Ce que vous décrivez, c'est l'absence de pilotage. La question du traitement judiciaire est inhérente à ce problème. On ne pourra pas totalement la gommer, mais on peut l'adoucir en ayant un pilotage. C'est ce qui est intéressant. La question n'est pas tant de savoir qui fait quoi dans son coin, que de savoir si toutes ces données remontent pour que l'on ait une vision de ce que vous décrivez. En fait, le problème est que l'on navigue à vue. On peut faire les plus belles interventions, être intelligent, dire des choses merveilleuses et être complètement hors sol. On vous renvoie la problématique entière.
Deuxièmement, s'agissant de la parole de l'enfant, vous le savez, en France, l'enfant est celui qui ne parle pas. Dans l'étymologie, c'est celui qui est privé de parole. Cette parole est pourtant primordiale. Le coeur même de la réflexion de la justice des mineurs est de compenser cette faiblesse de l'enfant, pour lui donner toutes les garanties nécessaires, pour remettre cet équilibre, afin de protéger et de recueillir la parole de l'enfant.
Sans rentrer dans des débats, parce qu'il y a de nombreux colloques qui traitent de la place et des droits de l'enfant. Je pense que l'on a avancé. On a des avocats de plus en plus spécialisés, on a des méthodologies, mais tout reste à faire. Il va de soi que la parole de l'enfant est un sujet important, mais tout dépendra de la capacité de la personne en face à recueillir cette parole. Vous avez, en effet, des enfants qui parlent, que l'on n'écoute pas et que l'on n'entend pas. Il ne suffit pas de parler, encore faut-il avoir un interlocuteur qui en fasse quelque chose. On a pléthore de dossiers qui sont dramatiques. Des enfants ont dénoncé des choses et on ne les a pas crus, on ne les a pas entendus.
Cela renvoie aussi à la problématique – je pense que c'est un vrai sujet pour votre mission – de l'évaluation du travail de l'ASE sur ce point et de toutes les carences qui existent au sein de ces institutions. Le problème de ces institutions, qui sont de plus en plus fortes et qui veulent de plus en plus de pouvoir, est de savoir quels contre-pouvoirs ou quels contrôles on va apporter pour que cela fonctionne. Que cela soit un département ou un magistrat, les choses peuvent être bien faites ou mal faites. Donc, quels sont les contre-pouvoirs, les moyens et la capacité de contrôle ?
Encore une fois, vous vous saisissez d'une mission extrêmement intéressante mais sur quels matériaux allez-vous évaluer la qualité sur la protection de l'enfance ?