Présidence
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend d'abord M. Jean Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
La France s'est engagée dans une trajectoire ambitieuse pour son aide au développement. Comme je vous l'avais d'ailleurs exposé à l'automne dernier, nous n'en voyons pas encore la traduction dans l'exercice 2018, ce qui est logique puisque cette évolution est intervenue lors de la réunion interministérielle de février 2018. L'idée est de passer à un taux de 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022.
Ces précisions faites, rappelons que la mission ne représente qu'un tiers environ de l'effort d'aide au développement consenti par la France. La mission est composée du programme 110 Aide économique et financière au développement et du programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, qui relèvent respectivement du ministre des finances et de celui de l'Europe et des affaires des étrangères. Le reste de l'aide, et notamment les frais d'écolage pour les étudiants étrangers, relève d'autres ministères. Pour une vue d'ensemble, il faudra se reporter au document de politique transversale dont nous n'aurons connaissance qu'à l'automne prochain.
Nous ne disposons pas encore des chiffres de l'aide française pour 2018 mais, en 2017, elle a atteint 10,1 milliards d'euros, soit 0,43 % du RNB, un taux qu'il faudra porter à 0,55 % d'ici à 2022. L'exécution de la mission Aide publique au développement est maîtrisée : 2,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,6 milliards d'euros de crédits de paiement. Elle a connu peu de mouvements de crédits en cours de gestion, le plus significatif étant l'annonce par le Président de la République d'une aide de 50 millions d'euros à la Syrie pour des raisons évidentes. Une contribution moins importante que prévu au Fonds européen de développement (FED) a permis de financer une grande partie de cette aide.
La loi de finances rectificative pour 2018 a néanmoins ouvert 500 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour financer une opération de bonification de prêts au bénéfice de l'Association internationale de développement, l'institution de la Banque mondiale dédiée au soutien aux pays les plus pauvres de la planète. Nous avons eu l'occasion de voter sur ce dispositif.
Mon rapport traite aussi d'un compte de concours financiers qui détaille les prêts accordés par la France aux pays tiers, que ce soit directement par le Trésor ou indirectement par l'Agence française de développement (AFD). Il y a peu de nouveaux prêts du Trésor en 2018 et je suis surpris de constater que l'un d'eux, qui s'élève à 45 millions d'euros et qui est quasiment le plus important, a été octroyé au Mali pour le déploiement de la télévision numérique terrestre. Est-ce vraiment la priorité dans un pays où le taux d'électrification des ménages est très faible, où l'assainissement est quasiment inexistant et où l'adduction d'eau est très limitée ? N'y avait-il pas mieux à faire avec ces 45 millions d'euros d'aide ?
Le compte retrace en particulier l'exécution des accords sur la dette des pays pauvres. À cet égard, nous constatons une nouvelle dégradation de l'endettement des pays les plus fragiles, malgré les rééchelonnements et allégements de dette qui leur ont été accordés. Les taux d'intérêt très faibles favorisent cet endettement. Nous risquons donc de devoir renégocier certaines dettes au cours des prochaines années. Huit des dix-neuf pays que nous considérons comme prioritaires sont déjà concernés par ce risque de surendettement. Le Club de Paris, qui a été peu utilisé durant les dernières années, pourrait avoir à traiter de gros dossiers – on évoque notamment celui du Soudan – dans un proche avenir.
Pour ce qui est du pilotage des deux programmes de la mission, certains indicateurs – comme la part de l'aide versée aux institutions multilatérales qui bénéficie aux pays les moins avancés – nous semblent pertinents. La Banque mondiale, en particulier, cible vraiment ces pays. Je souhaiterais néanmoins que figure aussi la part de l'aide attribuée aux pays que nous considérons comme prioritaires, c'est-à-dire les dix-neuf pays qui sont pour l'essentiel des pays africains.
Avant de passer aux deux thèmes d'évaluation retenus, je souhaiterais appuyer une demande que j'ai déjà formulée dans de précédents rapports : que soit comptabilisé dans l'aide publique au développement l'avantage fiscal dont bénéficient les dons à des organisations de solidarité internationale. Une partie des dons effectués par nos compatriotes bénéficie d'avantages fiscaux qui pourraient être comptabilisés au titre de l'aide publique au développement. D'après nos informations, certains pays étrangers incluent les dons défiscalisés dans le montant de leur aide. Pourquoi ne le ferions-nous pas ? En ne le faisant pas, nous minorons notre aide d'un montant que je suis incapable d'estimer. Le calcul est assez compliqué car un don à la Croix-Rouge, par exemple, peut rester pour partie en interne. Quoi qu'il en soit, les dons affectés à des organisations de solidarité internationale doivent être comptabilisés car ils participent à l'effort national.
À ce stade, monsieur le secrétaire d'État, j'aurai trois questions assez classiques.
Quand allons-nous examiner la loi d'orientation et de programmation de notre aide au développement ? Notre collègue Hervé Berville a effectué un gros travail sur ce projet. Quand allons-nous voter ? Pour que ce vote soit pertinent, il doit intervenir avant le G7 de la fin de l'été et avant l'adoption du budget sinon ce texte sur l'aide au développement sera une loi de constatation – je parle sous le contrôle de l'auteur du rapport – mais pas davantage. Tant qu'à prendre une décision, autant qu'elle soit efficace et pertinente. Elle doit précéder les décisions qui seront prises par l'exécutif si nous ne voulons pas nous retrouver dans la pire des situations, celle d'être une chambre d'enregistrement a posteriori.
Deuxième question : pouvez-vous nous indiquer les derniers arbitrages budgétaires sur la fameuse trajectoire qui doit nous conduire à consacrer 0,55 % du RNB à l'aide au développement d'ici à 2022 ? Nous connaissons le point d'aboutissement, l'année 2022, mais nous ne connaissons pas la trajectoire. Nous n'avons pas encore atteint le terme des arbitrages budgétaires qui sont le propre de l'exécutif, mais il n'est pas illogique, surtout à ce moment du calendrier organisé par le président Woerth, que nous ayons quelques précisions à ce sujet.
Troisième et dernière question : avons-nous des avancées concernant la comptabilisation de l'avantage fiscal précédemment évoqué ?
J'en viens aux deux thèmes d'évaluation retenus : l'aide de la France à l'Algérie et au Maroc. J'ai effectué un déplacement dans ces deux pays pour me rendre compte de l'efficacité de l'aide publique. J'ai volontairement choisi ces deux pays parce qu'ils sont, en termes d'aide publique française au développement, aux antipodes : le Maroc est très ouvert, l'Algérie est très fermée.
L'Algérie est pratiquement hermétique à toute aide au développement car elle refuse de s'endetter à l'extérieur. C'est un refus total, théorisé. Il y a, semble-t-il, certains intérêts chinois présents en Algérie. En tout cas, il n'y a pas du tout d'aide française. Comme ce n'est pas non plus l'un des pays les plus pauvres de la planète, il est logique qu'il n'y ait pas de dons vers l'Algérie. Cette situation très particulière peut-elle évoluer ?
Les événements actuels pourraient entraîner une évolution qui s'était esquissée dans le débat public algérien en 2016. Le système algérien est fondé sur une redistribution massive de la rente pétrolière : l'essence est vendue entre 10 et 15 centimes d'euro le litre, les prix du pain et des logements sont très bas, l'éducation est relativement diffusée. Ce contrat social algérien est-il tenable avec la baisse – qui peut d'ailleurs s'interrompre – du prix du pétrole ?
Présente en Algérie, l'AFD y est l'arme au pied. Elle attend des évolutions internes et elle est en mesure d'y répondre. Nous avons évidemment tout intérêt à éviter une explosion et les risques afférents, en particulier migratoires. Quelques priorités pourraient être mises en avant si ce pays s'ouvre, ce qui pourrait aller assez vite en cas d'évolution politique : la diversification de l'économie pour sortir de la rente pétrolière ; la transition énergétique pour les mêmes raisons ; la formation professionnelle pour les masses de jeunes du pays.
À l'inverse, le Maroc jouit d'une position privilégiée dans notre aide au développement. L'AFD y possède son plus gros stock d'engagements, c'est-à-dire environ 2,5 milliards d'euros. Le Brésil arrive en deuxième position dans ce domaine. En termes de flux, le Maroc est le deuxième « client » de l'AFD après la Turquie où nous contribuons au financement des camps de réfugiés. À rythme constant, le Maroc est le premier pays bénéficiaire notre aide.
Nous avons eu l'occasion d'emprunter, entre Casablanca et Rabat, la ligne à grande vitesse qui relie aussi Kénitra à Tanger. C'est une très belle réalisation française à laquelle ont participé la SNCF, Alstom et d'autres entreprises. La moitié des 2 milliards d'euros du coût total du projet a été financée par l'aide publique française sous forme de prêts.
Le Maroc a fondé son développement récent sur l'ouverture internationale. Comme dans tout pays en plein développement, le mouvement s'est accompagné d'inégalités. Nos interlocuteurs ont beaucoup insisté sur les inégalités territoriales qui se creusent au bénéfice du Maroc utile autour de Casablanca et de Rabat, et au détriment du Maroc montagneux, du Rif, ou de l'extrême sud. On constate également le succès des écoles françaises dans ce pays.
La Maroc est le premier bénéficiaire de notre aide alors qu'il ne fait pas partie des dix-neuf pays prioritaires. Il faudra peut-être, à un moment donné, s'interroger sur la densité de notre aide à l'égard de ce pays qui va sortir de la zone des pays les plus fragiles, ce qui est très bien pour lui.
Il faut aussi intégrer un autre phénomène : le rôle africain que joue le Maroc. Ce pays est en train de s'engager de façon massive dans les services bancaires et financiers dans toute l'Afrique. Les établissements marocains sont les premiers à bancariser et à assurer la population africaine. Nous y voyons un moyen de diffuser la francophonie.
Pour conclure, je voudrais insister sur les liens que nous devons créer entre cette politique d'aide au développement et la politique migratoire. Pour illustrer mon propos je vais prendre l'exemple des laissez-passer consulaires. Le Maroc n'accède qu'à 30 % de nos demandes en la matière. Ce taux atteint 50 % pour l'Algérie et 75 % pour le Niger. Notre politique d'aide est généreuse et elle est appelée à le devenir un peu plus encore si tant est que nous respections les engagements fixés par le Président de la République. Ces engagements doivent s'accompagner d'efforts réciproques des uns et des autres.
L'année dernière, au cours du même exercice, nous parlions d'un budget de transition. Pour ce qui est de l'aide publique au développement, nous en sommes encore un peu à un budget de transition puisque notre politique a été en grande partie déterminée lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018. L'ambition du Gouvernement se lira dans le budget pour 2019 lorsque nous ferons le même exercice dans un an.
Dans le budget de 2018, nous constatons une augmentation de 100 millions d'euros de notre aide publique au développement. En y regardant de plus près, on voit que ce montant représente notre contribution obligatoire au FED. Que fait le Gouvernement pour être un partenaire du FED et pour évaluer la politique européenne de développement ? Le Gouvernement a-t-il engagé un travail avec nos partenaires européens contributeurs du FED pour que ce fonds participe à ce que veut faire la France dans le domaine de l'aide publique au développement ?
Dans le budget 2018, tel que nous l'avons adopté à l'automne 2017, il y avait 300 millions d'autorisations d'engagement dans la mission. On a beaucoup parlé des retards ou des difficultés de décaissement. La question concerne l'AFD mais aussi son ministère de tutelle, celui de l'Europe et des affaires étrangères. Les délais sont souvent justifiés : nécessité de transparence, de traçabilité et de bonne réalisation du projet. Ils peuvent aussi tenir à des lourdeurs administratives qu'il faut corriger et, en la matière, le ministère a un rôle à jouer face à l'AFD.
Je souhaite aussi vous interroger sur l'équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. En début de législature, on a insisté sur le fait que l'aide bilatérale avait beaucoup diminué au cours des dernières années. Ces crédits bilatéraux ont été la variable d'ajustement budgétaire puisque les crédits multilatéraux, qui correspondent à des engagements pluriannuels, ne peuvent pas jouer ce rôle. La volonté de rattrapage me paraît essentielle en matière d'aide bilatérale mais elle conduit parfois à caricaturer l'aide multilatérale. Dans le domaine de la santé, par exemple, l'aide multilatérale est clairement plus efficace que la juxtaposition d'aides bilatérales. De nombreuses études l'ont démontré.
Dans l'aide multilatérale, les contributions peuvent être volontaires ou obligatoires. Au niveau de ses contributions volontaires, la France est très en deçà de ses partenaires européens. Un effort est-il envisagé à l'avenir ? La France verse 800 000 euros pour le programme alimentaire mondial, ce qui est vraiment très peu au regard de ce que donnent les autres pays européens.
Nombre de nos collègues, et notamment Vincent Ledoux dans son rapport, ont interpellé le Gouvernement sur la coopération décentralisée. L'encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités locales amène à une situation un peu ubuesque. Bien souvent, les collectivités ne peuvent bénéficier de subventions de l'AFD ou du ministère à travers la direction à l'action extérieure des collectivités territoriales. Si elles touchent ces subventions et qu'elles les consacrent à des actions de coopération décentralisée, leurs dépenses de fonctionnement s'en trouvent gonflées même si l'opération est neutre dans leur budget. Malgré les nombreuses interpellations, aucune solution n'a encore été trouvée avec le ministère du budget. La situation a-t-elle évolué ?
Marc Le Fur vous a interrogé sur la trajectoire budgétaire et sur l'avenir de la loi d'orientation et de programmation de notre aide publique au développement, deux questions que nous vous posons régulièrement. Nous savons que la trajectoire doit aboutir à un taux de 0,55 % du RNB en 2022. Je signale que, dans ses conclusions du 8 février, le CICID donne un pourcentage année par année.
Marc Le Fur évoquait l'exécution maîtrisée de la mission Aide publique au développement. Venant d'un membre éminent de la commission des finances, c'est forcément un compliment.
Vous vous étonnez du prêt accordé par le Trésor au Mali pour le financement d'un programme de télévision numérique terrestre. Dans un pays marqué par la fragmentation ethnique et confronté à l'islamisme radical dans certaines zones, l'accès à l'information n'est pas un sujet mineur.
N'oublions pas la dimension de diplomatie économique. Ce sont des entreprises installées en France et soumises à une forte concurrence chinoise en Afrique, qui ont mis en oeuvre ce programme. Je pense à Thomson Broadcast et à Camusat International.
Mais le Mali développe aussi ses infrastructures de transport. Dakar étant un peu le port de Bamako, le Mali et le Sénégal veulent réactiver cette fameuse ligne ferroviaire qui relie les deux villes. Les autorités maliennes n'oublient pas les infrastructures lourdes qui sont essentielles à la création d'opportunités.
Marc Le Fur évoquait la dégradation de l'endettement de certains pays les moins avancés. La faiblesse des taux d'intérêt encourage l'endettement, mais on voit aussi la Chine accorder des prêts contre l'accès privilégié à des infrastructures ou à des minerais, dans le cas où l'État ne peut honorer pas ses remboursements. Il y a quelques semaines, Bruno Le Maire a réuni une conférence internationale sur l'endettement à Bercy, visant à inclure la Chine et à faire en sorte qu'une consolidation se fasse à une échelle plus large que le Club de Paris.
Vous plaidez pour une comptabilisation dans l'aide publique au développement, de l'avantage fiscal lié à des dons à certains organismes. Je suis favorable à tout ce qui contribue à faire la vérité des prix et je trouve que ce point mérite d'être clarifié pour faire apparaître l'effort national en matière d'aide publique au développement, qu'il vienne de l'État ou des contribuables. Des discussions sont en cours au sein du comité de l'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En termes de normes, le comité de l'aide au développement joue un rôle majeur. Ces discussions sont souvent assez longues et nous n'avons pas forcément une évolution immédiate de la nomenclature. Quoi qu'il en soit, je trouve la piste intéressante.
Un gros travail a été effectué sur la loi d'orientation et de programmation relative à notre politique de développement grâce au rapport rendu par Hervé Berville et à une série de consultations initiées par Jean-Yves Le Drian auprès des parties prenantes. Nous avons ainsi réuni le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale à plusieurs reprises. Nous sommes encore dans une phase d'arbitrages. La réunion du Conseil présidentiel pour le développement, dans quelques semaines, pourra permettre de fixer définitivement la trajectoire et de finaliser la préparation du projet de loi.
Ce texte prévoit notamment un principe de responsabilité partenariale parce que les collectivités locales sont actives et que d'autres parties prenantes – hors État – sont très dynamiques. Le projet de loi prévoit aussi un pilotage politique renforcé de l'État sur ses opérateurs sur le plan national comme sur le plan local, en envisageant, par exemple, la mise en place d'un conseil du développement au niveau des ambassadeurs. Certains acteurs du développement vivaient leur vie de façon un peu autonome, et il est bon qu'il y ait ce contact étroit avec l'État présent hors de nos frontières. Le projet visera à plus de transparence et de redevabilité, avec la création d'une commission d'évaluation indépendante comme ce qui existe chez certains de nos partenaires européens, je pense au Royaume-Uni ou à l'Allemagne.
En Algérie, notre aide publique au développement reste limitée – 82 millions d'euros en 2017 qui couvrent essentiellement des frais d'écolage –, pour les raisons déjà évoquées par Marc Le Fur : volonté des autorités algériennes de ne pas recourir à l'endettement externe ; importantes ressources économiques liées aux hydrocarbures qui excluent l'Algérie de la liste des pays prioritaires définie par le CICID. Notre aide à ce pays pourrait néanmoins être renforcée dans certains domaines prioritaires comme le social, la jeunesse, l'appui à la société civile.
Le Maroc est effectivement le troisième pays récipiendaire de notre aide bilatérale avec un montant de près de 300 millions d'euros, et le deuxième pays récipiendaire de notre aide totale, c'est-à-dire l'aide bilatérale à laquelle s'ajoute celle qui transite par des instances multilatérales. Les choses vont peut-être évoluer en raison de contraintes prudentielles et du fort niveau d'exposition de l'AFD à cette zone géographique.
Comme vous, je constate que le Maroc joue un rôle de plus en plus affirmé dans toute l'Afrique. Est-ce un moyen de diffuser la francophonie ? En tous les cas, le Maroc défend ses intérêts avec ardeur, notamment en Afrique de l'Ouest, en ayant parfois repris d'anciens réseaux bancaires français. Ne nous voilons pas la face : cette présence accrue peut conduire à la concurrence avec nos entreprises.
Il faut faire le lien avec l'immigration, dites-vous. De réels progrès ont été réalisés avec certains pays d'origine ou de transit des migrants. Des cadres de concertation ont été réactivés là où c'était nécessaire, comme au Maroc, en Algérie ou au Mali. Des signatures sont en cours avec la Guinée et la Côte d'Ivoire pour des procédures d'identification. Il y a quelques jours, le ministre de l'intérieur était en Côte d'Ivoire où ont notamment été évoqués les projets d'appui au renforcement du système d'information de l'état civil. Lorsqu'on a besoin d'obtenir des laissez-passer consulaires permettant les réadmissions, il est nécessaire que le pays d'origine dispose d'une base de données complète et fiable, ce qui n'est pas systématiquement le cas. Nous devons apporter un fort appui dans ce domaine.
Hubert Julien-Laferrière a tout à fait raison de dire que le budget de 2018 était un budget de transition. C'est en 2019 que l'on a vu le milliard d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires pour l'aide publique au développement. Il s'agit de continuer cette montée en charge. Pour atteindre le taux de 0,55 % du RNB, il faudra ajouter 6 milliards d'euros à l'échéance 2022. Il faut donc franchir des marches significatives. En 2018, les 100 millions d'euros supplémentaires relevaient, en effet, de l'augmentation de notre contribution au FED.
S'agissant des contributions volontaires, il est vrai que la France était plutôt en arrière de la main par rapport à d'autres États comme le Royaume-Uni ou les pays nordiques. Au cours des dernières années, hélas, c'était un peu la variable d'ajustement. Depuis 2011, l'aide publique au développement n'avait cessé de décroître, pour atteindre un point bas à 0,38 % du RNB en 2017. Le réengagement français va produire des effets sur les contributions volontaires. En 2018, nous avons accru de 16 % notre aide alimentaire programmée destinée à prévenir les crises alimentaires ou à y répondre. C'est un premier signal. De la même façon, 2018 avait été l'année de la reconstitution du partenariat pour l'éducation à Dakar et la France s'était engagée à hauteur de 200 millions d'euros. La nouvelle trajectoire devrait nous permettre d'être plus présents.
Dans le cadre du nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) en cours de négociation avec l'AFD, j'aimerais beaucoup que l'on puisse arriver à des indicateurs permettant une évaluation de la qualité des projets financiers. Je pense que ce serait particulièrement pertinent.
Vous avez répondu à l'instant, à la fois au rapporteur spécial et au rapporteur pour avis, sur la corrélation de l'aide avec la situation de crise migratoire des pays concernés. Il faut bien reconnaître qu'au tout début il y avait décorrélation complète. Comme député d'un département frontalier, je me suis renseigné sur les origines de l'ensemble des personnes qui se retrouvaient dans des foyers à la frontière franco-italienne et j'observais il y a quelque temps une décorrélation à 100 % entre les aides et les nationalités représentées. Ainsi, la Guinée était un pays complètement exclu du champ initial des aides. Il serait donc bon d'arriver à une meilleure corrélation, mais aussi, et surtout, à une meilleure appréhension de la réalité de ce qu'est une minorité. Car c'est aussi un sujet important dans la crise migratoire. En tout état de cause, il faut qu'on aille au bout de cet effort de corrélation.
La Cour des comptes souligne, dans la quasi-totalité de ses notes, la faiblesse de la tutelle politique exercée par les ministères sur l'AFD. C'est pourquoi je voudrais savoir quel est votre avis sur la qualité de cette tutelle. Au-delà, comment faire en sorte qu'elle puisse être renforcée, à un moment où l'agence engage des sommes considérables pour l'aide française au développement ?
S'agissant du nouveau COM de l'AFD et de l'évaluation de la qualité financière de ses projets, je vous confirme qu'une telle évaluation est bien prévue. Il y aura d'ailleurs aussi un chantier de revue des indicateurs de projets de l'AFD.
S'agissant de l'exercice de la tutelle, je peux attester que Jean-Yves Le Drian souhaite justement une relation qui soit toujours plus intégrée et permette aussi de fixer un certain nombre d'orientations politiques à mettre en oeuvre par l'agence. Depuis quinze ou vingt ans, nous sommes dans un processus d'« agencisation » croissante, mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment du pilotage. De ce point de vue, au cours d'une rencontre avec le groupe d'études sur le développement, présidé par Bérengère Poletti, je me suis aperçu que ce sujet apparaissait comme un sujet de préoccupation.
Des progrès ont pourtant déjà été réalisés dans le pilotage de l'agence par l'État. Pour la première fois, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a joué un rôle d'impulsion dans la programmation stratégique de l'activité de l'AFD. Sur le milliard d'euros de dons supplémentaires en 2019, le ministre a fixé des objectifs précis correspondant à des secteurs priorisés par le CICID. Au niveau géographique, l'activité a fait l'objet d'une discussion pays par pays, entre la tutelle, à savoir le ministère, et l'agence. C'est une nouveauté.
Par ailleurs, dans le cadre de la révision de la convention-cadre, il y a eu un accord sur la baisse de la rémunération versée par le ministère à l'AFD, soit un montant de 16 millions d'euros d'économies dès 2019. Le dialogue de gestion est donc un dialogue qui met l'agence aux prises avec des défis. Cela relève d'une bonne hygiène des relations administratives.
Mes questions porteront sur la réforme du réseau de renseignement français à l'étranger, piloté par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Il s'agit de près de 500 établissements homologués par l'éducation nationale, dans 140 pays, avec des statuts indiquant des liens plus ou moins étroits à l'Agence : établissements en gestion directe, conventionnés ou partenaires... Le réseau accueille au total 350 000 élèves, dont 125 000 Français et 225 000 étrangers, et les effectifs sont en hausse régulière.
Le réseau a fait l'objet de nombreuses évaluations ces dernières années, sous des angles divers et complémentaires : des référés de la Cour des comptes ont examiné la qualité de la gestion de l'agence ; une enquête de la Cour, présentée au Sénat, a porté sur le modèle économique du réseau et sur les enjeux d'accès des élèves français ; notre collègue Frédéric Petit a formulé des propositions pour moderniser l'enseignement et renouveler la contractualisation avec les établissements partenaires. Récemment, notre collègue Samantha Cazebonne, parlementaire en mission pour le Gouvernement, a remis un rapport comportant pas moins de 147 propositions pour garantir la qualité de l'enseignement et maintenir le lien de confiance entre les différentes parties prenantes du réseau.
Pour cet exercice d'évaluation, je me suis efforcé de mesurer l'adéquation entre, d'une part, les financements et les modes de gestion de l'Agence et, d'autre part, les objectifs de développement du réseau qui ont été fixés, dès 2016, par un COM de trois ans, prolongé en 2019.
Ces objectifs ont été nettement accentués en mars 2018 par le Président de la République avec le « plan pour le français et le multilinguisme », qui prévoit le doublement des effectifs scolarisés d'ici 2030. Cela impliquerait une croissance de 7 % à 8 % par an.
J'ai pu m'assurer que la contractualisation en cours a doté le ministère d'un outil effectif de suivi des objectifs fixés à l'Agence. Les indicateurs sont généralement bien calibrés et attestent de réussites comme le redéploiement, en trois ans, de 55 titulaires vers les zones géographiques prioritaires, alors que la cible était de 30 postes. De même l'Agence a entièrement recentré les enseignants à statut dit d'expatrié sur les fonctions d'encadrement, en divisant par dix la part des expatriés sur des postes d'enseignement.
L'Agence s'est dotée elle-même de nouveaux outils pour piloter son réseau et améliorer sa gestion, en suivant la « feuille de route » issue de différentes recommandations de la Cour des comptes. Elle a ainsi mis en place un système d'information budgétaire et comptable et dématérialisé ses procédures, ce qui permet au siège de mieux contrôler les activités des établissements, et de les aider à revoir leurs procédures internes et diversifier leurs sources de financement.
Une véritable fonction achat a été introduite dans les services centraux comme dans les établissements. Les dépenses de fonctionnement ont été contenues : par exemple, l'équipement de salles de visioconférence au siège de l'Agence à Paris Montparnasse a permis de réduire de 20 % les frais de déplacement.
Je relève que des économies supplémentaires pourraient provenir de la mutualisation de certaines dépenses, avec des services des ambassades, là où la situation le permet.
Monsieur le ministre, dans le cadre du nouveau pilotage par le Quai d'Orsay des différents réseaux de l'État à l'étranger, les nouveaux secrétariats généraux d'ambassade ont repris et élargi les fonctions des anciens chefs de services communs de gestion : envisageriez-vous de leur faire nouer des partenariats avec des établissements d'enseignement français pour optimiser certaines fonctions support ? Plus largement, quel premier bilan dressez-vous de la mise en oeuvre par l'Agence des objectifs fixés depuis 2016 et sur sa capacité à piloter le réseau ?
Pour rendre les objectifs d'expansion fixés par le Président de la République à la fois crédibles et soutenables, il s'agit désormais de doter l'Agence de bons outils pour en faire un opérateur du développement du réseau.
Ceci exige de diversifier les formes de présence et d'accroître considérablement la part des établissements partenaires là où cela est possible. J'ai pu constater que l'Agence réoriente résolument sa stratégie afin de passer d'une approche, malthusienne, de gestion de ses établissements traditionnels vers une démarche prospective et proactive. L'Agence vient ainsi de créer un service d'appui au développement du réseau qui propose aux porteurs de projets d'établissements français une offre d'accompagnement, payante et modulée, en vue de leur homologation totale ou partielle, immédiate ou graduelle, dans le réseau... Les débuts sont très prometteurs.
Il faut développer cette structure qui va insuffler une nouvelle approche dans l'ensemble des services de l'Agence. Quels moyens supplémentaires pourraient être spécifiquement apportés à l'Agence pour la doter de compétences d'ingénierie suffisantes ?
Il revient également aux chefs des postes diplomatiques et consulaires de démarcher les porteurs de projets d'établissements sous « marque France ».
Monsieur le ministre, comment allez-vous mobiliser les chefs de postes diplomatiques, dans les pays à plus fort potentiel, comme en Afrique du Nord ou en Afrique francophone, pour lever les freins que certaines réglementations locales pourraient opposer au développement de filières privées d'enseignement français ?
Il faut également s'assurer que les familles des pays émergents qui recherchent un enseignement international identifient bien le baccalauréat français comme un véritable diplôme international permettant l'accès, aux meilleures universités mondiales, et pas exclusivement aux filières françaises.
Cependant, pour que l'Agence puisse pleinement mettre en oeuvre ces nouveaux objectifs, il faut, au préalable, qu'elle recouvre sa capacité à maintenir le réseau actuel, et donc qu'elle rétablisse son équilibre budgétaire. La subvention pour charges de service public de l'AEFE a été stabilisée à 384 millions d'euros en 2018, après des baisses importantes en 2016 et 2017, mais ce niveau est encore inférieur de 30 millions d'euros aux montants consommés en 2014.
