Intervention de Xavier Paluszkiewicz

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Paluszkiewicz, rapporteur spécial (Affaires européennes) :

C'est en qualité de rapporteur spécial pour les affaires européennes en charge de l'évaluation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) que je m'adresse à vous. Ce prélèvement a atteint, vous le savez, 20,6 milliards d'euros en 2018, alors que la prévision en loi de finances pour 2018 l'établissait à 19,9 milliards d'euros.

L'exercice de prévision de ce prélèvement est assez ardu. L'année dernière, par exemple, l'exécution du PSRUE a été inférieure de 2,3 milliards d'euros à la prévision. Ces écarts montrent combien il est difficile de prévoir le montant du prélèvement sur recettes. Au niveau européen, le pilotage du décaissement des fonds est complexe. Pas moins de six budgets rectificatifs ont été adoptés en 2018 par le Parlement.

Plusieurs éléments sont de nature à faire évoluer la contribution de la France en 2019 et 2020. Tout d'abord, l'hypothèse d'une sortie sans accord du Royaume-Uni pourrait nécessiter des fonds supplémentaires, notamment si les Britanniques refusent de payer la facture de sortie. C'est du reste ce que leur suggérait ce matin le président Donald Trump dans un tweet publié alors qu'il venait de poser le pied sur le tarmac anglais.

La Cour des comptes a souligné trois autres facteurs susceptibles de modifier le niveau de la contribution française : le niveau d'engagement et de paiement des fonds européens, l'évolution du système de collecte des droits de douane et la montée en puissance des instruments financiers d'investissement.

J'en viens à mon thème d'évaluation, à savoir le bilan du transfert de la gestion des fonds européens structurels et d'investissement aux régions. À la demande de Mme la secrétaire d'État Amélie de Montchalin, cette question a fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes, qui a été présenté devant cette commission il y a une dizaine de jours. De mes échanges avec les magistrats financiers, j'ai tiré plusieurs enseignements.

Le premier concerne le transfert de compétences de l'État vers les régions. D'abord, ce transfert a indubitablement été mal anticipé, ce qui a retardé d'autant le lancement et l'attribution des fonds. Ensuite, ce transfert n'a été que partiel : si le Fonds européen de développement régional (FEDER) est géré en quasi-totalité par les régions, seules 35 % des crédits du Fonds social européen (FSE) ont été délégués aux régions. Enfin, bien que les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) aient été délégués aux régions, les services déconcentrés continuent d'assurer l'instruction de 80 % d'entre eux. Cet enchevêtrement de compétences nuit incontestablement à la lisibilité de l'action publique.

Sur la gestion elle-même, la Cour a appelé notre attention sur certaines pratiques qui pourraient être dommageables, à terme. Ainsi, certaines régions appliquent aux bénéficiaires un taux de paiement inférieur à celui qui est remboursé par l'Union européenne, ce qui leur permet de constituer des réserves. Si la pratique, en tant que telle, n'est pas illégale, elle ne peut être considérée comme satisfaisante. Un autre sujet d'inquiétude réside dans le décalage entre les recettes transférées par la Commission et les dépenses décaissées par les régions. L'absence de sanctuarisation des fonds européens laisse craindre que les régions n'éprouvent des difficultés à payer les bénéficiaires à la fin de la programmation.

Il est un troisième point sur lequel des améliorations sont possibles : la multitude des programmes et des mesures complique inutilement les choses et entraîne des coûts de gestion disproportionnés. Une simplification en vue du prochain cadre financier pluriannuel semble donc impérative.

Je regrette que la Cour n'ait pas eu l'opportunité d'examiner la conformité des projets financés par l'Union européenne avec les objectifs fixés par cette dernière. C'est d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, l'objet de ma première question : en vue de la prochaine programmation, est-il prévu d'établir des lignes directrices au niveau national pour éviter le financement de dossiers dont le lien avec les objectifs européens serait plus que ténu ?

Il est un dernier point sur lequel il convient d'être vigilant : il faut éviter que le dispositif contractuel de maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales n'entraîne un moindre investissement dans les projets éligibles aux fonds européens. La Cour ne se prononce pas définitivement sur la question, mais le risque existe : il nous appartient donc d'être attentifs à cette question et, le cas échéant, d'en tirer les conclusions.

Cela étant dit, les régions devenues autorités de gestion ont développé une réelle expertise et les taux de consommation des fonds européens, sans être excellents, sont dans la moyenne. Ainsi, le FEDER atteignait quasiment 70 % de consommation, tandis que le FSE était à 76 %, avec une moyenne européenne à 70 %. Il convient également de souligner que la France a évité, en 2018, les dégagements d'office, c'est-à-dire la perte de crédits européens faute d'engagements dans les délais impartis. Néanmoins, nous restons loin des pays en tête de classement : la Finlande, par exemple, a un taux de paiement des fonds de 55 %, contre 35 % pour la France.

J'aimerais, pour conclure, vous donner quelques éléments d'actualité. Les négociations autour du prochain cadre financier pluriannuel ont pris du retard, mais elles progressent, avec la conclusion d'une dizaine d'accords provisoires sur les propositions sectorielles, notamment Invest EU et Horizon Europe. Il va sans dire que le sujet de la politique agricole commune (PAC) reste hautement sensible et qu'il sera probablement l'un des plus délicats à trancher.

Concernant plus précisément les fonds européens, il est impératif que les différentes autorités de gestion françaises soient prêtes pour le début de la prochaine programmation. Les fonds européens revêtent une importance cruciale pour les territoires : par la voie du cofinancement, ils exercent un réel effet de levier, en ce qu'ils financent des projets qui n'auraient peut-être pas vu le jour sans fonds européens. Il est donc essentiel que les autorités de gestion n'aient plus à se préoccuper de la répartition des compétences et qu'elles puissent se concentrer sur la sélection et l'instruction des projets.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, ma dernière question concerne le FEADER : l'État va-t-il faire un choix entre les trois scénarios de gestion proposés par la Cour des comptes dans le rapport qu'elle a remis à notre commission ? Le premier confie l'autorité de gestion exclusivement à l'État. Le deuxième propose de simplifier le cadre national, afin d'améliorer la situation actuelle – le rapport parle d'améliorer le statu quo. Le troisième scénario propose de réunir sous l'égide de l'État la gestion de l'ensemble des mesures surfaciques – c'est-à-dire calculées en fonction de la surface de l'exploitation – de la PAC.

En tenant compte de ces éléments, j'ai rédigé une proposition de résolution sur les fonds européens. Au vu de leur rôle considérable dans le développement de nos territoires, j'invite l'État et les régions, premièrement à s'accorder sur un cadre national d'utilisation des fonds, deuxièmement à accroître leur collaboration pour accélérer le traitement des dossiers et ainsi le paiement aux bénéficiaires, troisièmement à communiquer plus largement sur les projets financés par l'Union européenne pour s'assurer de leur visibilité auprès de nos concitoyens.

Je terminerai mon propos en saluant l'arrivée prochaine des nouveaux eurodéputés au Parlement européen qui seront, je l'espère, les meilleurs garants de notre démocratie européenne pour les cinq prochaines années.

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