Intervention de Christine Coq-Moutawakkil

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 14h00
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA) :

Notre présentation se fera à deux voix. Je suis chargée de mission à l'UNSA, l'Union nationale des syndicats représentatifs, et Mme Tiphaine Jouniaux est secrétaire générale du syndicat des assistants sociaux de l'UNSA « Éducation ». Mon propos sera plus généraliste, celui de ma collègue beaucoup moins, notamment sur le service social en faveur des élèves.

L'UNSA, avec les syndicats concernés et donc particulièrement le SNASEN UNSA-Éducation, vous remercie de l'avoir invitée à cette Table ronde. Nous y attachons d'autant plus d'importance qu'à ce jour aucune organisation syndicale représentant les travailleurs sociaux, notamment ceux des conseils départementaux, n'a été auditionnée par votre commission, non plus les assistants familiaux qui ont été reçus via des associations et non des syndicats.

L'UNSA vient de faire paraître un livret sur la protection de l'enfance au regard de l'importance des enjeux, de la teneur du débat public et de ses excès, parfois outranciers, et des projets de toutes sortes qui voient le jour actuellement.

L'UNSA est résolument pour une évolution significative de la politique publique de protection de l'enfance : prévenir, protéger et garantir l'égalité de tous.

Les politiques en faveur de l'enfance et de la jeunesse doivent être réfléchies, concertées, harmonisées au niveau interministériel afin de mieux répondre aux besoins des enfants. Elles doivent être dégagées de toute posture misérabiliste ou à l'emporte-pièce, la raison cédant le pas aux émotions, rarement bonnes conseillères. Elles doivent par conséquent s'appuyer sur les recherches, études et rapports, dont ceux de l'ONPE.

L'UNSA estime que la protection de l'enfance est un objectif national, qui fait l'objet d'une politique publique de prévention et de prise en charge dont le pilotage incombe à l'État, garant de la qualité de service public pour tous les citoyens.

La co-construction et la mise en oeuvre de cette politique, au plus proche des besoins des enfants et des familles, sont effectivement de la responsabilité du département, chef de file des politiques de l'aide sociale à l'enfance.

La prise en compte de la protection de l'enfance à l'Éducation nationale a connu, nous en convenons, de notables améliorations. Progressivement, il a été admis que le pilote de cette politique publique était bien le ministère de la santé et des solidarités, le ministère de l'éducation nationale étant responsable, quant à lui, de ses déclinaisons dans son champ de compétences. Pour autant et quels que soient les sujets abordés, il convient de garder en mémoire que, malgré une forte homogénéité de traitement de cette question dans les académies, il n'en reste pas moins que des particularités locales se font jour dès lors qu'un recteur, un DASEN, son adjoint ou secrétaire général, un chef d'établissement ou un inspecteur de l'Éducation nationale (IEN) ne se saisit pas pleinement de l'enjeu.

En miroir, au motif de la libre administration des départements, cette politique publique en matière de prévention et de protection de l'enfance se traduit par des actions très inégales sur le territoire, doublées d'une communication et d'une coordination non moins inégales entre conseils départementaux et Éducation nationale. Ce sont donc le ministère de l'Éducation nationale dans son ensemble et chacun des conseils départementaux qui se doivent de progresser, en interne mais aussi en coopération, pour mener des actions de prévention efficaces, apporter en cohérence les nécessaires réponses individualisées et prévenir tous les risques de rupture par une forte conscience des complémentarités à inscrire dans la durée.

Il nous paraît également important de conserver à l'esprit que les mesures de protection de l'enfance ne se résument pas aux seuls placements. Les allocations mensuelles, les interventions des techniciens en intervention sociale et familiale, l'action éducative à domicile (AED) et l'action éducative en milieu ouvert (AEMO) font également partie de la palette mise à disposition au soutien des familles, parents et enfants. Le travail concerté entre les services de l'Éducation nationale et les conseils départementaux concerne donc tous ces registres de l'intervention.

Nous avons pris le parti d'appeler votre attention sur une série de sujets que nous aborderons très succinctement. Vous en trouverez des développements dans les documents que nous vous avons envoyés et nous pourrons, bien sûr, échanger sur ce sujet.

Les équipes pédagogiques, mais aussi les personnels de santé, infirmiers, médecins et particulièrement les assistants de service social sont tous concernés, à des degrés divers. La position particulière du service social en faveur des élèves à l'interface avec l'environnement scolaire le place comme l'un des acteurs majeurs de la protection de l'enfance à l'école. L'assistant de service social est informé des politiques sociales, des acteurs, des ressources, des dispositifs. Il est le seul professionnel habilité à se rendre au domicile des familles, sous réserve de leur accord – avec les limites posées par les frais de déplacement qui sont souvent à sa charge.

Les personnels sociaux et de santé sont accessibles à tout jeune qui en fait la demande, même mineur et sans autorisation parentale préalable, ce qui est très important tant en prévention qu'en accompagnement. C'est ainsi que chaque enfant doit pouvoir sentir au sein de l'école un regard bienveillant porté sur sa situation scolaire et personnelle, une écoute attentive à ses besoins et un accompagnement adapté par une équipe d'adultes aux compétences complémentaires.