L'Agence est donc confrontée, sur la durée, à l'effet ciseaux de la baisse des dotations publiques et de la hausse du nombre d'élèves dans le réseau. J'ajoute qu'elle a dû prendre à sa charge des surcoûts, non compensés, par exemple pour les pensions civiles des fonctionnaires détachés, ou pour la contribution sociale généralisée.
Pour rééquilibrer ses comptes, l'AEFE avait mis en place un prélèvement exceptionnel sur les établissements, en augmentant le taux de leur participation forfaitaire complémentaire (PFC), assise sur les droits de scolarité. Un retour à la normale est attendu par les établissements en 2020, ce qui paraît exiger le rebasage de la subvention pour charges de service public ; monsieur le ministre, à quels montants estimez-vous cette rectification?
De même, le prochain contrat qui liera l'Agence à la tutelle à compter de 2020 gagnerait à devenir un véritable contrat de moyens, et non pas seulement d'objectifs, afin de donner une visibilité sur les financements les trois prochaines années. Le schéma d'emplois actuel, qui a conduit l'Agence à supprimer 512 emplois en trois ans, ne paraît plus compatible ni avec l'accélération du redéploiement vers les établissements prioritaires, ni avec le maintien d'un niveau suffisant d'enseignants titulaires de l'éducation nationale au sein des établissements en expansion. Il s'agit pourtant d'une garantie de lien à la France et d'une garantie de qualité de l'enseignement, très clairement perçue comme telle par les familles françaises et étrangères.
Développer le réseau va donc nécessiter d'accroître les effectifs d'enseignants titulaires de l'éducation nationale présents à l'étranger, tous modes de départs confondus. Au regard des difficultés rencontrées pour obtenir des détachements ou des prolongements de détachements, pouvez-vous indiquer quelles bonnes pratiques peuvent être définies avec les services de l'éducation nationale ?
Je rappelle que des garanties nouvelles de flexibilité sont apportées par une circulaire de septembre dernier qui limite à un maximum de six années les détachements des personnels dits « résidents ». L'effet de cette mesure pour faciliter les redéploiements et fluidifier les parcours pourra être perçu progressivement à compter de la rentrée 2019.
Dans un contexte de modification continue de la composition du corps enseignant, il faudra également apporter de nouvelles garanties du maintien de l'excellence des équipes éducatives. Il sera nécessaire de développer la formation initiale et continue, sur place, des enseignants recrutés localement. Des initiatives en ce sens ont été prises au Maroc et au Liban... Pourraient-elles être reproduites en lien avec des universités françaises et locales ?
Enfin, je souhaite vous alerter sur deux verrous budgétaires qui relèvent d'une approche dépassée et qui contreviennent aux objectifs fixés par le président de la République.
Pour les effectifs tout d'abord : la loi de finances définit un plafond d'emplois dits « hors plafond » des établissements en gestion directe. Cela limite leur possibilité de recruter des personnels de droit local alors même que, dans ce cas, les rémunérations ne sont pas prises en charge par l'Agence, mais exclusivement par les familles au titre des droits de scolarité. Supprimer ce plafond n'entraînerait donc aucun coût supplémentaire pour l'État et permettrait d'accompagner la croissance des effectifs scolarisés. Quelles démarches pourriez-vous engager au plan interministériel afin de lever rapidement ce verrou ?
Le second obstacle majeur concerne l'immobilier, qui appelle des investissements importants. Depuis 2009, comme tous les opérateurs de l'État, l'AEFE ne peut plus recourir à l'emprunt, seulement à des avances du Trésor bornées à l'année civile, donc très souvent annulées, et totalement inadaptés à la mise en oeuvre d'un schéma pluriannuel immobilier.
Face à cette contrainte, les familles constituent une épargne, destinée aux projets immobiliers, dans les fonds de roulement des établissements. C'est loin d'être optimal, car ces dépenses devraient au moins partiellement être financées par l'emprunt, pour lisser l'effort sur le long terme et mettre à contribution les différentes générations de bénéficiaires.
Tout cela a fragilisé budgétairement l'AEFE, puisque Bercy a pu arguer du niveau important des fonds de roulement des établissements pour réduire la subvention pour charges de service public de l'Agence, alors qu'il n'y a aucun lien entre les deux.
Envisagez-vous de faciliter l'accès à l'emprunt pour financer les programmes immobiliers des lycées français ? À quelle échéance serait-il possible d'instaurer des dérogations à l'interdiction d'emprunter, assorties évidemment de garanties, comme des conditions de montants et de taux, sous contrôle de Bercy ?
Un autre obstacle concerne les établissements privés conventionnés, qui sont libres d'emprunter mais qui, dans de nombreux pays, ne peuvent le faire à des conditions raisonnables sans une garantie de l'État français. Cette garantie est accordée, depuis 1975, par le biais de l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger (ANEFE) qui, en quarante ans, s'est portée garante de 156 établissements privés dans 97 pays, sans que ce mécanisme ait montré la moindre faiblesse.
Or, depuis l'été 2018, les octrois de garantie de l'ANEFE ont été interrompus par le ministère des finances, au motif que ce mécanisme serait contraire à des règles du droit européen de la concurrence en matière bancaire. Cela bloque aujourd'hui des projets importants de développement, à Mascate et à Panama, et obligerait par exemple le lycée de Conakry à emprunter au taux de 15 %, hors assurance, pour financer simplement 8 millions d'euros de travaux !
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour sortir de cette impasse et rétablir un dispositif de garantie par l'État des emprunts des établissements privés d'enseignement français ?
Monsieur le ministre, à mesure que j'ai avancé dans ce travail visant à évaluer l'AEFE, je me suis rendu compte que l'enjeu est désormais de l'aider à évoluer, comme elle s'y emploie effectivement, pour relever le défi assigné par le président de la République. Il ne faut donc pas adresser de signaux contradictoires et il faut lever les contraintes d'un autre temps, tout en restant exigeants sur la conduite par l'Agence de sa démarche de transformation.
Après deux années dédiées à identifier les problématiques – principalement, pour mémoire, l'absence de pilotage cohérent entre les différents opérateurs, la révolution ratée du numérique et les carences dans la gestion des ressources humaines – je reconnais, comme le précédent orateur, que les efforts entrepris vont dans le bon sens. Je pense à l'AFD ou à l'AEFE, même si nous ne connaissons pas encore le fin mot des réformes en cours.
Je souhaite, monsieur le ministre, aujourd'hui devant vous, présenter mes recommandations pour rendre notre diplomatie d'influence plus efficace, plus cohérente, par trois mesures simples, peut-être en rupture avec des usages, mais tout à fait dans la logique de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et des réformes profondes que notre majorité est en train d'accomplir.
Je me concentrerai sur les opérateurs. Tout d'abord, concernant le pilotage général, la logique de la LOLF doit être mise à profit : intégrons le Centre national d'enseignement à distance (CNED) et le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) dans la mission Action extérieure de l'État, au sein du programme 185 ou d'un nouveau programme spécifique. J'aperçois déjà les levées de boucliers ! Mais il ne s'agit en aucun cas de dessaisir le ministère de l'éducation nationale de son autorité sur ces opérateurs, ni de changer quoi que ce soit à leur management et à leur tutelle. D'autres opérateurs significatifs, comme Business France ou l'AFD, en partie gérée par Bercy, font partie de ce programme.
Cette proposition a d'ailleurs été accueillie favorablement lors de mes nombreuses auditions, car tous souhaitent se mettre à la disposition d'une stratégie et d'un pilotage ambitieux, mais cohérent. Ces deux opérateurs, pourtant décisifs à l'international, sont parfois méconnus et pourraient faire plus. Il ne doit pas y avoir un pays dans le monde dont les enseignants de français locaux ne soient formés par le CIEP, qui s'appellera bientôt France Éducation Internationale ; pas un pays dans le monde où des enfants ne soient scolarisés totalement ou partiellement par le CNED. Pareille mesure permettrait surtout à l'ensemble des commissaires des affaires étrangères, et à l'ensemble des députés, de mieux se saisir de leur mission de contrôle en appréhendant l'ensemble de l'action de la France dans le monde.
Ma proposition est tout à fait dans l'esprit de la LOLF, outil de budgétisation et de revue stratégique, plus qu'outil hiérarchique, qui permet d'organiser et de renforcer le contrôle des représentants de la nation sur l'action de la France.
Cela m'amène à ma deuxième proposition.
Nos opérateurs ont généralement deux organes statutaires : une équipe de direction exécutive, avec une directrice ou un directeur nommé par le Gouvernement, et un conseil d'administration, organe de contrôle non exécutif, qui rassemble toutes les parties intéressées : double tutelle, triple tutelle, syndicats... C'est au sein de ce conseil d'administration que se jouent les débats entre les tutelles, avec les partenaires privés, associatifs ou syndicaux, avec les représentants de la société civile, par exemple.
Ma deuxième proposition s'inscrit dans la logique de l'article 13 de la Constitution : il faut soumettre la nomination des présidents de conseil d'administration des opérateurs à la validation préalable du Parlement, sur proposition du Gouvernement. Rien n'empêche de telles nominations, dont les règles actuelles relèvent avant tout de la coutume administrative. Je précise que ces nominations ne risquent pas de bloquer l'activité de nos opérateurs, puisque les instances exécutives – direction, secrétariat général – resteront, comme aujourd'hui, sous la responsabilité directe du Gouvernement et de l'administration. Cela rééquilibrera les pouvoirs.
Mais surtout, cette mesure simple permettra de créer un véritable débat politique sur notre action dans le monde, et d'enrichir le rôle aujourd'hui très formel de ces instances parfois simplement « chorégraphiques ». « Repolitiser » la présidence des conseils d'administration, c'est faire entrer l'action si décisive de nos opérateurs dans le débat public, la faire sortir des débats d'initiés. Cela, de plus, enrichira le travail autour des négociations des COM et contrats d'objectifs et de performances (COP).
Ma troisième proposition porte justement sur l'implication des parlementaires et sur les COM et COP. Les parlementaires doivent être impliqués dans leur élaboration, en amont. Cette implication existe paraît-il théoriquement, mais, en pratique, nous ne sommes consultés que pour ratifier des documents déjà négociés et signés, après leur entrée en vigueur, voire à la fin de leur période de mise en oeuvre, comme ça a été le cas récemment avec l'AFD, ainsi que nous l'avons constaté à la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, une meilleure implication du Parlement, c'est plus de visibilité démocratique et plus de légitimité pour nos opérateurs. J'y insiste, et je suis précis : ces contrats d'objectifs de nos opérateurs sont les seuls outils pluriannuels ; ils se situent donc en quelque sorte « en amont » du projet de loi de finances. Ils doivent donc passer devant le Parlement pour qu'il autorise leur signature, et non a posteriori, pour qu'il les ratifie. Leur construction et les débats autour de ces COM et de ces COP seront ainsi certes plus intenses, sans doute la procédure sera plus complexe à vivre pour nos administrations, mais cela remettra d'une part les choses dans l'ordre – comment le Parlement peut-il voter un budget annuel, si l'administration a déjà pris des engagements pluriannuels sans le consulter ? –, et rendra à ces opérateurs la visibilité centrale et stratégique qu'ils méritent.
Monsieur le ministre, ces trois mesures ne sont pas une révolution, ni un bouleversement. Elles sont des décisions logiques et approuvées par les acteurs concernés. Les mettre en application ne coûte rien, ne déstabilise pas les tutelles, rend service aux ministères et permet d'apporter le concours le soutien des parlementaires, donc de la nation qu'ils représentent, au bon fonctionnement des opérateurs de notre présence active dans le monde. Je souhaite porter ces propositions, avec vous, pour que nous soyons cette fois-ci prêts et en ordre de marche pour le prochain budget.
Ma question va porter sur la stratégie du pilotage de la masse salariale des programmes 105 Action de la France en Europe et dans le monde et 151 Français de l'étranger et affaires consulaires.
La mission Action extérieure de l'État constitue une toute petite partie du budget de l'État : 0,92 % seulement, soit 3 milliards d'euros. Ses crédits sont en baisse de 0,6 %. Les marges de manoeuvre sont donc très limitées et il apparaît que l'exécution se fait autour de 99 % des dotations initiales, l'essentiel des annulations portant sur la réserve de précaution.
Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018, la Cour des comptes relève la faible flexibilité de cette mission. Cette rigidité n'est pas sans conséquences sur la lisibilité des programmes 105 et 151. C'est notamment le cas pour la masse salariale. Il faut rappeler que cette masse salariale constitue une part importante des dépenses de cette mission, à peu près un tiers. Pour l'année 2018, ces dépenses, qui relèvent du titre 2, s'élèvent au total à un peu moins de 1 milliard d'euros, dont les deux tiers se concentrent sur le programme 105 et un quart sur le programme 151, tandis que le reste est rattaché au programme 185 dont parlait mon collègue Frédéric Petit.
En 2018, le taux d'exécution de ces crédits était de 103 %. Cette exécution de la masse salariale a, une fois encore, connu une surconsommation des crédits, due en partie à une sous-budgétisation et également à l'effet change-prix. Je tiens à souligner ici que cette gestion du change pénalise lourdement nos employés de droit local, qui sont nombreux dans nos postes diplomatiques et consulaires, car la réindexation accuse souvent un décalage de plus d'un an. Je pense à l'exemple de l'Iran, où la monnaie a été considérablement dépréciée et où la réévaluation est en retard d'un an, ce qui pose d'énormes problèmes budgétaires à nos agents, localement.
La Cour des comptes souligne l'impasse budgétaire en fin de gestion, qui a été résorbé par une procédure qui échappe au contrôle parlementaire, à savoir le recours à un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI). En tant que parlementaires, cela ne peut évidemment pas nous satisfaire. Il faut souligner que le suivi de la masse salariale est rendu particulièrement complexe par le fait que les agents du ministère changent régulièrement d'affectation, passant de fonctions politiques à des fonctions de coopération. Des agents peuvent même être affectés sur deux missions différentes à un même poste... On comprend donc bien la variabilité de l'imputation budgétaire à de nombreux postes.
S'ajoute à cela le fait qu'on ne dispose pas de données, à l'heure où je vous parle, sur l'exécution par action au sein des programmes, que ce soit par poste diplomatique ou par poste consulaire. Il est très difficile, pour la parlementaire que je suis, de contrôler efficacement le pilotage par le ministère de sa masse salariale et l'évolution de ses effectifs. Certes, globalement, le ministère estime que l'exécution de la programmation des effectifs 2018 est à nouveau parvenue à atteindre les exigences de rationalisation. C'est vrai et il faut le saluer. Il n'en demeure pas moins que les raisons ayant motivé ces choix ainsi que la stratégie conduite demeure insuffisamment documentés.
C'est là le noeud du problème : on manque d'informations sur la nature des postes supprimés, sur le renouvellement, par direction, par ambassade, par consulat ou par action... On n'en sait rien. Quel est l'enjeu pour le parlementaire ? S'assurer que se réalise cette rationalisation qui vous est demandée et qui est attendue, tout en étant bénéfique au ministère et à son réseau à l'étranger et à ses agents, toutes catégories confondues et tous statuts confondus.
Il ne faudrait pas que les coupes soient faites de manière arbitraire, et je voudrais souligner ici que l'exécution budgétaire ne me semble pas devoir être une exécution de la fonction publique... ! Il est important de répondre aux besoins humains de nos ambitions diplomatiques de nos communautés sur place, au passage, mais aussi nos personnels sans lesquels rien de tout cela ne pourrait fonctionner. Dites-nous donc davantage ce qu'il vous faut, ce que vous parvenez à réaliser aujourd'hui et ce que vous souhaitez faire. Je voudrais souligner ici que le budget 2019 prévoit de mettre en oeuvre un objectif de 10 % de réduction de la masse salariale d'ici 2022. Dans ce contexte, que peut faire le ministère pour rendre le pilotage plus transparent, et donc plus lisible ?
J'ai beaucoup entendu un mot qui a été prononcé de nombreuses fois : « pilotage », comme pour faire la parodie d'un célèbre film catastrophe faisant lui-même la parodie d'autres films catastrophe... Lorsque l'on regarde l'exécution des crédits de l'ensemble des missions, on a parfois une impression désagréable. Même si des progrès ont été effectués, la situation peut laisser quelquefois pantois. J'en viens à mes questions.
La première porte sur programme temporaire 347, sur lequel sont inscrits 36 millions d'euros de crédits sur 2018 et 2019. Ils doivent servir à financer les dépenses interministérielles encourues du fait de l'organisation de la présidence française du G7. Un rapport, ou plutôt un référé, de la Cour des comptes sur l'organisation du G8 et du G20 en 2011 avait déjà constaté des difficultés de pilotage de la dépense, ainsi que la difficulté à contenir le coût de ce type d'événement. Si j'examine les crédits, je vois pour ma part qu'il y a 12 millions de crédits de paiement qui étaient inscrits en 2018 pour la préparation du sommet. Or 75 000 euros seulement ont été dépensés. Donc l'ensemble de la dépense est reporté sur 2019. Ce décalage temporel indique-t-il des difficultés de pilotage des crédits ? Qu'est-ce que vous avez mis en place comme organisation pour optimiser cette dépense ? Est-ce que, pour le moins, tous les crédits et toutes les charges liés à l'organisation de ce sommet sont bien inclus dans ces crédits ? Ou bien y a-t-il des prélèvements dans d'autres budgets ? Car nous aimerions savoir combien coûte ce type de d'événements, pour savoir exactement où l'on en est.
Ma deuxième question recouvre complètement ce que vient de dire la rapporteure pour avis, concernant la troisième année consécutive de surexécution des crédits du titre 2, grâce à la fameuse procédure du DDAI. Ce fameux décret occulte, procédure d'exception, échappe totalement au contrôle du Parlement, ce qui est franchement assez détestable. Vous avez amélioré la gestion, notamment la gestion de la problématique du risque change-prix, sur les contributions versées aux organisations internationales, grâce à un système plutôt bien conçu d'opérations d'achat de titres auprès de l'Agence France Trésor. Est-ce qu'un mécanisme comparable de couverture pourrait être envisagé pour des dépenses de rémunération à l'étranger, de façon à éviter des situations un peu compliquées ?
Ma troisième question porte sur la subvention accordée à la fondation d'utilité publique Alliance française, qui a approché 2,3 millions d'euros, soit presque 1 million d'euros de plus qu'il n'était budgété. On sait très bien quelles ont été les difficultés de cet opérateur de droit privé, créé en 2007, pour appuyer le réseau des alliances françaises. Ainsi, on observe une fragilisation par un lourd contentieux immobilier avec l'Alliance française Paris Île-de-France. Je voudrais tout de même bien savoir à quoi la subvention exceptionnelle a été employée et si la situation est désormais assainie. J'avais entendu le Président de la République parler, au mois de septembre 2017, d'un rapprochement de la Fondation avec l'Institut français, dans le cadre d'une mission d'appui du réseau des alliances françaises. Je voudrais savoir s'il y a du neuf du côté de cette réforme.
Pour terminer, le rapporteur spécial a souligné tout à l'heure l'enjeu du financement des projets de développement immobilier du réseau d'enseignement français. Il faut également tenir compte des dépenses qui sont liées aux aménagements de sécurité de tous les établissements, qu'ils soient publics ou privés, puisque la France est une cible ! Tout ce qui relève du pavillon français relève donc de la même logique. En 2017 et en 2018, il y avait une dotation spécifique de 14,7 millions d'euros, consacrée à cette problématique, au sein de la subvention pour charges de service public de l'agence. J'aimerais savoir si vous disposez d'un bilan de son utilisation, pour les établissements en gestion directe et pour les établissements privés conventionnés. Cette subvention est remplacée cette année par un droit de tirage sur le compte d'affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l'État. Cela m'étonne un peu, parce que seuls les travaux effectués sur les dépendances domaniales sont éligibles au financement de ce CAS, ce qui semble exclure de son champ d'intervention les établissements privés et conventionnés. Qu'en est-il ? Une compensation a-t-elle été définie ? J'aimerais savoir quel est le contour de ce système.
Enfin, la Cour des comptes a proposé de faire évoluer la relation de l'Agence avec sa tutelle, en plaçant une personnalité qualifiée à la tête du conseil d'administration, au lieu et place du représentant de la tutelle, à savoir le directeur général du ministère qui est également le responsable budgétaire du programme 185. Quels seraient, selon vous, les avantages et les inconvénients de cette recommandation de la Cour des comptes ?
Je poserai deux questions d'ordre général.
Premièrement, qu'en est-il de la politique immobilière de l'État à l'extérieur de notre pays ? C'est un sujet récurrent, car tant qu'il y aura de l'immobilier de l'État à l'étranger, c'est un sujet sur lequel on se posera des questions. Comment pourriez-vous caractériser l'efficacité de sa gestion ?
Deuxièmement, je voudrais vous entendre sur un autre serpent de mer, le rapprochement d'ambassades et de consulats avec d'autres pays. Cela a souvent été proposé comme solution pour essayer de réduire les coûts de notre réseau. Est-ce que c'est toujours une solution, dans l'esprit du ministre et du ministère, ou est-ce que cela n'en est plus une ?
Monsieur Ledoux, vous avez notamment cité le rapport de Samantha Cazebonne. À la suite de sa publication, nous avons enclenché un processus de consultation et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Il a eu lieu les 6 et 9 mai, en associant d'ailleurs aussi les parlementaires représentant les Français établis hors de France et les rapporteurs de la commission des finances.
Un séminaire a également eu lieu le 20 mai avec l'ensemble des parties prenantes, regroupant une centaine de personnes : parents d'élèves, représentants des personnels, des enseignants... C'était un exercice très important, au moment où nous voulions arrêter une véritable feuille de route. Car nous avons un but, but qui a été clairement fixé par le Président de la République : doubler les effectifs à l'échéance de 2030. Avec la croissance de la classe moyenne au niveau mondial, nous constatons une envie accrue de France et une envie accrue de scolarisation dans le système français, reconnu pour sa qualité, mais aussi pour les valeurs qu'il permet de partager.
En ce qui concerne la mutualisation éventuelle sur des fonctions support, peut-on imaginer de progresser entre les postes, ambassades ou consulats, et des établissements ? Il s'avère que, juridiquement et comptablement, ce n'est pas une voie que l'on peut poursuivre. Il y a eu un gros travail, au sein du réseau extérieur de l'État, sur la rationalisation des fonctions support. Cela s'est d'ailleurs traduit par le transfert d'un certain nombre de personnels et de crédits depuis différents ministères vers le Quai d'Orsay, pour rendre la gestion la plus rationnelle possible. Mais, s'agissant du cas particulier des établissements scolaires, de par leur différence de statut, une mutualisation ne s'avère pas possible.
Nous pouvons en revanche diversifier la forme de notre présence, et pour ce faire à la fois favoriser l'émergence de nouveaux établissements et l'extension des établissements existants. En ce domaine, un rôle de pilotage particulièrement fort est dévolu à nos postes et à nos ambassadeurs. Une crainte existe en effet, qui est celle de la cannibalisation d'établissements existants par de nouveaux établissements. J'ai en tête Bruxelles, Bucarest ou la Tunisie... À chaque fois, nos ambassadeurs ont été particulièrement actifs pour réunir l'ensemble des partenaires et éviter effectivement ce phénomène, lorsque de nouveaux établissements se sont créés. À l'avenir, il convient de maintenir cette méthode et cette procédure, pour que nous ayons une croissance harmonieuse du réseau.
L'AEFE est toujours plus proactive en ce qui concerne l'accompagnement des nouveaux projets. Vous avez évoqué le service de l'appui et du développement du réseau : on peut se réjouir de son action. Quand on regarde son organigramme, on peut aussi penser que cette structure doit être étoffée. Elle compte aujourd'hui trois personnes alors qu'il faudrait une arborescence beaucoup plus importante, avec des établissements présents partout dans le monde.
J'en viens à la question des moyens supplémentaires. Il y a, d'une part, ceux liés au coût résultant de l'homologation des établissements, de son suivi et de son renouvellement, mais aussi de la formation de nouveaux enseignants recrutés localement, parce qu'il faut être au rendez-vous de la qualité – c'est une demande très forte des parents d'élèves et des anciens élèves. Ces coûts ont été chiffrés à environ 3,3 millions d'euros par an. D'autre part, il y a la nécessité de réaliser un véritable rebasage budgétaire, qui a été demandé à compter de 2020 pour un montant de 31 millions d'euros, dont 12 millions afin de compenser le retour à un taux de 6 % pour la participation financière complémentaire – il était prévu, en effet, qu'elle passe de 9 % à 7,5 %, puis à 6 %. Il nous semble que ce rebasage est indispensable pour réaliser l'expansion du réseau dans de bonnes conditions. C'est d'ailleurs une recommandation figurant dans les rapports d'inspection, qui ont été transmis aux personnes consultées.
En ce qui concerne le COM, vous avez relevé qu'il est surtout un contrat d'objectifs, et un peu moins un contrat de moyens. Lorsque l'État prévoit des moyens dans un COM, il est vrai que la trajectoire est décroissante la plupart du temps. Je pense à Business France, par exemple. Sans préjudice de l'annualité budgétaire, je pense qu'il faut donner de la visibilité et de la prévisibilité : vous avez raison. Néanmoins, graver des moyens dans le marbre pourrait aussi conduire à revoir l'ambition à la baisse, ce que nous ne souhaitons pas.
Vous avez évoqué un certain nombre de verrous budgétaires, notamment sur le plan immobilier. Le fait de pouvoir procéder à des extensions ou à des constructions est une clef pour le succès du programme de développement de l'enseignement français à l'étranger. Nonobstant les remarques de la Cour des comptes et d'un certain nombre d'organismes, l'ANEFE a fait la preuve de son efficience. Il faut travailler, d'une façon ou d'une autre, sur un dispositif qui aurait le même effet, à savoir apporter une garantie. Des réunions interministérielles continuent à se dérouler pour « designer », si vous me permettez cet anglicisme, le nouvel outil. C'est indispensable en matière de développement. Des dossiers ont eu du mal à aboutir, vous l'avez dit, à cause de l'arrêt de la garantie. Nous devons donc trouver de nouvelles solutions.
M. Petit a évoqué des mesures qui viseraient à changer d'approche en matière budgétaire, par exemple en intégrant des opérateurs tels que le CNED et le CIEP au programme 185 ou dans le cadre d'un nouveau programme spécifique. Il est vrai que ces opérateurs jouent un rôle en ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, mais leur activité sur le territoire national est prédominante. Pour ce qui est du CNED, la part des personnes qui suivent ces questions sur le sol français est très importante. Il y a vraiment une fluidité totale, en particulier avec le CIEP. Je veux vraiment saluer l'action conduite par son directeur, Pierre-François Mourier. Le travail se fait dans l'harmonie.
Vous avez ensuite évoqué l'idée de soumettre la nomination d'un certain nombre de présidents de conseils d'administration à la validation du Parlement, en faisant référence à l'article 13 de la Constitution. Or cette disposition vise à encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République pour des postes qui ont trait à la « garantie des droits et libertés » ou à la « vie économique et sociale de la Nation ». On peut avoir une vision extensive des choses, mais le cadre est quand même un peu différent. Je rejoins néanmoins vos préoccupations sur un point : pour avoir été président de conseils d'administration, même si c'était dans d'autres sphères, je sais que de tels organismes ne vivent que s'il y a une impulsion, si on sort de la liturgie et du rituel. C'est une telle impulsion, avec une feuille de route, que nous souhaitons donner aux présidents des conseils d'administration. Pascal Cagni, qui a été nommé il y a deux ans à la tête du conseil d'administration de Business France, a ainsi à coeur d'avoir une vraie discussion de board. Lorsque nous serons amenés à renouveler la présidence du conseil d'administration de l'AEFE – pour l'instant, c'est un fonctionnaire qui en est chargé, le directeur général de la mondialisation –, nous pensons qu'il pourrait être intéressant de nommer une personnalité qualifiée, afin d'avoir la dynamique que j'ai évoquée. Il ne faut pas que la messe soit déjà dite quand on se présente au conseil d'administration, c'est-à-dire que tout soit bouclé d'avance. C'est un lieu qui doit véritablement vivre, en tant qu'espace de débat pour préparer les décisions.
En ce qui concerne l'implication des parlementaires dans l'élaboration des COP et des COM, je ne verrais que des avantages, et je le dis publiquement, à ce que vous soyez, en tout cas, écoutés en amont. Comme vous assurez un suivi d'un certain nombre d'opérateurs, vous pouvez avoir des idées : il faut que l'on puisse s'en imprégner et s'en inspirer, sans que cela fasse nécessairement l'objet d'une procédure formelle.
Merci à Anne Genetet d'avoir signalé la part particulièrement modeste de la mission Action extérieure de l'État dans le budget. Je le vois à l'occasion de mes nombreux déplacements dans nos postes à l'étranger : nous travaillons quand même souvent avec des moyens qui restent ultra-raisonnables, y compris par rapport à ce qui existe chez certains de nos partenaires européens et occidentaux. Il est de bon ton de brocarder les effectifs ou le train de vie de la diplomatie, mais il faut rappeler ce qu'est l'action des ambassadeurs qui sont à la tête de ce qu'on appelle les postes à présence diplomatique. En Asie centrale, où je me suis rendu il y a quelques semaines, on en trouve au Turkménistan, où il existe des enjeux particulièrement importants en termes de diplomatie économique, au Tadjikistan, qui a une frontière avec l'Afghanistan et présente des enjeux de sécurité non nuls, ou encore au Kirghizstan, qui est frontalier de la Chine. Nos équipes réalisent un important travail avec seulement deux à trois personnes par poste.
