvernement, de la transition écologique et solidaire, avec également la création du Conseil de défense écologique et de la Convention citoyenne sur le climat. Le Haut Conseil pour le climat prend la suite du CETE, le Comité d'experts pour la transition énergétique, créé par l'article 177 de la LTECV, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Plusieurs missions du CETE seront désormais celles du Haut Conseil.
Le CETE a rendu des avis sur la stratégie nationale bas-carbone mais sans guère d'effets. C'est pourquoi je souhaite qu'on renforce le poids politique du Haut Conseil pour le climat : il s'agit d'amplifier l'effet de ses avis. La création du Haut Conseil est en effet une occasion politique pour aller plus loin et plus vite. Il a du reste une mission très importante concernant la conformité et le suivi de la stratégie nationale bas-carbone, instrument qui n'a pas non plus une amplitude politique suffisante : peu d'acteurs s'en saisissent ; les agriculteurs de l'Allier, par exemple, ne vont pas examiner le budget carbone dont ils disposent au niveau national pour savoir concrètement à quoi raccrocher leurs actions. Il faut donc absolument, je le répète, que la stratégie bas-carbone soit amplifiée par le Haut Conseil pour le climat.
Je dirai un dernier mot sur la mission confiée au Haut Conseil concernant le suivi financier des engagements pris. Il sera nécessaire, et M. Aubert l'évoquait hier, de pouvoir chiffrer les investissements.
Nous devons savoir combien d'argent dépenser pour réaliser les objectifs fixés. Nous n'avons pas parlé hier du panorama des financements climat en France du I4CE – Institute for Climate Economics – , qui pourtant donne déjà quelques éléments. Il faudra donc que le Haut Conseil pour le climat ait les moyens de suivre les investissements que la France lance pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone.
La volonté de consacrer le Haut Conseil pour le climat dans la loi en précisant sa composition et ses fonctions paraît être un bon effort de clarté. J'appelle votre attention sur son rapport publié hier, dans lequel il dresse un constat tout de même inquiétant : les objectifs en matière de réduction des émissions de carbone pour la période 2015-2018 n'ont pas été remplis du fait de l'évolution des transports et de la situation du bâtiment.
De même, les objectifs prévus à long terme sur la neutralité carbone nécessiteront certainement une ambition budgétaire beaucoup plus affirmée – un effort financier dont je doute, personnellement, que le Gouvernement puisse l'assumer. Le niveau d'investissements de l'État prévu dans le texte pose problème, notamment en ce qui concerne la rénovation des bâtiments et des logements : il reste en effet loin des objectifs annoncés dans son programme par Emmanuel Macron.
La création du Haut Conseil pour le climat ne doit pas être que symbolique : ses recommandations ne peuvent rester lettre morte et doivent au contraire constituer l'un des instruments majeurs de la mise en place d'un véritable projet de société en matière de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique, sans parler de son impact prévisible sur l'emploi. Il est donc impératif, à ce titre, que le Haut Conseil recommande à l'État de prendre en compte la spécificité des territoires, thème dont nous avons eu l'occasion de débattre et dont nous débattrons certainement à nouveau.
Je formulerai trois réflexions à propos du Haut Conseil pour le climat.
Premièrement, son premier rapport montre l'intérêt, l'utilité de cette instance. Nous devons tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, accueillir avec humilité le message envoyé par ce premier rapport sur la nécessaire réduction de l'écart entre les ambitions affichées et les actes – ce qui vaut pour ceux qui ont été aux responsabilités, pour ceux qui le sont aujourd'hui et pour ceux qui les exerceront demain.
Deuxièmement, comme nous l'avons évoqué en commission, pouvons-nous faire du Haut Conseil pour le climat une autorité indépendante ? Certes son premier rapport montre une réelle indépendance, mais nous pourrions ainsi suivre les moyens qui lui sont accordés année après année, de PLF en PLF.
Troisièmement, le rapport préconise, en particulier, l'évaluation systématique de l'impact de chaque politique menée sur l'effet de serre. Nous pourrions en effet, au cours de la navette parlementaire, réfléchir au rôle du Haut Conseil dans la définition des méthodologies utilisées pour les études a posteriori de l'impact climatique des projets de loi. Il doit pouvoir jouer un rôle dans la revue des méthodes utilisées et dans l'analyse des évaluations de l'impact climatique des mesures prises. L'exemple donné dans le rapport du Haut Conseil relatif au projet de loi d'orientation sur les mobilités est ainsi très bon.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 384 , 386 , 140 et 685 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 384 , 386 et 140 sont défendus, par Mme Mathilde Panot pour les deux premiers et par M. Éric Straumann pour le troisième.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 685 .
Il vise à mettre fin à la dissociation des enjeux écologiques. Nous sommes confrontés à des phénomènes systémiques qui justifient une approche intégrale, sans séparation entre l'accélération en cours du changement climatique et l'effondrement particulièrement violent du vivant.
Je propose en conséquence que le Haut Conseil pour le climat devienne le « Haut Conseil pour le climat et le vivant ». Compte tenu des interactions entre, d'une part, l'effondrement de la biodiversité, la destruction de l'écosystème terre, la déforestation, la pollution des océans, etc. , et, d'autre part, le changement climatique, il ne paraît pas possible de continuer à séparer le climat et le vivant.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune.
Je suis défavorable à l'amendement no 384 de M. François Ruffin, défendu par Mme Mathilde Panot, car la planification écologique ne relève pas du rôle du Haut Conseil, lequel émet des recommandations et des préconisations.
L'amendement no 386 de Mme Batho est satisfait : la question de l'énergie fait bien évidemment partie des sujets que traitera le Haut Conseil pour le climat. En conséquence, je demande le retrait de l'amendement ; sinon, j'y serai défavorable.
L'amendement no 140 , qui vise à faire figurer la qualité de l'air parmi les prérogatives du Haut Conseil, est également satisfait, dans la mesure où la loi reconnaît à chacun le droit de respirer un air qui ne nuit pas à la santé. J'y serai donc également défavorable.
Madame Batho, vous posez, avec votre amendement no 685 , la question de l'intégration du vivant. Créée par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et installé en mars 2017, le Comité national de la biodiversité est l'instance d'information, d'échange et de consultation sur les questions stratégiques liées à la biodiversité. Il peut être consulté par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la biodiversité. Cette instance existe et je pense qu'il ne faut pas multiplier les intervenants sur un même sujet, d'autant que l'expertise n'a de sens que si elle est ciblée. Aussi je vous demande de retirer votre amendement ; sinon mon avis sera défavorable.
Il faut que l'Assemblée et surtout celles et ceux qui nous regardent sachent que Mme Le Pen avait déposé un amendement avec les collègues de son parti pour supprimer l'article 2, comme elle l'avait déjà fait d'ailleurs pour l'article consacré à la neutralité carbone. Il n'est pas mauvais de rappeler que cette force politique est climatosceptique et que, de fait, elle veut annuler toute action relative au climat.
J'en viens aux amendements.
Ceux déposés par les députés du groupe La France insoumise défendent une vision qui n'a rien à voir avec celle du texte : un Haut Conseil pour le climat et un Haut-Commissariat à la planification écologique, ce sont deux choses totalement différentes. Le Haut Conseil pour le climat exerce une expertise scientifique qui permet, tous les ans, de connaître l'état de la science sur le climat ; il n'est pas chargé d'une planification, laquelle relève d'une autre démarche. Nous venons d'ailleurs de parler longuement de la programmation pluriannuelle de l'énergie : en matière de stratégie nationale, nous avons déjà des politiques très fortes, vous l'avez vu. De même, je ne suis pas favorable à ce que le Haut Conseil pour le climat devienne le Haut Conseil pour le climat et l'énergie : il ne faut ni disperser ni noyer les enjeux.