La formation des personnels de l'Éducation nationale est un véritable enjeu dans lequel les conseillers techniques départementaux rectoraux, sociaux et de santé ont vocation à intervenir en formation initiale et continue. Le rôle des ESPE est fondamental pour donner aux personnels de l'Éducation nationale une culture commune et des notions juridiques, institutionnelles pertinentes, notamment sur le thème de la protection de l'enfance.

L'Éducation nationale propose à ses personnels des ressources pédagogiques qui sont malheureusement souvent méconnues. L'école est le lieu privilégié d'actions de prévention à destination des enfants, futurs adultes et citoyens. La question essentielle du bien-être à l'école concerne l'ensemble des acteurs éducatifs individuels ou collectifs. Le bien-être se décline autour du scolaire, de l'éducation à la santé et à la citoyenneté.

L'école dans son ensemble, notamment par le biais de programmes pédagogiques, a vocation à permettre l'acquisition d'aptitudes individuelles et à développer les compétences psychosociales chez tous les enfants tout au long de leur scolarité, de l'école maternelle au lycée. C'est ainsi que progressivement sont travaillés la connaissance et le respect de son corps, de celui des autres, l'éducation à la vie affective et à la sexualité, la lutte contre toutes les discriminations, les violences, le harcèlement, savoir dire « non », savoir porter assistance, l'ensemble de ces aptitudes relevant de la prévention primaire.

Les enseignants, personnels éducatifs, sociaux et de santé, contribuent, chacun dans le cadre de leur mission, à ce processus éducatif par des actions individuelles et collectives. Par ailleurs, il est fait appel à d'autres professionnels, mais aussi à des associations habilitées, malheureusement parfois un peu hâtivement sans s'appuyer au préalable sur les compétences internes.

Sur les tentations d'externalisation des missions du service social, la volonté d'ouvrir l'école sur son environnement n'exonère pas le ministère de l'Éducation nationale de ses propres responsabilités en matière de prévention de l'absentéisme. C'est souvent par défaut de présence des personnels sociaux de l'éducation que d'autres personnels sont appelés à la rescousse alors que la lutte contre le décrochage scolaire et l'absentéisme font partie intégrante des missions du service scolaire. Plutôt que de programmer une couverture plus importante des établissements scolaires du second degré, plusieurs métiers ont vu le jour : médiateurs, agents de prévention et de sécurité, agents de liaison sociale. L'absurdité de la situation a d'ailleurs conduit nombre de chefs d'établissement à recruter des travailleurs sociaux, notamment des assistants de service social. On aboutit alors un empiétement professionnel, voire à des débordements de la part des médiateurs hors du cadre qui leur est fixé, des visites à domicile par exemple, ainsi que l'occupation du bureau destiné au service social, acte symbolique s'il en est !

Là où il existe encore de la prévention spécialisée, il arrive que des conventions soient signées entre les chefs d'établissement et les clubs de prévention pour acter l'intervention dans les murs de ces éducateurs dits « de rue », ce qui est totalement contraire aux dispositions du code de l'action sociale et des familles. En effet, leur intervention vise à favoriser la reconstruction des liens sociaux, une meilleure intégration des jeunes en rupture, ainsi que la lutte contre les exclusions sous toutes ses formes. Il s'agit d'une intervention éducative et sociale, à la fois individuelle et collective, au sein de communautés humaines telles que les quartiers, les groupes d'immeubles, les groupes de jeunes, auprès de personnes dont la situation sociale et les modes de vie risquent de les mettre en marge des circuits, ce qui exclut évidemment l'établissement scolaire comme lieu d'intervention pérenne.

S'agissant des transmissions d'informations préoccupantes, la loi de la protection de l'enfance de 2016 prévoit l'évaluation par une équipe pluridisciplinaire relevant des services départementaux de l'ASE, de la PMI, et de la cellule de recueil des informations préoccupantes. D'autres professionnels, notamment le service de promotion de la santé en faveur des élèves et le service social en faveur des élèves, peuvent réaliser, en cas de besoin, l'évaluation ou y participer. Des protocoles sont ainsi conclus entre les DASEN et les présidents de conseils départementaux qui s'affranchissent du terme et amènent des assistants du service social de l'Éducation nationale à faire systématiquement une évaluation auprès du jeune dès lors que l'information provient de la sphère scolaire, et ce même si l'assistante sociale ne connaît pas cet enfant.

Nous souhaitons que soit clarifiée et précisée nationalement la place du service social en matière d'évaluation. Il ne doit pas devenir sous-traitant du conseil départemental. Participer à l'évaluation des informations préoccupantes (IP), oui, lorsque c'est pertinent ; les réaliser seuls, non.

On peut citer le cas extrême du département de Mayotte. Actuellement, un service social scolaire supplée manifestement à la déshérence des services sociaux du département. On constate un manque criant de services et d'établissements de prise en charge ASE et un ratio du nombre d'élèves par rapport au nombre de postes particulièrement élevé comparé la moyenne nationale.

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