Nous voici réunis, une nouvelle fois, pour examiner le projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet. Depuis la première lecture, il y a bientôt deux mois, notre objectif n'a pas changé. Il est d'offrir à Notre-Dame une restauration à la hauteur de la place qu'elle occupe dans le coeur des Français et du monde entier – une place bien particulière, car Notre-Dame de Paris n'est pas un simple monument.
Ce n'est pas une simple cathédrale. C'est une part de la France, une part de nous-mêmes dirai-je. Elle est si importante pour nous tous que son incendie, le 15 avril, nous a laissés meurtris. Elle est si importante pour nous tous que, pour la sauver, c'est une mobilisation sans précédent qui s'est organisée.
Je veux une nouvelle fois remercier toutes celles et tous ceux qui y ont participé : bien sûr les sapeurs-pompiers de Paris, soutenus par leurs collègues des autres départements d'Ile-de-France, qui ont fait preuve d'un courage et de compétences exemplaires ; les policiers ; les agents du ministère de la culture ; ceux de la Ville du Paris et du diocèse ; mais aussi les experts, les institutions et entreprises qui ont promis de donner et proposé d'aider à la restauration ; et, évidemment, les centaines de milliers de particuliers, en France et de par le monde, qui ont souhaité donner dès le soir de l'incendie.
Il fallait établir un cadre pour accueillir leurs dons, pour accompagner, encourager, encadrer cet élan de générosité, pour assortir cette ferveur exceptionnelle d'un dispositif exceptionnel. C'est tout le sens du projet de loi qui vous est présenté. Il nous permet d'encadrer très précisément la souscription nationale annoncée par le Président de la République : tant le mécanisme de collecte que le dispositif fiscal afférent, ainsi que leurs modalités de suivi et de contrôle.
Je vous le disais en première lecture, nous voulons aller vite. Mais vouloir aller vite, ce n'est pas se précipiter. L'objectif fixé par le Président de la République de restaurer Notre-Dame de Paris en cinq ans est un délai ambitieux, volontariste, qui permet de motiver les équipes et de mobiliser l'ensemble des acteurs concernés. C'est une ambition au service d'une mobilisation.
Je le réaffirme : jamais, dans cette restauration, nous ne confondrons vitesse et précipitation. Mais la situation de Notre-Dame nous imposait deux allures : d'une part, il y avait et il y a toujours urgence à définir le dispositif de la souscription et ses modalités ; d'autre part, s'agissant de l'organisation du chantier de restauration, il fallait prendre le temps de la réflexion pour travailler avec l'ensemble des ministères concernés, pour identifier ensemble les assouplissements et adaptations nécessaires, et pour définir l'organisation optimale pour mener à bien ce chantier au regard des objectifs fixés.
Je vous l'avais dit, je m'y étais engagé et je suis heureux d'être de retour devant vous aujourd'hui car, depuis la première lecture de ce texte, nous avons pu progresser sur ce point.
Nous avons avancé suffisamment pour pouvoir introduire dans le texte une part importante de ce qui devait initialement figurer dans les ordonnances prévues par les articles 8 et 9. Avant de vous en exposer les grandes lignes, il me semble important de réaffirmer les grands principes du projet de loi, qu'il importe de préserver.
Ce projet nous permet à la fois d'encadrer la souscription nationale dédiée en fixant, par la loi, les règles qui lui sont applicables, et d'apporter des garanties de sécurité et de transparence aux centaines de milliers de donateurs, français ou étrangers. Cette transparence, nous la leur devons. Je veux les remercier, sincèrement, pour leur générosité. Ils ne seront pas trahis : leurs dons iront bien à Notre-Dame de Paris. Nous y veillerons, soyez-en assurés.
Certains prétendent que nous disposerions déjà trop de fonds collectés, plus qu'il n'en faut pour restaurer la cathédrale. C'est faux : pour le moment, un peu plus de 10 % des promesses de dons ont été concrétisées. Cela ne veut pas dire que les mécènes ayant fait part de leur volonté de donner ne vont pas le faire, au contraire, mais cela veut dire que les 800 millions d'euros de dons ne se sont pas encore tous concrétisés. Nous y travaillons, mais il est tout à fait exagéré de parler de « surcollecte » dans le cadre de la souscription.