M. Martial Saddier, qui est absent, a proposé quant à lui, dans son amendement no 140 que l'on ajoute « la qualité de l'air » dans l'intitulé du Haut Conseil pour le climat. D'autres instances travaillent déjà sur la qualité de l'air. Là encore, ne mélangeons pas les deux. Il y a enjeu spécifique climatique, et nous menons par ailleurs des politiques qui articulent les enjeux relatifs au climat et ceux relatifs à la qualité de l'air.
Je fais un peu la même réponse s'agissant de votre amendement, madame Batho. Vous savez bien qu'au niveau international, par exemple, il y a, d'un côté, le GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, et de l'autre, l'IPBES, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. Je ne souhaite pas que l'on mélange tout. Il est utile qu'il y ait un Haut Conseil pour le climat. C'est d'autant plus vrai quand on voit tout le travail à abattre : il y a le rapport annuel, mais il y aura aussi de nombreux focus sur des points divers.
Nous en avons parlé avec le Premier ministre lorsque la présidente du Haut Conseil pour le climat nous a remis son rapport, il y a deux jours : les membres du Haut Conseil souhaitent approfondir un certain nombre de sujets relatifs au climat. C'est déjà une tâche énorme d'éclairer non seulement nos débats politiques, mais aussi les citoyens, sur les moyens les plus efficaces et les secteurs sur lesquels il faut faire des efforts pour agir en faveur du climat. Concernant la biodiversité, il existe d'autres instances, et il ne sera pas interdit de disposer également d'une expertise scientifique annuelle en la matière, à l'échelle française.
J'en viens enfin à un sujet qui a pu être évoqué par certains, surtout à l'extérieur de l'hémicycle. J'entends que le Haut Conseil serait un « comité Théodule » de plus, qui occasionnerait des dépenses supplémentaires. Je trouve très méprisant de parler en ces termes de scientifiques et d'économistes qui travaillent sur la question du climat. Qu'est-ce que cela veut dire ? Ces termes figurent par exemple dans l'exposé sommaire de l'amendement de suppression de Mme Le Pen, qu'elle n'a pas défendu.
Par ailleurs, il se trouve que nous avons supprimé – c'est d'ailleurs entre autres sujets, l'objet de l'article 2 – le Comité d'experts pour la transition énergétique, créé par la loi de 2015. En effet, nous ne souhaitons pas créer des comités supplémentaires à l'infini, et, lorsqu'on en crée un, il faut être capable de transformer ou de supprimer ce qui existait préalablement. Du reste, au moins une personnalité qui siégeait au Comité d'experts pour la transition énergétique est devenue membre du Haut Conseil pour le climat. On voit bien qu'il y a une amélioration de nos outils, non une superposition.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable sur les amendements en discussion commune.
En ce qui me concerne, je ne m'interroge pas sur l'utilité du Haut Conseil : je considère qu'il s'agit d'une étape et que l'on ira, je l'espère, le plus vite possible, vers une autorité indépendante ou quelque chose qui s'apparenterait à la Cour des comptes.
Il y a un autre débat que nous avions eu dans l'hémicycle, lors de la révision constitutionnelle, en particulier sur l'article 1er de la Constitution : énormément de collègues, de la commission du développement durable notamment, étaient d'accord pour affirmer qu'il n'est plus possible de séparer la question du climat de celle de l'effondrement en cours de la biodiversité.
Nous souhaitons donc – c'est en tout cas ce que je défends – l'adoption d'une approche intégrale, permettant non seulement de prendre en considération les puits de carbone, mais aussi d'éviter, dans la lutte contre le changement climatique, un certain nombre de choix qui pourraient avoir des incidences négatives sur le vivant ou la biodiversité. Nous avons donc désormais vraiment besoin, y compris du point de vue de l'expertise et du point de vue scientifique, d'approches pluridisciplinaires et systémiques qui intègrent la gravité de l'effondrement du vivant en cours. Il y a manifestement un désaccord entre nous sur ce sujet. J'en prends acte, mais je maintiens mon amendement.
L'amendement no 688 vise à compléter l'alinéa 6 de l'article 2, relatif à la composition du Haut Conseil, en précisant que les experts seront choisis notamment pour leur compétence en matière d'adaptation et de résilience face au changement climatique. Vous connaissez peut-être le rapport d'information du sénateur Ronan Dantec qui donne l'alerte à propos de l'impréparation stratégique de la France pour gagner en résilience face à l'accélération du changement climatique – nous en vivons d'ailleurs l'expérience en ces jours de canicule. Parallèlement à tous les efforts qu'il faut faire pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 ou 2 degrés, il faut d'ores et déjà que la nation se prépare et qu'elle change toute une série de choses dans son organisation. C'est un point sur lequel il est nécessaire que le Haut Conseil réunisse des compétences et émette des recommandations.
L'amendement no 687 tend également à compléter l'alinéa 6 afin que les experts puissent être également choisis pour leur compétence dans le domaine des sciences du vivant. Cela renvoie au débat sur les amendements précédents concernant la nécessité d'une approche pluridisciplinaire.
Dans la discussion commune, la parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 430 .
Gabriel Serville et nos autres collègues ultramarins sont à l'initiative de cet amendement, qui vise à ce qu'au moins l'un des membres du Haut Conseil pour le climat soit « nommé au titre de son expertise dans les problématiques liées aux impacts du réchauffement climatique dans les territoires d'outre-mer ». Évidemment, il ne s'agit en aucun cas d'un jugement de valeur sur les experts déjà membres du Haut Conseil, mais les territoires d'outre-mer, bien souvent insulaires et situés en zone tropicale, présentent des spécificités. Nos collègues seraient particulièrement sensibles à ce qu'un point de vue spécifique et une expertise pointue puissent s'exprimer compte tenu des enjeux.
Je défendrai ultérieurement un amendement no 431 dans la même veine.
Madame Batho, concernant votre amendement no 688 , nous devons souligner que l'adaptation au changement est effectivement une question essentielle. Nous nous sommes inspirés du Committee on Climate Change anglais, composé de deux chambres, dont l'une traite de l'adaptation. Nous pourrions donner un avis positif sur votre amendement, qui me semble toutefois satisfait dans la mesure où il est déjà prévu que les membres seront choisis en raison de leur expertise « dans le domaine des sciences du climat ». Dès lors que le mot « sciences » est au pluriel, je considère qu'il vise aussi la question de l'adaptation. En conséquence, j'émets un avis de sagesse.
Pour une question de cohérence, mon avis est identique sur l'amendement no 687 , qui fait référence au « domaine des sciences du vivant ».
Monsieur Wulfranc, concernant l'amendement no 430 , vous avez raison de souligner que les territoires ultramarins sont concernés par le réchauffement climatique, lequel peut avoir pour eux des effets beaucoup plus dramatiques que pour les espaces continentaux – que l'on songe par exemple aux cyclones, à la montée des eaux ou à des événements climatiques aux effets délétères. Cependant, comme vous le savez, les travaux du Haut Conseil sont conduits pour la nation tout entière, dont font partie les territoires ultramarins. Je signale que, parmi les climatologues membres du Haut Conseil, se trouvent déjà des spécialistes de ces questions. Je ne pense donc pas qu'il soit nécessaire de les mentionner. En conséquence, mon avis sera défavorable.