En ce qui concerne le taux d'exécution des crédits du titre 2, qui s'est élevé à environ 103 %, je ne parlerais pas de sous-budgétisation, mais il est vrai que nous avons subi un double effet : celui du taux de change et celui de l'inflation mondiale, qui a été supérieure à ce qui était attendu. Il y a un impact, vous avez raison, sur la vie quotidienne d'un certain nombre d'agents. J'ai en tête des demandes concernant les États-Unis, en raison du coût de la vie. Nous sommes particulièrement vigilants sur cette question.
S'agissant des postes non reconduits, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a « rendu » 2 154 équivalents temps plein (ETP) depuis 2007, les effectifs à l'étranger ayant notamment été réduits de 20 %. Dans le cadre d'Action publique 2022, les arbitrages ont conduit à une trajectoire de réduction de 7,9 % de la masse salariale pour les ministères et les opérateurs employant des agents à l'étranger, la baisse étant d'environ 5,7 % pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Un effort particulier sera réalisé par notre réseau en Europe, dans les Amériques et au Maghreb. Si l'on raisonne par zones, la baisse des effectifs atteindra 22 % pour les Amériques depuis 2007, et 32 % pour l'Afrique et l'océan Indien. Nous ne manquerons pas de vous communiquer des éléments par missions et par fonctions.
Les crédits du programme 347 portent sur le G7, comme l'a rappelé le rapporteur général. Les 36 millions d'euros concernés représentent entre deux et trois fois moins que ce qu'avaient budgété les présidences italienne et canadienne en 2017 et 2018. On est donc dans une épure tout à fait raisonnable. Cela ne comprend pas les dépenses des réunions ministérielles, qui sont prises en charge par les missions des ministères concernés, ni les dépenses liées à la sécurité, qui relèvent du ministère de l'intérieur, dans le cadre de ses crédits. S'il y a eu peu de dépenses engagées en 2018 – c'est une litote – c'est parce que l'essentiel de la préparation et des décisions pour l'organisation du G7 ont eu lieu en 2019. Les dépenses sont liées à la logistique et à la mise en place de l'équipe pour le projet. Je peux vous rassurer : un groupe de travail interministériel est piloté par le secrétariat général du G7. Il a été créé pour suivre les coûts globaux qui sont liés à l'organisation du sommet et pour éviter les dérapages que vous avez évoqués.
Pour ce qui est de la fondation Alliance française, il y a eu 1 million d'euros de subvention exceptionnelle, en effet, en lien avec le protocole transactionnel entre cette fondation et l'Alliance française Paris Île-de-France. Vous savez qu'il y avait un lourd passif juridique entre ces deux institutions. Par ailleurs, il s'agissait de couvrir un plan social engagé en 2018. Au total, nous avons dressé un bilan positif à la fin de l'année 2018 : la situation était en cours d'assainissement. Nous attendons très clairement une gestion rigoureuse, notamment pour la masse salariale. Le travail se fait désormais en bonne harmonie alors que le climat était auparavant délétère.
En ce qui concerne les questions de sécurité, les dépenses se sont élevées à environ 29 millions d'euros en 2017 et 2018, ce qui correspond à un peu plus de 14 millions d'euros par an. Fin 2018, 95,5 % de la dotation de sécurité a été engagée, ce qui représente un bon niveau. Quant au financement par un CAS, je ne suis pas sûr, en effet, que ce soit le dispositif le plus adapté, et je crois d'ailleurs que c'est reconnu. Nous travaillons sur ce sujet.
Vous avez évoqué, monsieur le président, la politique immobilière de l'État à l'étranger. Il y a eu une vague de cessions assez importantes il y a quelques années. Jean-Yves Le Drian a souhaité qu'un certain nombre de pépites restent dans notre parc immobilier, ce qui n'empêche pas de réaliser des économies. La résidence de l'ambassadeur de France à Londres a potentiellement une valeur, par exemple, mais c'est aussi un outil majeur pour notre attractivité et pour l'organisation de certains événements. Nous avons néanmoins le souci de bien utiliser l'argent public. Certains ambassadeurs ont déménagé leurs bureaux et leur résidence pour avoir des outils parfois plus fonctionnels. En ce qui concerne les rapprochements des ambassades, des consulats ou des instituts avec ceux d'autres pays européens, le Président de la République et la chancelière fédérale d'Allemagne ont souhaité qu'il y ait trois initiatives pilotes d'hébergement conjoint des services culturels, de mémoire au Brésil, au Kirghizstan et au Bangladesh. Un retour d'expérience sera réalisé avant d'aller plus loin, peut-être.
En tant que rapporteure spéciale des crédits du tourisme, je suis amenée à analyser les crédits de l'action 7 Diplomatie économique et développement du tourisme du programme 185, intitulé Diplomatie culturelle et d'influence, de la mission Action extérieure de l'État. En ce qui concerne l'exercice 2018, cela correspond à un budget de 37,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour le seul opérateur de la politique touristique de la France, à savoir Atout France. C'est donc un tout petit budget.
Je dois dire, d'emblée, que cette situation ne me satisfait pas : elle est symptomatique de la manière dont le tourisme est considéré au sein de la politique du Gouvernement. Il s'agit d'une unique petite action budgétaire, et non d'un programme dédié directement et entièrement au tourisme. Je me répète, car je le regrettais déjà l'année dernière, mais il n'est pas concevable, à mon sens, que la politique touristique ne dispose même pas d'un programme dans notre architecture budgétaire.
La France est pourtant la première destination mondiale. Le tourisme représente, dans son ensemble, 7 % de notre produit intérieur brut (PIB), soit un chiffre d'affaires d'environ 168 milliards d'euros, qui est réalisé par plus de 303 000 entreprises. C'est le premier secteur économique en France, et il enregistre une croissance soutenue depuis plusieurs années. C'est aussi le secteur qui génère le plus d'emplois dans notre pays : environ 2 millions, directs et indirects.
Il n'y a pas de programme budgétaire pour ce secteur crucial de notre économie, ni de ministre ou de secrétaire d'État de plein exercice, ce que déplorent systématiquement les professionnels que je rencontre au cours de mes auditions. Je le regrette également : je ne crois pas qu'une organisation éclatée entre différents ministères puisse remplacer l'incarnation d'une politique qui devrait être assurée, a minima, par un secrétaire d'État à part entière. Vous faites de votre mieux, mais votre mission va très largement au-delà de la question du tourisme.
Je me suis posée les questions suivantes lors de la rédaction de mon rapport. Le budget et la politique dédiée au tourisme sont-ils performants ? Ont-ils atteint leurs objectifs et, si c'est le cas, quelle est la part de la responsabilité du Gouvernement dans ce résultat ? Cette politique est-elle à la hauteur des problématiques et des enjeux de structuration et de renouvellement de cette filière économique ? La politique du Gouvernement doit-elle se réduire, comme c'est le cas aujourd'hui, à financer la promotion de la destination France en se retirant peu à peu de la question de la structuration et de la modernisation des infrastructures touristiques françaises, ce champ étant laissé à d'autres acteurs publics, les collectivités locales, notamment régionales, la Caisse des dépôts ou les acteurs privés ?
Je vais commencer par l'analyse de la performance des crédits spécifiquement dédiés à Atout France. Je peux dire que le petit budget entrant dans mon escarcelle – celui qui est consacré à cet opérateur – est très bien dépensé. La subvention de l'État s'élève à 37,4 millions d'euros, qui permettent de lever 38,4 millions d'euros en 2018 sous la forme de partenariats publics et privés, ce qui est exceptionnel. Il convient de souligner l'effort de presque 14,5 millions d'euros des conseils régionaux au titre des partenariats.
La part des partenariats publics et privés dans le budget d'Atout France fait l'objet d'un sous-indicateur de performance. En 2018, comme en 2017 et en 2016, le résultat est supérieur à l'objectif assigné par le projet annuel de performances : il est de 58 % contre un taux attendu de 51,23 %. La performance de l'opérateur – sa capacité à lever des financements complémentaires pour promouvoir la destination France – est donc plus que satisfaisante.
Dans le détail, 43 millions d'euros ont été consacrés en 2018 à la promotion de la destination France, sur un budget total de 76,4 millions d'euros, ce qui représente 57 % des dépenses ; 12 millions d'euros ont été alloués au fonctionnement de la structure, et 18 millions aux salaires et aux charges sociales.
Je me suis rendue au siège d'Atout France il y a quelques semaines : j'ai pu constater concrètement l'impressionnant travail réalisé par les équipes, notamment sur le site France.fr, qui a été traduit en quinze langues et adapté en vingt-huit versions afin de mieux correspondre aux attentes des marchés ciblés. Il y a eu également plusieurs campagnes de promotion et de communication adaptées.
J'en viens à la question des moyens humains. La performance consiste aussi à assurer une maîtrise budgétaire. En dix ans, l'opérateur a réduit ses effectifs de plus de 130 contrats. On est passé de 435 ETP en 2009, au moment de la fusion entre la Maison de la France et ODIT France, à 302 ETP. L'effort de rationalisation, de réorganisation et d'externalisation a été considérable, et il faut le saluer. C'est dans ce contexte que le Gouvernement a annoncé une nouvelle demande d'économies de 4 millions d'euros sur la masse salariale d'Atout France en 2020, ce qui représente 12,5 % de la subvention pour charges de service public. Il ne me paraît pas pertinent de réduire encore le budget d'Atout France. L'effort de l'État pour le budget du tourisme me semble déjà assez réduit pour un pays tel que la France. Par ailleurs, la crise des « gilets jaunes » a eu un impact sur l'image de la France auprès de certaines clientèles.
On peut aussi s'interroger sur le seuil à ne pas dépasser en matière d'économies budgétaires si on ne veut pas atteindre le coeur de l'action réalisée par l'opérateur et risquer d'altérer sa performance. C'est pourtant ce que vous vous apprêtiez à faire, et je le regrette, dans le cadre d'une lettre envoyée en catimini aux ambassadeurs au début de l'année pour leur demander de supprimer, ou d'obtenir la suppression, de postes dès cette année dans les bureaux de l'opérateur à l'étranger, alors que la masse salariale est déjà faible et que ce sont les équipes effectuant le travail concret de promotion à l'étranger qui sont visées. Sur le plan de la méthode, cela constitue une gestion de fait à l'égard de l'opérateur, méthode contestable qu'il conviendra de ne pas suivre de nouveau. J'y serai attentive au titre de ma fonction de contrôle de l'action du Gouvernement.
J'ai une question précise à vous poser à propos de la demande d'économies budgétaires que j'ai évoquée. Nous sommes un peu perdus : fin mars, vous avez soutenu qu'il était question d'économies de fonctionnement, ce qui est plus général que la seule masse salariale ; un mois plus tard, vos services ont écrit qu'« il est attendu d'Atout France de nouveaux efforts de gestion d'ici à fin 2020, impliquant une réduction de 17 % de sa masse salariale, à hauteur de 4 millions d'euros », alors que vous annonciez dans le même temps à la presse une augmentation des crédits de communication d'Atout France, de la région d'Île-de-France et de la Ville de Paris. J'aimerais sincèrement comprendre votre position. L'effort demandé par le Gouvernement concerne-t-il uniquement la masse salariale ou porte-t-il sur le fonctionnement global de la structure ?
Dans le jeu des « plus » et des « moins », combien le Gouvernement prévoit-il pour le budget du tourisme, au-delà des recettes des droits de visa ? Il n'est jamais bon pour la lisibilité budgétaire de jouer au bonneteau : on enlève 4 millions ici et on en gagne 5 avec les droits de visa. Il faut des économies, bien sûr, et elles ont été réalisées, mais on ne doit pas procéder aveuglément et systématiquement dans les mêmes secteurs, sous prétexte qu'ils se portent bien et qu'ils fonctionnent.
J'en viens à ma question centrale : le tourisme doit-il se réduire à la promotion dans un pays tel que la France ou est-ce une filière économique à part entière qu'il convient d'accompagner pour lui permettre de s'adapter aux attentes des clientèles et aux évolutions du marché ? Force est de constater que le Gouvernement a décidé de réduire le tourisme à la promotion, pour l'essentiel, puisqu'il a supprimé en 2018 les crédits dédiés au tourisme dans la mission Économie relevant du ministère de l'économie et des finances. Le tourisme n'a donc plus sa place dans la politique économique du Gouvernement. Symboliquement, et sur le fond, c'est assez violent pour la filière. Il n'y a plus de ligne budgétaire pour soutenir les actions, certes modestes, visant au déploiement des labels « Qualité Tourisme » et « Tourisme & Handicap » ou concernant DATAtourisme, les contrats de destination et le tourisme social. C'était un petit budget, mais il avait le mérite d'exister.
Après avoir appris que nous supprimions ce budget, j'ai finalement su qu'il avait fait l'objet en 2018 d'une réallocation interne, un peu opaque, qui permet à une direction de Bercy de vivoter mais ne peut pas constituer une solution satisfaisante, d'une manière pérenne. Qu'allez-vous donc faire de ces actions ? Allez-vous les supprimer ou opter de nouveau pour une réallocation interne, d'une manière opaque pour le travail parlementaire ?
Il n'y a pas de crédits pour le tourisme du côté de Bercy, et je souhaite mettre la situation en perspective : le budget en faveur de l'artisanat et des services s'élève à 60 millions d'euros, tandis que les actions relatives aux entreprises industrielles représentent 248 millions d'euros.
Pourquoi le Gouvernement ne s'investit-il pas d'une manière stratégique dans la structuration de l'offre touristique en France et dans l'utilisation du tourisme comme vecteur d'aménagement du territoire ? Vous avez confirmé votre positionnement politique dans le dossier de presse du quatrième comité interministériel du tourisme, qui a eu lieu le 17 mai dernier. Il était indiqué que l'État considère désormais son rôle en matière touristique comme étant « subsidiaire ».
Je viens d'une région où les plans « neige » décidés dans les années 1960 au plus haut niveau de l'État ont créé et aménagé des stations de sports d'hiver de haute montagne, ce qui a durablement offert de l'emploi et des perspectives d'avenir aux territoires concernés et a construit l'offre touristique d'aujourd'hui. Je regrette que le Gouvernement renonce à agir en État stratège et en investisseur dans le domaine touristique, aux côtés des acteurs locaux, en vue d'assurer la rénovation de l'offre d'une manière durable, pour l'avenir. Il y a de vraies problématiques et des défis structurants à relever, mais l'État n'apporte pas de réponses concrètes pour le moment. On voit bien que la stratégie est plutôt de gagner un peu de temps en demandant de l'ingénierie, qui dira certainement ce que l'on sait déjà, malheureusement, en ce qui concerne la requalification de l'immobilier de loisir. Je m'interroge sur le rôle de l'État en matière d'aménagement du territoire, au-delà de l'action menée par Atout France et par France Tourisme Ingénierie en ce qui concerne l'immobilier de loisir.
S'agissant de la taxe de séjour, nous avons fait en sorte que les hébergements sans classement ou en attente de classement soient désormais taxés proportionnellement au coût par personne de la nuitée. J'étais tout à fait favorable à l'esprit de cette réforme mais il semblerait, d'après les nombreuses auditions de communes, de loueurs et d'offices du tourisme que j'ai réalisées, qu'il y ait un vrai problème lié à la complexité et à la lisibilité du dispositif, qui va conduire, selon moi, à des erreurs de calcul et in fine, de collecte. Nous devons en prendre conscience. Je crois qu'il convient d'attendre la fin de l'année pour réaliser un premier bilan global des coûts et des bénéfices de la réforme, notamment pour savoir si les communes, dans leur ensemble, recevront finalement plus ou moins de recettes en 2019 au titre de la taxe de séjour. Je tiens à indiquer qu'il y a un consensus assez fort, au-delà des plateformes numériques, contre un système qui est complexe et difficilement applicable par les acteurs du tourisme, les communes et les loueurs. Il faudra sans doute que nous réfléchissions collectivement à une simplification qui permettrait au barème d'être mieux compris et donc mieux appliqué.
Ma circonscription jouxte celle de ma voisine, Mme Bonnivard, mais le col du Galibier n'est toujours pas ouvert, malheureusement, à cause de l'abondance de la neige et le seuil des Rochilles est impraticable à cause des avalanches. Nous sommes donc bien séparés, y compris pour certaines appréciations de la politique du Gouvernement...
La rapporteure spéciale avait déjà déploré, à l'automne, qu'aucun programme ne soit directement et entièrement consacré au tourisme. C'est une position que je partage. N'est-ce pas très honnêtement, monsieur le secrétaire d'État, un manque dans notre architecture budgétaire ? Ce secteur économique est important. Comme la rapporteure spéciale l'a rappelé, il représente 7 % du PIB, contre 1,5 % pour l'agriculture – 3,6 % si l'on inclut la filière agroalimentaire. C'est également un des rares secteurs économiques, selon tous les rapports, notamment ceux du Bureau international du travail, à avoir résisté à toutes les crises. Sur ce plan, je pense que la réflexion de notre collègue est intéressante. Sa proposition permettrait notamment aux parlementaires d'exercer complètement leur droit d'amendement en matière budgétaire. Il faut, en soi, préserver ce rôle afin que le Parlement puisse être utile sur ces sujets.
Quant à la question de savoir s'il faut un ministre ou non, j'ai trop lu les aventures des Bidochon : je sais que le secrétaire d'État auprès du ministre des charcutiers en charge du douloureux problème du salami coréen est très content d'être nommé à ce poste... mais qu'il ne faut peut-être pas qu'il y ait un secrétaire d'État pour chaque porte, comme il y avait un dieu pour chaque élément de la porte dans certaines croyances antiques.
Une simple remarque au sujet des dépenses fiscales liées au tourisme : la Cour des comptes relevait déjà en 2017 que les outils budgétaires et fiscaux consacrés au tourisme illustrent les défauts de pilotage de la politique menée dans ce domaine. Je vous épargne une lecture complète de ce qu'a dit la Cour, qui était assez sévère. Les dépenses fiscales en faveur du développement du tourisme sont-elles vraiment assez évaluées ? Très honnêtement, je ne le crois pas. Il suffit de voir la façon dont on a rétabli le dispositif « Censi-Bouvard », par exemple, dans des circonstances un peu acrobatiques lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF). Il n'y a pas franchement eu d'évaluation, pas plus d'ailleurs que pour d'autres dispositifs, tels que le « Pinel ». Je crois vraiment qu'une mise à plat de ces dépenses est nécessaire si nous voulons avoir une véritable politique fiscale de soutien au tourisme. Cela implique que nous ayons des éléments d'évaluation dont nous ne disposons pas aujourd'hui.
En ce qui concerne la dernière réforme de la taxe de séjour, qui était plus qu'oecuménique – elle était même interreligieuse... –, je laisserai peut-être notre président en parler. Je pense qu'il va poser quelques questions sur ce sujet : le système qui a été mis en place n'est pas d'une grande complexité. Il a fait en sorte que des gens qui ne payaient jamais commencent à le faire, ce qui est plutôt positif en matière de recettes et d'équité – ces deux notions me semblent importantes. Je consacrerai à cette question une grande partie de mon rapport sur l'application des mesures fiscales, afin que les choses soient claires, et la rapporteure spéciale sera d'ailleurs auditionnée dans ce cadre. Si vous avez déjà des échos de vos services sur la mise en oeuvre de cette réforme, monsieur le ministre, je suis tout à fait preneur.
Émilie Bonnivard a déjà fait part, à plusieurs reprises, de ses doutes sur le réglage de ce qui a été décidé à propos de la taxe de séjour. Je pense qu'il faut attendre, effectivement, qu'une année se soit écoulée. Nous pouvons reprendre les travaux que nous avions engagés sur ce sujet et votre rapport spécial, madame Bonnivard, peut aussi être l'occasion de faire un point très précis. S'il faut remodifier les choses, on devra le faire.
En ce qui concerne l'organisation financière, la rapporteure spéciale et le rapporteur général ont sans doute raison. Nous pourrons proposer de modifier à la marge l'organisation fonctionnelle des programmes et des missions dans le cadre de notre mission d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF).
Je vais commencer par la nomenclature budgétaire. Doit-on regretter qu'il n'y ait pas de programme dédié au tourisme ? Comme vous l'avez dit, les moyens prévus sont en réalité ceux de l'opérateur, Atout France, ce qui représente environ 35 millions d'euros. Alors que le budget s'élève à 390 milliards d'euros au total, je ne sais pas si l'on doit se mettre à créer des programmes de 35 ou 40 millions d'euros. Cela reviendrait, en tout cas, à appliquer la tactique du salami...
Il y avait, voici quinze ans, une direction du tourisme comptant 200 personnes au ministère de l'équipement ainsi que différents organismes, tels que la Maison de la France et ODIT France. Le paysage a été très fortement rationalisé au fil des quinquennats et des majorités successives. La logique voudrait que l'on réunisse la mission Tourisme du Quai d'Orsay et la petite partie de la direction générale des entreprises qui est en charge de l'ingénierie et du code du tourisme. Avoir deux fois quinze personnes de chaque côté n'est pas la solution la plus opérante. C'est une conviction personnelle, et je vais tenter de l'étayer lorsque j'en ferai part au Premier ministre. Quand on parle de rationalisation, une telle évolution aurait du sens.
Il n'y a pas de mésestimation du poids de ce secteur. Il faut aussi rappeler qu'il est très éclaté sur le plan de son organisation sociale. La mission d'information de Frédérique Lardet a permis de rationaliser un peu la situation en ce qui concerne les opérateurs de compétences (OPCO) : les principaux acteurs du tourisme sont réunis dans deux OPCO, contre cinq ou six auparavant.
Le secteur présente de multiples facettes, et l'un des enjeux essentiels est de faciliter le parcours professionnel des métiers de l'accueil en général. Mais je peux vous dire que nous avons une ambition pour le tourisme en France. Le Premier ministre ouvre le capot tous les six mois, à l'occasion des comités interministériels du tourisme (CIT) : il arbitre, il tranche, il décide. J'en veux pour preuve le dernier CIT, qui s'est tenu il y a quelques jours : des mesures ont été prises au sujet de la détaxe, mais aussi de l'emploi et de la formation. Cela étant, tout n'est pas du ressort de l'État et la politique du tourisme est, par excellence, une politique partenariale. Toutes les collectivités ont leur mot à dire et je me souviens que, durant les débats sur la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, toutes les collectivités, à tous les échelons, se sont battues pour conserver une compétence en la matière.
La logique partenariale du secteur touristique se traduit dans les modes de structuration des acteurs économiques : le fait qu'ils s'organisent au sein d'associations montre qu'ils ont conscience de la nécessité de se grouper. Je ne prendrai que deux exemples. En matière de formation, les principales formations et les principaux employeurs se sont regroupés au sein de la Conférence des formations d'excellence du tourisme. Par ailleurs, un comité de filière s'est organisé qui, dans les prochaines semaines, réunira l'ensemble des parties prenantes.
J'en viens à Atout France. Je veux tirer mon chapeau à un opérateur qui, depuis dix ans, a continué à assumer de nombreuses missions, alors même que ses effectifs n'ont pas cessé de diminuer, année après année. Lorsque notre pays a été frappé par la vague d'attentats de 2015 et que la fréquentation touristique a chuté, nous avons su, même avec des effectifs réduits, rebondir et regagner la confiance des clientèles internationales. Je suis donc certain que nous arriverons à surmonter les difficultés liées au mouvement des « gilets jaunes », même si la voilure doit encore se réduire.
S'agissant des mesures d'économie qui ont été prises, les choses sont très claires et je les ai abordées lors d'un conseil d'administration extraordinaire. J'ai incité les différentes parties prenantes à ne pas s'enfermer dans des postures, mais à travailler sur un plan stratégique et à définir à la fois les missions essentielles d'Atout France et les moyens nécessaires pour les remplir. Nous avons désormais une gouvernance renouvelée : M. Christian Mantei a été désigné président du conseil d'administration et Mme Caroline Leboucher, directrice générale. Cette dernière a déjà su, par le passé, réorganiser d'autres opérateurs et je pense que son expérience sera précieuse. Il faut continuer à aller de l'avant, avec les collectivités locales et le secteur privé. Je salue le fait qu'un euro mis par l'État génère un euro mis par le privé et 0,50 euro mis par les collectivités locales : c'est un effet de levier significatif.
S'agissant du tourisme de montagne, après les plans des années 1960, qui ont permis d'écrire de magnifiques histoires, et qui nous ont surtout fourni de magnifiques outils, nous avons perdu la première place, au profit de l'Autriche. Mais tous les travaux qui sont menés, notamment dans le cadre du Comité stratégique du tourisme de montagne, vont nous permettre, d'ici la prochaine réunion du Conseil national de la montagne, au mois d'octobre, de reconquérir des parts de marché.
Concernant la réforme de la taxe de séjour, nous avons laissé la main au Parlement et nous attendons avec intérêt les évaluations qui en seront faites. Le rapporteur général m'a confié qu'il souhaitait inclure dans son rapport sur l'application des mesures fiscales un volet consacré à cette évaluation. Il est vrai que nous avons manifestement un problème avec les auberges de jeunesse : il faut, d'un point de vue juridique et législatif, clarifier les choses. J'adhère à l'objectif de simplification et il faut reconnaître que, grâce aux plateformes, la collecte s'est faite de manière plus systématique. On a toujours tendance à leur jeter la pierre, mais le législateur est utilement intervenu pour restaurer une forme d'équité, et les ressources créées sont dédiées à la promotion du tourisme.
Je terminerai en disant qu'il ne faut pas jeter la pierre au secrétaire d'État chargé du salami coréen... J'accueillerai au Quai d'Orsay, le 12 juin à 19 heures 30, – et vous serez le bienvenu, monsieur le rapporteur général – la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs. Nous sommes en plein dans le sujet !
En tant que rapporteur pour avis des crédits du programme 185, qui inclut Atout France, j'aimerais revenir sur l'effet de levier de 1 à 2,5. Pour moi, Atout France et Expertise France sont deux opérateurs modèles et c'est en m'inspirant d'eux que j'ai fait mes propositions tout à l'heure. Les conseils d'administration d'Atout France et d'Expertise France sont passionnants. Je rappelle que les 98 instituts français du monde représentent un effet de levier de 60 %, au moins, parfois même de 80 %. L'AEFE bénéficie d'une subvention de 380 millions d'euros. Or le budget total du réseau français représente 2,3 à 2,4 milliards d'euros. Il faut donc travailler sur la notion de réseau, parce que l'action extérieure de la France n'est qu'un énorme effet de levier : c'est ce que notre administration a encore un peu de mal à gérer.
Il pourrait être intéressant de procéder à une évaluation complète des campagnes de communication : notre capacité à les coordonner, leur coût, ce qu'on en attend, leur réalisation.
C'est en qualité de rapporteur spécial pour les affaires européennes en charge de l'évaluation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) que je m'adresse à vous. Ce prélèvement a atteint, vous le savez, 20,6 milliards d'euros en 2018, alors que la prévision en loi de finances pour 2018 l'établissait à 19,9 milliards d'euros.
L'exercice de prévision de ce prélèvement est assez ardu. L'année dernière, par exemple, l'exécution du PSRUE a été inférieure de 2,3 milliards d'euros à la prévision. Ces écarts montrent combien il est difficile de prévoir le montant du prélèvement sur recettes. Au niveau européen, le pilotage du décaissement des fonds est complexe. Pas moins de six budgets rectificatifs ont été adoptés en 2018 par le Parlement.
Plusieurs éléments sont de nature à faire évoluer la contribution de la France en 2019 et 2020. Tout d'abord, l'hypothèse d'une sortie sans accord du Royaume-Uni pourrait nécessiter des fonds supplémentaires, notamment si les Britanniques refusent de payer la facture de sortie. C'est du reste ce que leur suggérait ce matin le président Donald Trump dans un tweet publié alors qu'il venait de poser le pied sur le tarmac anglais.
La Cour des comptes a souligné trois autres facteurs susceptibles de modifier le niveau de la contribution française : le niveau d'engagement et de paiement des fonds européens, l'évolution du système de collecte des droits de douane et la montée en puissance des instruments financiers d'investissement.
J'en viens à mon thème d'évaluation, à savoir le bilan du transfert de la gestion des fonds européens structurels et d'investissement aux régions. À la demande de Mme la secrétaire d'État Amélie de Montchalin, cette question a fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes, qui a été présenté devant cette commission il y a une dizaine de jours. De mes échanges avec les magistrats financiers, j'ai tiré plusieurs enseignements.
Le premier concerne le transfert de compétences de l'État vers les régions. D'abord, ce transfert a indubitablement été mal anticipé, ce qui a retardé d'autant le lancement et l'attribution des fonds. Ensuite, ce transfert n'a été que partiel : si le Fonds européen de développement régional (FEDER) est géré en quasi-totalité par les régions, seules 35 % des crédits du Fonds social européen (FSE) ont été délégués aux régions. Enfin, bien que les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) aient été délégués aux régions, les services déconcentrés continuent d'assurer l'instruction de 80 % d'entre eux. Cet enchevêtrement de compétences nuit incontestablement à la lisibilité de l'action publique.