En outre, le coût total des travaux n'a pas encore été chiffré. Pour l'instant, les travaux portent uniquement sur la mise en sécurité de l'édifice, qui reste fragile au niveau de la voûte. Ce n'est qu'ensuite que nous passerons à la phase de diagnostic, puis à la restauration proprement dite.
Pour opérer cette souscription nationale, outre les versements directs à l'État, nous avons pu compter, depuis le 16 avril, sur la mobilisation initialement de trois fondations reconnues d'utilité publique – Fondation de France, Fondation du patrimoine et Fondation Notre-Dame – et sur celle du Centre des monuments nationaux, opérateur bien connu du ministère de la culture. Je souhaite les remercier pour leur engagement.
Des conventions seront passées entre l'État et chacune des trois fondations reconnues d'utilité publique ainsi qu'avec certains donateurs directement, afin d'organiser les modalités de reversement des sommes issues de la collecte. En première lecture, vous avez adopté un amendement qui a permis de faire progresser le texte sur ce point, en explicitant la démarche de conventionnement.
Dans un même souci de transparence quant à l'emploi des fonds collectés, un comité de contrôle sera créé. Il réunira le premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions chargées des finances et de la culture du Sénat et de l'Assemblée nationale ou leurs représentants – nous en avons débattu ici, cher Bruno Studer. Ce contrôle devra être effectué sans préjudice de ceux de la Cour des comptes ou d'autres organismes de contrôle comme le Parlement, et en coopération avec eux.
Par vos amendements en première lecture, vous avez renforcé la transparence dans le suivi de la souscription et l'application du dispositif fiscal afférent. Le texte assure la transparence vis-à-vis du Parlement, d'abord : l'article 5 bis dispose que le gouvernement lui rend compte, au travers d'un rapport, du montant des dons effectués au titre de la souscription nationale ayant donné lieu à une réduction d'impôt, et de la participation des collectivités territoriales.
La transparence est également garantie vis-à-vis du public : l'article 7 impose désormais la publication d'un rapport sur le montant des fonds recueillis, leur provenance et leur affectation.
Concernant l'affectation des fonds, je tiens à rappeler que le texte ne portera évidemment pas atteinte aux principes des lois de 1905 et 1907, c'est-à-dire ni au principe de laïcité, ni aux droits du culte affectataire, autrement dit à la répartition des prérogatives et responsabilités entre l'État et le diocèse de Paris.
L'intégralité des dons en faveur de la restauration de Notre-Dame de Paris passera ainsi par la souscription nationale, à l'exception de ceux qui ont spécifiquement pour objet de financer la restauration des biens appartenant au diocèse ou, plus généralement, les besoins relevant de l'exercice du culte.
Cette loi, je le disais, doit garantir la transparence de la souscription nationale, et elle doit aussi en fixer les règles.
En ce qui concerne les particuliers, est introduit un dispositif fiscal spécifique pour accompagner leurs dons. Dans la limite de 1 000 euros, le projet de loi porte de 66 % à 75 % le taux de réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers en faveur du Trésor public, du Centre des monuments nationaux et des trois fondations reconnues d'utilité publique. Ce dispositif, je le rappelle, ne concerne que les particuliers. Il a été conçu de manière à couvrir les dons du plus grand nombre de Français. Il est limité dans le temps – il ne concerne que les dons effectués entre le 15 avril et le 31 décembre 2019 – et dans ses montants – le plafond de don éligible à la réduction fiscale est fixé à 1 000 euros. J'aurai l'occasion au cours des débats de revenir sur les dates. Les limites ainsi posées n'empêchent pas de donner au-delà de cette date, ni au-dessus de ce plafond. Mais, dans ce cas, l'avantage fiscal associé au don sera celui du droit commun.
Les collectivités territoriales et leurs groupements pourront aussi participer au financement des travaux, au-delà de leur périmètre de compétence territoriale. L'article 4 lève toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence ou à la condition d'intérêt local. Les dépenses des collectivités en faveur de Notre-Dame seront considérées comme des dépenses d'équipement – je rappellerai dans les débats la position très claire du ministère de l'action et des comptes publics sur ce point. Elles ne seront donc pas prises en compte pour apprécier le plafond annuel d'évolution des dépenses de fonctionnement fixé à 1,2 %.