S'agissant de l'amendement no 687 de Mme Batho, j'ai déjà donné mes arguments contre l'extension des compétences du Haut Conseil.
Le Gouvernement n'est pas favorable non plus à l'introduction de contraintes du type de celle proposée pour la composition du Haut Conseil, à l'amendement no 430 de M. Serville, défendu par M. Wulfranc. Je comprends bien la problématique spécifique des territoires d'outre-mer au regard du dérèglement climatique ; personne ne les ignore. Il faut ajouter que ces territoires sont surtout des victimes du changement climatique, ils n'en sont pas la cause ; leurs émissions de gaz à effet de serre ne pèsent pas lourd dans le phénomène – la Guyane de M. Serville contribue même à son atténuation, grâce à la forêt amazonienne.
Concernant l'amendement no 688 de Mme Batho, je suis quelque peu partagé : si je rejoins tout à fait sa préoccupation, je considère que la rédaction actuelle satisfait déjà son amendement puisque les termes « sciences du climat », mentionnés à l'alinéa 6, recouvrent la notion d'adaptation au dérèglement climatique. J'en demanderais donc plutôt le retrait.
Je me suis déjà exprimé, lors de l'examen d'autres textes, contre ces listes à la Prévert énumérant toutes les catégories de personnes habilitées à siéger dans un comité. Je pense que la pertinence même du Haut Conseil viendra de sa pluridisciplinarité, mais qu'il ne faut pas en définir les contours par avance. On pourrait certes mentionner un spécialiste des conséquences des enjeux climatiques pour l'outre-mer, un autre pour les questions agricoles – auxquelles je suis attaché – , et ainsi de suite, mais une telle approche catégorielle n'est pas la bonne puisqu'il faut adopter une approche multifactorielle. Je ne peux pas envisager un instant que les spécialistes scientifiques qui en seront membres ne tiendront pas compte de l'ensemble des conséquences. Je suis donc, à titre personnel, défavorable à une liste des compétences requises dans le Haut Conseil pour le climat.
J'exprime mon plein soutien à l'amendement no 688 de Mme Batho, qui a fait l'objet d'un avis de sagesse de la part de la rapporteure pour avis. Il est en effet très important de mettre en parallèle la réduction des émissions de gaz à effet de serre, d'une part, et l'adaptation et la résilience face au changement climatique, d'autre part. On voit clairement, dans une période de canicule comme en ce moment, combien on va devoir s'adapter rapidement aux conséquences de ce changement. Il est très utile de l'indiquer expressément dans cet alinéa.
Je crois que le législateur n'a pas vocation à encadrer totalement l'autorité de nomination ; le processus doit conserver fluidité et flexibilité. Partons du principe qu'on crée le Haut Conseil, que celui qui en nomme les membres recherchera évidemment les compétences les plus utiles, que celles-ci peuvent évoluer au cours du temps et que lesdits membres seront renouvelés : peut-être que, dans dix ans, la question sera éminemment agricole et qu'il faudra alors absolument plusieurs experts agricoles, et que dans une autre période, un autre domaine devra être privilégié. Il faut garder de la flexibilité en la matière.
J'aurais cependant préféré que la formulation de cet article permette de prévenir les rentes de situation. On découvre en effet après coup que les indemnités des membres de tout un tas d'organismes sont très élevées, que la pratique s'est éloignée des textes, faisant monter la rémunération à dix fois le plafond prévu. Il aurait fallu, à cet égard, placer des limites, parce que l'on sait qu'une fois l'outil créé, il a tendance à vivre sa propre vie.
Nous avons eu également ce débat en commission, et le groupe La République en marche s'y est déclaré favorable à la création d'une chambre spécialisée, au sein du Haut Conseil, pour traiter de l'adaptation au changement climatique. Nous sommes donc favorables à l'élargissement des compétences du Haut Conseil proposée à l'amendement no 688 . Dans la rédaction actuelle de l'article, ses missions sont axées sur le changement climatique et sur la lutte contre le phénomène, mais, dans un second temps, elles pourront être élargies – nous en avons parlé avec M. le ministre d'État. Il faudra alors adapter les moyens qui lui sont dévolus à ses nouvelles missions ; nous y reviendrons probablement lors de l'examen du PLF.
Je ne peux pas laisser M. Aubert prétendre que c'est une rente de situation pour des gens qui vont gagner plein d'argent. En l'occurrence, ils auront chaque mois une journée de réunion, précédée d'une journée de travail pour la préparer, lesquelles devraient être indemnisées autour de 500 euros par jour – c'est en discussion.
Non, ce n'est pas une rémunération : il ne s'agit pas de rémunérer des personnes, comme si elles occupaient une fonction permanente.
Quant à l'amendement no 688 de Mme Batho, s'il est maintenu, j'émettrai finalement un avis de sagesse.
L'amendement no 688 est adopté.
L'amendement no 687 est retiré.
Par décence vis-à-vis de mon collègue Serville, qui en est l'auteur, je le maintiens.
L'amendement no 430 n'est pas adopté.
Il est proposé d'insérer l'alinéa suivant : « Le Haut Conseil pour le climat évalue notamment le respect de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France et surtout le développement d'une filière industrielle française concourant à la réalisation de cette réduction. » Cet objectif crée en effet des opportunités économiques auxquelles il faut faire participer tous les acteurs économiques et tous les Français.
Il va bien sûr de soi que le Haut Conseil s'appliquera à fournir un avis quant au respect par notre pays de ses engagements en matière de trajectoire de réduction des gaz à effet de serre.
Quant au développement industriel, vous savez bien que c'est une question complexe qui relève d'une action concertée entre des acteurs privés et des acteurs publics, et c'est le rôle du Conseil national de l'industrie et des comités stratégiques de filière que de la faciliter. Si le Haut Conseil l'estime nécessaire, il pourra consulter le Conseil national de l'industrie, mais il n'a pas vocation à évaluer directement le développement d'une filière industrielle spécifique comme votre amendement le suggère.
Aussi, je donnerai un avis défavorable.
Même argumentation, même position.
L'amendement no 207 n'est pas adopté.
L'amendement no 93 est soutenu par M. Vincent Thiébaut.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
L'amendement no 93 est retiré.
L'amendement no 174 est défendu par M. Éric Straumann.
Quel est l'avis de la commission ?
M. le ministre d'État a déjà répondu sur les moyens qui seront dédiés au Haut Conseil. L'avis est défavorable.
Avis défavorable.
L'amendement no 174 est retiré.
Il est prévu, à l'alinéa 9, que les membres du Haut Conseil ne puissent solliciter ni recevoir d'instruction de la part « du Gouvernement ou de toute personne publique ou privée ». Nous proposons de supprimer le verbe « solliciter », qui nous semble trop vague et dénué de caractère juridique.
Le terme « solliciter » vise à prévenir les conflits d'intérêts auxquels pourraient être confrontées des personnes qui exercent ou ont exercé des missions dans une institution publique. Sa pertinence est démontrée puisqu'il est couramment employé dans les règles déontologiques qui encadrent les activités des autorités administratives indépendantes. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Même avis.
L'amendement no 167 est retiré.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l'amendement no 194 .