Sur la gestion elle-même, la Cour a appelé notre attention sur certaines pratiques qui pourraient être dommageables, à terme. Ainsi, certaines régions appliquent aux bénéficiaires un taux de paiement inférieur à celui qui est remboursé par l'Union européenne, ce qui leur permet de constituer des réserves. Si la pratique, en tant que telle, n'est pas illégale, elle ne peut être considérée comme satisfaisante. Un autre sujet d'inquiétude réside dans le décalage entre les recettes transférées par la Commission et les dépenses décaissées par les régions. L'absence de sanctuarisation des fonds européens laisse craindre que les régions n'éprouvent des difficultés à payer les bénéficiaires à la fin de la programmation.
Il est un troisième point sur lequel des améliorations sont possibles : la multitude des programmes et des mesures complique inutilement les choses et entraîne des coûts de gestion disproportionnés. Une simplification en vue du prochain cadre financier pluriannuel semble donc impérative.
Je regrette que la Cour n'ait pas eu l'opportunité d'examiner la conformité des projets financés par l'Union européenne avec les objectifs fixés par cette dernière. C'est d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, l'objet de ma première question : en vue de la prochaine programmation, est-il prévu d'établir des lignes directrices au niveau national pour éviter le financement de dossiers dont le lien avec les objectifs européens serait plus que ténu ?
Il est un dernier point sur lequel il convient d'être vigilant : il faut éviter que le dispositif contractuel de maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales n'entraîne un moindre investissement dans les projets éligibles aux fonds européens. La Cour ne se prononce pas définitivement sur la question, mais le risque existe : il nous appartient donc d'être attentifs à cette question et, le cas échéant, d'en tirer les conclusions.
Cela étant dit, les régions devenues autorités de gestion ont développé une réelle expertise et les taux de consommation des fonds européens, sans être excellents, sont dans la moyenne. Ainsi, le FEDER atteignait quasiment 70 % de consommation, tandis que le FSE était à 76 %, avec une moyenne européenne à 70 %. Il convient également de souligner que la France a évité, en 2018, les dégagements d'office, c'est-à-dire la perte de crédits européens faute d'engagements dans les délais impartis. Néanmoins, nous restons loin des pays en tête de classement : la Finlande, par exemple, a un taux de paiement des fonds de 55 %, contre 35 % pour la France.
J'aimerais, pour conclure, vous donner quelques éléments d'actualité. Les négociations autour du prochain cadre financier pluriannuel ont pris du retard, mais elles progressent, avec la conclusion d'une dizaine d'accords provisoires sur les propositions sectorielles, notamment Invest EU et Horizon Europe. Il va sans dire que le sujet de la politique agricole commune (PAC) reste hautement sensible et qu'il sera probablement l'un des plus délicats à trancher.
Concernant plus précisément les fonds européens, il est impératif que les différentes autorités de gestion françaises soient prêtes pour le début de la prochaine programmation. Les fonds européens revêtent une importance cruciale pour les territoires : par la voie du cofinancement, ils exercent un réel effet de levier, en ce qu'ils financent des projets qui n'auraient peut-être pas vu le jour sans fonds européens. Il est donc essentiel que les autorités de gestion n'aient plus à se préoccuper de la répartition des compétences et qu'elles puissent se concentrer sur la sélection et l'instruction des projets.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, ma dernière question concerne le FEADER : l'État va-t-il faire un choix entre les trois scénarios de gestion proposés par la Cour des comptes dans le rapport qu'elle a remis à notre commission ? Le premier confie l'autorité de gestion exclusivement à l'État. Le deuxième propose de simplifier le cadre national, afin d'améliorer la situation actuelle – le rapport parle d'améliorer le statu quo. Le troisième scénario propose de réunir sous l'égide de l'État la gestion de l'ensemble des mesures surfaciques – c'est-à-dire calculées en fonction de la surface de l'exploitation – de la PAC.
En tenant compte de ces éléments, j'ai rédigé une proposition de résolution sur les fonds européens. Au vu de leur rôle considérable dans le développement de nos territoires, j'invite l'État et les régions, premièrement à s'accorder sur un cadre national d'utilisation des fonds, deuxièmement à accroître leur collaboration pour accélérer le traitement des dossiers et ainsi le paiement aux bénéficiaires, troisièmement à communiquer plus largement sur les projets financés par l'Union européenne pour s'assurer de leur visibilité auprès de nos concitoyens.
Je terminerai mon propos en saluant l'arrivée prochaine des nouveaux eurodéputés au Parlement européen qui seront, je l'espère, les meilleurs garants de notre démocratie européenne pour les cinq prochaines années.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'État, même si je sais que les choses ne sont pas encore réglées, avoir votre sentiment sur les conséquences qu'un Brexit sans accord pourrait avoir sur la contribution française : est-elle susceptible d'augmenter de manière importante ?
S'agissant des fonds européens, tout a été dit dans le rapport de la Cour des comptes et dans la proposition de résolution de notre collègue et je me contenterai donc d'apporter mon témoignage. Nous en étions arrivés, dans un certain nombre de secteurs du massif alpin, à confier l'autorité de gestion à nos voisins italiens ou à nos collègues allemands ou autrichiens, tant les choses étaient compliquées du côté français. Dans la mesure où tout part de Bruxelles dans les mêmes conditions, je comprends mal que l'on aboutisse à des situations aussi différentes au niveau des États.
Je sais bien que les choses sont plus compliquées chez nous que dans les États fédéraux, où les régions ont des services très efficaces. La traduction du traité de Maastricht en France avait déjà quelque chose de bizarre, et la traduction française des décisions prises au niveau européen est de plus en plus calamiteuse. Je voulais simplement, en tant qu'ex-porteur de projet, témoigner des difficultés que nous rencontrons.
La question des fonds européens est interministérielle par nature. Je souhaite faire le point sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de ces fonds, avant d'évoquer les difficultés et les réflexions en cours.
Sur la période 2014-2020, la France a reçu pas moins de 27 milliards d'euros, au titre de la politique de cohésion. Cela inclut tous les fonds que vous avez évoqués, à savoir le FEDER, le FSE et le FEADER, mais aussi le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) et le programme Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), qui est lié au FSE. Au 31 décembre 2018, près de 60 % de cette somme, c'est-à-dire 16,3 milliards d'euros, ont ainsi été programmés pour l'ensemble de ces fonds. On note cependant des disparités importantes, puisqu'on atteint 92 % pour l'IEJ, 53 % pour le FEDER, 60 % pour le FEADER et seulement 26 % pour le FEAMP.
Cette situation s'explique par les difficultés qui ont accompagné la nouvelle gestion des fonds européens en France. On parle d'une programmation pour les années 2014 à 2020, mais un certain nombre d'outils ont été dessinés tardivement. Certains l'ont été dans la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui a été promulguée à la fin de l'année 2014. L'entité chargée de gérer le FEAMP a été désignée plus tardivement encore, en 2016. L'adoption tardive des cadres de gestion explique en grande partie la sous-consommation des crédits. Le rapport de la Cour des comptes souligne aussi la défaillance d'un certain nombre de systèmes d'information et de gestion.
Pour le FEADER, afin de ne pas pénaliser trop lourdement les bénéficiaires des aides, l'État a versé des avances de trésorerie, remboursables sur crédits nationaux. S'agissant de l'organisation future, nous devons tirer des leçons de tout cela pour améliorer la gestion. La Commission européenne a proposé certaines mesures de simplification qui sont bienvenues. Par exemple, la possibilité de reconduire les autorités de gestion existantes sans procédure de désignation pourrait permettre un démarrage plus fluide et plus rapide de la prochaine période. Par ailleurs, nous devons encore renforcer la coordination avec les régions. Le Premier ministre recevra prochainement les présidents de région et un comité État-régions se tiendra le 2 juillet, dont l'objectif est d'améliorer les convergences et le travail en commun. Nous nous devons, vis-à-vis des instances européennes, d'être irréprochables dans la gestion de ces fonds au niveau national.
Vous avez parlé de programmation et je crois effectivement que nous devons aider chaque territoire à faire face aux grands objectifs définis au niveau européen et national, comme la transition écologique, la recherche, l'innovation, la formation ou le soutien à l'emploi. Rendons les choses aussi simples et efficaces que possible.
Je souhaite revenir sur deux questions qui ont déjà été abordées et en poser une troisième, au nom du groupe La République en Marche.
Ma première question concerne le transfert des effectifs des personnels des fonctions support auprès du Quai d'Orsay. J'aimerais avoir une vision plus claire des difficultés et des avantages que cela représente, en termes de synergies et de redéploiements. Globalement, quelles seront d'après vous, dans les années à venir, les conséquences de cette décision sur la gestion globale du département ?
Ma deuxième question concerne l'immobilier. Jusqu'à présent, les cessions étaient un élément essentiel de l'entretien du patrimoine ; or le volume des cessions diminue. Le patrimoine se dégrade à toute allure, y compris certaines implantations très importantes : je songe à la Cinquième Avenue, où l'on a, côte à côte, le consulat général et l'Institut français, qui nécessitent des millions d'euros de réaménagements. Je comprends que vous ne souhaitiez pas accélérer la vente des bijoux de famille. Je crains néanmoins qu'entre les investissements importants liés à la rénovation de l'aile des archives, la baisse des recettes de cession et la faiblesse des dotations liées à l'entretien courant, nous nous retrouvions rapidement dans une situation délicate. Peut-être faudra-t-il prendre des dispositions budgétaires spécifiques dans peu de temps, pour réparer cette politique de gribouille, qui me paraît dangereuse.
Ma troisième question porte sur le transfert des effectifs des personnels experts techniques internationaux, qui étaient chargés de l'innovation et qui étaient présents au sein des ambassades, dans différents pôles de compétitivité ou pôles technologiques, où la fintech aimait se déployer à l'international. Ces experts technologiques ont été transférés à l'AFD, qui suit une logique de développement, et non d'innovation : la technologie française risque donc de pâtir de cette décision. Que pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'État, sur la sauvegarde de la dimension d'innovation de nos réseaux d'expertise technique à l'international ?
Depuis dix ans, nous constatons une baisse des effectifs du ministère des affaires étrangères. Notre diplomatie est néanmoins reconnue comme l'une des plus influentes dans le monde. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je souhaite savoir si de nouvelles baisses d'effectifs vous semblent compatibles avec nos ambitions internationales et avec les nouvelles missions confiées au ministère des affaires étrangères dans le cadre de « CAP 2022 ».
Ma seconde question concerne le fonctionnement de notre audiovisuel extérieur, qui est un élément important de la présence française à l'étranger, un vecteur essentiel pour notre diplomatie et un outil de rayonnement de la France. France Médias Monde a connu des baisses successives de son budget, qui l'ont contraint à restructurer sa masse salariale. Aujourd'hui, France Médias Monde ne pourra plus supporter de nouvelles baisses sans mettre en péril le rôle que notre pays lui a confié.
La disparition de la taxe d'habitation, à laquelle est adossée la redevance audiovisuelle, est une source d'inquiétude, car France Médias Monde est noyé dans le budget général de l'audiovisuel public. Avez-vous des pistes pour assurer la pérennité et le développement de France Médias Monde, TV5 Monde et Arte, qui constituent un pan important de notre diplomatie ?
Compte tenu du temps dont nous disposons, je me concentrerai, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sur les crédits de la mission Aide publique au développement. La loi qui est censée réformer ce secteur n'en finit pas d'être repoussée, sans que les députés, ni les professionnels, n'aient d'information précise. Peut-être nous en donnerez-vous ?
On nous dit qu'un conflit oppose le Quai d'Orsay à Bercy et que seul l'Élysée pourra le trancher. Cela marque, nous semble-t-il, une réelle faiblesse politique du portage de l'APD. À l'arrivée du président Macron, l'APD a connu l'espoir d'être enfin reconsidérée dans le budget de l'État et de remonter à 0,55 % du PIB d'ici 2022. Mais, loin de ces beaux discours, les deux premiers exercices budgétaires ne montrent aucune traduction financière de cet engagement. L'augmentation de l'APD en 2018 a été ridicule, puisqu'elle a été de 100 millions d'euros, après que le budget a été raboté de 140 millions. Cette année, c'est encore le même tour de passe-passe : en effet, sur les 400 millions d'euros d'augmentation, 270 millions proviennent d'un simple jeu d'écritures comptables et ne constituent pas un ajout. L'augmentation des crédits de paiement n'est donc que de 130 millions d'euros. Le déblocage de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement est la seule chose positive, mais elle reste encore trop timide, dans la mesure où l'on se demande à quelle vitesse ces fonds pourront être débloqués. Il y a donc un grave problème de trajectoire et les acteurs concernés, tout comme les députés qui travaillent sur ce sujet, commencent à douter de la faisabilité d'une telle trajectoire, qui obligerait à augmenter très fortement les crédits dédiés à l'APD d'ici la fin du quinquennat. Ont-ils raison, monsieur le secrétaire d'État, d'émettre des doutes quant à la réalité d'une telle trajectoire ?
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais, au nom du groupe Libertés et Territoires, connaître votre avis sur les récentes observations de la Cour des comptes. Dans son rapport du mois dernier, elle souligne que l'utilisation de la démarche de performance reste trop limitée et n'intervient pas suffisamment dans la programmation et les choix budgétaires effectués en cours de gestion. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce point essentiel.
J'en viens aux conséquences de la série de réformes engagées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères au cours des dernières années. On constate sur le terrain, et je pèse mes mots, une forme de clochardisation de notre diplomatie. Ces différents choix, dictés par des contraintes purement comptables, poussent l'administration à afficher des économies, sans prendre le temps d'analyser l'impact de ces mesures sur notre réseau diplomatique de rayonnement à l'étranger. La question du pilotage politique de ces réformes se pose donc aujourd'hui, plus que jamais. Il faut préserver un service diplomatique et d'influence à la hauteur de l'ambition et des engagements affichés. Quel autre ministère a subi une baisse aussi importante et continue de ses effectifs au cours des dernières années ? La gestion des effectifs et des compétences au sein du ministère s'est malheureusement traduite par des réductions d'emplois, des baisses de moyens et des économies d'échelle qui fragilisent l'action de notre diplomatie. Celle-ci risque de devenir impuissante, faute de moyens adéquats.
Les efforts budgétaires demandés sont importants et mettent en péril l'accomplissement des différentes missions dévolues à ce ministère. Ces réformes ne poursuivent, hélas, qu'un seul but : faire toujours plus d'économies, quitte à mettre le service public, et parfois même les agents de ce ministère eux-mêmes, en danger. Pour 2019, le ministère supprime 130 ETP : il contribue ainsi à la baisse des effectifs à hauteur de 8 % de l'ensemble des suppressions de postes, alors que l'action extérieure de l'État représente moins de 1 % du budget de l'État.
J'aimerais également vous interroger au sujet de l'AEFE, qui me tient particulièrement à coeur. Vous avez annoncé 31 millions d'euros de rebasage : pouvez-vous nous en dire plus ? Où, quand et comment vont-ils s'appliquer ?
Pour terminer, j'aimerais évoquer l'Alliance française. J'ai la chance d'être député des Français de l'étranger et d'aller régulièrement au contact de nos emprises sur le terrain et des associations qui agissent pour notre diplomatie. J'ai visité le réseau des Alliances françaises en Tunisie, qui a été inauguré en 2018 par le Président de la République : c'est un formidable instrument pour développer la francophonie à travers le monde, notamment dans des territoires enclavés comme Gafsa ou Kairouan. Cependant, il manque cruellement de moyens, ne serait-ce que pour acquérir des livres. Je souhaiterais donc savoir si la question de la mise à disposition gratuite de personnel sous statut « ministère de l'Europe et des affaires étrangères » (MEAE) auprès des Alliances françaises a été résolue. Si oui, de quelle manière ?
Ma question, posée au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, sera extrêmement simple. Monsieur le secrétaire d'État, la Cour des comptes s'inquiète de la soutenabilité à court et moyen terme de l'aide publique au développement : elle la qualifie de fragile, au vu de l'objectif d'augmentation des crédits. Ma question rejoint donc celle de mon collègue Jean-Paul Dufrègne : pouvez-vous nous éclairer sur la méthode que vous avez choisie pour faire en sorte que 0,55 % de notre RNB soit désormais dédié à l'APD ?
Ma seconde question fait suite au printemps de l'évaluation de l'année dernière, et je vous l'ai déjà posée. Elle concerne le financement innovant de l'APD et l'idée de relancer le projet de taxe sur les transactions financières (TTF) européenne. Pouvez-vous nous dire où en sont ces discussions et quel est le calendrier potentiel ?
Monsieur le secrétaire d'État, avant d'en venir au sujet qui nous préoccupe, j'aimerais, au nom du groupe La France insoumise, faire une observation, qui a un rapport avec la mission Action extérieure de l'État. Je tiens à souligner que la mesure qui a consisté à multiplier par dix le montant des inscriptions des étudiants étrangers extracommunautaires à l'université est un énorme gâchis. Cette mesure n'est pas seulement injuste, censitaire, démagogique et cynique : du point de vue de l'influence française dans le monde et de l'aide au développement, elle témoigne de votre courte vue.
Les crédits de la mission connaissent une baisse de 0,2 % à périmètre constant. Si l'on ne tient pas compte du programme 347, dédié à l'organisation du G7, cette baisse attend 0,6 %, ce qui souligne le coût de cette organisation. Or, pour notre part, nous préférons renforcer l'ONU, plutôt que ce club des pays les plus riches, qui est contraire à l'idée que nous nous faisons de l'influence de la France dans le monde. Ne ferions-nous pas mieux de fermer le programme 347, au profit des autres programmes de la mission ?
Ma seconde question porte sur la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, qui a été maintes fois annoncée. La France devait y traduire son adhésion au consensus de Monterrey, adopté par les Nations unies en 2002, qui fixe l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national à l'aide publique au développement. Plusieurs pays, la Suède, la Norvège, le Danemark ou le Luxembourg, le font déjà. L'objectif affiché par le chef de l'État n'est que de 0,55 %, ce qui, toutefois, serait déjà un effort important. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous assurer que ces 0,55 % ne seront pas remis en cause ?
Ma première question concerne la part des projets de l'AFD qui sont jugés au moins satisfaisants au regard de leurs objectifs de développement. Cette part est en diminution, puisqu'elle est passée de 92 % à 85 %. Ce taux reste certes conforme au contrat d'objectifs et de moyens, mais pouvez-vous nous expliquer cette baisse ?
Ma deuxième question s'appuie également sur les projets annuels de performances et concerne la part des crédits bilatéraux pour la stabilité internationale et la réponse aux fragilités dédiés aux priorités du CICID. Cette part est passée de 10,2 % en 2017 à 7,5 % en 2018, alors que le Président de la République a dit vouloir faire un effort pour adopter une approche globale en matière de sécurité, de développement et d'action humanitaire. Comment expliquer cette diminution ? Tient-elle à certains organes multilatéraux en particulier ? Comment y remédier pour atteindre l'objectif affiché des 10 % ?
Ma troisième question porte sur le niveau de rémunération, en fonction des différents canaux. Comme beaucoup de parlementaires, je suis attaché à l'efficacité de l'aide et je souhaiterais connaître, canal par canal, ce qui coûte le plus cher. Lorsqu'on met 1 euro dans l'éducation, la rémunération est de 10,7 % via l'AFD, de 8 % si l'on passe par le multilatéral et de 4 % par le FED. Avez-vous la volonté d'approfondir l'étude de ces rémunérations pour déterminer quel est le canal le plus efficace, secteur par secteur ? Cela permettrait de mieux orienter les financements dans le contexte de la hausse des crédits, qui est réelle depuis deux ans et qui va se poursuivre.
Enfin, comment voyez-vous l'évolution de la maquette budgétaire ? Ne peut-on imaginer de passer d'une logique d'organisation administrative à une organisation distinguant ce qui relève du multilatéral, du bilatéral et du niveau européen ? Cela rendrait l'ensemble plus lisible et permettrait aux parlementaires de mieux comprendre quelle est la part pilotable et la meilleure manière d'atteindre nos objectifs stratégiques.
Je poserai pour ma part quatre questions.
Les deux premières sont relatives à la mission Action extérieure de l'État. Premièrement, la Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, soulève deux problèmes juridiques qu'elle qualifie d'irrégularités. Le premier concerne la situation des personnels sous statut du MEAE auprès des alliances françaises. La Cour explique que vous allez, semble-t-il, déposer un amendement pour régulariser cette situation, mais que vous ne l'avez pas encore fait. Le second problème concerne les EAF, dont la situation est, elle aussi, qualifiée d'« irrégulière » par la Cour des comptes. Quelles mesures entendez-vous prendre ? Deuxièmement – il s'agit là d'un sujet dont on parle depuis des années –, s'agissant de la programmation immobilière de votre ministère, la Cour des comptes constate que celle-ci « fait toujours défaut ». Plusieurs intervenants ont d'ailleurs soulevé le problème avant moi. Entendez-vous donc mettre en place une programmation immobilière ?
Troisièmement, à propos de la mission interministérielle Aide au développement, la Cour formule une critique que je trouve grave. Elle porte sur les crédits extrabudgétaires issus de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et de la TTF, qui représentent quand même, à elles deux, 738 millions. La Cour dénonce l'opacité de l'utilisation des fonds affectés à des structures telles que la Facilité internationale de financement pour la vaccination – mais il y en a d'autres, notamment UNITAID. Cette opacité est-elle tout aussi grande pour le ministre ? Autrement dit, savez-vous à quoi servent exactement ces fonds ?
Enfin, s'agissant de la reconstitution des fonds multilatéraux, la Cour des comptes estime qu'il va y avoir une forte augmentation des besoins et pose la question de la soutenabilité budgétaire de la rebudgétisation de ces fonds. Elle constate que le ministère ne lui répond pas précisément sur la question de la soutenabilité financière de la mission.
Je voudrais préciser les deux questions que j'ai posées tout à l'heure. La première concernait le FED. Je n'ignore pas que le budget du FED est comptabilisé dans l'APD. Je voulais savoir comment le Gouvernement français travaillait à l'affectation du FED. Les priorités définies par le CICID, en particulier, sont-elles prises en compte ?
Ma seconde question portait sur les décaissements de l'AFD. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un enjeu très important. Votre ministère travaille-t-il avec l'AFD pour que les fonds soient décaissés plus rapidement et efficacement, notamment en direction de l'Alliance Sahel, initiative dont on a beaucoup parlé, dont on a dit qu'elle serait un outil permettant d'agir rapidement dans les régions en crise – mais, en fin de compte, il ne se passe pas encore grand-chose.
De nombreuses questions ont été posées ; je vais tenter d'y apporter des réponses et, en reprenant attentivement le compte rendu, je compléterai par écrit pour celles auxquelles je n'aurai pas répondu dans le temps qui m'est imparti.
S'agissant de l'immobilier, monsieur Maire, très clairement, la rareté des crédits effectivement disponibles sur le programme 723 a conduit la direction en charge à programmer des opérations significatives et pluriannuelles sur le budget opérationnel de programme (BOP) 105. Pour 2020, nous avons fait une demande de dotation budgétaire sur le programme 105 pour un entretien lourd à l'étranger. Le niveau a été relevé à 35 millions d'euros : 12 millions en tendanciel et 23 millions pour des opérations nouvelles. Effectivement, les besoins sont nombreux. Parmi les opérations significatives et pluriannuelles, nous comptons les regroupements sur un seul site, la réouverture de postes, ou encore l'entretien ou la maintenance lourde. Pour vous donner une idée des opérations qui ont été réalisées en 2018 grâce au BOP 105, il y a eu la relocalisation de l'ambassade de France à Wellington et celle de notre ambassade d'Almaty vers Astana, au Kazakhstan, mais aussi la remise en état de notre poste à New Delhi ; vous avez évoqué, quant à vous, un certain nombre d'emprises immobilières aux États-Unis : ce sont toutes ces opérations qui étayent la demande de dotation budgétaire.
En ce qui concerne les experts techniques internationaux (ETI) pour l'innovation, j'ai eu l'occasion de les voir à l'oeuvre à Toronto, au Canada. Ces experts sont précieux. Pour ce qui est de modifier le support de ces postes – les dispositifs des ETI classiques sont gérés par Expertise France –, la réflexion est en cours.
S'agissant de la mutualisation des fonctions support, 400 postes environ ont été concernés. Force est de constater qu'il était un peu surréaliste que le secrétariat du numéro deux d'une ambassade et celui d'un attaché de défense fonctionnent en silos, avec une prise en charge par des ministères différents. La mutualisation est désormais effective. Je pense qu'elle conduira à un certain nombre d'économies et surtout qu'elle créera des synergies.
Alain David a évoqué la baisse des effectifs depuis plusieurs années. Cela vaudra également pour la décennie à venir. Le Quai d'Orsay a toujours été au rendez-vous quand il s'est agi de s'adapter, mais – il faut se dire les choses – on voit bien que, dans un certain nombre de postes, on arrive à l'os.
S'agissant de l'audiovisuel extérieur, France Médias Monde a voté son budget il y a quelques semaines. En ce qui concerne TV5 Monde, le cadre n'est pas seulement français : d'autres États ou gouvernements sont impliqués – Suisse, Québec, Wallonie-Bruxelles. Il existe une clef de répartition, selon laquelle six neuvièmes reviennent à la France. Il faut donc mener une concertation avec nos partenaires. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un outil de rayonnement très important pour la francophonie – vous connaissez l'ambition du Président de la République en la matière.
Jean-Paul Dufrègne a évoqué la trajectoire en matière d'APD. En ce qui concerne la faiblesse du portage politique, je n'aurai pas la même analyse que lui. Le Président de la République lui-même est très engagé : on l'a vu à Dakar, à l'occasion de la constitution du Partenariat mondial pour l'éducation. De même, la France accueillera au mois d'octobre prochain, à Lyon, la conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il y a donc un portage politique fort, dont nous avons naturellement bon espoir qu'il se traduira dans la trajectoire qui sera intégrée à la loi d'orientation et de programmation.
S'agissant de l'AEFE, M'jid El Guerrab a évoqué les 31 millions d'euros de rebasage. Cette somme n'a pas été annoncée : elle est demandée. Naturellement, nous menons un travail serré avec nos amis de Bercy. Ce montant est celui qui, selon les estimations du rapport des inspections, permettra de développer le réseau de manière à atteindre les objectifs fixés par le Président de la République.
Les alliances françaises ont un statut associatif, contrairement aux établissements relevant de l'Institut français en tant que tel : les deux dispositifs sont différents – la voilure des structures l'est elle aussi. Il est vrai que le soutien apporté par l'État au réseau des alliances françaises est réel, avec 380 postes expatriés mis à leur service, ce qui équivaut à 36 millions d'euros de masse salariale. Pour répondre à la question de Charles de Courson, un vecteur législatif est en cours d'identification avec le secrétariat général du Gouvernement pour régler la question des directeurs d'alliances françaises expatriés. Il me semble que cela relève de la LOLF. Je ne sais pas si nous aurons le consentement des deux papas de cette loi, que sont MM. Lambert et Migaud, pour y toucher... mais, en tout état de cause, il faudra apporter une précision pour permettre aux EAF, notamment les instituts français à l'étranger, de continuer à lever des fonds. Un groupe de travail réunissant la direction du budget et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'est constitué pour étudier la question, mais nous ne pourrons rien faire si le législateur organique n'intervient pas.
Sarah El Haïry a évoqué notamment la TTF européenne. C'est un sujet que nous continuons naturellement à évoquer ; force est de constater que nous n'avons pas encore abouti. En ce qui concerne l'APD, nous avons effectivement l'ambition d'atteindre 0,55 % du PIB. Cette ambition a trouvé dès 2019 une traduction budgétaire : dans le PLF, 1 milliard d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires ont été inscrits. Nous avons calculé qu'il faudrait ajouter 1 milliard d'euros par an pour atteindre 0,55 %. Nous l'avons fait en 2019 et souhaitons poursuivre l'augmentation selon le même rythme. Certes, la cible est en dessous des 0,7 % qu'évoquait Éric Coquerel, mais l'évolution est notable car, depuis 2012, nous étions engagés sur une pente descendante : nous avions atteint 0,38 %. Nous voulons vraiment augmenter notre engagement. Nous en sommes déjà à 0,43 %. La courbe s'est donc inversée.
Éric Coquerel a évoqué également les frais d'inscription pour les étudiants étrangers. Cette mesure a pour vocation, justement, de mieux accueillir : nous voulons créer un certain nombre de logements, de lieux d'hébergement. Pour faire face aux demandes de certains pays où les moyens des étudiants sont limités, et pour aider notamment ceux qui ont déjà fait de lourds sacrifices financiers pour suivre un enseignement dans nos lycées français à l'étranger à continuer, 14 000 exonérations sont à la main du Quai d'Orsay. Elles sont mises en oeuvre dans les postes. Cela devrait nous permettre de continuer à accueillir des étudiants venant de tous les pays. Quoi qu'il en soit, je constate que la mesure n'a pas dissuadé – et c'est heureux – les étudiants de déposer des dossiers, si j'en juge d'après le recensement effectué par Campus France.
S'agissant des rémunérations en fonction des différents canaux qu'évoquait Hervé Berville, il est vrai que nous avons eu des discussions parfois un peu serrées avec l'AFD pour établir des distinctions en fonction du coût réel de chacune des prestations proposées. La rémunération, en moyenne, s'établit à 8,3 %, mais elle monte parfois à 14 %, effectivement, lorsqu'il s'agit d'Expertise France. Nous veillons très attentivement à essayer d'influer sur ce niveau de rémunération.
