Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du mardi 11 juin 2019 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

La situation en Afghanistan est malheureusement toujours aussi catastrophique, les chiffres que vous nous avez rappelés sont là pour nous le montrer. Je crois que malgré la dégradation manifeste de la situation sécuritaire au cours de ces deux dernières années, le chiffre de 3000 morts le montre encore, les pays européens ont accéléré l'expulsion de ressortissants afghans, en prétendant que certaines régions du pays sont sûres. C'est en totale contradiction avec ce que l'on peut observer sur le terrain. Il m'est arrivé à plusieurs reprises d'accompagner des ressortissants afghans à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Qu'est-ce qui se passe ? Vous avez deux cas de figure. Soit la personne a été menacée par les talibans, soit elle a été menacée par le gouvernement ou les services de police. Cela veut dire, de deux choses l'une, ou vous collaborez et vous êtes considérés comme un traître, soit vous ne collaborez pas, auquel cas vous êtes considérés comme complice, la neutralité n'existe pas. On est face à une situation où quand bien même une région serait dite sûre, vous avez des individus qui sont pris dans un étau impossible. L'Afghanistan n'est pas un pays sûr. Il faut se le dire. Parce que sinon, c'est se mentir. L'Europe se ment, parce que je pense que tout renvoi forcé vers l'Afghanistan est un refoulement, au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait violation du principe de non-refoulement, qu'un grave préjudice en découle. La seule violation des droits humains est suffisante. Les gouvernements européens n'ont volontairement pas tenu compte des dangers auxquels sont exposés les Afghans renvoyés dans leur pays, et ils exercent avec l'Union européenne une pression sur l'Afghanistan pour que le pays accepte le retour de nombreux ressortissants. Selon moi il n'est pas responsable, il est même illégal d'accorder la priorité aux expulsions en dépit de l'évidence de la situation. L'article 28 de cet accord porte sur la coopération en matière d'immigration, afin d'empêcher les flux migratoires irréguliers, il « a pour but de contribuer à la mise en oeuvre du projet d'action conjointe pour le futur sur les questions migratoires ». Je dis que dans ce contexte il est essentiel de respecter en priorité les droits humains, de faire barrage à toute procédure d'éloignement. Si l'on ajoute à cela le principe de l'accord de Dublin, on prend le risque de renvoyer vers d'autres pays européens qui n'ont peut-être pas les mêmes scrupules que nous. En procédant ainsi nous enverrons vers la mort un certain nombre de citoyens afghans, en connaissant parfaitement les risques auxquels ils seront exposés en Afghanistan. Je crois qu'il faudrait que l'Europe s'érige en rempart contre les violations des droits humains.

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