Nous proposons de reprendre la disposition du code de l'énergie qui s'applique actuellement aux membres du Comité d'experts pour la transition énergétique, c'est-à-dire d'insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 10 : « Les fonctions de membre du Haut Conseil pour le climat sont incompatibles avec toute fonction d'agent public exerçant une responsabilité de contrôle ou de décision dans le secteur de l'énergie et avec la détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur de l'énergie. » Le Haut Conseil allant remplacer le Comité d'experts, il nous paraît logique de reprendre cette disposition.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission : les membres du Haut Conseil pour le climat adresseront une déclaration d'intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – comme d'ailleurs le faisaient les membres du Comité d'experts pour la transition énergétique. Cette déclaration portera notamment sur les activités professionnelles donnant lieu à gratification exercées au cours des cinq dernières années, comme les activités de consultant ou la participation aux structures dirigeantes, ou encore la participation financière dans un organisme public ou privé ou dans une société. En cas de conflit manifeste, la Haute Autorité fera connaître son avis.
Nous n'avons pas souhaité reprendre les incompatibilités qui étaient prévues pour les membres du CETE, car nous voulons que le Haut Conseil garde la possibilité de travailler avec toutes les compétences disponibles. Or reprendre la disposition existante restreindrait le champ du recrutement des personnes susceptibles de l'intégrer. L'avis est défavorable.
Même argumentation et même avis que Mme la rapporteure pour avis.
En tant que députés, nous avons, nous aussi, à remplir une déclaration d'intérêts pour la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, mais certaines fonctions au sein de conseils d'administration nous sont interdites, afin d'éviter tout conflit d'intérêts. Cet amendement vise à appliquer la même logique que pour la fonction de député.
Il ne s'agirait bien sûr que les responsabilités de contrôle ou de décision, ou encore les détentions directes ou indirectes d'intérêts, madame la rapporteure : un expert qui ne serait pas dans l'un de ces cas pourrait très bien siéger au Haut Conseil pour le climat. Nous n'excluons donc pas du tout la diversité de profils d'expertise nécessaire à la compétence de cette instance !
Mais si !
L'amendement no 194 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l'amendement no 200 .
Cet amendement de repli vise seulement à rendre incompatibles avec la fonction de membre du Haut Conseil pour le climat « la détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur de l'énergie ». Cela me paraît aller de soi de viser les actionnaires ayant des intérêts financiers dans le secteur de l'énergie, afin d'éviter tout conflit d'intérêts, si des membres du Haut Conseil pour le climat étaient à la fois juges et parties.
J'ajoute qu'il n'y a aucune raison de se focaliser sur le secteur de l'énergie, puisque bien d'autres ont, eux aussi, un impact très fort sur le climat. Mais on voit bien que les prendre en compte rendrait l'équation impossible. L'avis est défavorable.
Mais ce n'est pas la même chose ! Ce sont des élus !
L'amendement no 200 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 690 .
L'amendement no 690 est retiré.
Il vise à inscrire dans la loi la définition du rapport annuel du Haut Conseil pour le climat ainsi que les modalités de la réponse à ses recommandations. Il est ainsi proposé que le président du Haut Conseil soit auditionné par les commissions permanentes chargées de l'environnement et de l'énergie des deux chambres et que le Gouvernement réponde aux recommandations et propositions du rapport.
Il me semble, monsieur Straumann, qu'il y a erreur, car l'objet de l'amendement ne correspond absolument pas à l'exposé sommaire.
L'amendement no 42 est retiré.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 477 .
Nous proposons là qu'une partie du rapport annuel du Haut Conseil pour le climat soit spécifiquement consacrée aux territoires ultramarins, lesquels – Mme la rapporteure pour avis l'a rappelé tout à l'heure – sont les premiers à subir les effets du dérèglement climatique, qu'il s'agisse de l'augmentation et de l'intensification des phénomènes climatiques majeurs et extrêmes ou encore de la montée des eaux.
Même avis que sur l'amendement relatif aux territoires ultramarins que nous avons examiné tout à l'heure : défavorable.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 316 .
L'exposé sommaire de cet amendement de Mme Kéclard-Mondésir mérite d'être lu et commenté. Si la modélisation du climat dans les zones d'outre-mer reste encore un domaine de recherche très jeune, écrit-elle, les grandes tendances de l'évolution du climat sont désormais mieux connues, sauf pour les très petites îles. Or le changement climatique pèsera sur les trajectoires de développement des outre-mer. Il est donc nécessaire, selon notre collègue, d'évaluer précisément, en particulier pour ces régions souvent îliennes, où l'interconnexion énergétique n'est pas possible, les impacts de cette évolution et l'adaptation de différents secteurs, considérés comme des composantes des systèmes de ressources. D'où l'ajout réclamé à l'alinéa 14.
Il me paraît difficile d'être favorable à cet amendement, car l'expertise île par île qui est demandée, ayant trait au développement local, ne relève donc pas des missions du Haut Conseil.
Je ne suis pas certain que M. Wulfranc ait bien fait de lire l'exposé sommaire, car celui-ci ne me semble pas correspondre à l'objet de l'amendement !
En tout état de cause, je ne crois pas qu'il faille restreindre ainsi les choses ou les flécher. L'avis est défavorable.
L'amendement no 316 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, pour soutenir l'amendement no 615 .
La commission a souhaité inscrire à l'article 2 celles des prérogatives du Haut Conseil pour le climat qui lui paraissaient essentielles. Cependant, nous avons omis d'y ajouter les dispositions du décret définissant ses modalités d'organisation et de fonctionnement, d'après lesquelles l'avis du Haut Conseil doit tenir compte notamment des impacts socioéconomiques de la transition pour les ménages et les entreprises.
Sagesse.
L'amendement no 615 est adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 703 .
Il s'agit de corriger une erreur de vocabulaire. En effet, il convient, non pas de réguler les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports aéronautique et maritime, mais de les réduire. Nous proposons donc de substituer le mot : « réduction » au mot : « régulation ».
Vous avez raison, madame Batho : la réduction des émissions est bien l'objectif. Je donnerai donc un avis favorable à votre amendement.
L'amendement no 703 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 746 .
À l'alinéa 15 de l'article 2, il est indiqué que le Haut Conseil émet des recommandations sur la « réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports aéronautique et maritime internationaux ». Dans son rapport, le Haut Conseil insiste particulièrement sur les transports internationaux. Monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure pour avis, faut-il comprendre que ses recommandations ne peuvent porter que sur les débats relatifs à l'OACI – l'Organisation de l'aviation civile internationale – ou aux positions défendues par la France dans les instances européennes, sur la taxe sur le kérosène, par exemple, et non sur des enjeux nationaux, même si je ne doute pas qu'il s'en saisirait s'il le souhaitait ? Je vous pose la question.
Il me semble que le Haut Conseil prend d'ores et déjà en compte les transports nationaux puisque son rapport porte notamment sur la stratégie bas-carbone, qui les inclut.
L'amendement no 746 est retiré.
L'amendement no 478 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le Haut Conseil pour le climat a vocation à devenir la clé de voûte de la gouvernance en matière de climat en France. Il convient donc que ses analyses et recommandations soient transmises aux instances consultatives publiques compétentes en matière d'énergie, tels que le Conseil national de la transition énergétique, l'Autorité environnementale, le Conseil supérieur de l'énergie, le Comité de gestion de la CSPE – la contribution au service public de l'électricité – , et j'en oublie sûrement. La transmission de ces documents permettra aux travaux du HCC d'être au centre du débat politique et scientifique, et de bénéficier d'une sorte de caisse de résonance.
L'amendement no 17 est défendu par M. Éric Straumann.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Je ne crois pas utile de préciser cela dans la loi. En outre, l'ensemble des travaux du Haut Conseil seront accessibles en ligne. Il reviendra donc plutôt aux différents organismes de s'en emparer. Du reste, je note que de nombreuses références ont d'ores et déjà été faites au rapport qui a été publié. Si nous voulons donner à cette institution une dimension indépendante et scientifique, il faut faire en sorte que les différents organismes consultent ses travaux et non qu'elle les leur communique. L'avis est défavorable.