Les 738 millions d'euros de crédits extrabudgétaires qui permettent de financer l'APD correspondent à des engagements forts de la France – au-delà des alternances politiques, d'ailleurs – dans des domaines comme la santé, le climat ou encore l'éducation. Du reste, le Gouvernement veille à ce que le Parlement soit informé de la ventilation des ressources du Fonds de solidarité pour le développement – c'est le cas dans les projets annuels de performances, dans les rapports annuels de performances et dans les documents de politique transversale. L'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), par exemple, qui est financée ainsi, a permis de vacciner 500 millions d'enfants en vingt ans et évité 8 millions de décès. Nous nous honorons d'être le sixième contributeur du GAVI pour la période allant jusqu'en 2020, avec un engagement de 465 millions d'euros. De la même façon, UNITAID, qui bénéficie d'une contribution française de 85 millions d'euros par an, a donné un certain nombre de résultats particulièrement pertinents. Comme je le disais, la France accueillera à Lyon, le 10 octobre, la sixième conférence sur la reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Notre objectif est de mobiliser, à l'échelle mondiale, 14 milliards de dollars de la part des donateurs historiques et émergents pour ce fonds mondial, ce qui représenterait une hausse de 15 %. Vous l'avez compris, il s'agit d'une mobilisation mondiale, la France n'est pas la seule à agir, mais elle devra naturellement être au rendez-vous.
Voilà, monsieur le président, quelques éléments de réponse, trop rapides et partiels. Je veillerai à apporter d'autres précisions par écrit.
La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, entend ensuite M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports, et M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
En tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission Enseignement scolaire, j'ai l'honneur de présenter devant vous l'exécution budgétaire du premier poste de dépenses pour l'État dans la loi de finances pour 2018. Son montant s'élève à 71,6 milliards d'euros. Ce budget représente également 52,9 % des effectifs de l'État autorisés par la loi de finances pour 2018, c'est-à-dire un peu plus d'un million d'équivalents temps plein travaillé (ETPT).
Comme toujours, l'ampleur des dépenses de personnel limite les marges de manoeuvre en gestion, ce qui crée des difficultés de pilotage qui se retrouvent à nouveau dans l'exécution de 2018. En cours de gestion, des crédits du titre 2 sont transférés vers d'autres actions en vertu de la fongibilité asymétrique. Une ouverture de crédits est ensuite nécessaire en loi de finances rectificative pour payer les salaires des enseignants pour le mois de décembre. La budgétisation des besoins en loi de finances initiale reste donc perfectible et il me semble qu'une réflexion sur les moyens de résoudre ces difficultés de pilotage connues de longue date doit être initiée. Pour ma part, je considère que le meilleur moyen serait de relever à la hausse la budgétisation de la mission dès la loi de finances initiale. Ces considérations budgétaires mises à part, le taux de consommation des crédits sur l'exercice 2018 est satisfaisant.
Concernant le dispositif de performance, j'ai un regret majeur, qui concerne l'indicateur sur le taux de visites médicales des enfants en réseau d'éducation prioritaire (REP). En effet, dès lors que cet indicateur ne comprend pas les chiffres pour le reste des élèves, il n'y a aucun point de comparaison. Il est donc difficile d'évaluer si les établissements en REP sont, à cet égard, en bonne position par rapport à la moyenne.
Avant de vous présenter la partie thématique de mon rapport, j'aimerais dire un mot au sujet de l'enseignement technique agricole. Lors d'une visite dans une exploitation agricole attachée au lycée Charles-Naveau de Sains-du-Nord, j'ai été enthousiasmée par les conditions d'apprentissage offertes par la structure et ses équipes. Je souhaite qu'à l'avenir cette voie soit valorisée auprès de nos jeunes : l'enseignement agricole n'est pas et ne doit pas être réservé aux enfants d'agriculteurs ou d'ouvriers agricoles. Il doit être proposé à tous et être mieux mis en valeur, notamment auprès des jeunes des quartiers.
J'en arrive à ma thématique d'évaluation, qui concerne cette année l'individualisation des parcours à l'école. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit le droit à la scolarisation pour les enfants en situation de handicap et formalise un droit à la compensation. La reconnaissance de ce droit a entraîné une augmentation très importante du nombre d'enfants bénéficiant d'un projet personnalisé de scolarisation. Plus de 320 000 enfants étaient ainsi scolarisés en milieu ordinaire à la rentrée 2018, contre 133 000 en 2004. La scolarisation d'enfants et de jeunes en situation de handicap passe par plusieurs dispositifs. J'en évoquerai deux que j'ai eu la chance d'observer lors de mes déplacements et des auditions que j'ai conduites.
Le premier passe par l'orientation dans une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS). J'ai eu l'occasion de visiter le dispositif ULIS du collège Madame-de-Sévigné à Roubaix. Il permet à des élèves présentant des troubles d'être scolarisé dans un établissement scolaire, tout en étant suivis par un enseignant spécialisé dans un petit groupe d'élèves, avec en plus des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Le second dispositif que j'ai observé est un institut médico-éducatif (IME) en liaison avec une école primaire. Des élèves de l'IME sont en effet scolarisés la majeure partie du temps dans l'école primaire voisine, afin de favoriser leur socialisation en milieu ordinaire. Ce dispositif porte le nom d'« unité d'enseignement externalisée ».
Ces deux types de structures se sont multipliés sur le territoire pour répondre à l'augmentation du nombre d'enfants en situation de handicap. Des moyens financiers importants ont été fléchés pour que l'école soit réellement inclusive. Les résultats de mon évaluation sont plutôt encourageants : l'éducation nationale met en place des moyens concrets pour réussir à proposer à tous les élèves un parcours adapté et surtout pour permettre une réelle individualisation des projets.
Néanmoins, un certain nombre de freins à l'inclusion scolaire demeurent. La fluidité des parcours n'est pas acquise. Les élèves en situation de handicap souffrent encore trop souvent de la mauvaise articulation entre les différentes structures chargées de leur suivi. L'enseignante du premier degré que j'ai été constate que l'entrée au collège représente, pour les enfants porteurs de handicap, une rupture importante.
Les enchevêtrements de compétences et de financement créent des angles morts dans la politique publique tels que l'absence de financement du matériel numérique dans l'unité d'enseignement attachée à un IME, l'absence de crédits fléchés pour le matériel pédagogique dans une ULIS, ou encore le manque d'enseignants mis à disposition dans les établissements médico-sociaux. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour favoriser une meilleure lisibilité des circuits de financement de l'inclusion scolaire.
À cela s'ajoute un autre problème : les différents établissements éprouvent encore des difficultés à coopérer les uns avec les autres. Comment favoriser leur coopération ? Faudrait-il formaliser davantage les choses ? Quelles mesures avez-vous prévues à cet égard ?
Je voudrais également évoquer un autre problème qui peut paraître plus anecdotique mais qui est, à mon sens, révélateur : j'ai découvert, au cours de mes travaux, que les accompagnants d'élèves en situation de handicap travaillant en réseau d'éducation prioritaire ne bénéficiaient pas des indemnités auxquelles ont droit les enseignants travaillant en REP et en REP +, alors même qu'ils travaillent dans les mêmes conditions et avec le même public. Auriez-vous une explication au sujet de cette différenciation qui n'incite pas les AESH à postuler ou à rester dans les écoles en REP et en REP + ?
Par ailleurs, j'aimerais me faire l'écho de l'inquiétude de plusieurs de mes interlocuteurs qui craignent une accélération trop rapide de l'école inclusive. Les structures ne sont pas toutes prêtes, les enseignants – notamment ceux du milieu ordinaire – n'ont pas tous été formés, les passerelles n'ont pas toutes été mises en place. Il convient donc d'être prudent et d'éviter les raccourcis. Vouloir rapprocher systématiquement le nombre d'enfants avec un projet personnalisé de scolarisation du nombre d'accompagnants témoigne par exemple d'une méconnaissance du système et des besoins des enfants.
De même, tous les enfants ne peuvent pas suivre une scolarisation en milieu ordinaire. Il faut conserver un certain équilibre entre les structures médico-sociales et les dispositifs d'inclusion en milieu ordinaire. L'urgence est d'organiser de meilleures passerelles entre ces deux milieux afin de faciliter le parcours des enfants.
Enfin, une attention toute particulière doit être portée à l'insertion professionnelle de ces jeunes et à la suite de leur parcours. Je souhaite que des évaluations rigoureuses et continues permettent de bien documenter le parcours des élèves en situation de handicap, de la petite enfance jusqu'à leur vie professionnelle, afin de mesurer les effets des mesures qui sont mises en oeuvre pour soutenir leur inclusion.
J'aimerais terminer mon intervention en remerciant toutes les personnes rencontrées lors de mes déplacements et de mes auditions qui oeuvrent au quotidien et avec une détermination remarquable pour que le mot « inclusion » ait un sens.
Dans le cadre du printemps de l'évaluation, j'ai choisi de dresser un premier bilan des récentes unités d'enseignement élémentaires autisme (UEEA), déployées à la rentrée 2018. Les UEEA s'inscrivent dans la continuité des unités d'enseignement en maternelle autisme (UEMA), instaurées en 2014. Elles répondent à la même logique d'inclusion des enfants présentant un trouble du spectre autistique (TSA). Je tiens à saluer les premiers résultats de cette initiative porteuse de tant d'espoir et d'humanité. C'est la première fois qu'un dispositif d'inclusion de cette ampleur est mis en oeuvre à l'âge de l'école élémentaire, où seuls 40 % des enfants atteints d'autisme sont scolarisés en milieu scolaire ordinaire. La scolarisation des enfants présentant un TSA est d'ailleurs un enjeu majeur de la stratégie nationale sur l'autisme.
Cinq UEEA ont été créées à titre expérimental à la rentrée scolaire 2018, à Amiens, Dieppe, Toulouse, Vaulx-en-Velin et Versailles. Leurs modalités de fonctionnement et leur cahier des charges évolueront dès la rentrée prochaine, en vue de leur extension à l'ensemble du territoire. Au total, quarante-cinq sont prévues d'ici à 2022, réparties sur la base d'un critère démographique. Il est donc trop tôt pour mener une évaluation complète de ces classes, mais il est d'ores et déjà possible de tirer des enseignements de ces premiers mois et de relever quelques points d'attention en vue de l'extension prévue du dispositif.
Les enfants accueillis en UEEA sont ceux de la classe d'âge de l'école élémentaire. Chaque classe compte au maximum dix élèves. L'objectif est, à terme, une scolarisation en milieu ordinaire et non la création d'une filière spécifique. C'est ainsi que, sur les 147 élèves qui ont bénéficié d'un enseignement en unité d'enseignement en UEMA, 72 % ont poursuivi leur scolarité en milieu ordinaire.
J'ai eu l'occasion de visiter les UEEA créées à Amiens et à Dieppe ; j'y ai constaté que la réussite du dispositif repose sur l'étroite collaboration entre les professionnels du secteur médico-social, les personnels de l'éducation nationale et les familles. Ces deux unités sont soutenues par l'Association pour adultes et jeunes handicapés et résultent d'un partenariat entre la commune, l'éducation nationale, l'agence régionale de santé, les centres de ressources autisme et la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Les UEEA d'Amiens et de Dieppe encadrent chacune sept élèves présentant un TSA. Il s'agit notamment d'enfants pour lesquels l'accompagnement par une ULIS est largement insuffisant. Ces jeunes sont encadrés par une équipe de quatre professionnels. Les élèves scolarisés au sein de l'UEEA sont présents à l'école aux mêmes horaires que leurs camarades et bénéficient d'interventions pédagogiques et éducatives adaptées. J'ai également constaté que les UEEA disposent au minimum d'une deuxième salle prioritairement destinée aux interventions individuelles. Cette salle doit nécessairement se trouver dans les locaux scolaires et, de préférence, à proximité immédiate de la classe. Les UEEA constituent le chaînon qui manquait pour accompagner et scolariser les jeunes ayant besoin d'un soutien éducatif et d'un suivi plus appuyés qu'en ULIS, mais qui ne relèvent pas pour autant de l'institut médico-éducatif.
Le premier bilan de ces classes est extrêmement positif. Je veux saluer le grand professionnalisme et l'immense humanité dont font preuve l'ensemble des acteurs, qui ont le souci permanent d'apporter une réponse éducative adaptée à chaque enfant, tout en favorisant le vivre ensemble. Néanmoins, des questions demeurent.
Ma première observation porte sur les transports : les dépenses de transport sont prises en charge par le budget attribué pour le fonctionnement des UEEA et représentent un coût très important, parfois jusqu'à 40 % du budget. Des efforts sont accomplis. Des tournées en taxi sont organisées mais, outre le coût qu'elles représentent, le temps de transport s'en trouve parfois considérablement allongé – jusqu'à 2 heures.
Se pose ensuite la question de la restauration au sein des UEEA. En effet, la restauration collective n'est pas encore accessible à tous. Il apparaît donc nécessaire de travailler avec les maires pour garantir l'accueil des enfants autistes à la cantine, dans les mêmes locaux que les autres enfants, à un tarif identique.
Ma troisième observation porte sur le budget des UEEA. Chaque unité est, en moyenne, dotée de 100 000 euros, ce qui semble insuffisant pour répondre aux objectifs ambitieux fixés par la stratégie nationale. À titre de comparaison, les UEMA reçoivent 450 000 euros, pour un effectif comparable. Un réel effort budgétaire doit donc être consenti.
Pour conclure, je dirai que les UEEA sont des initiatives extrêmement enthousiasmantes, qui concourent au vivre ensemble et favorisent le lien social, au bénéfice des enfants atteints d'autisme ; mais il conviendra de veiller à ce qu'elles disposent des moyens financiers suffisants pour assurer une scolarité adaptée et digne de ce nom à des enfants dont la différence constitue, il faut le rappeler constamment, une richesse pour la société.
Je voudrais, pour ma part, poser quelques questions extrêmement simples.
D'abord, s'agissant de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes est très critique sur la gestion des crédits qui relèvent du ministère de l'éducation nationale, notamment à l'égard de la sous-budgétisation des crédits en titre 2. J'aimerais savoir comment vous expliquez cette sous-budgétisation, car il ne me semble pas que votre ministère soit soumis, dans le cours de l'année scolaire, à des fluctuations telles qu'elles justifient ce défaut. Par ailleurs, les assistants d'éducation et une partie AESH n'apparaissent pas dans les plafonds d'emplois de la mission. Je voudrais savoir si le ministère a prévu de réintégrer les 54 000 ETPT qui ne sont pas sous plafond d'emplois.
En ce qui concerne l'individualisation des parcours à l'école, la difficulté des MDPH à traiter le flux des demandes est notoire. Est-il prévu de mettre plus d'enseignants à leur disposition pour accélérer le traitement des dossiers ? Par ailleurs, les dépenses de formation sont une nouvelle fois sous-exécutées. Or la formation des enseignants, notamment à la prise en charge des situations de handicap, permettrait justement de limiter le recours aux MDPH. Quels sont donc les efforts mis en oeuvre par le ministère pour améliorer l'accès des enseignants à la formation ? Toujours sur le même sujet, concernant les AESH et leur statut, on observe une sous-consommation des crédits liée à des difficultés de recrutement. Quelles sont les mesures envisagées par le ministère pour y remédier, au-delà du passage au contrat à durée déterminée (CDD) de trois ans renouvelable une fois ?
Pour terminer, je souhaiterais vous interroger sur les emplois non enseignants du ministère de l'éducation nationale. Il est de coutume de dire que le ministère de l'éducation nationale est surgéré administrativement. Il s'avère que c'est en partie une fake news, puisque le ratio du nombre de gestionnaires pour 100 agents gérés, qui est utilisé pour mettre en lumière l'efficience de la gestion des ressources humaines, tend à montrer que l'enseignement scolaire est plutôt sous-administré : il est de 0,6, alors qu'il est supérieur à 2 voire à 3 dans les autres ministères. Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu'il faut s'aligner sur les autres – tel n'était pas le sens de mon propos... ! Je voudrais donc savoir quelle est la part des emplois non enseignants, mais aussi, parmi les fonctions support ou administratives, quelle est la part présente dans les établissements et en administration centrale.
Après quelques mots d'introduction, je répondrai évidemment aux rapporteurs.
D'abord, la réalisation du budget 2018 est en réalité celle du premier exercice budgétaire complet du Gouvernement. Elle fait apparaître, vous le savez, une augmentation de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2017 et traduit les orientations de la politique éducative que nous nous étions fixées dès le printemps 2017.
La priorité à l'école primaire, en particulier, est clairement affichée et se voit budgétairement, puisqu'il y a eu 3 700 emplois supplémentaires en 2018, qui ont permis notamment les dédoublements des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Comme vous le savez, c'est une mesure qui, arrivant à maturité à la prochaine rentrée scolaire, touchera alors 300 000 élèves – elle en a concerné 180 000 en 2018.
Les premières évaluations dont nous disposons démontrent déjà l'intérêt de cette mesure en matière d'apprentissage et, de ce point de vue, il est significatif que ce soit notre principal effort budgétaire. Je rappelle que notre objectif est d'en finir – ce qui serait une première mondiale – avec les écarts de réussite qui peuvent exister entre les territoires les plus défavorisés et les autres. Nous n'en sommes pas encore là, mais une dynamique a été amorcée par cette politique à la fois pédagogique et budgétaire.
Avec ces créations de postes, nous avons également voulu mener une politique volontariste à destination de tous les territoires, notamment les territoires ruraux connaissant une baisse démographique, afin de compenser, autant que possible, cette baisse démographique. C'est aussi cette politique qui, combinée à la baisse démographique que l'on déplore par ailleurs, nous permet de dire que, durant tout le quinquennat, nous allons améliorer le taux d'encadrement de chaque département, rentrée après rentrée, par la combinaison de la baisse du nombre d'élèves et de l'augmentation du nombre de postes – ce qui a été le cas à la rentrée 2018.
Cela a également permis au Président de la République d'annoncer qu'il n'y aurait plus de fermetures d'écoles sans l'accord du maire dès la rentrée scolaire 2019, ainsi que d'autres mesures qui ne sont pas au coeur de notre discussion d'aujourd'hui, puisque nous parlons de l'année 2018 – en tout état de cause, cette tendance affichée en 2018 a vocation à se poursuivre.
Sur le plan catégoriel, l'année 2018 a été marquée par la poursuite de l'alignement des taux de promotion de carrière des professeurs du premier degré sur ceux du second degré, de façon à assurer plus de justice en termes de rémunération des professeurs, et de parvenir à une amélioration de l'attractivité de leur métier. Comme vous le savez, la revalorisation progressive déjà engagée est particulièrement forte en REP+, et concerne environ 50 000 agents. Cela a débuté à la rentrée 2018 avec une première hausse de 1 000 euros net par an, et cela se poursuivra à la rentrée 2019 avec 1 000 euros supplémentaires.
Toutes les catégories de personnels de l'éducation nationale continuent de bénéficier du déploiement du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), ce qui représente un investissement de 1 milliard d'euros à l'échelle du quinquennat – en 2018, nous avons déjà pu y consacrer 78 millions d'euros.
Enfin, au-delà de ces actions quantitatives, l'année 2019 marquera l'aboutissement de deux chantiers prioritaires pour la valorisation du métier d'enseignant avec, d'une part, la pré-professionnalisation, d'autre part, la réforme de la formation initiale des professeurs. L'attractivité du métier de professeur est donc un sujet sur lequel nous travaillons fortement à l'échelle du quinquennat, et dont on a vu une amorce importante à la rentrée 2018.
Pour ce qui est de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, je répondrai évidemment aux interventions des deux rapporteures mais, sur un plan général, je peux déjà rappeler que l'école inclusive constitue la priorité majeure de ce gouvernement, qui travaille beaucoup sur cette thématique – c'est l'un des gros dossiers de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Au total, le ministère y a consacré 2,4 milliards d'euros en 2018 – contre 2,1 milliards d'euros en 2017. Ces sommes correspondent aussi bien à des dépenses résultant de l'emploi d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) – AESH et contrats aidés – et d'enseignants spécialisés que d'acquisition de matériels. L'augmentation de 300 millions d'euros en 2018 est très significative et recouvre l'augmentation des prescriptions de MDPH – + 13,9 % par rapport à 2017, alors qu'il y avait déjà eu une augmentation de 12 % en 2017 et une de 11 % en 2016. Comme vous le voyez, l'augmentation est constante : on assiste en fait à une augmentation continue de l'augmentation... Les sommes mises en jeu en 2018 ont bénéficié à 340 000 élèves en situation de handicap, contre 320 000 l'année précédente.
Lors de la rentrée scolaire 2018, plus de 3 500 ETP supplémentaires ont été affectés à des postes d'AVS et, pour la première fois depuis dix ans, le nombre d'AESH – environ 43 000 ETP – a dépassé celui des emplois aidés, qui était de 29 000, ce qui montre notre détermination à offrir des emplois plus robustes aux accompagnants. Comme vous le savez, à la rentrée 2020, il n'y aura plus de contrats aidés, mais seulement des AESH – je ne m'étends pas sur ce point puisqu'il concerne les années futures, mais c'est un élément majeur de la politique en faveur de l'école inclusive.
Dans le cadre du plan de transformation des contrats aidés en AESH, nous procédons au recrutement direct de plusieurs milliers d'AESH chaque année. Je précise que ces recrutements s'effectuent pour une bonne part durant ce mois de juin 2019 pour la rentrée prochaine, et que notre objectif est d'avoir une rentrée 2019 très préparée en amont, comme je m'y étais engagé lors du vote sur la loi pour l'école de la confiance.
Sur le plan qualitatif, par décret du 27 juillet 2018, les conditions de recrutement des AESH ont été élargies, avec une formation d'au moins 60 heures désormais garantie à ces agents – ladite formation étant dispensée en amont de la rentrée scolaire. Le développement de l'école inclusive et l'amélioration de l'accueil des élèves en situation de handicap supposent une nouvelle organisation de l'accompagnement. C'est pourquoi, depuis la rentrée 2018, les pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) expérimentés dans chaque académie nous permettent d'avoir une approche au plus près du terrain des besoins des élèves. Nous allons amplifier ces chantiers en 2019, notamment avec le recrutement des AESH en CDD de trois ans minimum.
Mme la rapporteure spéciale a fait état d'une insuffisance du titre 2. Comme elle l'a rappelé, il y a eu plusieurs mouvements de fongibilité asymétrique – c'est-à-dire des passages de crédits du titre 2 vers les autres titres – pour un montant total de 7,8 millions d'euros. Ces mouvements s'inscrivent majoritairement dans le cadre du droit d'accueil des élèves, instauré par la loi du 20 août 2008 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire. Comme vous le savez, l'État verse une compensation financière à chaque commune ayant organisé cet accueil durant les périodes au cours desquelles les enseignants étaient en grève. Ce remboursement aux communes est financé à partir des crédits non consommés sur le titre 2, et correspond aux retenues sur les salaires opérées au titre du service non fait pendant la période de grève concernée. En clair, il est assez logique que les retraits sur salaires liés aux grèves permettent de financer les frais que nous occasionnent ces mêmes grèves.
Pour ce qui est du fait que l'indicateur relatif au taux de visite médicale des enfants faisant partie du REP ne permet pas d'établir une comparaison entre ce taux et celui s'appliquant aux autres enfants, je partage votre interrogation et j'estime que votre remarque doit être pleinement prise en compte dans le contexte créé par la loi pour l'école de la confiance, puisque l'instruction obligatoire à trois ans nous a également conduits à adopter le principe d'une visite médicale pour tous les enfants au cours de leur troisième ou quatrième année. Nous attendons beaucoup sur le plan social de cette mesure, puisqu'elle doit aboutir – a fortiori pour les élèves de l'éducation prioritaire – à ce que tous les enfants bénéficient d'une visite médicale à l'âge de trois ou quatre ans. Je prends donc note de votre remarque, qui sera prise en compte au titre des améliorations à apporter au dispositif.
J'ai déjà partiellement répondu, par les chiffres que je vous ai indiqués à l'instant, à votre question relative à la meilleure visibilité sur les circuits de financement de l'inclusion scolaire. Ces circuits présentent effectivement une certaine complexité, et le prochain exercice de compte rendu budgétaire devra se traduire par une plus grande lisibilité des moyens humains et financiers consacrés au handicap et à une information enrichie sur l'impact des évolutions introduites ces derniers mois. Ce qui est certain, c'est que les augmentations sont très fortes – je tiens à le souligner parce qu'on entend parfois dire le contraire.
Les développements identifiés peuvent être envisagés. On peut imaginer d'avoir une approche en coût complet à la fois dans le cadre du titre 2 et en dehors de ce titre ; on peut faire une distinction entre les ULIS et le reste en matière d'enseignants spécialisés mobilisés, mais aussi en matière de matériel financé ; on peut avoir une identification spécifique des enseignants spécialisés ; on peut aussi avoir un bilan de la formation des AESH et des enseignants ; enfin, il est d'ores et déjà prévu un point d'étape sur la mise en oeuvre des PIAL.
Vous m'avez demandé si les différents établissements éprouvent des difficultés à coopérer entre eux, et comment favoriser leur coopération. La coopération entre les services de l'éducation nationale et les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) s'organise sur la base d'un conventionnement prévu par le décret du 2 avril 2009. L'instruction du 23 juin 2016, provenant conjointement de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), formalise aussi le cahier des charges des unités d'enseignement externalisées des ESMS dont vous avez parlé et, pour favoriser cette coopération sur le terrain, la plupart des académies ont conventionné avec les ARS, de façon à renforcer les coopérations au niveau académique et au niveau départemental.
Nous allons renforcer ces coopérations, comme le projet de loi pour une école de la confiance le prévoit, puisqu'il contient un article dédié à ces conventionnements. Pour cela, nous avons une série de mesures à préciser, notamment afin d'aboutir à un meilleur pilotage régional entre les rectorats et les ARS. Dès la rentrée prochaine, nous allons structurer le maillage départemental des dispositifs adaptés aux besoins éducatifs particuliers des élèves ; nous allons mettre en place des équipes mobiles territoriales d'appui aux établissements scolaires, qui feront l'objet d'une expérimentation à la rentrée 2019 et d'une extension à la rentrée 2020.
Par ailleurs, dès la rentrée 2019, nous allons expérimenter un PIAL par académie, qui bénéficiera d'un appui médico-social. Cela signifie qu'en lien avec la branche, nous allons développer un plan de formation des personnels médico-sociaux sur la coopération avec l'éducation nationale. En clair, nous ouvrons la voie à une coopération beaucoup plus forte, non seulement par le conventionnement, mais aussi par des réflexes professionnels liés à la formation continue. Il y aura aussi, d'ici à 2022, un doublement des UEE dont vous avez parlé et une participation des parents d'élèves scolarisés en UEE à la communauté éducative de l'école ou de l'établissement scolaire où est située l'unité d'enseignement – cela me paraît également très important.
Pour ce qui est de la prime d'éducation prioritaire pour les AESH, le régime indemnitaire en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes d'éducation prioritaire prévoit une indemnité de sujétion allouée aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d'éducation et aux psychologues de l'éducation nationale, qui sont des titulaires. Soucieux d'améliorer la situation des AESH grâce aux mesures que j'ai évoquées précédemment, nous voulons inscrire ces conditions de travail et de rémunération à l'agenda social, de façon que l'accès de ces personnels à la prime d'éducation prioritaire puisse être éventuellement pris en compte, au moins partiellement.
Cette mesure s'inscrit dans un ensemble plus large portant sur la rémunération des AESH, ce qui renvoie à court terme au temps de travail effectif de ces agents. Comme vous le savez, la transformation par les PIAL est une autre façon d'y arriver, puisqu'un grand nombre d'AESH vont travailler à plein temps, alors qu'une immense majorité d'entre eux sont aujourd'hui à mi-temps. Le dialogue social avec les AESH va nous permettre d'avancer sur ces questions. Si des progrès sont attendus en 2019 sur cet enjeu de l'école inclusive, dès 2018, on a assisté à une amorce de cette politique.
Mme la rapporteure pour avis m'a interrogé au sujet des UEEA. Sur ce point, je veux d'abord dire que le financement des UEEA et des UEMA est partagé avec les ARS et que, si le budget de l'éducation nationale est concerné, celui des affaires sociales l'est davantage. En ce qui concerne le budget de l'éducation nationale, le budget des UEEA est effectivement plus élevé que celui des UEMA. En effet, en UEEA, nous avons un ETP enseignant et un AESH – auxquels peuvent s'ajouter les AESH prescrits par les MDPH –, alors qu'en UEMA il n'y a qu'un ETP enseignant.
Je vous remercie d'avoir rappelé que nous avons une stratégie « autisme » volontariste pour la période 2018-2022, avec la création de 180 nouvelles UEMA et la création de 45 nouvelles UEEA – dont cinq étaient déjà visibles dans le budget 2018. Par ailleurs, il est prévu de créer en lycée professionnel 30 ULIS dédiés TSA. Pour conclure sur le thème de l'école inclusive, j'insiste sur le fait que le budget de l'année 2018 a marqué une impulsion forte, que l'on va retrouver au cours des années suivantes.