Voilà pour ce qui concerne la souscription nationale. Ses grandes lignes n'ont pas changé depuis la première lecture.
Pour autant, depuis cette date, comme je m'y étais engagé, le Gouvernement a poursuivi ses travaux pour préciser le projet de loi. Il a ainsi défini l'organisation pour mener à bien les opérations de restauration et de conservation.
En vertu de l'article 8, un établissement public de l'État à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture, sera créé. Sa mission première sera d'assurer la maîtrise d'ouvrage. Comme l'a annoncé le Président de la République, il y a quelques semaines, à l'occasion de la remise du prix Pritzker, l'établissement public sera également chargé de réaliser les travaux d'aménagement de l'environnement immédiat de la cathédrale, à savoir principalement le parvis, le square Jean XXIII, et la promenade du flanc sud de l'Île de la Cité. La composition de son conseil d'administration permettra d'associer à sa gouvernance la ville de Paris et le culte affectataire.
Mais nous ne trahirons pas les donateurs : si la compétence de l'établissement public est étendue à l'environnement immédiat de Notre-Dame, la souscription, elle, ne concerne que Notre-Dame, ce qui n'inclut pas l'aménagement dudit environnement.
En outre, un conseil scientifique permettra de prendre en compte l'avis des professionnels du patrimoine. Il sera consulté régulièrement, et sera le garant de la qualité scientifique et historique de la restauration.
Parallèlement, la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture sera évidemment consultée sur l'avancée des travaux et les choix de restauration. Elle se réunira d'ailleurs le 4 juillet pour évoquer les opérations liées à Notre-Dame.
Les statuts de l'établissement public, qui prévoiront notamment la date de sa création effective, seront adoptés par décret.
L'article 9 précise les assouplissements donnés aux législations en vigueur. Ceux-ci, je m'y étais engagé, seront strictement proportionnés aux besoins du chantier. Il n'est pas question de profiter de la restauration de Notre-Dame pour piétiner le droit français et européen du patrimoine, de l'environnement ou de l'urbanisme. Telle n'a jamais été l'intention du Gouvernement, je l'ai dit à de multiples reprises. En tant que ministre de la culture, je serai en particulier le garant inlassable de la protection du patrimoine.
Nous avons ainsi inscrit dans la loi les dérogations en matière de patrimoine. Celles-ci permettront de confier à l'Institut national de recherches archéologiques préventives la réalisation des fouilles archéologiques rendues éventuellement nécessaires dans le cadre des travaux – certaines opérations, portant en particulier sur les débris de l'incendie, sont déjà engagées. Elles permettront de réduire la durée d'instruction des autorisations d'installation temporaire, en supprimant la consultation de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture en cas de recours contre la position de l'architecte des bâtiments de France – je pense notamment aux installations de chantier. Elle permettra enfin d'interdire toute publicité à caractère commercial : seuls les dispositifs visant exclusivement à informer le public sur les travaux seront autorisés – vous aviez exprimé votre crainte sur ce sujet en commission et dans l'hémicycle, nous les avons entendues.
Nous avons également veillé à circonscrire le champ des dérogations nécessaires par ordonnance en matière de voirie, d'urbanisme et d'environnement, car la définition de ces dérogations demande une connaissance précise du projet de restauration, un projet dont il ne vous aura pas échappé qu'il reste encore à définir.
Pour le reste, nous aurons l'occasion de revenir sur les autres partis pris au cours de notre discussion.
Mesdames, messieurs les députés, Notre-Dame de Paris mérite toute notre attention, toute notre ambition, toute notre détermination, toute notre précision aussi. Au demeurant, en moins de deux mois, nous sommes parvenus à préciser amplement ce projet de loi et à expliciter nos intentions, comme je m'y étais engagé. Je vous remercie une nouvelle fois du travail effectué en amont et pendant la réunion de la commission. Je ne doute pas qu'il en ira de même dans l'hémicycle. Je suis heureux de pouvoir présenter ce texte à votre lecture sous cette nouvelle forme.