Même argument et même avis que Mme la rapporteure pour avis.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 697 .
Comme cela a été dit à plusieurs reprises au cours de nos débats, l'argent est, là encore, le nerf de la guerre. Aussi proposons-nous, par cet amendement, que le Haut Conseil pour le climat présente son rapport, non seulement aux commissions permanentes de l'Assemblée et du Sénat chargées respectivement du développement durable et des affaires économiques et de l'énergie, mais aussi aux commissions des finances, lors de réunions communes.
Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point. Nous savons, en effet, que la commission des finances est au coeur de ces politiques transversales et qu'à ce titre, elle est concernée par les travaux du Haut Conseil.
Je dois dire que je ne vois pas l'intérêt de préciser ce point dans la loi. Mais si cela peut rassurer… Sagesse.
L'amendement no 697 est adopté.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l'amendement no 517 .
Eu égard à l'importance du Haut Conseil pour le climat, il nous semble important que le Gouvernement réponde systématiquement, de façon détaillée et argumentée, à ses recommandations, afin que chacun puisse comprendre sa décision, qu'il suive ou non les avis émis.
La commission a d'ores et déjà amendé le texte pour préciser que le Gouvernement doit répondre aux recommandations du Haut Conseil. Ajouter que ces réponses doivent être détaillées n'apporterait pas grand-chose. Je vous suggère donc de retirer l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Sagesse.
L'amendement no 517 n'est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l'amendement no 518 .
Dans le même esprit, nous proposons de nous inspirer de ce qui se fait chez nos voisins britanniques pour renforcer la relation entre le Haut Conseil pour le climat et le Parlement, en permettant à ce dernier de se prononcer sur les suites données au rapport du Haut Conseil.
Nous sommes également soucieux de favoriser une discussion entre le Gouvernement, le Haut Conseil et le Parlement. Toutefois, il me semble que votre proposition relève de l'organisation des assemblées. Mais, dans la mesure où l'on ne peut qu'être favorable à une telle discussion, je donne un avis favorable à votre amendement.
Il ne me paraît pas nécessaire d'inscrire dans la loi qu'un rapport peut faire l'objet d'un débat parlementaire ; le Parlement est suffisamment grand pour se saisir lui-même de ce rapport. L'avis est défavorable.
L'amendement no 518 n'est pas adopté.
Cet amendement, déposé à l'initiative de M. Holroyd, s'inspire de l'exemple suédois – on doit toujours s'inspirer des Suédois en matière de transition écologique. Il tend à préciser que le Gouvernement, sur la base du rapport remis au Premier ministre par le Haut Conseil sur le climat, rend compte annuellement devant le Parlement des objectifs non atteints de ce rapport et des moyens mis en oeuvre par l'État ou les collectivités locales pour les atteindre. Il s'agit ainsi de responsabiliser l'ensemble des acteurs publics à la lutte contre le réchauffement climatique et les autres atteintes au développement durable.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et pour soutenir son sous-amendement.
Je donnerai un avis favorable sur l'amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement rédactionnel, qui tend à substituer au mot : « soumet », le mot : « présente ».
Avis favorable sur l'amendement, sous réserve de la même condition.
Le sous-amendement no 888 est adopté.
L'amendement no 73 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme Nicole Le Peih, pour soutenir l'amendement no 358 .
Nous proposons que le Haut Conseil communique un avis au Premier ministre sur le respect des engagements internationaux de la France avant chaque conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies relative aux changements climatiques. Cet avis sera transmis au Parlement et au CESE – le Conseil économique, social et environnemental.
Même si la communication ne tient qu'en quelques lignes, il est important de faire connaître notre action diplomatique. J'ai été corapporteure, pour la commission des affaires étrangères, d'une mission d'information sur la diplomatie climatique. Nous devons consentir un effort collectif pour chaque COP si nous voulons contenir la hausse du réchauffement. Il me semble important de rendre public et très accessible cet avis sur le respect de nos engagements internationaux.
Mme Le Peih, votre amendement me semble satisfait par l'alinéa 15 de l'article 2 du texte issu de la commission, qui prévoit que le Haut Conseil met en perspective, dans un rapport, les engagements et les actions de la France par rapport à ceux des autres pays. Il y est également stipulé qu'il émet des recommandations et des propositions pour améliorer l'action de la France. Ne doutons pas qu'il s'autosaisisse pour mener des études particulières à l'approche des COP de ces instances. L'avis sera donc défavorable.
Même argumentation et même avis.
L'amendement no 358 est retiré.
Sur l'amendement no 575 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 650 et 575 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement no 650 .
Il tend à élargir la saisine du Haut Conseil en permettant qu'il le soit par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Cette faculté s'impose d'elle-même, ne serait-ce qu'au regard de la compétence du Haut Conseil dans la mise en oeuvre territoriale des politiques climatiques.
Il fait suite à un débat que nous avons eu en commission, au cours duquel j'avais souligné le manque de précision du mode de saisine du Haut Conseil. Qu'entend-on, en effet, par « Gouvernement » ? Est-ce à dire qu'il pourrait être saisi par n'importe quel ministre mais pas par les parlementaires ?
Cet amendement vise le même objectif que celui de M. Wulfranc mais, dans un souci de simplicité, j'ai repris le mode de saisine du Conseil constitutionnel, qui ne fait pas l'objet de débats houleux au sein de notre Assemblée : soixante députés ou soixante sénateurs. Il me semble que cette proposition va dans le bon sens en ce qu'elle permettrait à des groupes d'opposition de s'unir pour saisir le Haut Conseil pour le climat s'ils l'estiment nécessaire au regard des enjeux.
Monsieur Aubert, vous ne pouvez pas comparer les prérogatives du Conseil constitutionnel à celles du Haut Conseil pour le climat. Il est normal et heureux que le Conseil constitutionnel puisse être saisi pour trancher des litiges, car c'est son rôle, tandis que le Haut Conseil pour le climat émettra des avis, des recommandations et rendra des rapports. Il pourra être saisi par le président de l'Assemblée nationale ou celui du Sénat. À l'occasion de la transmission du rapport, la personne appelée à exercer la présidence du Haut Conseil sera auditionnée par les commissions permanentes chargées de l'environnement, de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que par la commission des finances, comme vous le constaterez plus tard. Pour ces raisons, je suis défavorable à cette saisine par des parlementaires, car la multiplication des saisines pourrait détourner le Haut Conseil de sa mission principale.
Je répéterai les propos que m'avait tenus, un jour, le président d'une instance que j'avais auditionné à l'Assemblée. Il existe deux moyens de tuer une instance : la priver totalement de moyens ou la noyer sous les saisines !
Soyons sérieux. Le Haut Conseil pour le climat n'a rien à voir avec le Conseil constitutionnel, dont la saisine par un dixième des membres des assemblées a directement inspiré vos propositions.
Le Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi, peut prendre des décisions, et nous avons élargi son champ d'intervention en instaurant le principe de la question prioritaire de constitutionnalité pour lui permettre de prendre des décisions. Le Conseil constitutionnel n'est pas là pour remettre des rapports ou rendre des avis.
Les membres du Haut Conseil pour le climat ne travailleront pas pour cette instance à plein-temps, cinq jours sur sept, tout au long de l'année. Ce seront des experts qui viendront apporter leur expertise scientifique. Il n'est pas question de les noyer sous des saisines fusant de toutes parts. Nous avons donné à cette instance les moyens d'être indépendante et de rendre un rapport annuel pour éclairer les débats se rapportant au climat et aux actions à mener.