Comme vous, je pense beaucoup de bien de l'enseignement agricole et je le dis à chaque fois que l'occasion m'est donnée de le faire, comme cela a été le cas jeudi dernier, lors de ma visite d'un lycée agricole, organisée dans le cadre d'un congrès de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public auquel j'étais invité. Comme je le dis toujours, les lycées agricoles sont des établissements extrêmement intéressants, qui peuvent parfois même être vus comme une source d'inspiration pour le système scolaire général. Nous ne les considérons pas du tout comme des concurrents, encore moins comme des rivaux, mais comme des établissements faisant pleinement partie du service public de l'enseignement. Je veux vous rassurer en vous confirmant que les consignes d'orientation, notamment en fin de troisième, sont de valoriser l'enseignement agricole au même titre que les autres branches de l'enseignement. J'observe d'ailleurs que les enfants d'agriculteurs sont minoritaires dans les lycées agricoles, ce qui est significatif du fait que nous réussissons à les ouvrir à d'autres. Je suis cependant également d'accord avec ce que vous avez dit sur le fait que nous devons avoir des élèves au profil très urbain qui soient intéressés par l'enseignement agricole : j'y vois un enjeu très important en termes de mixité sociale et sociétale.
J'en viens aux observations formulées par M. le rapporteur général sur l'ensemble du budget et sur la sous-budgétisation des crédits du titre 2. Si cette sous-budgétisation, dont le montant en valeur absolue peut sembler important, est évidemment toujours regrettable, il convient de noter qu'elle est assez limitée par rapport aux masses en jeu : en pourcentage, 122 millions d'euros sur l'ensemble du titre 2 pour un budget initial de 65,5 milliards d'euros, cela ne représente que 0,2 % – il ne s'agit pas pour moi de justifier la sous-budgétisation, bien entendu, mais simplement de la mettre en perspective.
Pour ce qui est du titre II hors cotisations au compte d'affectation spéciale Pensions, le dépassement est de 199 millions d'euros, soit 0,4 %. Après une exécution 2017 qui s'est révélée plus élevée que prévu lors de la procédure d'élaboration du budget 2018 – pour environ 100 millions d'euros, dont 61 millions d'euros au titre du transfert des cotisations famille outre-mer à la branche famille, et 18 millions d'euros au titre de l'indemnité de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée –, il y a eu une dynamisation en 2018 de la transformation de l'accompagnement du handicap pour environ 50 millions d'euros. En d'autres termes, nous avons transformé encore plus d'emplois aidés en AESH et nous avons « cédéisé » plus d'AESH. Le volontarisme fort dont le Gouvernement fait preuve en matière de politique de l'école inclusive peut, c'est vrai, parfois aboutir à des dépassements budgétaires. À cela s'ajoutent des dépassements liés à des facteurs techniques, représentant 50 millions d'euros sur l'ensemble : il s'agit des dépenses d'indemnisation chômage pour 32 millions d'euros, ainsi que du glissement vieillissement technicité pour 18 millions d'euros. En pourcentage par rapport aux sommes mises en jeu à l'échelle du ministère, ces sommes restent relativement faibles, mais nous sommes conscients de la nécessité de nous améliorer sur ce point, et j'espère bien vous présenter une exécution 2019 plus conforme aux prévisions.
Vous me demandez, monsieur le rapporteur général, si le ministère a prévu de réintégrer les 54 000 ETPT qui ne sont pas sous plafond d'emplois. En matière d'école inclusive, il y a plusieurs catégories de personnels qui ne sont pas décomptées sous le plafond d'emplois du ministère : il s'agit essentiellement des emplois d'assistance éducative – c'est-à-dire les assistants d'éducation et les AVS. Cette particularité est liée aux modalités particulières de rémunération de ces personnels, puisque les assistants d'éducation sont rémunérés par les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), donc hors titre 2. Pour ce qui est des AVS, c'est un peu plus compliqué : si les contrats aidés sont rémunérés hors titre 2, les AESH sont rémunérés dans le cadre du titre 2 lorsqu'ils résultent de la transformation de contrats aidés ou lorsqu'ils ont été « cédéisés », et hors titre 2 lorsqu'il s'agit de CDD directement recrutés par les EPLE. A priori, cette mixité n'a pas vocation à disparaître au cours des prochains exercices. Pour la bonne information du Parlement, il me paraît important d'indiquer dans les documents budgétaires l'ensemble des emplois destinés au handicap, ce qui ne peut qu'aller dans le sens de la meilleure lisibilité de nos dépenses pour l'école inclusive, que j'évoquais précédemment. Pour cela, des travaux sont en cours de réalisation en vue du prochain projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire.
Toujours au sujet de la prise en compte du handicap, vous évoquez la difficulté des MDPH à traiter le flux croissant de demandes et vous me demandez s'il est prévu de mettre plus d'enseignants à disposition pour le traitement des dossiers. En fait, les problèmes de délais de traitement des dossiers proviennent également de causes liées à l'organisation interne des MDPH ainsi que des systèmes d'information, qui doivent être améliorés. L'association des directeurs de MDPH a identifié le nombre d'enseignants référents comme l'un des facteurs susceptibles d'améliorer les délais de traitement, mais elle ne désigne pas la contribution de l'éducation nationale comme le problème principal. Néanmoins, la mise en place des services académiques et départementaux dédiés à l'école inclusive et à la gestion de l'accompagnement humain va nous permettre de réduire en partie les charges des enseignants référents. Ainsi, la collaboration entre les PIAL et les MDPH devrait permettre de désengorger en partie les MDPH, ou au moins de leur faciliter le travail.
Pour ce qui est de la formation des enseignants sur le thème du handicap, au sujet de laquelle Mme Osson et Mme Thill m'ont également interrogé, il s'agit évidemment de l'un des points majeurs d'amélioration de l'école inclusive. Je précise que 77 % des enseignants occupant un poste d'éducation spécialisée qui relève de l'adaptation et de la scolarisation disposent d'une certification spécialisée, ce qui suppose une formation ayant un coût. Le nombre d'enseignants bénéficiant d'une formation spécialisée – le certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive et formation professionnelle spécialisée (CAPPEI), créé en 2017 – a été en légère augmentation en 2017 et en 2018. Par ailleurs, 60 personnes ont suivi la formation pour devenir directeur d'établissement d'éducation adaptée et spécialisée en 2018 – cette même année, il y a eu 1 397 stagiaires pour le CAPPEI.
La formation continue des enseignants augmente, elle aussi : on a compté 55 600 stagiaires dans le premier degré et 32 589 dans le second degré. Ce sont des chiffres importants, mais qui ont vocation à augmenter encore en 2019. Si la pente est prise, nous devons faire preuve de lucidité et de discernement, en étant particulièrement attentifs à ce qu'a dit Mme la rapporteure spéciale au sujet de la scolarisation des élèves handicapés en milieu ordinaire : comme le confirment certains retours d'expérience, le fait de ne pas avoir suffisamment préparé les choses – par exemple, si on ne dispose pas des AVS nécessaires, ou si les professeurs n'ont pas bénéficié des formations adéquates – peut aboutir à des situations difficiles. Afin d'éviter cela, nous accélérons et accentuons la coopération avec les ARS et les institutions médico-sociales. De ce point de vue, je suis heureux que vos trois interventions nous permettent d'insister à ce point sur l'école inclusive sous un angle budgétaire – celui qui nous intéresse au premier chef aujourd'hui –, mais aussi sous un angle qualitatif qui n'est pas moins important, et qu'il est d'ailleurs difficile de dissocier du premier du point de vue de la gestion – car la mise en place de personnels spécialisés nécessite de l'argent, mais aussi du temps, en raison des délais que nécessite leur formation – même si nous avons fait en sorte de réduire ces délais.
Enfin, vous m'avez interrogé, Monsieur le rapporteur général, sur les moyens des fonctions support du ministère de l'éducation nationale. Je vous remercie pour l'angle que vous avez adopté, à la fois peu habituel et salutaire en ce qu'il échappe au cliché sur l'éducation nationale auquel je suis fréquemment confronté en tant que ministre de l'éducation – cela a encore été le cas ce matin dans le cadre d'une conférence –, un cliché qui se résume au surnom que l'un de mes prédécesseurs a donné à l'éducation nationale et avec lequel je voudrais vraiment en finir. Ce surnom a en effet contribué à véhiculer des idées fausses, en particulier celle qui voudrait que l'éducation nationale soit suradministrée et paye des dizaines de milliers de fonctionnaires à ne rien faire, gaspillant ainsi des crédits qui seraient mieux employés à mettre en place davantage de moyens d'enseignement direct. C'est faux, comme vous l'avez dit et comme le prouve la comparaison des taux d'encadrement de l'éducation nationale à ceux d'autres administrations – ils pourraient d'ailleurs également être comparés à ceux de grandes entreprises du secteur privé, qui sont elles aussi dotées d'une administration et ont besoin d'encadrer les personnes qui travaillent sur le terrain.
S'il existe bel et bien de très grandes marges d'amélioration de l'administration de l'éducation nationale, cette amélioration ne s'obtiendrait pas en multipliant les postes administratifs, mais en mettant en place un bien meilleur management général, sous la forme d'une gestion des ressources humaines de proximité. Nous avons engagé une politique en ce sens, ce qui signifie que nous nous efforçons de faire en sorte que nos personnels d'encadrement et d'appui aux professeurs se trouvent au plus près du terrain.
Pour expliquer cette politique, le mieux est encore que je vous indique les chiffres pour 2018. Sur plus d'un million de personnels de l'éducation nationale, nous avons 55 000 ETP d'emplois administratifs, et 56 % de ces personnels – soit moins de 3 % des effectifs totaux du ministère – se trouvent dans les établissements, ce qui se traduit par un ratio moyen de quatre emplois administratifs par EPLE. Par ailleurs, 39 % des 55 000 ETP travaillent au sein des services déconcentrés, c'est-à-dire les rectorats, les vice-rectorats, les directions départementales, ce qui ne représente que 2 % des effectifs totaux du ministère, et 5 % sont dans l'administration centrale, ce qui ne représente que 0,3 % des effectifs totaux du ministère. Nous avons donc une administration centrale particulièrement réduite, et je sais que si nous procédions à une comparaison interministérielle, l'éducation nationale n'aurait pas à en rougir...
Tout ce que je peux vous dire, c'est que mon ministère est celui présentant le plus faible taux d'encadrement administratif, et de très loin – le rapport est de l'ordre d'un à dix ! J'aimerais être le ministre qui va en finir avec le cliché de la suradministration du ministère de l'éducation nationale car en finir avec ce cliché, cela permettrait d'en finir avec les mauvaises décisions prises sur ces questions et de moderniser l'administration du ministère de l'éducation nationale en mettant en place un management de proximité permettant d'avoir un suivi de carrière des professeurs au service de leur bien-être. L'école de la confiance, cela signifie aussi que l'on souhaite permettre aux professeurs de faire une bonne carrière et d'avoir des perspectives tout au long de celle-ci et d'être entendus quand ils se trouvent confrontés à des difficultés, ce qui suppose d'avoir des personnels les encadrant au plus près du terrain – ces fonctions ayant d'ailleurs parfois vocation à être assurées par certains professeurs, grâce à l'expérience qu'ils ont acquise et la formation qu'ils ont reçue. C'est donc une évolution plus humaine de la gestion des ressources humaines que nous avons enclenchée et, pour cela, nous avons évidemment là aussi un travail budgétaire à accomplir.
Monsieur le ministre, nous accueillons très favorablement l'idée d'une amélioration du taux d'encadrement des élèves par les enseignants. À titre personnel, en tant qu'élue d'une zone très rurale, j'espère que cela pourra aussi bénéficier aux zones rurales, afin d'éviter des fermetures de classes qui se jouent parfois à un ou deux élèves près. Chez nous, dans les zones très rurales, une fermeture de classe a pour conséquence immédiate d'imposer aux élèves concernés de longs kilomètres à parcourir pour se rendre à l'école.
Je me félicite également des mesures prises afin d'améliorer l'attractivité du métier de professeur, car c'est également une problématique à laquelle sont fréquemment confrontées les zones très rurales.
Perrine Goulet et moi-même avons le plaisir de vous présenter nos principales analyses et de vous faire partager certaines de nos interrogations concernant la mission Sport, jeunesse et vie associative.
En 2018, le Gouvernement a consommé 961,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 959,1 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur cette unité de vote. Cela correspond à une exécution de 97,6 % en CP. Si le résultat facial paraît donc globalement conforme au plafond fixé par le Parlement, il ne saurait masquer le fait que des difficultés sont apparues en cours de gestion : certaines sont nouvelles et ont été justifiées, mais d'autres se manifestent depuis plusieurs années et il est de moins en moins acceptable qu'elles perdurent.
D'abord, la dépense pour 2018 atteint 560,8 millions d'euros en AE et 560,5 millions d'euros en CP au titre de mon programme Jeunesse et vie associative. J'y vois à la fois une augmentation et une sincérisation : malgré une hausse de 3,7 % par rapport à 2017, le budget de la jeunesse et de la vie associative a respecté le plafond voté, alors que l'exercice précédent avait entraîné à la fois l'ouverture de sommes importantes en gestion et un dépassement de la loi de finances initiale de 12 %.
Le principal déterminant de ce programme, avec 80,2 % de son enveloppe, c'est le service civique. Le dynamisme des entrées de volontaires – 140 000 en 2018 contre 123 000 en 2017 –, qui ne peut qu'être applaudi et soutenu, a nécessité un prélèvement de 57 millions d'euros sur le fonds de roulement et la mobilisation de 12 millions d'euros en provenance de l'Agence de services et de paiement.
Le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) est une deuxième composante essentielle, en ce qu'il a permis que 8 millions d'euros bénéficient à la formation de bénévoles. En 2018, nous avons doté le fonds de 25 millions d'euros supplémentaires en compensation de la suppression de la réserve parlementaire, pour une nouvelle ligne « fonctionnement et innovation ».
À ce titre, 9 500 associations ont été soutenues, soit 41,5 % des 23 000 candidatures. Au total, 194 millions d'euros ont été demandés. J'y vois un résultat positif : évidemment, il n'est pas possible de satisfaire tout le monde, et ce n'est d'ailleurs le cas avec aucun fonds ! Mais cela montre que les services déconcentrés sont identifiés comme de bons interlocuteurs du mouvement associatif : j'invite donc le Gouvernement à en préserver le réseau.
Troisième point important : le compte d'engagement citoyen (CEC). Sur ce point, vous comprendrez que je fasse montre d'un enthousiasme plus nuancé. Le CEC a été mis en place en 2016 : avec les comptes de formation et de pénibilité, il constitue le compte personnel d'activité. Jusqu'à aujourd'hui, les choses ont avancé très lentement : seulement 1 million d'euros a été consommé en 2018. L'exécutif ne communique pas assez et, quand il le fait, donne des explications insuffisantes. Quand je parle de communication, je pense au grand public, mais je pense aussi au Parlement. Cela dit, monsieur le ministre, je vous remercie pour les réponses que votre cabinet a bien voulu apporter à mes questions.
Je sais que l'élargissement des populations éligibles et divers changements techniques par trois lois – sapeurs-pompiers volontaires ; égalité et citoyenneté ; avenir professionnel – ont demandé des adaptations, mais maintenant, il faut vraiment que les droits de 2017 et de 2018 puissent être recensés et les formations correspondantes débloquées en 2019, pour que tout cela soit possible et que les personnes engagées puissent vraiment avoir accès à leurs droits. À cet égard, si je veux souligner note la bonne volonté et l'énergie sans faille de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), je reste plus circonspecte quant à l'implication réelle de la Caisse des dépôts et consignations, alors que son intervention est essentielle pour la valorisation de l'engagement des citoyens.
Pour ce printemps de l'évaluation, j'ai choisi de m'intéresser au Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ). En dix ans d'existence, ce fonds, créé en même temps que le revenu de solidarité active, a financé près d'un millier d'expérimentations. Sans le FEJ, on peut sincèrement penser qu'il n'y aurait aujourd'hui ni lutte contre le décrochage scolaire, ni garantie jeunes. L'année dernière, il a soutenu des projets de lutte contre les discriminations : les associations bénéficiaires que j'ai auditionnées m'ont toutes fait part de l'utilité de cette subvention, qui permet souvent d'en amorcer d'autres, ainsi que des grandes compétences professionnelles et humaines de l'équipe qui anime le FEJ au sein de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) – une éducation populaire qui fait toute notre richesse.
Monsieur le ministre, si vous cherchez un bon rapport coût-efficacité des politiques publiques, avec le FEJ, vous en avez pour votre argent ! J'espère que vous me pardonnerez cette remarque triviale, mais je ne saurais mieux exprimer mon enthousiasme...
D'une part, il est vrai que le FEJ avait à un certain moment dévié de ses objectifs initiaux : ses concours ont parfois pu être distribués selon des critères plus politiques que scientifiques. Ce phénomène est aujourd'hui corrigé, en partie grâce au rapprochement avec le conseil scientifique et d'orientation de l'INJEP, que je salue.
D'autre part, les ressources du FEJ s'amenuisent. Les flux entrants s'éteignent les uns après les autres : les moyens versés par la fondation La France s'engage lui sont en partie retournés, les contributions des entreprises ultramarines cesseront avec la fin du dispositif fiscal spécifique, dit « LODEOM », comme le prévoit la loi de finances pour 2019, et la fondation Total a soldé son engagement en 2018... Il est donc nécessaire de réfléchir aux moyens d'accompagner les ressources du FEJ.
Monsieur le ministre, l'Agence du service civique subit des injonctions paradoxales. Elle doit maintenir l'objectif d'attirer 150 000 jeunes, mais trouver son articulation avec le service national universel. Elle doit gérer le programme Erasmus + jeunesse et sports et le corps européen de solidarité, donc embaucher, mais avec un budget serré. Sur quel soutien pourra-t-elle compter ?
Le succès de la première campagne du FDVA renouvelé ne m'empêche pas de relever quelques écueils : les formulaires sont complexes, beaucoup d'associations croient que seules les innovations sont éligibles, les seuils sont trop importants par rapport à la réserve parlementaire – voyez l'exemple du drapeau des anciens combattants – et, à tort ou à raison, les associations sportives se sentent exclues. Comment votre ministère va-t-il répondre à ces difficultés très concrètes ?
Quelles garanties pouvez-vous nous donner quant à la mise en oeuvre effective du CEC et quant aux moyens du programme 163 qui y seront consacrés ?
Additionnés, les programmes Sport et Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont engendré une dépense de 401 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 375,75 millions d'euros en crédits de paiement.
Je passerai rapidement sur l'exécution du programme 350, Jeux olympiques et paralympiques 2024, dont le taux est de 100 %. Il vit en 2018 son premier exercice, après avoir été créé par voie d'amendement. Ce résultat cache quelques difficultés : plusieurs expropriations et acquisitions de terrains, conduites par la Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques (SOLIDEO), ont pris du retard, de même que le recrutement de certains profils hautement qualifiés.
Concernant le programme 219, Sport, certaines difficultés déjà anciennes ne sont pas réglées.
Premier exemple : la compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges pour les juges et arbitres sportifs n'a pas donné lieu à la consommation des crédits inscrits, faute de pièces comptables satisfaisantes. Il est urgent de régler ce point, soit nous avons les éléments et nous compensons, soit nous abandonnons la compensation.
Second exemple, relevé par la Cour des comptes : le coût du partenariat public-privé pour les travaux de l'INSEP) a bondi de 25,7 % depuis sa signature, mais certains prix ont été sous-évalués et la facture grimpera encore. La réflexion sur le pilotage du partenariat public-privé (PPP) par l'INSEP doit maintenant aboutir.
En matière de gestion budgétaire, on observe un aller-retour de crédits particulièrement peu lisible entre le programme et le Centre national pour le développement du sport (CNDS). La loi de finances initiale a procédé à une rebudgétisation de 72,8 millions d'euros de l'opérateur vers le ministère en début d'année, mais, en fin de gestion, nous voyons apparaître une dotation de 63,4 millions en sens inverse.
Deux choses me surprennent : l'origine de la disponibilité de ces fonds, et leur destination. Son origine tient à la fois à la non-consommation des crédits initialement fléchés vers l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et à la grave sous-exécution concernant deux dispositifs. La rebudgétisation à laquelle je fais référence devait permettre au ministère de récupérer la compétence de verser les subventions aux grands événements sportifs internationaux (GESI) et aux équipements structurants nationaux. Force est de constater que le ministère n'a pas du tout anticipé ce travail, puisqu'il s'est retrouvé pris de court dans l'année, incapable de mettre en paiement des sommes pourtant disponibles. Ainsi, seulement 2,72 millions sur les 19,8 millions d'euros programmés pour les GESI ont été consommés, et 0,75 million sur les 12,5 millions prévus pour les équipements.
Enfin, la destination de cette dotation en fin de gestion – apurer une partie des restes à payer du CNDS – n'est pas convaincante. Je suis bien entendu très attachée au règlement de ces dettes, que l'Agence du sport devra reprendre. Mais je préconise plutôt de passer par une ligne claire en projet de loi de finances initiale ou rectificative, comme cela avait été indiqué l'année précédente par les services de Bercy, plutôt que de profiter d'une sous-exécution, qui plus est lorsqu'elle résulte d'une carence et non d'une économie.
La moindre des choses, alors que les taxes affectées au CNDS avaient été divisées par deux, et que celui-ci avait été contraint de réaliser 53,3 millions d'euros d'économies sur les équipements de proximité, aurait été d'orienter cet argent finalement disponible vers les clubs qui en ont le plus besoin dans notre territoire.
Une fois le retraitement opéré, l'exécution est en fait de 282,86 millions d'euros en crédits de paiement sur les actes prévus en début d'année, soit 81,5 % et non 94,4 % comme l'indique le rapport annuel de performances. C'est un vrai problème, sachant à quel point les besoins sont grands dans les clubs.
Je me suis concentrée ce semestre sur la place des fédérations dans la nouvelle gouvernance. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, d'avoir fait évoluer le projet de création de l'Agence en tenant compte des interrogations que j'avais émises dans mon dernier rapport.
Il ressort toutefois des auditions qu'un hiatus existe entre la vision du Comité national olympique et sportif français et celle d'un grand nombre de fédérations, qui ont le sentiment que leur voix a été confisquée. Elles prennent maintenant la mesure des obstacles qu'elles devront surmonter. L'État abandonne sa tutelle, mais les fédérations y étaient très attachées.
Les demandes de subventions des clubs et ligues ne seront plus instruites par les services déconcentrés puis validées ou écartées par le CNDS − qui disparaît −, mais filtrées par les fédérations puis traitées par l'Agence nationale du sport.
Cela va exiger des fédérations un travail considérable, leur imposant de recruter et de former du personnel. Et elles ont peur d'assumer le mauvais rôle auprès des associations de terrain, à qui elles devront souvent refuser des crédits. Elles vivent dans le flou et ne bénéficient d'aucun accompagnement méthodologique.
Je remercie en revanche le ministère de leur avoir fourni un budget de 20 000 euros pour prendre en charge cette nouvelle responsabilité.
Il existe une série d'inquiétudes quant à l'impartialité de l'Agence, alors que le mouvement sportif y sera juge et partie. Qui contrôlera l'usage des deniers publics ? Seul le budget de l'État pourra financer le fonctionnement de l'Agence. Il faudra prévoir des garanties pour que les projets aidés aillent bien dans le sens de l'intérêt général, notamment en faveur du sport féminin, du sport santé et de la solidarité envers les territoires carencés.
Madame la ministre, s'agissant des échanges budgétaires entre votre ministère et le CNDS, pourquoi l'argent n'est-il pas allé sur le terrain, mais a servi pour financer les restes à payer ? Est-ce que les restes à payer qui seront transférés à l'Agence seront toujours pris sur le programme 219 ?
Pourquoi le ministère n'a-t-il pas anticipé les conséquences opérationnelles liées à l'attribution de la compétence pour verser les subventions aux GESI et aux équipements structurants nationaux ?
S'agissant toujours des GESI, deux dépenses fiscales permettent des exonérations au titre des plus-values réalisées par les organisateurs de compétitions internationales en France. Pourquoi le nombre de bénéficiaires n'est-il pas connu, et surtout, pourquoi l'avantage n'est-il pas centré sur les petites fédérations plutôt que vers les grosses compétitions – telles que l'Euro 2016 – dont la rentabilité est garantie ? Cette niche est-elle encore nécessaire, au vu de l'engagement du Président de la République de supprimer certaines de ces niches fiscales ?
Enfin, plusieurs indicateurs de performance n'atteignent pas leurs cibles : licences féminines, accessibilité des clubs aux personnes en situation de handicap, suivi médical et contrôles antidopage hors compétition, etc. Quelles mesures allez-vous prendre pour mieux respecter ces engagements essentiels ?
J'ai bien entendu l'éloge vibrant du FEJ par Sarah El Haïry. À ce sujet, la loi prévoyait que des partenaires privés abondent le FEJ, mais seule la Fondation Total et l'Union des industries et métiers de la métallurgie ont participé à ce fonds. Comment impliquer des entreprises au profil plus varié pour obtenir davantage de crédits ? J'exclus par avance toute réponse du type « défiscalisation », pour m'éviter d'avoir à prendre des antihistaminiques en cette période de printemps de l'évaluation ! Vous connaissez tous mon allergie à la défiscalisation et au mécénat...
S'agissant de l'Agence nationale du sport, je partage totalement les interrogations de Perrine Goulet. J'ai bien noté que sa mise en place a été reportée au 24 avril 2019, en m'étonnant au passage qu'ait été retenue la date de la commémoration du génocide arménien, mais comment garantir l'impartialité des décisions de cette agence alors que le mouvement sportif y dispose de 30 % des voix ? Des règles de déport sont-elles prévues ? Comment s'assurer que les deniers publics seront dépensés conformément à l'intérêt général ?
Je partage également les inquiétudes de Perrine Goulet à propos des territoires carencés et des publics-cibles, qu'il s'agisse de personnes en situation de handicap ou du sport féminin.
Concernant l'INSEP, la Cour des comptes s'inquiète du coût des travaux menés dans le cadre du PPP. À la signature, en 2006, la charge totale pour l'État était de presque 327 millions d'euros sur les trente années du contrat. Vingt et un avenants ont été ajoutés, et cette charge est désormais de 412 millions d'euros. La Cour estime de plus que certains prix ont été sous-évalués et que de nouvelles opérations de rénovation seront nécessaires, ce qui fera encore grimper la facture. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour mettre fin à cette dérive totale ? Ne serait-il pas temps que l'INSEP, qui est le premier concerné, devienne l'interlocuteur du maître d'oeuvre et le payeur des loyers ?
S'agissant du service national universel, il fait l'objet d'une expérimentation dans treize départements en 2019. De nombreux rapports ont été rendus, nous connaissons l'architecture générale du projet et les différentes phases de mise en oeuvre, mais je souhaite obtenir quelques éclaircissements en vue du prochain projet de loi de finances.
Quelle sera la répartition des responsabilités entre les forces armées et les acteurs associatifs ?
Quelles conséquences entraîneront le refus de participer ? Des informations apparemment fantaisistes circulant, j'aimerais que les propos du secrétaire d'État soient couchés dans un compte rendu officiel. Il a notamment été question d'empêcher de passer le baccalauréat ou le permis de conduire.
Comment allez-vous gérer les questions de mixité, dans les différents sens du terme ?
Combien va coûter cette préfiguration et qui va en supporter la charge ?
Je suis auditionné sur l'exécution 2018 de la mission Jeunesse et vie associative, bien que je n'aie été nommé qu'en fin d'exercice budgétaire, le 16 octobre 2018. Je m'en sens toutefois totalement comptable, d'autant que cette mission a été très bien exécutée, ce qui facilite les choses.
L'effort de sincérisation budgétaire a été mené de main de maître pour ce ministère. Je vous rappelle les chiffres : 560,6 millions d'euros en AE, soit 99,72 % de consommation ; et 560,3 millions en CP, soit 99,5 % de consommation. Il restait 1,6 million d'euros en AE et 3,1 millions en CP au 31 décembre 2018.
Vous m'avez interrogé sur l'Agence du service civique. Le montant de la subvention pour charges de service public versé à cette agence a été stable entre 2017 et 2018, à 443,3 millions d'euros. Pour autant, les ressources mobilisées par l'Agence ont progressé de 71 millions d'euros, par un prélèvement sur fonds de roulement et un reliquat de trésorerie. Je rappelle par ailleurs que la loi de finances pour 2019 a augmenté le budget de l'Agence de 50 millions d'euros.
Le nombre de jeunes accueillis dans le cadre du service civique a augmenté, s'élevant à plus de 140 000 en 2018, contre 123 000 en 2017. Il est prévu que cette augmentation se poursuive en 2019, et la nouvelle présidente de l'Agence du service civique, Béatrice Angrand, y travaille.
Le service civique fait partie des dispositifs d'engagement volontaire retenus pour la troisième phase du service national universel (SNU), il est donc un élément du SNU. À mesure que le SNU montera en puissance, le service civique devra faire de même afin de pouvoir accueillir plus de jeunes qui souhaiteront s'engager.
Monsieur le rapporteur général, l'encadrement est assuré par un triptyque : éducation populaire, éducation nationale et corps en uniforme. Cette répartition se retrouve à tous les niveaux d'encadrement du SNU, qu'il s'agisse de la direction des centres, assurée par un chef de centre et trois adjoints, ou des cadres de compagnie qui encadrent chacun cinquante jeunes appelés au SNU. Cette répartition a vocation à se poursuivre pendant la montée en puissance de ce dispositif.
