Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du mardi 2 juillet 2019 à 15h00
Pour une école de la confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Permettez-moi tout d'abord de saluer les collégiens et collégiennes de troisième qui viennent de terminer leurs épreuves du diplôme national du brevet et de leur souhaiter, ainsi qu'à leurs professeurs, de bonnes vacances bien méritées.

L'aboutissement de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi traduit une profonde incompréhension entre les personnels éducatifs, les parents d'élèves et les décideurs et décideuses publics. Pendant des semaines, les personnels de l'éducation nationale, avec le soutien des parents d'élèves, se sont mobilisés pour nous alerter sur la situation critique au sein d'écoles, de collèges et de lycées et sur leurs interrogations face aux différentes réformes engagées.

Le projet de loi sur l'école de la confiance suscite de nombreuses inquiétudes, car ce texte, loin de répondre aux difficultés de notre système éducatif, comporte bien des écueils et bien des lacunes.

Si je salue l'obligation de scolarité dès 3 ans – j'ai d'ailleurs moi-même déposé une proposition de loi dans ce sens au début de la législature – , les modalités de financement des maternelles privées par les collectivités territoriales et des compensations de l'État ne nous semblent toujours pas clarifiées. L'essentiel est toutefois ce droit à être scolarisé depuis 3 ans jusqu'à, je l'espère, 18 ans demain, car l'école est le pilier d'une République qui attend quelque chose de tous ses membres, et car l'éducation est un droit premier, qui ouvre toutes les portes et qui est source de liberté.

De même, je soutiens les articles relatifs à la lutte contre le harcèlement scolaire, que nous aurions toutefois pu accompagner de dispositifs plus concrets. Les élèves ont des propositions à formuler – ceux et celles du collège de Dugny, par exemple, ont construit avec moi une proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer ces dernières semaines.

Néanmoins, je réaffirme ici notre opposition totale à l'article 1er du projet de loi, dont la rédaction tendrait à laisser penser que les personnels de l'éducation nationale ne sont pas déjà tenus à un devoir d'exemplarité. Ces enseignantes et enseignants, à qui l'on demande toujours plus sans les moyens suffisants et avec des salaires qui ne correspondent ni à leur niveau d'études ni à leurs responsabilités, ont déjà toute notre confiance quant à leur probité.

Je m'inquiète, à cet égard, de la multiplication des convocations de professeurs pour des propos ou des actions dont ils auraient été les auteurs lors des mobilisations. Nous ne pouvons continuer dans ce climat de défiance qui nuit à leur travail et à l'équipe pédagogique.

Je veux aussi saluer l'engagement des enseignantes et enseignants qui, grâce à leur mobilisation avec les parents d'élèves, ont obtenu notamment le retrait de l'article créant les établissements publics locaux d'enseignement des savoirs fondamentaux.

La suppression du Conseil national d'évaluation du système scolaire, en place depuis 2013 seulement, m'apparaît également comme une erreur et j'aurais souhaité que la CMP puisse revenir sur cette décision. Ce conseil est en effet un organe d'évaluation indépendant, dont les études sont considérées comme étant de grande qualité et qui occupe une place reconnue dans le paysage de l'éducation nationale. Je regrette que nous persistions à défaire si vite ce qui vient d'être créé. Ce manque de stabilité est nuisible aux politiques éducatives.

Le texte de loi qui nous est soumis n'aborde pas de front les véritables enjeux qu'il faudrait prendre en compte afin de répondre aux difficultés de notre système scolaire. Dans ce texte, le statut des accompagnants fait l'objet d'insuffisantes avancées. J'espère que le Gouvernement et sa majorité se saisiront des travaux que mène actuellement Sébastien Jumel, avec d'autres collègues, sur l'inclusion à l'école, pour que les accompagnants et accompagnantes puissent enfin sortir de la précarité et que chaque élève ayant besoin de cet accompagnement puisse l'obtenir sur le long terme.

Je propose également d'aller vers la création d'un véritable statut pour les étudiantes et étudiants se dirigeant vers le professorat, avec de véritables rémunérations dès les premières années d'études, afin d'augmenter l'attractivité de la profession et de donner aux jeunes les moyens de leur réussite.

L'éducation nationale possède d'incroyables ressources humaines, qui peinent à s'exprimer pleinement. Nous traînons depuis de nombreuses années comme un fardeau notre incapacité à offrir à toutes et à tous les mêmes chances de succès dans notre pays, où la reproduction sociale continue d'être au plus haut.

Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, le manque de moyens et de stabilité des équipes pédagogiques entraîne de nombreuses difficultés. Comme le souligne très justement le rapport mené par nos deux collègues sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, les moyens mis au service de l'éducation dans ce département ne sont pas au niveau de ceux qui le sont dans d'autres territoires et ne permettent pas de répondre pleinement aux besoins des élèves. Pourtant, comme vous le savez, monsieur le ministre, la Seine-Saint-Denis regorge d'établissements de très grande qualité, avec des équipes pédagogiques motivées et une forte implication des familles. Nous passons trop souvent à côté de cet immense potentiel.

Si l'Assemblée nationale a eu la lucidité de ne pas accepter les amendements grotesques issus du Sénat qui visaient à jeter l'opprobre sur certaines familles, les conclusions de la CMP ne nous conviennent pas en l'état. C'est le sens de la motion de rejet préalable que nous avons défendue. Aussi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera-t-il contre ce projet de loi.

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