Je donne un avis défavorable sur ces amendements.
Ces deux instances n'ayant pas le même rôle, il serait disqualifiant de leur appliquer le même mode de saisine ? Que je sache, vous pouvez saisir selon la même procédure des organismes aux compétences différentes. Ce n'est pas un argument ; votre réponse est purement superficielle.
Vous me répondez par ailleurs que ce mode de saisine pourrait engorger le Haut Conseil. Le Conseil constitutionnel, saisi de la même manière, ne s'en est pas trouvé affaibli, au contraire. S'il est bien un organe de la Constitution de la Ve République qui ait pris une ampleur inégalée, c'est lui, notamment parce que des parlementaires ont pu le saisir. Votre argument se retourne donc contre vous.
De plus, madame la rapporteure, vous nous renvoyez aux possibilités offertes aux présidents des deux chambres de saisir cette instance. C'est parce que vous êtes dans la majorité que vous ne voyez pas le problème ! Lorsque le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat sont de la même couleur politique, l'opposition ne peut jamais saisir le Haut Conseil !
Enfin, l'Assemblée peut saisir la Cour des comptes, qui rend des rapports. En tant que rapporteur spécial du budget, j'ai saisi la CRE. Si je comprends bien, je pourrais saisir la CRE, demander un rapport à la Cour des comptes, mais je ne pourrais pas demander un rapport au Haut Conseil pour le climat. Je ne sais pas pourquoi vous voulez le couper à ce point du Parlement, tout en réaffirmant que nous devrions voter des textes relatifs à l'énergie et récupérer cette compétence.
Voilà pourquoi j'ai demandé un vote solennel.
Cela fait partie des amendements de bon sens que vous rejetez, tout simplement parce qu'ils viennent de l'opposition, quand bien même un membre de votre majorité avait déposé le même.
Le texte de la commission présente justement l'intérêt de permettre à un seul parlementaire de convaincre le Haut Conseil de se saisir. Monsieur Aubert, vous êtes suffisamment éloquent : vous pourrez persuader cette instance de la nécessité de se saisir d'un sujet que vous jugerez essentiel. Le Haut Conseil restera ainsi indépendant du Président de la République et de notre institution. Vous n'aurez qu'à le convaincre qu'un sujet est important.
L'amendement no 650 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 6
Contre 28
L'amendement no 575 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, pour soutenir l'amendement no 298 .
Le travail en commission a permis d'enrichir le texte et de renforcer la portée des travaux du Haut Conseil pour le climat en précisant qu'il peut être saisi par le Gouvernement, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat, ou encore se saisir, de sa propre initiative, pour rendre un rapport sur un sujet sectoriel.
Cet amendement, qui répond à une demande de plusieurs collègues, tend à ajouter à cette liste une saisine par le président du Conseil économique, social et environnemental.
Sagesse.
Le président d'une instance dont les membres seront tirés au sort pourra donc saisir le Haut Conseil, tandis que les parlementaires, élus de la nation, ne le pourront pas. J'ai du mal à comprendre ce raisonnement, mais plus vous déposez d'amendements, plus votre logique se précise…
M. Aubert caricature de nouveau un peu la situation. Un parlementaire représente déjà tous les citoyens de sa circonscription : sa parole a un poids et ses arguments seront donc écoutés. En conséquence, il est intéressant que cette instance puisse être saisie d'une manière automatique pour porter des projets importants.
L'amendement no 298 est adopté.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, pour soutenir l'amendement no 614 .
Là encore, nous visons à élargir le champ de saisine du Haut Conseil pour le climat : ses rapports ne seront pas restreints à des questions sectorielles, mais pourront traiter de questions transversales.
Précision utile : avis favorable.
L'amendement no 614 est adopté.
Il s'agit là de la réponse apportée par le Gouvernement aux avis transmis au Parlement par le Haut Conseil pour le climat.
Le sous-amendement no 894 tend à remplacer le mot « répond » par les mots « peut répondre », sans quoi nous redouterions une censure du Conseil constitutionnel.
Quant au sous-amendement no 889 , plutôt que de parler de « Parlement », il vise à évoquer « les commissions mentionnées au II de l'article L. 132-4 », à savoir celles chargées de l'environnement et de l'énergie.
Je donne un avis favorable à l'amendement no 175 , sous réserve de l'adoption de mes deux sous-amendements.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements ?
Il est prévu que le Gouvernement réponde au rapport annuel du Haut Conseil pour le climat. Aussi n'est-il pas utile de répondre à l'avis transmis par le Haut Conseil pour le climat devant le Parlement. Si le Parlement souhaite débattre du sujet ou recevoir des documents, il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi. Je vous invite donc à retirer cet amendement ; sinon, l'avis sera défavorable.
L'amendement no 175 est adopté.
Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, pour soutenir l'amendement no 300 .
Il vise à répondre à une préoccupation qui nous a été souvent transmise, lors des travaux préparatoires à ce texte : le manque de coordination entre les documents territoriaux et, sinon la PPE, du moins la stratégie nationale bas-carbone. Il vise à combler ce manque dans l'articulation entre les outils de planification et de programmation nationaux et territoriaux, notamment les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, et la PPE.
Sans créer une obligation, je propose que l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs « prennent en compte la programmation pluriannuelle de l'énergie dans leurs documents de planification et de programmation ». Cette disposition concerne non pas les documents déjà établis mais les documents en cours de rédaction.
Le Gouvernement partage la préoccupation de Mme la rapporteure pour avis en matière de coordination entre l'action nationale et l'action locale. La loi a créé des documents, comme les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ou les plans climat air énergie territoriaux, qui sont établis à l'échelle intercommunale.
Toutefois, la rédaction de l'amendement nous paraît susceptible de créer des contentieux, puisqu'il crée une obligation – je me réfère aux mots « prennent en compte » – ne précisant pas la cible à laquelle elle s'applique, ce qui risque de fragiliser les documents de planification régionale ou locale. Il serait sans doute plus opportun d'étudier la création d'un lien entre ces documents et une loi de programmation plus générale qu'un amendement.
La programmation pluriannuelle de l'énergie, je le rappelle, constitue un document très détaillé, de plus de 400 pages, pour que chaque document de programmation puisse en assurer la prise en compte – c'est ce que prévoit le texte – sans risque juridique.
C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement, faute de quoi l'avis sera défavorable.
L'amendement no 300 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 39
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 37
Contre 0
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l'amendement no 29 , portant article additionnel après l'article 2.
Il vise à garantir la sécurité d'approvisionnement sur le territoire, laquelle est un élément stratégique pour une nation comme la France, notamment en matière d'indépendance énergétique.
L'amendement est satisfait puisque l'article L. 100-2 du code de l'énergie prévoit que l'État veille à « assurer des moyens de transport et de stockage de l'énergie adaptés aux besoins », à « diversifier les sources d'approvisionnement énergétique » et à « diversifier [… ] les sources de production d'énergie ». C'est pourquoi je vous demande de le retirer.
Même argumentation, même demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. L'article L. 100-1 du code de l'énergie dispose en effet déjà que la politique énergétique « assure la sécurité d'approvisionnement et réduit la dépendance aux importations ».
L'amendement no 29 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 43 .