La participation au SNU se fait à ce stade sur la base du volontariat. Avec Jean-Michel Blanquer, nous souhaitons que dès cette année, les jeunes volontaires soient représentatifs de la diversité de la jeunesse. Si l'on se contente de mettre en place un dispositif sur la base du volontariat, il existe toujours un biais, qu'il soit culturel, social ou géographique. Nous sommes allés chercher des volontaires qui n'y avaient pas pensé au départ, dans les missions locales pour les jeunes décrocheurs, dans les centres de formation des apprentis, dans les MDPH. Cinquante jeunes en situation de handicap seront appelés au SNU cette année, c'est un chiffre important.
Lorsque le SNU deviendra obligatoire, les sanctions attachées au refus d'y participer seront décidées. Nous nous fonderons sur ce qui existe aujourd'hui pour la journée défense et citoyenneté (JDC). Si un jeune ne participe pas à la JDC, un certain nombre de verrous sont prévus lors du passage du baccalauréat ou de l'obtention du permis de conduire. Nous nous inspirerons de ces verrous pour le SNU, et nous en imaginerons peut-être d'autres avec vous dans un texte de loi spécifique sur le sujet.
Le coût de la mise en place de la phase pilote en 2019 s'élève à 4 millions d'euros, pris en charge par le programme 163 Jeunesse et vie associative. Pour 2020, nous avons annoncé l'ambition d'appeler 40 000 jeunes au SNU. Une action spécifique est prévue au programme 163 pour accueillir une ligne budgétaire dédiée à cette première étape de la montée en puissance, et les discussions budgétaires sont en cours pour définir les montants.
Madame El Haïry, je ne reviendrai pas sur votre constat sur le FDVA : les chiffres montrent que contrairement à ce que certains peuvent avancer, il est connu des acteurs associatifs – il suffit de constater le nombre de demandes faites sur le terrain. Il est vrai que la mise en place de ce fonds a été complexe, je l'avais moi-même regretté lorsque j'étais encore député. Le décret est paru très tard, à la suite des saisines nécessaires, et par la suite la procédure a été très resserrée : entre fin juillet et fin août.
Il a été compliqué pour les parlementaires de communiquer à ce sujet en circonscription, ainsi que pour les associations. Ce fut aussi compliqué pour les agents de la jeunesse et de la vie associative dans les territoires. On oublie de dire qu'ils ont dû gérer des montagnes de dossiers en plus de leurs autres missions, dont le plan mercredi. Une prime indemnitaire leur a d'ailleurs été accordée en reconnaissance de cet engagement.
Pour 2019, nous avons adapté le calendrier pour éviter ces problèmes. L'ensemble de la procédure FDVA sera achevé avant l'été dans tous les départements. Tous les versements et les notifications auront été faits au cours de l'année.
S'agissant de la simplification de la procédure, le formulaire FDVA est le formulaire unique de demande de subventions, tel qu'il est prévu par les textes. Il se borne à recueillir les éléments strictement nécessaires à l'étude de la demande : identification de l'association, coordonnées de son représentant, budget.
Une simplification est possible en utilisant le compte asso, par lequel transite la demande de subvention. La demande y est pré-renseignée, et si elle ne concerne que des frais de fonctionnement, les renseignements demandés sont réduits a minima. Nous devons mieux le faire savoir aux associations.
Vous avez abordé le ratio innovation-fonctionnement. Il faut laisser le FDVA s'installer dans le paysage mais il est vrai que nous devons communiquer davantage à ce sujet. Pour 2018, ce ratio est de deux tiers pour le fonctionnement et un tiers pour l'innovation.
Le CEC, pour sa part, connaît en effet un retard à l'allumage, dû notamment aux nombreuses évolutions législatives et réglementaires. Il a été créé par la loi du 8 août 2016 relative au travail et à la modernisation du dialogue social. Il a ensuite été modifié par la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté et par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
C'est en 2019 que tout commence : les droits acquis au titre du CEC pour les activités réalisées en 2017 commenceront à être enregistrés dans les comptes personnels de formation. Les premières formations pour les bénéficiaires commenceront en octobre, ce qui explique les mouvements budgétaires que vous avez relevés.
Les soldes de l'année 2018 – 1,029 million d'euros en AE et 1,684 million d'euros en CP – seront reportés sur 2019. Les seuls coûts engagés en 2018 étaient liés aux outils techniques : systèmes d'information, et mise en place concrète. La loi de finances pour 2019 prévoit 3 millions d'euros pour le démarrage de ce dispositif.
Il faut continuer à insister sur l'existence de ce CEC. Lors de mes déplacements, je réalise que de nombreux bénévoles associatifs ignorent qu'ils y ont droit. C'est un avantage pour les bénévoles concernés, d'autant que nous avons élargi le champ des bénéficiaires en y incluant les encadrants sportifs. Je m'efforce de faire connaître le CEC, bien qu'il ne soit pas toujours facile médiatiquement de faire passer les bonnes nouvelles.
Le FEJ est un très bel outil, qui accompagne des initiatives venant du terrain. Il a permis de belles avancées que vous avez mentionnées, et la collaboration entre le public et le privé est exemplaire de ce que nous devrions réussir à faire pour d'autres fonds. J'ai d'ailleurs annoncé l'ouverture du FDVA à des financements privés. Je consacre une partie de mon temps, à l'instar de Jean-Michel Blanquer, à échanger avec des entreprises et des partenaires privés qui pourraient contribuer à ces fonds. Le contexte actuel soulève des questions, et j'espère que les débats à venir sur l'avenir du mécénat en France contribueront à les rassurer – je dis cela pour énerver le rapporteur général ! En tout cas, nous travaillons étroitement pour obtenir des fonds supplémentaires.
D'autres pistes sont explorées, notamment le recours au programme d'investissements d'avenir, qui a abondé le FEJ à sa création, et le soutien au FEJ dans le cadre de sa participation à la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Un appel à projets pourrait être lancé cet été sur le volet consacré à la réussite éducative et un abondement d'au moins 40 millions d'euros est envisagé pour avancer à ce sujet.
Je suis également entrée en fonction en septembre de l'année dernière, et j'ai constaté comme vous que le budget consolidé des sports s'est élevé à 893 millions d'euros. Nous avons réalisé un comparatif des dernières années : c'est le montant le plus important depuis 2006. Évidemment, le programme 350 Jeux olympiques et paralympiques 2024, d'un montant de 48 millions d'euros, n'existait pas alors. Il faudra décider si cette ligne reste dans le budget des sports ou si elle est sanctuarisée ailleurs.
Ce budget traduit la disparition, en 2018, du CNDS, qui était endetté à hauteur de 250 millions d'euros. Comme l'a dit Perrine Goulet, nous avons déporté 72 millions d'euros sur la ligne 219 pour l'organisation des grands événements sportifs, les équipements structurants et le sport de haut niveau. C'est pourquoi le programme 219 atteint une hauteur jamais égalée en 2018 : 328 millions d'euros, à comparer aux 243 millions en 2017.
Ces lignes budgétaires ont en effet été sous-consommées, ce qui est imputable au manque de préparation de nos services pour accueillir ces responsabilités, mais surtout à une évaluation défaillante entre les AE et les CP. Nous savons que les équipements fonctionnent avec un échéancier de paiement : il n'est donc pas juste de prévoir le même montant en AE et en CP, mais c'est pourtant ce qui avait été fait. Je vous expliquerai ultérieurement le mécanisme par lequel nous avons décidé de corriger cela.
Ce budget consolidé de 893 millions d'euros inclut donc les 328 millions du programme 219, les 48 millions du nouveau programme 350, ainsi que 347 millions affectés au programme 124, pour la masse salariale des agents en charge des sports dans les administrations centrales et les services déconcentrés, ainsi que les conseillers techniques sportifs. Cette somme correspond à plus de 3 100 ETP, mais il est important de préciser qu'il concerne environ 5 500 agents du fait des temps partiels. Enfin, ce budget inclut la ligne du CNDS, qui était de 170 millions d'euros en 2018, après transfert de 72 millions d'euros sur la ligne 219.
Même en soustrayant les 48 millions du programme 350 Jeux olympiques et paralympiques 2024, qui correspondent à une dépense nouvelle, le budget des sports reste le plus élevé depuis 2011. Le Gouvernement a donc bien décidé d'investir pleinement dans la politique sportive de notre nation, les chiffres en attestent. Contrairement aux propos de certains lors du débat budgétaire, l'effort est fait, et il se poursuit.
Autre élément de satisfaction, le taux d'exécution des crédits pour 2018 est de 100 % des AE et des CP du programme 350, ce qui était prévisible. Pour le programme 219, le taux d'exécution est de 99,1 % en AE et de 94,4 % en CP. Les sous-exécutions constatées sur les lignes budgétaires consacrées aux charges des arbitres et des juges et arbitres, aux grands événements sportifs et aux équipements structurants, ont été reversées au CNDS pour compenser les restes à payer.
C'est une gestion responsable des deniers publics : nous avons constaté une sous-exécution, mais sur les 7 millions d'euros sous-exécutés, 6 millions sont revenus au CNDS. Ainsi, nous arrivons au total de 64 millions d'euros qui ont été reversés sous forme de subvention exceptionnelle par le ministère des sports pour compenser les restes à payer du CNDS. Le montant de restes à payer reste très important au CNDS, et nous travaillons à le réduire progressivement ; nous avons réduit cette dette de 13 % entre 2017 et 2018. Ce sont des engagements pris auprès de collectivités territoriales et d'associations, et nous ne pouvons nous dédire.
Au-delà de ces éléments chiffrés, je souhaite insister sur la réorganisation en profondeur que je mène pour le sport français, en repositionnant le ministère des sports sur des enjeux stratégiques et de conception des politiques publiques, en confiant aux fédérations le développement de la pratique sportive par le biais des projets sportifs fédéraux que vous avez évoqués, en associant les collectivités locales à la réflexion et à la décision sur le financement d'équipements sportifs, et enfin en reconnaissant le rôle des entreprises dans la mise en oeuvre de la pratique sportive.
Nous appliquons cette démarche dans le respect de notre maxime : « mieux faire ensemble », afin de répondre aux objectifs que nous nous sommes fixés, et la création de l'Agence du sport nous y aidera. Je tiens à rassurer M. Giraud : la date du 24 avril a été retenue en référence à l'année des Jeux olympiques à Paris – 2024 – et nous ne souhaitions pas perdre un mois et attendre le 24 mai.
Notre objectif, partagé avec les collectivités, le mouvement sportif, les entreprises et l'État, est de promouvoir la pratique sportive. Elle ne concerne que la moitié des Français : 66 % déclarent pratiquer du sport au moins une fois par an, vacances au ski comprises. Les pratiquants réguliers ne représentent que 52 % de la population, et parmi eux, seul un sur quatre le fait en association fédérale.
Le ministère des sports ne peut donc continuer de s'adresser uniquement aux fédérations s'il veut atteindre l'objectif de promotion de la pratique sportive, et nous souhaitons développer la pratique sportive au sein des écoles et des entreprises. C'est un facteur de réussite pour atteindre l'objectif d'augmenter de 3 millions le nombre de pratiquants en France.
Nous souhaitons également développer l'économie et l'innovation du sport pour faire passer la part du PIB consacrée au sport de 1,8 % à 2 %. Nous allons créer un groupement d'intérêt économique pour agréger les compétences françaises au sein d'une structure capable de proposer une offre intégrée afin de répondre aux appels d'offres émis dans le cadre des grands événements sportifs organisés en France ou à l'étranger.
S'agissant de la défiscalisation des grands événements sportifs en France, c'est une politique assumée afin d'améliorer l'attractivité de la France pour ces événements. Aujourd'hui, nous sommes en concurrence avec d'autres pays pour les organiser ; je ne sais pas si ce sera toujours le cas dans les prochaines années, car nous voyons les autorités organisatrices peiner toujours plus à trouver des pays hôtes. Le rapport de force va peut-être s'inverser à l'avenir, et ce seront alors les pays hôtes qui pourront imposer leur manière de faire.
Une étude que nous avons commandée laisse apparaître que les retombées économiques de l'organisation d'un événement sportif dépassent le montant des exonérations consenties. J'entends votre argument sur les plus petites compétitions, mais, la première fois que ce type de niche fiscale a été mis en place, elle a été également appliquée à d'autres compétitions dont les bénéfices étaient moindres. Cette année, la coupe du monde de football féminin va en bénéficier ; on ne pouvait pas s'attendre, il y a deux ans, à ce qu'elle recueille un tel succès, et aujourd'hui je pense qu'elle ne sera pas déficitaire. Nous allons nous concentrer sur nos engagements : la coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024 bénéficieront de ces exonérations, mais nous ne prévoyons pas de les étendre à d'autres compétitions.
Le dernier de nos objectifs est évidemment de réussir les Jeux olympiques de 2024 et de livrer les infrastructures à temps, et dans le respect du budget. L'héritage que laisseront ces Jeux olympiques à Paris constitue un dossier prioritaire.
S'agissant du PPP de l'INSEP, le loyer payé par cet institut au groupement privé qui a investi 191 millions d'euros à la place de l'État a augmenté de 10 % entre 2011 et 2017, ce qui ne correspond pas exactement aux chiffres cités par Mme Goulet.
Cette hausse s'explique car le périmètre a évolué. Soixante-dix chambres ont été rénovées depuis le début du PPP ; elles permettent maintenant de produire de nouvelles recettes, qui sont réinvesties dans ce loyer. Enfin, l'application du plan Vigipirate a entraîné des coûts nouveaux.
Si l'on exclut ces coûts, et que l'on compare à périmètre égal, l'augmentation du loyer n'est que de 1 %.
Il convient de souligner que le choix du PPP a permis une économie estimée à 6 millions par an, notamment en évitant la rémunération de 120 fonctionnaires, qui sont employés directement par le prestataire, et en réduisant les achats nécessaires aux travaux et à la gestion courante pour une économie d'environ 1 million d'euros.
Un comité d'exploitation mensuel est organisé entre la direction des sports, l'INSEP et les titulaires du PPP. Il y est discuté des évolutions de coût, que nous suivons de près.
Merci, madame la ministre. La commission des finances ne peut que vous inviter à avoir la main légère sur la défiscalisation d'événements sportifs. Nous demandons à voir les rapports d'évaluation des effets économiques de ces exonérations, qui touchent l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu, les impôts locaux, la taxe sur la valeur ajoutée, et parfois même la vente des droits audiovisuels. Ce sujet mériterait d'être étudié plus précisément à l'avenir.
Je souhaite interroger le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la mission Enseignement scolaire. Son budget est composé pour 93 % de masse salariale, ce qui laisse très peu de marges de manoeuvre. De plus, la Cour des comptes préconise l'intégration des assistants d'éducation dans le plafond d'emplois, ce qui aggraverait encore cette caractéristique.
Je souhaite néanmoins relever les efforts réalisés sur le programme Vie de l'élève, notamment la revalorisation des bourses, dont 2018 est la première application en année pleine. Sa part des crédits consommés passe à 7,6 % en 2018, contre 7,1 % en 2017, l'évolution est notable.
Il est également intéressant de relever la hausse de la masse salariale, car elle trouve son origine dans le recours aux heures supplémentaires et les effets du protocole PPCR. Elle correspond à une réelle hausse de la rémunération moyenne des agents du ministère de l'éducation nationale, et nous nous en réjouissons. C'est une juste reconnaissance de leur métier, et un facteur d'attractivité de celui-ci.
La priorisation au primaire apparaît bien à l'étude du solde entrées-sorties, qui est de + 3 684 postes.
La Cour des comptes mentionne également le pilotage et l'évaluation, je sais que ce sont des sujets qui vous importent, monsieur le ministre.
Enfin, le pourcentage de redoublements reste un indicateur de performance, or il ne me semble en rien refléter la réussite des élèves, ni les performances des enseignants. Ne pourrait-on le supprimer ?
Monsieur le ministre, je vais vous poser une question taboue. La note de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de la mission Enseignement scolaire pour 2018 fait apparaître que depuis 2012, l'évolution de la dépense ministérielle a été de 15 %, largement soutenue par l'évolution de la masse salariale, qui représente 93 % des dépenses de la mission.
Cette progression est caractérisée par deux phénomènes marquants : elle a beaucoup plus profité aux programmes qui financent le secteur public que le secteur privé sous contrat – 11,4 % et 20,1 % contre 7 % – et elle s'est faite davantage au profit du premier degré, dont le rythme de progression des crédits a été deux fois plus soutenu pendant la période.
Vous avez expliqué les raisons de l'évolution plus importante des crédits pour le primaire ; je souhaite connaître celles de la différence de traitement entre l'enseignement privé sous contrat et l'enseignement public. Le programme Enseignement privé a augmenté deux fois moins vite, alors que ses effectifs ne font que croître : il compte près de 100 000 élèves de plus sur les dix dernières années, issus de tous les milieux puisqu'une famille sur deux scolarise au moins un de ses enfants dans un établissement privé associé à l'État par contrat.
La loi Debré prévoit le principe de parité de financement. La Cour des comptes a souligné à plusieurs reprises qu'à service égal, l'enseignement privé est plus économe des deniers publics, tout particulièrement au lycée, pour des raisons d'organisation et de gestion optimisée. La situation devient difficile, d'autant que guidés par l'intérêt général, les responsables du réseau de l'enseignement catholique – qui représente 97 % des établissements privés sous contrat – ont décidé de limiter les redéploiements vers les zones en croissance démographique, donc les zones urbaines, afin de ne pas déserter les territoires les plus fragiles, particulièrement en zone rurale ou semi-rurale où il est important de laisser un choix aux familles.
Est-ce que le rapport Mathiot-Azéma, qui doit être rendu dans quelques jours, prendra cette problématique en compte dans ses propositions pour réformer l'éducation prioritaire ?
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, j'aimerais poser une première question à Gabriel Attal et à Jean-Michel Blanquer sur le service civique, le SNU et le parcours de citoyenneté, dont les missions sont étroitement liées, comme j'ai eu l'occasion de le souligner lors de l'audition du secrétaire d'État, la semaine dernière. Les préfigurations du SNU rappellent des dispositifs existants, notamment au sein de l'éducation nationale mais aussi dans le service civique et les journées défense et citoyenneté.
Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes s'interroge sur les effets de la mise en place du SNU sur le nombre de jeunes concernés et sur le budget de l'Agence du service civique. Et pour cause ! En 2018, un montant de 443 millions d'euros avait été inscrit en loi de finances initiale mais, pour la première fois, il a fallu faire un prélèvement sur fonds propres de 58 millions d'euros pour permettre la montée en puissance du dispositif et accueillir 136 jeunes en service civique à la fin de l'année, alors que l'objectif était de 150 000. La montée en puissance du service civique et sa sous-budgétisation sont un vrai sujet qui ne date pas de 2018 et qui va se poser avec de plus en plus d'acuité.
Dans quelques semaines, nous aurons une préfiguration avec 3 000 jeunes volontaires en SNU et un budget de 4 millions d'euros. En extrapolant, ce montant devrait passer à 40 millions puisque vous nous dites que le nombre de jeunes volontaires sera de 40 000 l'an prochain. Cette montée en puissance peut inquiéter. Comment allez-vous articuler ces deux objectifs importants ?
Ma seconde question sur le parcours de citoyenneté, plus précise, s'adresse au ministre. Pourquoi ne pas donner suite à la circulaire de juin 2016 qui instaurait le livret citoyen en même temps que le diplôme national du brevet ? Ce livret citoyen récapitulait tous les engagements associatifs que les jeunes de seize ans avaient eus au cours des années précédentes. Cela contribuerait à ce parcours de citoyenneté que nous approuvons tous. Que souhaitez-vous faire par rapport au plan mercredi ?
Les crédits engagés ont été consommés, ce qui est une bonne chose. Dans l'enseignement pré-élémentaire et primaire, les crédits dépensés ont même été plus importants que les crédits engagés en loi de finances initiale, ce qui traduit bien votre volonté de prioriser l'enseignement du premier degré. C'est à ce propos que, au nom du groupe La France insoumise, je souhaite vous poser quelques questions.
La première porte sur la nette diminution des dépenses concernant le personnel en situations diverses et la formation des enseignants. Comment expliquez-vous cette diminution ?
Ensuite, j'aimerais vous interroger en passant le rapport annuel de performances au filtre de l'égalité et de la réduction des inégalités dont vous vous faites le chantre. Prenons tout d'abord les indicateurs de l'objectif 1 : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun. Je sais qu'il a été modifié. Pour ma part, je suis très critique à l'égard de la philosophie de l'évaluation perpétuelle, notamment dans une perspective de rentabilité et de performance, et quand il est question d'apprentissage. Je suis aussi dubitative quant à la pertinence et à la fiabilité des évaluations qui sont réalisées pour mesurer ce que l'on doit mesurer, à savoir la fameuse maîtrise des savoirs.
Je souhaiterais néanmoins avoir quelques précisions. D'ici à 2020, vous ambitionnez de réduire l'écart qui existe entre les REP + et les REP en matière de maîtrise du socle des connaissances, et de le faire passer de 22 points à 10 points. Pour vous, ce sera évidemment une manière de juger de l'effet du dédoublement. Par quels moyens pensez-vous parvenir à ce résultat qui consiste à faire passer de 79,1 % à 89 % la proportion d'élèves maîtrisant ces connaissances ?
Dans le même temps, vous diminuez de façon drastique le taux de redoublement pour 2020, ce qui m'amène à préciser ma question. Cela signifie-t-il dire que si une proportion de 90 % d'élèves maîtrise ce socle, il n'y aura plus le redoublement, ce que vous souhaitez ? Ou alors, pour ne plus avoir de redoublement, 90 % d'élèves maîtriseront d'office ce socle, par le biais d'aménagements des évaluations ? Cette dernière possibilité ne me surprendrait pas compte tenu de la fiabilité que j'accorde aux évaluations.
Mes dernières questions concernent le collège. L'écart de taux de réussite au diplôme national du brevet entre les établissements en REP et les autres s'est agrandi. Comment l'expliquez-vous et que pensez-vous faire pour y remédier ? Toujours en matière d'égalité ou d'inégalité, les taux d'encadrement en REP sont certes plus importants, mais la part des personnels y ayant une ancienneté significative diminue : le pourcentage de ceux qui avaient une ancienneté supérieure à cinq ans est passé de 36 % à 32 % depuis 2017. Or, pour reprendre les alertes du bientôt feu Conseil national d'évaluation du système scolaire, vous savez l'importance de l'ancienneté, c'est-à-dire de l'expérience, ainsi que de la stabilité des équipes pédagogiques. Que pensez-vous faire, monsieur le ministre, à ce sujet ?
Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je souhaite d'abord faire remarquer que ce doux nom de printemps de l'évaluation s'applique, en fait, à un exercice un peu sombre. Je voudrais aussi faire observer que, lors de la présentation du rapport de Mme Thill, nous aurions peut-être pu avoir un mot sur les travaux de la commission d'enquête sur l'inclusion scolaire, qui n'a pas encore rendu son rapport...
Il faudrait aborder des sujets aussi essentiels que l'enseignement scolaire, le sport, la vie associative et l'engagement des jeunes mais, puisque mon intervention doit être très brève, je vais me concentrer sur deux questions. Le budget pour 2019 est essentiellement marqué par une reprise des suppressions de postes. Où en est l'Observatoire du pouvoir d'achat des professeurs ? Au moment de l'annonce des suppressions de postes, il avait été indiqué que, d'ici à la fin du quinquennat, un professeur débutant devrait avoir 1 000 euros de plus par an, sans recours à des heures supplémentaires. Où en est ce calendrier ?
Au nom du groupe Libertés et Territoires, je voudrais poser une première question suscitée par la remarque suivante de la Cour des comptes : « les six recommandations formulées dans la NEB 2017 peuvent être reconduites en 2018, aucune n'ayant été mise en oeuvre ». Pourquoi les recommandations de la Cour des comptes ne sont-elles pas du tout appliquées par le ministère de l'éducation nationale ?
Dans le cadre du printemps de l'évaluation, une autre question se pose avec une certaine acuité. La recommandation n° 5 vise à renseigner annuellement les indicateurs de la LOLF, en particulier ceux relatifs à l'objectif prioritaire d'atteinte par les élèves des connaissances et compétences du socle commun. L'esprit de la LOLF, adoptée en 2001 et entrée en vigueur en 2005, était précisément de faire en sorte que le Parlement soit mieux informé par l'exécutif. Pourquoi n'est-ce toujours pas le cas dans ce domaine si sensible ?
De nombreux enseignants titulaires se heurtent à des refus de détachement, ce qui les empêche de rester à un poste où ils sont renouvelés ou de prendre un emploi auquel ils sont recrutés, tandis que d'autres candidats et les établissements qui les ont sélectionnés restent en attente de réponse à leur demande. Pensez-vous que c'est ainsi que le ministère de l'éducation nationale va contribuer au développement du réseau des établissements français à l'étranger, que le Président de la République a appelé de ses voeux lors de son discours de mars 2018 ?
Dans l'action 3 du programme 230 Vie de l'élève, les autorisations d'engagement pour la scolarisation des élèves en situation de handicap atteignent près de 1,170 milliard d'euros, ce qui marque une augmentation de 46 % par rapport à 2017.
Le premier point qui a retenu mon attention est celui de la baisse du taux de couverture des notifications d'affectation en ULIS des premier et second degrés en 2018. Le pourcentage de postes spécialisés en ULIS, occupés par des enseignants spécialisés ou en cours de spécialisation, est lui aussi en baisse. Alors que le nombre de dispositifs ULIS a augmenté significativement, ainsi que le nombre d'enseignants en formation spécialisée, comment expliquez-vous ces résultats qui s'éloignent des cibles fixées ?
Le second indicateur qui doit faire l'objet d'un suivi rigoureux concerne la transformation des contrats aidés. Le rapport mentionne l'augmentation des moyens dédiés à l'aide humaine. Quelque 12 400 postes d'AESH ont ainsi été créés à la rentrée 2018. Entre 2017 et 2018, les effectifs dédiés à l'inclusion scolaire rémunérés ont progressé de 8 129 ETP, dont 6 556 au titre de la transformation des contrats aidés en AESH, et 798 correspondant à des CDD rémunérés par des établissements publics locaux d'enseignement, transformés en contrats à durée indéterminée rémunérés par l'administration.
La transformation des contrats aidés est un réel progrès mais les situations sur le terrain sont peut-être plus nuancées. Le 10 mai dernier, dans l'académie du Val-de-Marne, le rectorat a explicitement demandé de suspendre la transformation des contrats aidés en AESH, en raison de problématiques budgétaires, et de cesser tout recrutement d'AESH. Certains élèves pourraient donc voir s'interrompre avant la fin de l'année scolaire, l'accompagnement dont ils bénéficiaient. Cela ne peut rester sans réponse. Monsieur le ministre, comment expliquer cette situation et comment y remédier ?
Enfin je me suis penchée sur la durée des formations continues spécialisées dans l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Ces formations durent en moyenne deux jours pour le premier degré et un jour seulement pour le second degré. Va-t-on pouvoir faire davantage pour rendre l'école inclusive, monsieur le ministre ?
Je reviendrai très rapidement sur le FDVA. Si la Cour des comptes constate que 23 000 demandes ont été instruites, soit le double de ce qui était traité auparavant par la réserve parlementaire, elle fait état de la difficulté de disposer d'indicateurs de performance complets. Dès lors, j'attends des précisions sur trois points.
Comment assurer une exécution budgétaire équitable entre les différents départements ? Quels seraient les justes indicateurs permettant de mesurer l'impact sociétal, environnemental, économique du FDVA, tant à l'échelle locale que nationale ? Enfin, au regard de l'objectif, qui est de soutenir un maximum de petites associations répondant aux critères du FDVA, quelle serait la dotation optimale à prévoir, dans la prochaine loi de finances, pour répondre à des demandes, dont le nombre sera, à n'en pas douter, croissant ?
Nous sommes dans une phase d'évaluation. Dans cette phase, il convient d'examiner le rapport annuel de performances pour y suivre l'évolution des indicateurs.
D'abord, je relève que le premier indicateur nous renseigne sur le nombre d'élèves qui maîtrisent, ou non, en fin de CE2, les principales composantes du domaine. Or les dernières valeurs remontent à 2017, alors que l'objectif cible est fixé à 2020. Certes, quand on lit vos commentaires, on découvre qu'il n'y a d'estimation que tous les trois ans, mais pourquoi ne travaillez-vous pas plutôt avec un échantillon représentatif tous les ans ? Il me semble que cela coûterait beaucoup moins cher.
Ensuite, je constate que nous sommes très loin des résultats. L'augmentation des moyens à l'éducation nationale devrait au moins entraîner une amélioration des performances... Quand on voit que, dans les REP, on est à 60 % en 2017 alors que l'objectif est d'atteindre 80 % en 2020, c'est-à-dire en trois ans, on est sûr que l'objectif ne sera pas tenu ! Quant au sous-indicateur qui concerne la scolarisation des élèves du premier degré en situation de handicap, les taux de couverture des notifications d'affectation en ULIS varient de 87,2 % en 2016 à 86,6 % en 2017 et 85,6 % en 2018, c'est-à-dire qu'on constate une baisse continue alors que l'objectif est d'atteindre 98 % en 2020 ! Cet objectif ne sera lui non plus pas tenu. Il convient là aussi d'expliquer pourquoi.
Je vais m'adresser maintenant aux deux jeunes représentants du Gouvernement... Vous avez un budget de moins de 1 milliard d'euros et des dépenses fiscales et taxes affectées supérieures à 3 milliards d'euros. Dans la recommandation n° 5 de la note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes indique qu'il n'y a aucune évaluation de ces 3,1 milliards d'euros. Pourquoi ne procédez-vous pas à l'évaluation de ce qui représente trois quarts de vos moyens budgétaires ?
Ma question a trait à la mission Enseignement scolaire. Monsieur le ministre, la politique des ressources humaines que vous conduisez au ministère consiste entre autres à renforcer l'attractivité et les conditions d'exercice du métier et du déroulement de la carrière. Cette politique repose sur trois branches : la branche métier, pour laquelle le projet de loi pour une école de la confiance contient des mesures, telles que le pré-recrutement à la formation initiale, mais aussi la formation continue et la formation continuée ; la branche de gestion des ressources humaines en tant que telles, animée d'une volonté d'aller vers une fonction RH de proximité, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure ; enfin, la branche rémunérations.
La mise en oeuvre du protocole PPCR a permis une meilleure reconnaissance de l'engagement des fonctionnaires, en revalorisant leur grille indiciaire et en améliorant leurs perspectives de carrière. Concernant le rehaussement des grilles indiciaires, il était envisagé, entre 2016 et 2020, un gain annuel de 1 000 euros pour les enseignants stagiaires. Concernant la politique de convergence du premier degré vers le second degré, les taux de promotion à la hors classe poursuivent leur alignement – l'objectif étant un rattrapage à horizon 2020. J'aurais donc souhaité que vous nous fassiez, si c'est possible, un état des lieux de la progression de ces deux objectifs sur l'exécution budgétaire 2018.
On s'étonnerait que je ne parle pas de sport ! D'abord, je voudrais dire que je partage intégralement les constats et interrogations de la rapporteure spéciale Perrine Goulet sur l'exécution budgétaire 2018.
Madame la ministre, vous dites que le budget du sport affiche, dans un horizon comparatif, le montant le plus élevé depuis 2006, en termes d'exécution budgétaire. Mais cela dépend, bien évidemment, de ce qu'on prend en compte. Si on regarde plus précisément, vous avez sans doute raison sur la dépense sportive de l'État, mais je pense que l'affirmation est plus contestable, si on regarde très précisément si ces crédits sont allés vers le développement de la pratique sportive, et notamment du sport pour tous.
Dans l'exécution budgétaire 2018 est intégré le nouveau programme 350 qui finance la SOLIDEO. Mais il s'agit exclusivement de financement d'ouvrages sportifs, non de dépenses pour de nouveaux pratiquants sportifs. Surtout, en 2018, une dotation sur fonds propres de 64 millions d'euros a été versée au CCNDS ; c'est tout de même peu banal comme cavalerie budgétaire... Car cette dotation sur fonds propres a été versée grâce à la sous-exécution du dispositif de compensation des générations de charges sociales pour les arbitres et les juges sportifs, d'une part, et grâce à la sous-exécution des subventions aux GESI et aux équipements nationaux structurants, d'autre part – ces missions étant anciennement dévolues au CNDS.
La Cour des comptes dresse un constat implacable. Selon elle, le budget du CNDS est passé de 260 millions d'euros en 2017 à 130 millions en 2018. Bien sûr, il y a eu rebudgétisation de 70 millions au bénéfice de l'État, suivie d'une sous-exécution ; mais il y a eu, surtout, 54 millions de moins pour la part territoriale. Or ces fonds allaient à nos clubs et à nos territoires. La Cour des comptes constate donc très bien que le CNDS a effectivement connu une baisse des dépenses consacrées au développement de la pratique du sport pour tous.
Je voulais enfin vous interroger sur le reste à payer, puisque l'ex-CNDS affichait 220 millions d'euros de reste à payer. Si l'on en soustrait 60 millions, le reste à payer s'élève tout de même à 160 millions, à honorer par l'Agence nationale du sport. Comment cela va-t-il se passer ? Car, aujourd'hui, le seul contributeur financier de cette agence, c'est l'État, à hauteur de 350 millions d'euros.
Mme Dalloz m'a interrogé sur l'équité dans la répartition des moyens entre le privé et le public. Bien entendu, nous appliquons strictement la loi Debré ! Vous savez que le système français repose sur un équilibre, dit « 80-20 », et que nous travaillons à ce que cet équilibre soit préservé à tous égards, du côté des effectifs comme d'un point de vue financier. À cet égard, je voudrais dire que, depuis 2017, nous avons mis une forme de garrot sur les fuites vers le privé. Autrement dit, ce que vous avez affirmé sur l'augmentation des effectifs dans le privé vaut moins, ou même plus du tout, depuis la rentrée 2018. C'est un premier point. Je pense que, même si ce n'est pas un indicateur LOLF, c'est un indicateur intéressant qui nous renseigne sur l'attractivité du service public, qui n'est peut-être pas si mal défendu par les politiques actuelles.
Le fait qu'il y ait une augmentation pour le premier degré par rapport au second degré correspond à une politique complètement assumée. Il n'y a pas de doute sur ce point : c'est une priorité qui a une très grande rationalité et une très grande logique quand on analyse un peu la situation. Comme vous le savez, la France a un retard par rapport aux autres pays de l'OCDE en ce qui concerne l'école primaire, mais ce n'est pas le cas pour l'enseignement secondaire. Il est donc normal d'investir davantage. Ce que nous faisons pour l'école primaire, par ailleurs, nous le faisons aussi pour l'enseignement secondaire si les élèves arrivent en sixième en maîtrisant bien les savoirs fondamentaux.
Il est exact que le premier degré de l'enseignement privé bénéficie parfois moins – pas dans une proportion de 80-20 – des nouvelles mesures que nous adoptons. C'est particulièrement vrai pour l'éducation prioritaire. Le dédoublement, par exemple, ne concerne pas l'enseignement privé, ce qui se voit nécessairement sur le plan budgétaire. L'avantage d'être beaucoup critiqué est que les critiques se répondent. J'ai eu à affronter, à l'occasion de la loi pour une école de la confiance, l'accusation de vouloir avantager le privé au travers de l'instruction obligatoire à trois ans, qui était prônée par ailleurs par ceux qui adressent cette critique, mais vous me reprochez vous-même le fait que le privé ne soit pas assez avantagé. Il y a peut-être un débat à organiser... Dans ce domaine aussi, nous sommes sur une ligne que je qualifierais d'équilibre. Il faut également savoir que les AESH qui sont affectés dans le privé, d'une manière équitable, le sont dans le cadre du programme 230 Vie de l'élève. Cela a pu conduire à des trajectoires différenciées que vous avez constatées, mais la loi Debré est parfaitement respectée et l'équilibre 80-20 l'est aussi.
J'ai lu votre argumentaire, monsieur Juanico. Selon vous, le SNU serait redondant par rapport à ce que nous devrions faire dans le cadre de l'école. On peut prendre cette question sous l'angle budgétaire, mais aussi et d'abord sous l'angle éducatif. Je pense non seulement que le SNU ne sera pas redondant mais qu'il deviendra une sorte de point de repère majeur en amont et en aval. Le SNU va concerner des jeunes de 16 ans : cela enverra un signal vers l'amont, notamment le collège, sur les enjeux de l'engagement. Sur ce point, nous sommes d'accord : il faut encourager l'engagement des élèves dans des causes altruistes et d'intérêt général, l'exemple typique étant celui de l'environnement, au sujet duquel je ferai d'ailleurs des annonces très prochainement, à la suite des concertations qui ont eu lieu avec les lycéens au cours des deux derniers mois. On doit promouvoir l'engagement au stade du collège, je suis d'accord avec vous, tout en étant attentif à toutes les formes d'engagement – le SNU mais également le service civique. J'ai en tête les critiques qui ont accompagné la naissance de ce dernier, comme d'autres naissances. Or, aujourd'hui, on entend surtout défendre le service civique et je me réjouis que vous le fassiez. Je ne doute pas que l'on défendra le SNU dans quelques années au cas où il y aurait des menaces budgétaires pesant sur lui. C'est simplement une question de chronologie et de patience...
Nous servons la même cause dans les deux cas, c'est-à-dire l'esprit républicain : il s'agit de susciter un sens de l'engagement chez nos élèves. Là où nous allons nous retrouver, monsieur le député, c'est sur la nécessité de le faire. Faut-il, pour cela, appliquer le parcours « citoyen » tel qu'il a été conçu dans le cadre de la circulaire de 2016 ? Une expertise menée par la DGESCO conduit à considérer que le parcours « citoyen » est un peu lourd. On peut souvent avoir de bonnes idées, avec de bonnes intentions, mais il existe un risque d'accumulation : il y a déjà le livret scolaire qui est complexe. Avoir un livret « citoyen » peut être intéressant – ma réponse ne constitue donc pas une fin de non-recevoir – mais il faut tout mettre à plat. Nous parlons beaucoup de parcours sport et santé avec les ministres compétents. Ce sont de bonnes idées, mais on doit faire attention, comme avec les cartables, à ne pas tout alourdir à l'excès. Je vous rejoins complètement sur le fond, c'est-à-dire sur la nécessité d'avoir un parcours cohérent pour l'élève en ce qui concerne l'engagement civique. On doit pouvoir le valoriser dans le cadre du brevet. Nous allons d'ailleurs mener des discussions en 2019 et 2020 dans la perspective d'une évolution du brevet en juin 2021 : on pourra prendre en compte les enjeux civiques et on retrouvera certainement des idées qui figurent dans le parcours « citoyen », mais d'une manière permettant de ne pas trop alourdir le système.
Je passe à l'intervention de Mme Rubin, qui a critiqué une logique d'évaluation perpétuelle et a émis un doute sur sa pertinence pour juger la maîtrise des savoirs. C'est évidemment un point très important et très intéressant. Je lis souvent des critiques de ce type. Certaines d'entre elles, mais pas nécessairement la vôtre, sont vraiment très caricaturales : on voit dans l'évaluation une espèce de discours managérial traduisant une volonté de gérer le système scolaire selon une vision comptable ou chiffrée. Ce ne sont pas des gros mots, mais il ne s'agit évidemment pas de notre idée. Notre système scolaire n'est pas guetté par le risque d'une évaluation perpétuelle mais plutôt par celui d'avoir beaucoup de trous dans la raquette, dont les premières victimes sont les élèves les plus défavorisés.
C'est le sens d'une des mesures prévues par la loi pour une école de la confiance : grâce au conseil de l'évaluation, chaque école, chaque collège et chaque lycée pourront bénéficier d'une évaluation, à commencer par une autoévaluation. C'est un outil de progrès social : si nous n'agissons pas ainsi, il restera des trous dans la raquette et ce sont toujours les plus défavorisés qui pâtissent, je l'ai dit. Je crois donc qu'il faut être attentif au discours que l'on tient sur cette question. Toute évaluation n'est pas bonne en soi, bien sûr, mais il est certain que l'absence d'évaluation est mauvaise en elle-même. Ce que nous avons développé ces dernières années s'est beaucoup concentré sur le CP et le CE1, mais il y a aussi des évaluations au début de la sixième et de la seconde. Elles sont toutes faites pour venir en aide à l'élève, d'abord et avant tout. C'est leur première utilité. Mais cela nous permet aussi d'avoir des données qui sont beaucoup plus fiables.
J'en profite pour répondre dès maintenant à une question de M. de Courson, qui a évoqué l'évaluation à la fin du CE2. Il s'agit déjà d'une évaluation par échantillons, dont la fiabilité est moins grande, je le reconnais, que celle des évaluations réalisées au CP et au CE1. Outre que ces évaluations ont été conçues avec le Conseil scientifique de l'éducation nationale, elles donnent une vision à 360 degrés des compétences attendues pour les savoirs fondamentaux. C'est un progrès absolument considérable grâce au levier que cela représente pour chacun des élèves. Nous ne sommes qu'au tout début du processus, qui existe depuis un an. Il y a eu des tirs multiples, de différentes origines, y compris votre mouvement, mais je maintiens que c'est un facteur de progrès fondamental sur le plan pédagogique mais aussi social. Si vous me permettez de reprendre cette expression : l'histoire jugera. L'évaluation est une des clefs du progrès pédagogique et social, mais elle est également utile dans le cadre des travaux menés ici. Cela me permettra de me présenter en étant plus à l'aise devant vous au cours des prochaines années lorsque vous me poserez à nouveau des questions sur l'annualité des indicateurs – elle existe pour le CE1 – et leur fiabilité.
Vous avez fait preuve d'un pessimisme doublé de soupçon – le soupçon étant au service du pessimisme, à moins que ce ne soit l'inverse –, que je ne partage pas.
Pour ma part, je ne suis pas pessimiste. Il est vrai que nous avons des objectifs ambitieux d'amélioration des objectifs en REP et en REP+, et ce n'est pas en jouant sur les indicateurs que nous les atteindrons – puisque je crois que c'est ce que sous-entendait l'une des questions. Il est hors de question de changer de méthode. En revanche, il est exact que la mesure volontariste de dédoublement des classes de CP et de CE1 doit nous permettre d'atteindre notre objectif de réduction des inégalités entre les REP et les REP+, d'une part, et le reste du système scolaire, d'autre part.
Même si les premiers indicateurs sont très encourageants, nous avons reçu un certain nombre de critiques. Je dois dire que j'examine toujours les critiques qui nous sont faites avec attention, car elles peuvent être très utiles lorsqu'elles sont constructives. Mais certaines critiques – et je ne parle pas des vôtres – me stupéfient par l'espèce de joie mauvaise qui les anime. On a l'impression que certaines personnes ont envie de nous voir échouer, pour avoir le plaisir de critiquer le Gouvernement. Pour ma part, je considère que nous devrions oeuvrer tous ensemble à la réussite de ces politiques publiques.
Et c'est la même chose sur bien des sujets : j'ai vu des gens essayer de démontrer qu'avec la réforme du lycée, les élèves de seconde n'auraient pas vraiment le choix et que cette réforme aboutirait en réalité à la reconduction des anciennes séries. Nous avons fait des enquêtes très fiables qui montrent que cela n'est pas vrai. L'espèce de joie mauvaise de ceux qui ont envie que cela ne marche pas me stupéfie. Elle en dit long sur l'état de défiance de notre société. Je me battrai jusqu'au bout pour qu'il en soit autrement. La critique, qu'elle vienne des milieux politiques, syndicaux ou médiatiques, est une chose normale. Mais il serait souhaitable qu'elle serve, comme c'est le cas dans d'autres pays, à faire avancer les choses, et pas seulement à dire que le Gouvernement fait fausse route, surtout lorsqu'il fait des choses que l'on aurait bien aimé faire soi-même.
Les taux d'encadrement en REP sont bons et je vous remercie de l'avoir souligné, madame la députée. Vous soulignez néanmoins une diminution de l'ancienneté des professeurs et vous avez raison de vous intéresser à ce facteur, car il est juste de dire que la pérennité des équipes et l'ancienneté des professeurs sont des facteurs de réussite en REP et en REP+. Le rajeunissement des équipes est, en réalité, un effet de notre politique volontariste : pour réaliser le dédoublement des classes, nous avons fait venir un grand nombre de professeurs en REP et en REP+, ce qui a fait baisser la moyenne d'âge. Nous travaillons par ailleurs, ainsi que vous le demandez, à renforcer le taux d'encadrement et à améliorer l'attractivité des postes en REP+. L'une des mesures-clefs pour améliorer cette attractivité est la prime de 1 000 euros, qui sera portée à 2 000 euros à la rentrée prochaine. Cette prime permet non seulement d'attirer, mais de fidéliser les professeurs.
Madame Faucillon, vous m'interrogez également sur l'Observatoire du pouvoir d'achat des professeurs, dont j'ai effectivement annoncé la création. Je vous remercie de votre question, car cela me donne l'occasion de vous dire que la direction générale des ressources humaines a achevé le travail technique préparatoire. J'organiserai, avant la fin de l'année scolaire, une première réunion avec les représentants des organisations syndicales pour leur présenter le socle d'organisation de cet observatoire. Je vous confirme par ailleurs que nous travaillons activement à améliorer la rémunération des professeurs, même si j'ai été surpris d'entendre le contraire ces derniers jours. Il s'agit évidemment d'un travail de longue haleine – et la commission des finances en sait quelque chose – puisque cela nécessite une planification, une vision pluriannuelle et des interactions avec nos collègues et amis de Bercy.
Tout cela prend du temps, il faut bien l'admettre, mais ce qu'il ne faut pas sous-estimer, c'est, premièrement, que nous avons reconnu l'importance de ce sujet et, deuxièmement, que le Président de la République a lui-même fait des annonces en ce sens lors de sa conférence de presse, tout en expliquant qu'il faudrait articuler cette réforme à celle des retraites, de façon à trouver une solution juste et équitable. Je comprends qu'il puisse y avoir de l'impatience, mais je ne comprends pas, en revanche, que l'on fasse comme si tout cela n'avait pas eu lieu : à mes yeux, la conférence de presse du Président de la République est un premier pas essentiel.
Du reste, nous n'avons pas attendu cela pour procéder à de premières revalorisations, en honorant parfois l'engagement d'anciens gouvernements. Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le rythme de mise en oeuvre de nos annonces, notamment sur les augmentations en début, en milieu et en fin de carrière. Je confirme les chiffres que vous avez donnés : en 2021-2022, un professeur des écoles débutant gagnera, chaque année, 1 000 euros de plus qu'au début du quinquennat. Cette augmentation sera évidemment plus importante pour un professeur en fin de carrière : elle dépassera 2 000 euros. Ceci n'est pas exclusif d'autres augmentations et, comme l'un d'entre vous l'a rappelé, nous avons déjà contribué à augmenter le pouvoir d'achat des professeurs par la politique des heures supplémentaires. Vous le voyez, nous combinons une politique d'augmentation universelle, par les mesures de carrière, et des mesures plus ponctuelles, comme les heures supplémentaires, ou spécifiques, comme les primes en REP+.
Monsieur El Guerrab, vous m'avez demandé pourquoi les recommandations de la Cour des comptes n'étaient pas mises en oeuvre. Il se trouve que nous avons reçu récemment – et c'est suffisamment rare pour être noté – un satisfecit de la Cour des comptes au sujet de notre politique de l'éducation prioritaire. Elle a souligné que nos décisions en la matière étaient conformes à ses préconisations.
Vous avez évoqué six recommandations de la Cour des comptes et je ne peux pas vous répondre sur tous les points. Je vous propose donc de vous adresser certaines réponses par écrit. Vous soulevez le problème du refus de détachement des personnels du ministère de l'éducation nationale à l'AEFE. C'est un problème que nous connaissons bien : il est dû au fait que deux objectifs, l'un et l'autre tout à fait valables, peuvent parfois entrer en contradiction : celui de détacher des professeurs pour enseigner dans des lycées français à l'étranger, d'une part ; celui de disposer, en France, des moyens humains nécessaires à chaque rentrée scolaire, d'autre part. Si un rectorat envoie un professeur de mathématiques au bout du monde et qu'il lui manque un professeur de mathématiques à la rentrée, il y a un problème. Nous essayons d'aborder cette question de la manière la plus juste possible, mais il y a parfois des arbitrages à faire.
Cela étant dit, nous essayons de ne pas diminuer le nombre de détachements du ministère de l'éducation nationale. Surtout, nous avons une stratégie à moyen et à long terme, notamment avec la réforme de la formation des professeurs : nous voulons faire en sorte que les jeunes professeurs puissent aller davantage à l'étranger, mais pour des séjours plus courts. Au début du mois de juillet, le Président de la République s'exprimera lui-même sur les enjeux de l'évolution de l'AEFE et de l'enseignement français à l'étranger. Des décisions seront prises en matière de gestion des ressources humaines pour remédier à ce problème structurel.
Madame Dubois, vous m'interrogez sur le pourcentage de professeurs spécialisés en ULIS. La situation est comparable à celle que nous connaissons dans le réseau d'éducation prioritaire : nous avons multiplié les ULIS, mais le rythme de formation des professeurs spécialisés n'a pas suivi. Nous devons à présent – et nous avons prévu de le faire pour les années 2019 et 2020 – renforcer la formation des professeurs spécialisés en ULIS. Vous avez également évoqué la fin des recrutements dans l'académie de Créteil : je n'ai pas eu connaissance de ce problème et vais m'en informer. Nous avons, normalement, une politique de recrutement tout au long de l'année, qui doit nous permettre de répondre aux besoins.
Enfin, s'agissant des questions de Mme Charvier sur l'attractivité du métier, j'ai en partie répondu en parlant de la rémunération et du rythme du rattrapage, ainsi que de la gestion des ressources humaines de proximité. Nous avons donc bien une stratégie visant à renforcer l'attractivité du métier, qui passe en effet par les trois facteurs que vous avez rappelés : le métier lui-même, la gestion des ressources humaines de proximité et la rémunération.
Madame Provendier, vous avez posé trois questions concernant le FDVA.
La première concerne l'équité entre les départements s'agissant de l'exécution. En réalité, l'équité existe déjà, puisque la dotation pour chaque département répond à des critères extrêmement objectifs : le stock d'associations, le flux des créations et, bien entendu, la population. Quand on regarde les choses, on s'aperçoit que la clef de répartition entre les départements est plus équitable que ne l'était la réserve parlementaire, même s'il est vrai que le montant global est inférieur à celui qui était versé à travers cette dernière.
En ce qui concerne ensuite l'impact, je pense qu'il faut raccrocher la question, de manière plus globale, à l'impact de ce que j'appelle l'« investissement dans les associations » : un euro versé à nos associations, qu'est-ce que cela génère, en termes de coûts évités pour la société, mais aussi de valeur produite dans certains territoires ? C'est une véritable question. Un certain nombre d'études ont été réalisées, émanant pour l'essentiel du mouvement associatif ; elles sont parfois divergentes. Selon moi, il y a de la place pour une étude de référence sur le sujet, à laquelle participeraient les pouvoirs publics. Des organismes comme France Stratégie pourraient également y prendre part. Je reviens du Québec où une étude de ce type a été faite ; c'est extrêmement utile pour aborder la question. Je crois savoir que la commission des affaires culturelles et de l'éducation et vous-même, madame Provendier, vous interrogez sur la possibilité de lancer une mission concernant l'évaluation. J'y suis très favorable.
Vous nous demandez, enfin, quelle serait la dotation optimale du FDVA pour 2020. Plus elle sera importante, mieux ce sera... ! Nous sommes en pleine négociation budgétaire, il est donc difficile de donner un chiffre, mais nous défendons évidemment, Jean-Michel Blanquer et moi-même, une augmentation du FDVA, de la même manière que nous nous battons pour une augmentation du budget de l'Agence du service civique. Je veux rappeler que nous avons également ouvert le FDVA à d'autres sources de financement, notamment privées. Nous espérons que cela va fonctionner. Nous avons autorisé le mécénat par des PME-TPE dans les territoires, pour de petites associations. Là aussi, les députés ont un rôle important à jouer pour créer des synergies et trouver des financements alternatifs.
Monsieur de Courson, vous avez souligné ce qui constitue, effectivement, une forme de paradoxe pour la mission Sport, jeunesse et vie associative, à savoir le décalage entre les crédits budgétaires et la dépense fiscale. Cela tient au fait que l'ensemble de la dépense fiscale liée aux dons aux associations est rattaché à notre ministère, alors même que toutes les subventions aux associations sont loin de l'être. Si tel était le cas, en effet, le budget de la vie associative serait de 5 milliards d'euros. Or nous en sommes très loin. Les subventions aux associations sont présentes dans chacun des programmes budgétaires : il faut regarder le « jaune » dédié à ce sujet pour avoir une vision d'ensemble.
Vous posez la question de l'évaluation. C'est un enjeu important. Ce qui complexifie encore les choses, c'est que cette dépense fiscale est liée à Bercy plutôt qu'à notre ministère ; c'est donc Bercy qui est chargé de son évaluation. Toutefois, pour répondre à votre question, un rapport a été rédigé en 2011 – cela commence donc à dater un peu. Il concluait à l'efficacité de nos dispositifs de soutien fiscal au mécénat et aux dons aux associations, mais posait la question de leur efficience. Je pense qu'il pourrait y avoir une évaluation sinon annuelle, du moins plus régulière sur le sujet. Nous y travaillons avec Bercy. Nos services, notamment la DJEPVA, demandent systématiquement à la direction générale des finances publiques, dans les conférences budgétaires, que cette évaluation soit conduite.
Je crois savoir aussi que la commission des finances a mis en place un groupe de travail sur l'évaluation du mécénat. Nous serons attentifs à ses travaux. Je me permets simplement, au vu des débats actuels sur le sujet, de vous mettre en garde : le mécénat n'est pas une niche fiscale. Il ne doit donc pas être appréhendé de la même manière.
Disons qu'il y a un débat sur le sujet.
Pour la commission des finances, le mécénat est bien une niche fiscale, je suis désolée de vous le dire : ce qui donne lieu à un crédit d'impôt ne peut pas être autre chose.
Cela fait débat. Si je puis me permettre d'aller jusqu'au bout de mon raisonnement, le crédit d'impôt recherche, effectivement, donne lieu à un crédit d'impôt, mais aussi à des contreparties pour l'entreprise. Dans le cas du mécénat, ce n'est pas la même chose, ou alors, si les contreparties sont très fortes, il ne s'agit plus de mécénat : c'est du sponsoring. On peut s'interroger sur le plafond des contreparties pour ce qu'on définit comme étant du mécénat. Cela dit, je le répète, le mécénat ne peut pas être considéré comme une niche fiscale au même titre que les autres. La question fera l'objet de beaux débats dans les mois qui viennent ; je m'en réjouis.
Je souhaite faire un point d'évaluation au sujet de l'organisation des GESI. Une étude portant sur l'impact économique de l'Euro 2016 montre que cet événement a engendré 1,2 milliard d'euros d'activité supplémentaire, résultant spécifiquement de cet événement, mais aussi l'équivalent de 9 700 ETP en heures travaillées, et 75 millions d'euros en recettes supplémentaires pour l'État – le tout pour 65 millions d'euros d'exonérations fiscales, ce qui montre bien qu'il est parfois intéressant de mettre en place ces exonérations.
M. Juanico a évoqué le fait que le CNDS a pu poser problème, du fait qu'il prenait des engagements excédant ses recettes annuelles. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons transféré ses trois lignes vers le programme 219, en conservant leurs intitulés respectifs, à savoir grands événements sportifs, équipements nationaux structurants et développement du sport de haut niveau. On peut se dire que des économies ont été faites, dans l'objectif de réduire la dette importante du CNDS et d'assainir son fonctionnement.
Comme l'a dit Perrine Goulet tout à l'heure, il y a eu une sous-exécution – non pas de 2 millions d'euros, mais de 8 millions d'euros, sur les 19 millions d'euros constituant l'ensemble des crédits. Le différentiel a été reversé pour compenser le reste à payer : je précise qu'il s'agit de dettes payées pour les collectivités territoriales, ce qui permet à celles-ci d'engranger une plus grande part de financement pour les associations.
Cependant, il convient d'accorder une grande importance à la part territoriale des financements, c'est pourquoi, entre le budget pour 2018 et celui pour 2019, on a augmenté la part territoriale de 12 %. Sur le budget de cette année, dans l'enveloppe que déploiera l'agence sur les parts territoriales – en incluant les projets sportifs fédéraux (PSF), mais aussi tout le restant –, il y aura une augmentation dédiée aux emplois et au financement des associations.
En ce qui concerne les charges liées aux juges et aux arbitres, pour que ce qui s'est passé au cours des dernières années ne se reproduise pas et qu'on puisse évaluer au plus près des coûts, nous avons engagé une réflexion avec l'ACOSS et l'Association française du corps arbitral multisports, afin de mettre en place une plateforme déclarative et de permettre aux juges et arbitres de se déclarer eux-mêmes.
Il y avait tout de même eu une sur-évaluation de notre part, c'est pourquoi nous avons souhaité la mise en place d'un outil permettant une évaluation plus précise. Nous l'avons déjà réduite cette année en la faisant passer de 60 millions à 20 millions d'euros, mais nous devons absolument pouvoir disposer d'une meilleure visibilité sur la véritable utilisation des fonds.
Enfin, trois critères vont être pris en compte pour l'évaluation des PSF, à savoir la transparence, la collégialité et la responsabilité sociale et environnementale, afin que les associations des territoires puissent bénéficier, comme c'était le cas auparavant avec le CNDS, des financements de l'Agence et, au-delà, du ministère.
Membres présents ou excusés
Réunion du lundi 3 juin 2019 à 15 heures
Présents. - Mme Émilie Bonnivard, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Olivia Gregoire, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sabine Rubin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier
Assistaient également à la réunion. - M. Hervé Berville, Mme Anne Brugnera, Mme Fannette Charvier, M. Alain David, Mme Jacqueline Dubois, Mme Elsa Faucillon, Mme Anne Genetet, M. Régis Juanico, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Jacques Maire, M. Jacques Marilossian, M. Frédéric Petit, Mme Florence Provendier, Mme Agnès Thill
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