Dans le cadre de la déclinaison des orientations nationales en matière climatique et environnementale au niveau territorial, l'amendement CE20 de la commission du développement durable visait à proposer aux régions de prendre en compte les avis du Haut Conseil pour le climat dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Nous considérons que c'est une très bonne proposition. Néanmoins, compte tenu de l'urgence climatique et écologique, que nous avons déclarée à l'article 1er, l'intégration des avis du Haut Conseil pour le climat dans ces schémas ne saurait se contenter d'une simple « prise en compte ». Le présent amendement propose donc que ces schémas « tiennent compte » des avis du Haut Conseil pour le climat.
Compte tenu de mes prises de position précédentes, il me paraît difficile d'émettre un avis favorable sur cet amendement, d'autant qu'il convient de respecter la libre administration des collectivités territoriales. Or votre amendement est très contraignant. L'avis est défavorable.
Considérant que l'amendement est déjà satisfait, le Gouvernement demande son retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement no 43 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
Les objectifs de l'article 3 sont importants, puisqu'ils contribueront réellement au respect par la France du plafond d'émissions de gaz à effet de serre. C'est même sans doute l'article du projet de loi qui y contribuera le plus.
Le Gouvernement a fait preuve de courage en décidant, dans ce texte, la fermeture des dernières centrales à charbon d'ici à 2022. Les députés de mon groupe, Agir, UDI et indépendants y sont favorables. Tel est l'objet de la première partie de l'article.
Le choix de confier la fixation de ce plafond à l'autorité administrative – la CRE, je suppose – garantira l'indépendance de la vérification de la sécurité de l'approvisionnement en électricité avant la fermeture des centrales.
La seconde partie de l'article crée un régime dérogatoire au droit commun pour les salariés de ces centrales ainsi que pour les salariés des sous-traitants travaillant à 100 % pour les centrales. C'est un accompagnement spécifique qui est proposé à nos suffrages. J'y suis a priori assez favorable puisque c'est une loi qui supprimera l'emploi de ces salariés – 668 emplois directs et 778 emplois indirects sont concernés.
Toutefois, dans l'étude d'impact, il y a peu d'informations sur les mesures d'accompagnement prévues et sur leur incidence sur les finances publiques. Compte tenu des enjeux, notamment financiers, de l'article, il conviendrait que la représentation nationale soit éclairée à propos de l'incidence financière de ces mesures dérogatoires au droit commun prévues pour accompagner les salariés.
Nous l'avons dit, les centrales à charbon représentent moins de 2 % de la production électrique pour plus de 35 % des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur. Il est donc indéniable que l'arrêt de l'exploitation de ces centrales en 2022 est une mesure d'intérêt général. Si la volonté d'oeuvrer au mieux pour limiter les émissions de gaz à effet de serre est quasi unanime, elle ne doit pas nous faire oublier les réalités locales : des salariés, des familles, des territoires seront lourdement touchés par notre décision.
Monsieur le ministre d'État, nous avons eu l'occasion, accompagnés de Mme la secrétaire d'État Emmanuelle Wargon, d'aller à la rencontre des salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold et des élus locaux. Vous avez pu entendre leurs craintes légitimes et apprécier leur courage, leurs grandes compétences et leur détermination. Aussi, vous le savez, le projet de loi, qui fixe notamment le cadre de l'accompagnement, était-il très fortement attendu. J'ai eu l'occasion de travailler avec vous-même ainsi qu'avec vos services. Je vous remercie vivement pour votre grande disponibilité, votre écoute et votre engagement sur le sujet. J'ai également pu examiner ce texte avec les syndicats locaux, qui se sont fortement mobilisés pour l'améliorer, au bénéfice des salariés. Enfin, je salue tout particulièrement l'engagement profond et l'écoute du rapporteur et de mes collègues de la commission des affaires économiques.
J'ai proposé plusieurs amendements, que je n'ai pu, hélas, y défendre, mais dont plusieurs ont été adoptés à l'identique par les commissaires, ce dont je me réjouis. Il est désormais précisé que l'accompagnement concernera bien l'ensemble des salariés, et non pas seulement ceux qui sont affectés aux installations, que l'ensemble de la chaîne de sous-traitance en bénéficiera, que le reclassement s'effectuera en priorité dans le bassin d'emploi et enfin que le financement du dispositif sera apprécié et précisé par voie d'ordonnance.
Il restera à préciser – tel est l'objet d'un sous-amendement que j'ai déposé – si des mesures compensatoires sont prévues en cas de perte du statut IEG, c'est-à-dire industrie électrique et gazière.
Cet article, qui est le fruit d'un travail collaboratif, apporte donc des garanties supplémentaires aux salariés.
Je tiens à profiter de l'occasion de l'examen de cet article pour m'adresser au ministre d'État sur un sujet qu'il connaît bien : l'énergie en Corse. Il convient que la Collectivité de Corse, l'État et EDF ouvrent une discussion approfondie sur le sujet, afin de réfléchir à l'avenir énergétique de l'île, qu'il faut manifestement remettre à plat, notamment au futur mix énergétique.
Le problème central qui conditionne tout, nous le connaissons : c'est l'état d'avancement du projet de gazoduc. Un autre problème est celui de la centrale du Vazzio : la formule à 250 mégawatts ne remettra-t-elle pas complètement en cause tout effort en direction des énergies renouvelables ? Un projet à 125 mégawatts ne serait-il pas préférable, dans la perspective d'une diversification des sources d'énergie ? Quelle place pour les énergies renouvelables ?
L'avenir énergétique de la Corse passe avant tout, bien sûr, par la garantie des approvisionnements. Toutefois, la biomasse, employée de façon raisonnable, l'éolien, encore qu'on connaisse l'hostilité du voisinage, en Corse comme ailleurs, l'hydraulique, avec les problèmes des cours d'eau et de classement, ou le photovoltaïque, qui pose des problèmes relatifs au foncier, sont des sources incontournables.
Il convient aussi de réfléchir à la maîtrise de la demande énergétique, à la fin du fioul lourd en 2023, ainsi qu'à l'autonomie énergétique, qui constitue l'objectif final.
En ce domaine comme en d'autres, monsieur le ministre d'État, je souhaite que s'instaure un véritable dialogue, afin que nous puissions réfléchir ensemble au meilleur avenir possible.
L'engagement du Gouvernement de fermer les quatre dernières centrales à charbon est important, et je ne doute pas qu'il sera tenu. Je tiens, moi aussi, à souligner la qualité du travail qui a été réalisé dans les commissions pour renforcer l'accompagnement dans leur reconversion des salariés et des sous-traitants des territoires concernés. C'est une avancée majeure que de partir du devenir des salariés de ces sites.
J'avais évoqué, en commission, une petite incertitude non sur l'engagement gouvernemental, qui sera tenu, mais sur la définition de l'utilisation, encore possible, en période de pointe, de ces centrales. Nous pourrons aller encore plus loin sur le sujet.
Quoi qu'il en soit, c'est un engagement fort : l'équivalent des émissions de CO2 de 4 millions de voitures sera ainsi évité.
Je ferai trois remarques.
La première est d'ordre économique : vous avez vous-même revendiqué comme un choix politique le fait de ne pas utiliser les déchets recyclés pour produire de l'électricité. Vous avez clairement indiqué tout à l'heure que vous aviez refusé la mutation du process de production de l'électricité proposée par les salariés au regard de leur expertise, et le moratoire qui aurait pu le faire mûrir jusqu'à son terme.
Deuxièmement, s'agissant de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour préciser les modalités d'accompagnement de la reconversion de ces salariés, j'ai bien compris que des amendements visaient à renforcer l'accompagnement social. Toutefois, à ce stade, les garanties de reclassement ne nous paraissent toujours pas suffisamment robustes. Pour notre part, nous souhaitons une obligation de résultat pour l'ensemble des salariés.
Troisièmement, les organisations syndicales vous ont signifié que la fermeture de ces quatre centrales altérerait à très court terme notre capacité à faire face aux pointes de consommation. Nous souhaiterions avoir des garanties sur la robustesse de notre système électrique et sa capacité, à échéance de 2022 – en raisonnant selon un rythme triennal – , à faire face aux pointes de consommation.
Je voudrais qu'on prenne un moment pour mesurer l'importance des mesures prévues par cet article. Le charbon ne représente que 1,8 % de notre mix électrique, mais la fermeture des quatre centrales à charbon permettra de réduire de 35 % les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la production électrique. Cela paraît peut-être un petit pas dans l'examen de ce projet de loi, mais c'est un grand pas vers la neutralité carbone en 2050.
C'est exactement là que se situe notre majorité politique : l'objectif est ambitieux mais il sera atteint de manière responsable. Ainsi, cet article prévoit de nombreuses dispositions d'accompagnement pour les 750 emplois directs et les 650 emplois indirects, sans compter les territoires, les entreprises et les collectivités concernés.
Je tiens à saluer le travail de mes collègues Hélène Zannier, Anne-France Brunet, Anne-Laurence Petel et bien d'autres pour accompagner au mieux les salariés, les syndicats et l'ensemble des territoires dans cette transformation indispensable pour la transition écologique.
Je tiens d'abord à saluer le travail mené depuis des mois sur ce projet de loi, notamment sur le terrain, sur les quatre sites concernés, que je rappelle : Cordemais, en Loire-Atlantique ; Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, en Provence ; Le Havre, en Seine-Maritime, en Normandie ; Saint-Avold, en Moselle, en Lorraine. Mme Zannier, notamment, est très concernée par l'avenir du site de Saint-Avold, en Moselle, et très impliquées sur le dossier.
À la suite de nos discussions, le texte a effectivement été enrichi en commission, et c'est ainsi que le périmètre du dispositif d'accompagnement prévu pour les salariés travaillant directement dans les entreprises qui opèrent dans ces quatre centrales a été étendu aux sous-traitants ; c'était essentiel car les salariés de certaines entreprises sous-traitantes travaillent à plein-temps dans ces centrales.
Comme l'a dit Mme Zannier, nous avons rencontré ensemble des salariés de la centrale de Saint-Avold, sur le site même. Je comprends tout à fait qu'il est difficile, au-delà même des questions sociales et des interrogations sur l'avenir personnel de chaque salarié, de devoir arrêter les activités dans le bassin industriel de Saint-Avold, en Lorraine. On a encore en mémoire les dernières mines de charbon, même si elles ont fermé il y a déjà quinze ans. Or les centrales de Saint-Avold et de Gardanne sont issues de Charbonnages de France : elles ont été construites pour donner un débouché à la production de charbon, mais aussi pour compléter la production d'électricité. Disons-le : à cette époque, on a tenté de relancer la production de charbon par le plan charbon.
Évidemment, les temps ont changé. Je me souviens bien d'un ouvrier qui nous a dit être là depuis le début – les tranches fonctionnant au charbon de la centrale de Saint-Avold ont été mises en service en 1981, je crois. D'autres ouvriers, arrivés plus récemment, viennent d'autres centrales qui ont déjà fermé ou sont des anciens mineurs de charbon qui, après avoir connu la fermeture des mines, vont connaître celle de la centrale. On sait ce que cela représente dans une région comme la Lorraine, qui a déjà connu beaucoup de restructurations industrielles et de disparitions d'activités, notamment les mines de charbon.
Comme vous, je tiens à saluer l'attitude des salariés et de leurs syndicats, qui acceptent de travailler concrètement, alors qu'ils préféreraient, bien sûr, que l'on prolonge l'activité. D'autant qu'il y a deux tranches à gaz à Saint-Avold : ils auraient vu d'un bon oeil que l'on remplace les tranches charbon par les tranches gaz. À cet égard, ceux qui, dans leurs amendements ou leurs prises de position, proposent de supprimer toutes les énergies fossiles, doivent tenir compte des gens qui travaillent concrètement sur ces territoires, en espérant un remplacement du charbon par le gaz. D'ailleurs, les tranches gaz de Saint-Avold ont, certaines années, fonctionné pratiquement en permanence, notamment en 2017, je crois, parce que la demande était forte. Nous leur avons tenu un langage de vérité : nous n'avons pas entretenu d'illusions, nous n'avons pas brandi la chimère d'un remplacement par le gaz, parce que, hormis le projet de centrale à gaz de Landivisiau, en Bretagne, destiné à compléter l'offre et ainsi à assurer la sécurité de l'approvisionnement, il n'y a aucun projet de nouvelle centrale à gaz sur le territoire métropolitain continental – Corse exceptée, donc. Les choses sont claires, mais d'autant plus difficiles, c'est évident.
Nous avons tenu le même langage de vérité, il y a quelques mois, au Havre, où nous avons rencontré les élus et les salariés : dans la mesure où EDF ne poursuit pas de projet de reconversion sur ce site, la centrale fermera en 2021, comme EDF l'a annoncé.
La situation est différente selon les sites : Saint-Avold et Gardanne sont exploitées par la société privée Uniper – c'était auparavant une autre société ; les actifs ont été mis en vente, même si le processus de vente n'est pas finalisé. C'est EDF qui opère dans les deux autres centrales, celles de Cordemay et du Havre.
À Gardanne, comme j'ai eu l'occasion de le dire, dans un autre débat, en réponse à François-Michel Lambert, une tranche bois a été envisagée, mais de nombreuses difficultés se posent et on ne sait pas si cela va marcher. Il reste que la parole de l'État sera tenue et que la tranche charbon fermera aussi.
Enfin, concernant Cordemay, en Loire-Atlantique, le discours est le même. Cependant, EDF nous a informés d'un projet de reconversion non pas de la centrale, mais d'une autre activité : des déchets de bois pourraient être transformés en pellets, qui pourraient eux-mêmes éventuellement produire de l'électricité. Ce process industriel, à ce stade, n'est pas clairement consolidé, si je puis dire. Le ministère a posé un certain nombre de questions à EDF, qui doit encore y répondre. C'est précisément parce que ce projet est examiné en profondeur que cela prend un peu de temps, mais nous avons clairement indiqué qu'il n'y aurait pas de moratoire.
En effet, si nous avions prononcé un moratoire sur la fermeture des centrales à charbon, nous n'aurions pas tenu nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, M. Wulfranc a soulevé la question de la sécurité d'approvisionnement. C'est évidemment notre préoccupation majeure, constante, transversale : elle concerne tous les territoires et tous les équipements. RTE – Réseau de transport d'électricité – a fait un premier rapport. Nous lui avons demandé d'approfondir l'analyse des risques, en prévoyant des conditions extrêmes, comme un très grand froid. Son verdict public, rendu au mois d'avril dernier, si je me souviens bien, indique clairement qu'il y a une voie, certes étroite, pour fermer ces quatre centrales à charbon d'ici à 2022.
Comme l'a dit Mme de Lavergne, c'est un choix important en matière énergétique : nous tournons une page, comme nous l'avons fait en fermant nombre de centrales au fioul. C'est la concrétisation de la transition énergétique : sur nombre de ces territoires, d'autres activités de production énergétique, d'énergies renouvelables ou des activités industrielles liées aux énergies renouvelables vont prendre le relais après la fermeture des unités de production de l'électricité par le charbon.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l'énergie et au climat.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra