Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Jeudi 6 juin 2019

La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

Présidence de M. Alain Ramadier, président de la mission d'information de la Conférence des présidents

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PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous recevons cet après-midi plusieurs intervenants réunis autour d'une table ronde qui sera consacrée à la contribution du milieu éducatif dans le parcours d'un enfant confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE). À de multiples reprises, notre mission a été sensibilisée à cette dimension car l'école ou l'établissement scolaire, de façon générale, reste un lieu privilégié d'observation, de détection et de prévention des difficultés auxquelles sont confrontés la plupart de ces enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance.

Toutefois, nous avons aussi compris que les moyens manquent souvent et que la coordination institutionnelle ou fonctionnelle entre tous les acteurs directs ou indirects qui contribuent à améliorer la situation de ces enfants gagnerait à se structurer davantage.

Un enfant confié à l'ASE a aussi une vie sociale, une vie scolaire qu'il faut intégrer à l'analyse d'ensemble de son suivi jusqu'à l'âge adulte. Le problème du manque d'ambition scolaire, voire universitaire pour les enfants placés, a également été soulevé devant nous.

Pour évoquer tous ces aspects, nous accueillons Mme Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) ; Mme Nathalie Andrieux-Hennequin et M. Brice Castel, co-secrétaires généraux du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP – FSU) ; Mme Tiphaine Jouniaux, secrétaire générale du Syndicat national des assistants sociaux de l'Éducation nationale, affilié à l'Union nationale des syndicats autonomes Éducation (SNASEN UNSA Éducation), et Mme Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission au SNASEN UNSA.

Mesdames, monsieur, je vais vous laisser la parole pour une rapide intervention liminaire d'une dizaine de minutes maximum afin de privilégier les échanges, dans un premier temps avec Mme la rapporteure, avec l'ensemble de nos collègues ensuite.

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Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

Le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse est pleinement impliqué dans la protection de l'enfance. En effet, les données académiques font état en 2015-2016 de 27 799 informations préoccupantes (IP) provenant de l'Éducation nationale transmises au département et de 9 292 signalements provenant de l'Éducation nationale transmis au procureur de la République.

Le contexte familial comme foyer d'émergence des difficultés jusqu'aux carences éducatives graves recouvre 80 % des informations préoccupantes et 68 % des signalements au procureur.

Vingt et un pour cent des signalements sont liés à des violences physiques, 22 % aux violences sexuelles et 19 % aux conditions d'éducation.

Le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse assume l'entièreté de son rôle dans le cadre de la protection de l'enfance d'une manière générale afin d'offrir un environnement bienveillant, exigeant et confiant à l'élève, afin de lui offrir les conditions de sa réussite éducative et scolaire mais également de développer une relation de conscience avec les parents, tuteurs ou représentants légaux de l'enfant.

Le ministère agit dans le cadre de la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l'enfant, dans une approche à la fois collective et individuelle. L'approche collective passe par des actions de sensibilisation des personnels et des élèves sur la question de la protection de l'enfance. Des campagnes de sensibilisation à la protection de l'enfance sont également lancées à chaque rentrée. D'un point de vue individuel, l'action des personnels est tournée vers le repérage des difficultés des enfants, ce repérage en école ou en établissement étant le premier élément en vue d'un accompagnement social. Il est réalisé par les personnels d'enseignement et d'éducation qui orientent la prise en charge par les personnels sociaux et de santé de l'Éducation nationale.

Dans le premier degré, c'est sous l'égide de l'inspecteur de l'Éducation nationale (IEN) et du directeur d'école que des actions sont conduites afin d'accompagner ces élèves dans le second degré. C'est sous le pilotage du chef d'établissement que l'organisation du repérage et d'un accompagnement peut se faire, notamment au sein de cellules de veille.

Les personnels sociaux et de santé de l'Éducation nationale se situent au coeur de cette mission d'accompagnement des élèves en difficulté, qu'ils relèvent de l'Aide sociale à l'enfance ou non. Ils sont amenés à recevoir les enfants et leurs tuteurs ou représentants légaux, soit dans le cadre de visites ou de consultations prévues par les textes de manière obligatoire et systémique, soit dans le cadre de consultations ou d'entretiens à la demande.

S'agissant des personnels sociaux, un effort a été fait ces dernières années pour renforcer les moyens du service social en faveur des élèves. Il s'est traduit, entre 2013 et 2017, par la création de 305 postes d'assistants de service social au sein de l'Éducation nationale.

La circulaire des missions des assistants de service social et du service social en faveur des élèves a été revue. Publiée le 23 mars 2017, elle comporte deux avancées majeures : d'une part, un renforcement de l'intervention dans le premier degré, en ciblant prioritairement les réseaux d'éducation prioritaire ; d'autre part, le développement d'une approche de l'intervention sociale dans sa dimension collective préventive et bienveillante.

Au niveau de l'organisation territoriale, au plus près des élèves dans les écoles et dans les établissements scolaires du second degré, les assistants sociaux apportent leurs conseils et leur expertise aux enseignants, aux directeurs d'école, aux IEN, et aux chefs d'établissement dans le cadre d'une gestion de proximité. Au niveau départemental, le service social en faveur des élèves est organisé avec un conseiller technique social rattaché auprès du directeur académique des services de l'Éducation nationale.

Ce conseiller technique de service social est le partenaire institutionnel des conseils départementaux, donc des services de l'ASE mais également des parquets, des organismes et du secteur associatif. Ainsi il participe aux observatoires départementaux de protection de l'enfance et met en oeuvre les protocoles et les conventions partenariales. Il encadre également l'action des personnels sociaux et contribue à la mise en place d'actions de formation en direction des personnels de toute nature, puisque les conseillers techniques de service social peuvent former des personnels d'enseignement et d'éducation, en lien avec leurs partenaires institutionnels.

À l'échelon académique, un conseiller technique de service social est rattaché auprès de chaque recteur. Les recteurs pilotent les politiques éducatives et pédagogiques dans leur académie et définissent les formations dans les plans académiques de formation, notamment les questions relatives à la protection de l'enfance. Ces formations peuvent être inter-institutionnelles.

Le conseiller technique de service social auprès du recteur collecte annuellement les statistiques des services départementaux relatives aux informations préoccupantes et aux signalements pour les adresser à la direction générale de l'enseignement scolaire. Au niveau national, le ministère impulse l'ensemble de la politique éducative et participe à celle de la protection de l'enfance.

Le réseau du service social en faveur des élèves est animé par une conseillère technique de service social au sein de mon bureau. En déplacement dans une académie, elle n'a pu être présente aujourd'hui.

Nous participons aux différentes stratégies nationales de protection de l'enfance et de soutien à la parentalité, mais aussi à la stratégie de lutte conte les violences faites aux enfants. Différents partenaires au niveau national nous accompagnent, notamment le GIP constitué par le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED) et l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE), avec lequel nous conduisons la campagne d'information annuelle en faveur du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée. En termes de protection de l'enfance et plus spécifiquement de l'aide sociale à l'enfance, la stratégie « protection de l'enfance 2018-2022 » fixe pour objectif l'ambition scolaire pour les enfants et les jeunes de la protection de l'enfance afin de permettre une meilleure orientation et surtout une prévention du décrochage scolaire. Au titre de cet objectif, le ministère de l'Éducation nationale a pour visée d'accompagner et de soutenir une meilleure interface entre les référents de l'Éducation nationale que sont nos assistants et nos conseillers techniques de service social et les services de l'ASE.

Au regard des procédures d'orientation et d'affectation, le binôme de travail conseillers techniques de service social (CTSS) et inspecteurs de l'Éducation nationale sur l'information et l'orientation (IEN-IO) pourra être renforcé au niveau départemental. Il conviendra de prévoir des rencontres et des temps d'échanges réguliers entre ces différents interlocuteurs – CTSS, IEN-IO et services de l'ASE – afin de mieux assurer les conditions pédagogiques et matérielles favorables à la continuité du parcours d'orientation et à viser une ambition scolaire pour les enfants de l'ASE.

Dans le cadre du projet pour l'enfant, l'école est associée aux étapes clés du parcours de l'enfant placé, notamment pour préparer la sortie du dispositif de placement à la majorité et aller vers un projet d'accès à l'autonomie.

En termes de prévention du décrochage scolaire, les jeunes en rupture ou en risque de rupture sont suivis par l'ensemble des dispositifs de l'Éducation nationale que l'on retrouve à différents niveaux au sein des établissements, tels que les groupes de prévention du décrochage scolaire, auxquels participent le référent « décrochage scolaire » de l'établissement mais aussi les personnes attachées aux missions de lutte contre le décrochage scolaire.

Enfin, les enfants suivis par l'ASE peuvent bénéficier des différents dispositifs de soutien destinés à l'ensemble des élèves, notamment le dispositif « devoirs faits », voire d'autres dispositifs, par exemple, si un enfant est jugé en situation de stress post-traumatique suite aux violences subies.

Avec la DGCS, nous avons envisagé de favoriser, comme pour n'importe quel autre enfant, l'accès aux projets d'accueil individualisés (PAI) ou aux projets personnalisés de scolarisation (PPS). En l'occurrence, c'est plutôt à partir des projets personnalisés de scolarisation que nous pourrions construire des réponses plus appropriées. Nous avons eu connaissance de situations de stress post-traumatiques ne permettant pas, dans certains cas, une scolarisation à temps plein. Cela fait partie des sujets dont nous débattons actuellement avec la DGCS dans le cadre de la stratégie nationale de protection de l'enfance.

En conclusion, les coopérations sont à renforcer. J'en ai fait état lors de rencontres entre CTSS, EN-IO et services de l'ASE mais également au niveau national dans le cadre de la stratégie nationale de protection de l'enfance afin de développer les synergies entre les différents acteurs, de décloisonner les interventions et surtout d'appréhender le parcours de l'enfant de façon globale, jusqu'à la sortie du système éducatif.

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Brice Castel, co-secrétaire général du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Nous tenons à ouvrir notre présentation en rappelant la crise que traverse la protection de l'enfance, dont les services sociaux et l'Éducation nationale sont les témoins depuis déjà de nombreuses années. Les conseils départementaux, en raison des problèmes de financement qu'ils rencontrent aujourd'hui, ne sont plus à la hauteur des enjeux : des contrats jeunes majeurs sont systématiquement refusés dans certains endroits, de plus en plus d'enfants dorment dans la rue ; des femmes en fin de grossesse ou sortant de l'hôpital après leur accouchement n'ont pas d'autre choix que de dormir dehors ; les mesures d'aide éducative réclament en moyenne entre six et neuf mois, voire un ou deux ans, avant de se mettre en place. Et ce sont là des chiffres déjà assez anciens. Bref, il y a beaucoup à faire !

Mon propos comprendra plusieurs axes. La première partie porte sur l'organisation du service social.

Le service social en faveur des élèves est constitué d'environ 2 500 assistants de services sociaux. Rapporté au nombre d'élèves et d'établissements scolaires, cela fait peu.

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Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

Nos bases affichent 2 900 assistants de service social, mais ce nombre prend en compte les conseillers techniques de service social, pour 12,3 millions d'élèves.

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Brice Castel, co-secrétaire général du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Nous parlons d'environ 2 500 assistants de services sociaux. Deux autres services sociaux de l'Éducation nationale, les services sociaux en faveur des personnels et ceux en faveur des étudiants, complètent ce chiffre.

Les assistants de service social interviennent au sein des établissements d'un secteur, essentiellement dans le second degré – collèges et lycées. Le secteur est composé d'un établissement dans le meilleur des cas, jusqu'à six ou sept établissements, pour un assistant social. Cela dépend des choix du directeur académique et des moyens dévolus au département.

S'agissant de la protection de l'enfance, le rôle du service social en faveur des élèves s'articule autour de trois axes principaux : la prévention qui englobe le repérage et l'orientation ; la coordination, notamment le lien entre l'ASE et l'Éducation nationale et puis une question de plus en plus prégnante qui est celle des mineurs non accompagnés au sein des établissements.

On peut relever trois niveaux de prévention : la prévention primaire se rattache essentiellement à la question du soutien à la parentalité, à l'ensemble des élèves et des familles. Elle consiste à apporter des conseils éducatifs à travers des actions collectives notamment dans le cadre du comité d'éducation à la santé, à la citoyenneté au sein chaque établissement.

La prévention secondaire s'adresse aux élèves et aux familles chez lesquelles des difficultés ou des fragilités ont été repérées. Nous travaillons individuellement par le biais d'entretiens pour essayer de lever les freins, de relever les potentialités des élèves, des familles, des enfants et des familles afin de résoudre les difficultés dans le cadre d'un accompagnement social.

La prévention tertiaire s'adresse aux élèves en cas de mise en danger ou en tout cas d'un risque de mise en danger réelle, caractérisée, qui implique un besoin de protection de l'élève. Le service social scolaire mène une première évaluation qui généralement se traduit par un accompagnement de la famille ; ensuite, il oriente l'enfant pour une demande d'aide éducative ou une demande de placement – les possibilités sont relativement nombreuses.

La transmission d'un signalement ou d'une information préoccupante est un outil à la disposition du service social en faveur des élèves, ce n'est pas une fin en soi. Nombreuses sont les situations où l'on n'a pas recours à une information préoccupante. Il n'y a pas de transmission parce que le travail au quotidien avec les partenaires, notamment le conseil départemental, permet des échanges et la mise en oeuvre de mesures sans pour autant passer par une information préoccupante.

Le service social en faveur des élèves au sein des établissements est aussi reconnu comme un acteur de conseil technique auprès des chefs d'établissement, des équipes éducatives : enseignants, CPE et infirmières scolaires.

C'est un service qui a besoin de temps pour être reconnu au sein de son établissement. Il réalise un travail au quotidien, il fait infuser ses idées sur la protection de l'enfance, sur ce que signifie accueillir un enfant, recueillir sa parole, échanger avec les parents. C'est quelque chose qui s'apprend, qui demande beaucoup de temps. Les assistants sociaux scolaires sont des personnels formés à cet effet au sein des établissements scolaires.

J'en viens maintenant au travail de partenariat avec le conseil départemental, notamment avec l'ASE, à la coordination des élèves qui sont accueillis dans les dispositifs de l'ASE et qui sont scolarisés.

La scolarisation des enfants accueillis par l'ASE est souvent complexe. Elle est faite d'un certain nombre de ruptures au cours de la scolarité. La question de la temporalité est centrale dans de telles situations, puisque l'école raisonne sur une temporalité bien plus courte et bien plus contrainte que l'année scolaire ; l'ASE, le champ social raisonnent sur une temporalité beaucoup plus longue. L'ASE doit tenir compte du rythme de l'enfant et des parents. Il s'agit en général d'un premier point de tension entre l'école et l'ASE en général.

Le deuxième point de tension tient en ce que la vie de classe, la vie à l'école, impose un cadre collectif, régi par des règles et des codes. Les enfants accueillis à l'ASE peuvent parfois avoir une réelle difficulté quant au respect des règles, voire ne pas avoir acquis certains codes qui paraissent implicites à l'école. Une telle situation génère obligatoirement des tensions et des points de crispation au sein de l'école qui sollicite à de nombreuses reprises l'ASE, sans pour autant avoir de réponses satisfaisantes, voire elle a l'impression de pas avoir de réponses, deux éléments qui ajoutent aux crispations.

Les assistants de service social sont des professionnels qui sont à la croisée des regards, ils ont une double culture : le travail social de par leur formation, l'Éducation nationale de par leur employeur et leur lieu d'exercice.

Cela nous permet de faire le lien entre ces deux institutions, de partager des informations avec les acteurs de la protection de l'enfance, de les diffuser aux personnels de l'établissement pour aider à la compréhension de la situation et de ce qui peut poser problème. Nous sommes soumis au secret professionnel dans l'établissement avec les infirmières, elles-mêmes soumises au secret médical. La relation avec l'ASE en est d'autant facilitée pour nous, les échanges informations étant plus simples. Nous avons également la capacité à expliciter les codes et les sigles de l'ASE, mais aussi ceux de l'école qui sont aussi nombreux et qui ne sont pas les mêmes que ceux de l'ASE. Nous servons donc de facilitateurs ; tel est l'intérêt de notre rôle.

Pour les mineures non accompagnés (MNA) et les jeunes majeurs sans titre de séjour, qui sont un certain nombre, l'école reste un des rares services publics où l'accueil est inconditionnel. Cela ne veut pas dire qu'elle le soit toujours dans les faits, mais théoriquement, l'accueil est inconditionnel. Pour les MNA, l'école est un lieu de référence, un lieu qu'ils vont investir, qu'ils considéreront comme une chance pour s'intégrer à la société par l'apprentissage de la langue, un projet professionnel et de formation. Dans le même temps, il n'y a pas souvent, voire pas du tout, de relais à l'extérieur, ce qui implique que l'établissement scolaire se retrouve à gérer beaucoup de demandes de MNA qui dépassent le simple cadre scolaire. C'est ainsi que les ASE scolaires sont régulièrement saisis de demandes relevant de besoins primaires concernant les repas, l'hébergement, la vêture. Cette situation conduit à mobiliser, à la fois l'interne – le Fonds social, les internats – mais aussi tous les réseaux de soutien citoyens ou associatifs qui existent dans la mesure où les prises en charge de MNA par le conseil départemental sont rares au regard du nombre de MNA présents dans les établissements scolaires.

Aujourd'hui, de nombreux collègues nous disent leur épuisement face à la perte de sens de leur intervention auprès des MNA. On constate une montée des risques psychosociaux sociaux ; certains collègues expérimentés quittent ce secteur pour rejoindre des secteurs où les MNA sont moins nombreux, parce qu'ils sont épuisés et que les situations sont insupportables à vivre.

Il existe un certain nombre de freins à l'intervention du service social scolaire.

Le premier est une méconnaissance institutionnelle. On ne compte plus les nombreux rapports et plans d'action qui font l'impasse sur l'existence même du service social scolaire. J'en veux pour preuve la circulaire de rentrée sur l'école inclusive parue aujourd'hui : pas une seule fois, le service social scolaire n'est nommé alors même que les sujets qui sont abordés dans ces rapports sont au coeur de nos missions. Cette méconnaissance peut s'expliquer par deux raisons majeures : en raison de leur taille, les services sociaux sont des services confidentiels. Par ailleurs, leur présence est perlée au sein des établissements et se limite à une journée ou deux journées par semaine. Quand un assistant de service social est présent le lundi dans un établissement qu'il n'y revient que le lundi suivant, bien des choses se sont passées en termes d'identification. La nature, par essence, a horreur du vide. On s'adresse aux autres personnes présentes.

La confidentialité de ce service est liée à une méconnaissance plus générale des missions des services sociaux et des compétences acquises lors de la formation initiale. L'assistant de service social est reconnu dans ses missions d'accès au droit, bien moins dans ses compétences psychosociales qui constituent pourtant le socle de sa formation initiale.

Le troisième frein tient à la notion de secret professionnel qui nous oblige à être discrets au sein même des établissements sur ce qui s'y passe et sur ce que les élèves peuvent nous confier. Notre exercice n'est donc pas toujours rendu visible.

Enfin, nous sommes essentiellement implantés dans le second degré. S'il est vrai que depuis quelques années, notamment dans le cadre de l'éducation prioritaire, nous commençons à intervenir, notre intervention se limite à des conseils techniques, non pas à des interventions directes avec les élèves et les familles. Or, le Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique considère que la présence du service social est indispensable tant dans le premier que dans le second degré.

Dans le second degré, le collège est le temps de la pré-adolescence et de l'entrée dans l'adolescence, sources de mises en danger et de difficultés éducatives pour les parents ou pour l'équipe éducative. Un réel besoin d'accompagnement est nécessaire qui s'avère nécessaire au lycée, notamment pour « les vieux mineurs-jeunes majeurs ». Nous rencontrons des situations qui peuvent amener à des ruptures familiales et à des difficultés d'accès à l'autonomie. Les lycéens jeunes majeurs notamment ont accès à peu d'interlocuteurs hors de l'Éducation nationale. Je ne reviens pas sur les contrats Jeune majeur. Pour autant, nous considérons que le service social aurait toute sa place dans le premier degré. C'est pourquoi nous revendiquons la création d'un quatrième service social à l'Éducation nationale, un service social du premier degré. Il nous paraît essentiel d'intervenir à ce moment-là pour accompagner les familles et les élèves, pour repérer des situations qui ne le sont souvent qu'à l'entrée au collège et qui se sont installées.

Nous avons évalué le besoin à près de 5 000 postes. Nous nous sommes référés au nombre de 5 000 psychologues du premier degré de l'Éducation nationale. Cela paraît beaucoup quand on parle d'un service de 2 900 rapporté au nombre de personnels de l'Éducation nationale qui est d'un million. C'est un choix à faire, mais ce n'est pas énorme en proportion.

En conclusion, on pourrait dire que les assistants de service social, que ce soit dans leur dimension de prévention, de repérage, d'accompagnement ou de protection, développent des compétences qui sont souvent inexistantes au sein des établissements scolaires. L'assistant de service social est une personne-ressource pour les personnels de direction, les enseignants et les autres membres des équipes éducatives. Pourtant, le manque de moyens ne permet pas à ce service de prendre pleinement sa part dans la protection de l'enfance. L'obligation de travailler dans l'urgence entraîne une incapacité à investir pleinement ce sujet et prive les établissements scolaires de compétences fortes et indispensables.

En moyenne, selon les derniers chiffres, au titre de la protection de l'enfance, le service social en faveur des élèves est à l'origine de plus de 60 % des signalements faits par l'Éducation nationale et de plus de 80 % des recueils d'informations préoccupantes. Je parle du second degré, puisque nous sommes peu présents dans le premier degré.

Dans le premier degré, les transmissions d'informations par les personnels enseignants peuvent être sources de difficultés pour les enseignants et contre-productifs au regard de la technicité à mobiliser dans le relationnel avec les parents pour que cela puisse prendre du sens et être un point de départ à la restauration de la fonction parentale et non pas un point final à la relation école-parents.

Plus généralement, la protection de l'enfance est multiforme et implique des compétences particulières. La synergie des équipes éducatives est indispensable et l'assistant de service social est un professionnel moteur sur cette question.

Le manque de moyens et la méconnaissance de ses compétences ne permettent pas toujours d'asseoir son intervention de façon pérenne et c'est par un investissement important auprès des services sociaux que cette question de la protection de l'enfance pourra devenir non pas une politique en plus au sein de l'Éducation nationale, mais une politique présente dans l'ensemble des autres politiques éducatives.

Je conclurai par une citation de M. Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny et membre du Conseil national de la protection de l'enfance. Dans une interview, parue fin avril, dans Lien social, il a déclaré « Alors que la première ligne de protection des enfants est familiale, tous les pans du dispositif de proximité susceptibles d'aider les parents sont en crise : le service social scolaire et le service de promotion de la santé en faveur des élèves sont toujours exsangues, la pédopsychiatrie souvent inexistante, la pédiatrie souffre, la PMI « médecine de quartier » facilement accessible régresse et dans dix-sept départements la prévention spécialisée n'existe déjà plus. »

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Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA)

Notre présentation se fera à deux voix. Je suis chargée de mission à l'UNSA, l'Union nationale des syndicats représentatifs, et Mme Tiphaine Jouniaux est secrétaire générale du syndicat des assistants sociaux de l'UNSA « Éducation ». Mon propos sera plus généraliste, celui de ma collègue beaucoup moins, notamment sur le service social en faveur des élèves.

L'UNSA, avec les syndicats concernés et donc particulièrement le SNASEN UNSA-Éducation, vous remercie de l'avoir invitée à cette Table ronde. Nous y attachons d'autant plus d'importance qu'à ce jour aucune organisation syndicale représentant les travailleurs sociaux, notamment ceux des conseils départementaux, n'a été auditionnée par votre commission, non plus les assistants familiaux qui ont été reçus via des associations et non des syndicats.

L'UNSA vient de faire paraître un livret sur la protection de l'enfance au regard de l'importance des enjeux, de la teneur du débat public et de ses excès, parfois outranciers, et des projets de toutes sortes qui voient le jour actuellement.

L'UNSA est résolument pour une évolution significative de la politique publique de protection de l'enfance : prévenir, protéger et garantir l'égalité de tous.

Les politiques en faveur de l'enfance et de la jeunesse doivent être réfléchies, concertées, harmonisées au niveau interministériel afin de mieux répondre aux besoins des enfants. Elles doivent être dégagées de toute posture misérabiliste ou à l'emporte-pièce, la raison cédant le pas aux émotions, rarement bonnes conseillères. Elles doivent par conséquent s'appuyer sur les recherches, études et rapports, dont ceux de l'ONPE.

L'UNSA estime que la protection de l'enfance est un objectif national, qui fait l'objet d'une politique publique de prévention et de prise en charge dont le pilotage incombe à l'État, garant de la qualité de service public pour tous les citoyens.

La co-construction et la mise en oeuvre de cette politique, au plus proche des besoins des enfants et des familles, sont effectivement de la responsabilité du département, chef de file des politiques de l'aide sociale à l'enfance.

La prise en compte de la protection de l'enfance à l'Éducation nationale a connu, nous en convenons, de notables améliorations. Progressivement, il a été admis que le pilote de cette politique publique était bien le ministère de la santé et des solidarités, le ministère de l'éducation nationale étant responsable, quant à lui, de ses déclinaisons dans son champ de compétences. Pour autant et quels que soient les sujets abordés, il convient de garder en mémoire que, malgré une forte homogénéité de traitement de cette question dans les académies, il n'en reste pas moins que des particularités locales se font jour dès lors qu'un recteur, un DASEN, son adjoint ou secrétaire général, un chef d'établissement ou un inspecteur de l'Éducation nationale (IEN) ne se saisit pas pleinement de l'enjeu.

En miroir, au motif de la libre administration des départements, cette politique publique en matière de prévention et de protection de l'enfance se traduit par des actions très inégales sur le territoire, doublées d'une communication et d'une coordination non moins inégales entre conseils départementaux et Éducation nationale. Ce sont donc le ministère de l'Éducation nationale dans son ensemble et chacun des conseils départementaux qui se doivent de progresser, en interne mais aussi en coopération, pour mener des actions de prévention efficaces, apporter en cohérence les nécessaires réponses individualisées et prévenir tous les risques de rupture par une forte conscience des complémentarités à inscrire dans la durée.

Il nous paraît également important de conserver à l'esprit que les mesures de protection de l'enfance ne se résument pas aux seuls placements. Les allocations mensuelles, les interventions des techniciens en intervention sociale et familiale, l'action éducative à domicile (AED) et l'action éducative en milieu ouvert (AEMO) font également partie de la palette mise à disposition au soutien des familles, parents et enfants. Le travail concerté entre les services de l'Éducation nationale et les conseils départementaux concerne donc tous ces registres de l'intervention.

Nous avons pris le parti d'appeler votre attention sur une série de sujets que nous aborderons très succinctement. Vous en trouverez des développements dans les documents que nous vous avons envoyés et nous pourrons, bien sûr, échanger sur ce sujet.

Les équipes pédagogiques, mais aussi les personnels de santé, infirmiers, médecins et particulièrement les assistants de service social sont tous concernés, à des degrés divers. La position particulière du service social en faveur des élèves à l'interface avec l'environnement scolaire le place comme l'un des acteurs majeurs de la protection de l'enfance à l'école. L'assistant de service social est informé des politiques sociales, des acteurs, des ressources, des dispositifs. Il est le seul professionnel habilité à se rendre au domicile des familles, sous réserve de leur accord – avec les limites posées par les frais de déplacement qui sont souvent à sa charge.

Les personnels sociaux et de santé sont accessibles à tout jeune qui en fait la demande, même mineur et sans autorisation parentale préalable, ce qui est très important tant en prévention qu'en accompagnement. C'est ainsi que chaque enfant doit pouvoir sentir au sein de l'école un regard bienveillant porté sur sa situation scolaire et personnelle, une écoute attentive à ses besoins et un accompagnement adapté par une équipe d'adultes aux compétences complémentaires.

La formation des personnels de l'Éducation nationale est un véritable enjeu dans lequel les conseillers techniques départementaux rectoraux, sociaux et de santé ont vocation à intervenir en formation initiale et continue. Le rôle des ESPE est fondamental pour donner aux personnels de l'Éducation nationale une culture commune et des notions juridiques, institutionnelles pertinentes, notamment sur le thème de la protection de l'enfance.

L'Éducation nationale propose à ses personnels des ressources pédagogiques qui sont malheureusement souvent méconnues. L'école est le lieu privilégié d'actions de prévention à destination des enfants, futurs adultes et citoyens. La question essentielle du bien-être à l'école concerne l'ensemble des acteurs éducatifs individuels ou collectifs. Le bien-être se décline autour du scolaire, de l'éducation à la santé et à la citoyenneté.

L'école dans son ensemble, notamment par le biais de programmes pédagogiques, a vocation à permettre l'acquisition d'aptitudes individuelles et à développer les compétences psychosociales chez tous les enfants tout au long de leur scolarité, de l'école maternelle au lycée. C'est ainsi que progressivement sont travaillés la connaissance et le respect de son corps, de celui des autres, l'éducation à la vie affective et à la sexualité, la lutte contre toutes les discriminations, les violences, le harcèlement, savoir dire « non », savoir porter assistance, l'ensemble de ces aptitudes relevant de la prévention primaire.

Les enseignants, personnels éducatifs, sociaux et de santé, contribuent, chacun dans le cadre de leur mission, à ce processus éducatif par des actions individuelles et collectives. Par ailleurs, il est fait appel à d'autres professionnels, mais aussi à des associations habilitées, malheureusement parfois un peu hâtivement sans s'appuyer au préalable sur les compétences internes.

Sur les tentations d'externalisation des missions du service social, la volonté d'ouvrir l'école sur son environnement n'exonère pas le ministère de l'Éducation nationale de ses propres responsabilités en matière de prévention de l'absentéisme. C'est souvent par défaut de présence des personnels sociaux de l'éducation que d'autres personnels sont appelés à la rescousse alors que la lutte contre le décrochage scolaire et l'absentéisme font partie intégrante des missions du service scolaire. Plutôt que de programmer une couverture plus importante des établissements scolaires du second degré, plusieurs métiers ont vu le jour : médiateurs, agents de prévention et de sécurité, agents de liaison sociale. L'absurdité de la situation a d'ailleurs conduit nombre de chefs d'établissement à recruter des travailleurs sociaux, notamment des assistants de service social. On aboutit alors un empiétement professionnel, voire à des débordements de la part des médiateurs hors du cadre qui leur est fixé, des visites à domicile par exemple, ainsi que l'occupation du bureau destiné au service social, acte symbolique s'il en est !

Là où il existe encore de la prévention spécialisée, il arrive que des conventions soient signées entre les chefs d'établissement et les clubs de prévention pour acter l'intervention dans les murs de ces éducateurs dits « de rue », ce qui est totalement contraire aux dispositions du code de l'action sociale et des familles. En effet, leur intervention vise à favoriser la reconstruction des liens sociaux, une meilleure intégration des jeunes en rupture, ainsi que la lutte contre les exclusions sous toutes ses formes. Il s'agit d'une intervention éducative et sociale, à la fois individuelle et collective, au sein de communautés humaines telles que les quartiers, les groupes d'immeubles, les groupes de jeunes, auprès de personnes dont la situation sociale et les modes de vie risquent de les mettre en marge des circuits, ce qui exclut évidemment l'établissement scolaire comme lieu d'intervention pérenne.

S'agissant des transmissions d'informations préoccupantes, la loi de la protection de l'enfance de 2016 prévoit l'évaluation par une équipe pluridisciplinaire relevant des services départementaux de l'ASE, de la PMI, et de la cellule de recueil des informations préoccupantes. D'autres professionnels, notamment le service de promotion de la santé en faveur des élèves et le service social en faveur des élèves, peuvent réaliser, en cas de besoin, l'évaluation ou y participer. Des protocoles sont ainsi conclus entre les DASEN et les présidents de conseils départementaux qui s'affranchissent du terme et amènent des assistants du service social de l'Éducation nationale à faire systématiquement une évaluation auprès du jeune dès lors que l'information provient de la sphère scolaire, et ce même si l'assistante sociale ne connaît pas cet enfant.

Nous souhaitons que soit clarifiée et précisée nationalement la place du service social en matière d'évaluation. Il ne doit pas devenir sous-traitant du conseil départemental. Participer à l'évaluation des informations préoccupantes (IP), oui, lorsque c'est pertinent ; les réaliser seuls, non.

On peut citer le cas extrême du département de Mayotte. Actuellement, un service social scolaire supplée manifestement à la déshérence des services sociaux du département. On constate un manque criant de services et d'établissements de prise en charge ASE et un ratio du nombre d'élèves par rapport au nombre de postes particulièrement élevé comparé la moyenne nationale.

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Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA)

J'en viens à la question des MNA. Le cadre de référence pour l'Éducation nationale est la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016. Elle prévoit qu'une attention particulière est portée au droit à la scolarité des mineurs isolés, y compris après l'âge de 16 ans et pour les non-francophones. Elle dispose que la formation professionnelle du mineur isolé est un gage d'insertion sur le territoire français. Dans la réalité, les choses ne sont pas aussi simples : on constate des refus d'inscrire des jeunes dans un dispositif ou dans une classe adaptée au motif qu'il n'y a plus de places, le quota d'heures de français langue étrangère insuffisant, la liste d'attente est longue pour bénéficier d'un apprentissage du français. Plus grave, dans les départements qui ne font plus face à l'obligation de prise en charge de ces jeunes, l'accès à une scolarité n'est même plus d'actualité.

Pour ce qui concerne leur parcours scolaire, bien loin de l'esprit bienveillant de la circulaire, on constate une minoration de l'ambition scolaire pour ces jeunes qui aura des conséquences sur leur devenir professionnel et social. Certains départements font clairement le choix de limiter les parcours possibles à la seule obtention d'un CAP, sous réserve que soit mis en place un contrat « jeune majeur » pour terminer le cycle d'études, ce qui est loin d'être une pratique courante.

C'est un véritable gâchis humain qui s'opère ainsi qu'un non-sens financier. L'Éducation nationale est alors confrontée à des détresses humaines qu'elle est dans l'impossibilité de soulager, faute d'interlocuteurs. Il serait nécessaire que les jeunes en cours de scolarité et déclarés majeurs sans titre de séjour puissent bénéficier d'une prise en charge assurée par l'État, le temps de traiter leur situation administrative, tout en permettant néanmoins la poursuite de leur scolarité.

S'agissant des contrats jeunes majeurs, rappelons que l'UNSA, lors des travaux préparatoires à la loi de 2016, avait souhaité que puisse être terminé un cycle d'études ou de formation pour tous les jeunes, y compris les MNA, dans le cadre d'un contrat « jeune majeur ».

L'UNSA regrette profondément le revirement opéré lors de l'examen du projet de loi de Mme Bourguignon qui va à l'encontre des objectifs d'insertion de tous les jeunes concernés par l'obtention du diplôme, y compris de niveau universitaire. Les situations des étudiants sont, en effet, très diverses selon que les conseils départementaux les accompagnent ou non dans le cadre d'un contrat Jeune majeur.

Malgré les consignes parvenues dans les CROUS, l'accès aux bourses universitaires à taux plein et durant douze mois et l'accès prioritaire aux résidences administratives ne sont pas acquis partout sur le territoire national.

D'une manière générale, il faut renforcer les contacts en amont entre le service de l'ASE et le service social du CROUS pour préparer l'année universitaire, l'information des étudiants sur l'existence du service social du CROUS, pourquoi pas avec la notification d'attribution de la bourse.

La désignation d'un référent ASE au CROUS comme interlocuteur des services de l'ASE est une action positive pour informer et traiter toutes difficultés relatives à l'obtention des bourses ou l'accès à un logement universitaire. Toutefois, pour garantir le respect de la vie privée de ces jeunes, cet interlocuteur devrait être intégré, à notre sens, au sein du service social du CROUS.

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Tiphaine Jouniaux, secrétaire générale du Syndicat national des assistants sociaux de l'Éducation nationale

La prise en charge et l'accompagnement des enfants et des jeunes ne peuvent relever d'une seule institution. À ce titre, l'Éducation nationale est souvent impuissante face à la dégradation de la situation de certains jeunes : inadaptation scolaire, violences, absentéisme, décrochage, exclusion, faute de mise en oeuvre des mesures prononcées par le juge ou souhaitées par les parents, faute de prise en charge dans le secteur du soin, du handicap, de la revitalisation de la pédopsychiatrie, du renforcement des moyens humains dans les conseils départementaux, des services et établissements, acteurs de la protection de l'enfance, qui sont indispensables pour une prise en charge globale.

Le manque d'internats scolaires provoque par ricochet un resserrement des réponses possibles à des situations familiales qui ne nécessiteraient pas nécessairement un placement. Il en va de même des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) pour les jeunes qui peuvent bénéficier d'une intégration partielle, voire totale.

L'articulation entre les services de santé du conseil départemental Éducation nationale est pour l'heure problématique au regard de l'état des troupes. Le déficit de médecins de part et d'autre est un vrai manque dans le parcours de santé de l'élève. Les infirmières ne peuvent et ne doivent pas y suppléer.

Les relations professionnelles entre services sociaux de l'Éducation nationale et du conseil départemental sont généralement de grande qualité. Les conditions de partage d'informations à caractère secret sont réunies pour ces personnels sociaux qui se fondent sur une même déontologie.

L'UNSA trouve dommage que la DGESCO, en réponse au rapport de 2016 du défenseur des droits de l'enfant, propose que les CPE deviennent des personnes-ressources et fassent l'interface avec les services de l'ASE alors que la contribution des CPE à la protection enfance se limite dans les textes à identifier les signes pouvant traduire des situations de grande difficulté sociale ou de maltraitance. Une telle situation poserait la question de l'expertise et des compétences sans formation approfondie.

Les charges de travail respectives, mais aussi la politique du département, conduisent à réduire les temps de concertation et de réunion. L'augmentation exponentielle des situations prises en charge, toutes mesures confondues, n'a pas généré d'augmentation du nombre d'agents – travailleurs sociaux et personnels administratifs.

Se pose aussi la question de la connaissance réciproque. Si, du côté de l'Éducation nationale, le mode d'organisation et de fonctionnement est relativement homogène sur le territoire national, autant il en va différemment du côté des départements. Ainsi les fonctionnaires du ministère de l'Éducation nationale amenés à changer de département ou à vivre un changement politique ou organisationnel au sein d'un conseil départemental ont, à chaque fois, à identifier les nouveaux interlocuteurs dénommés différemment, les attributions, les procédures et les imprimés variant. C'est ainsi que la libre administration des départements a un impact sur les partenariats, surtout auprès d'une institution dont la vocation première est l'enseignement et l'éducation, non la protection de l'enfance.

Pour diminuer ces désagréments, il faut signaler ici toute l'importance du partenariat qui se joue par la présence et l'implication des représentants de l'Éducation nationale dans les observatoires départementaux de l'enfance en danger (ODPE) et à l'élaboration et au suivi du schéma départemental enfance-famille. Là encore, le manque de pilotage de l'État conduit à des situations très diverses tenant aux volontés politiques et personnelles des décideurs, tant du côté de l'Éducation nationale que du département.

Une expérimentation est en cours dans le cadre de la mise en oeuvre du plan en faveur du travail social et du développement social concernant leur parcours. L'UNSA s'est déjà exprimée sur la généralisation prématurée de ces dispositifs. Nous constatons, dans certains départements expérimentateurs, que ce premier accueil, censé faciliter l'orientation, s'applique aussi aux partenaires du conseil départemental. Ainsi un assistant de service social ne pourrait plus joindre directement son homologue polyvalent.

Les moyens en médecins scolaires, psychologues et assistants de service social sont insuffisants. Répondre au manque de médecins scolaires par un recrutement de médecins vacataires n'a aucun sens. En effet, les médecins scolaires exercent des fonctions de cliniciens, d'experts médicaux, d'experts en santé publique, d'éducateurs et de formateurs. Avant la titularisation, ils suivent une formation de huit à seize semaines.

Concernant le service social, le SNASEM UNSA défend le droit à un service social de qualité à tous les élèves scolarisés dans l'enseignement public, de l'élémentaire au lycée, renforcé à toutes les étapes charnières : école-collège, collège-lycée, lycée-université.

Le SNASEN approuve les termes de la circulaire 2017 qui revoit les missions du service social scolaire. L'intervention du service social scolaire en primaire est souhaitable, sous réserve de moyens supplémentaires. Pour faire face aux besoins de tous les élèves du secondaire et pour assurer un conseil technique auprès de tous les IEN, un plan de rattrapage de création massive de postes doit être mis en place. Nous revendiquons un taux d'encadrement d'un assistant social pour un ou deux établissements maximum, d'un assistant social pour un réseau REP +, réseau d'éducation prioritaire, dans les deux cas, un effectif maximum de 1 200 élèves.

Nous continuons à nous opposer aux interventions sociales en élémentaire sans moyens supplémentaires affectés. À l'instar de nombreux travailleurs sociaux, les services sociaux de l'Éducation nationale sont soumis à de fortes pressions – charge de travail, responsabilité engagée – qui génèrent des risques psychosociaux, de l'absentéisme de l'épuisement. Il convient de relever que le service social en faveur des élèves est le seul service social de la fonction publique à ne pas disposer de moyens de secrétariat. Le ministère a l'obligation d'assurer l'adéquation des moyens avec les missions. Un amendement au budget de l'Éducation nationale est absolument nécessaire.

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Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA)

En conclusion, il est souhaitable de s'interroger sur tout ce qui relève de l'accès au droit. Par exemple, un jeune pris en charge à l'aide sociale à l'enfance ne peut plus bénéficier d'une bourse scolaire dans le second degré. Se pose, en outre, toutes les problématiques relatives à l'exercice de l'autorité parentale, des actes usuels et non usuels. Une grande confusion règne dans ce domaine. Le respect de la vie privée est aussi une difficulté. Sur l'ensemble de ces sujets, nous pourrions débattre.

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Merci beaucoup pour vos interventions.

Le sujet des MNA nous préoccupe. Combien de MNA sont-ils pris en charge à ce jour par l'Éducation nationale ?

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Merci de vos interventions.

J'entends les difficultés et les revendications de vos syndicats mais je vais plus spécifiquement centrer mes questions sur les actions à engager pour améliorer la situation des enfants.

Comment fonctionne le système de détection dans l'Éducation nationale ? Comment le repérage s'articule-t-il avec les professeurs ? Comment les appuyez-vous ?

Concrètement, comment s'opèrent les échanges entre l'Éducation nationale et le conseil départemental, que ce soit pour les informations préoccupantes ou le suivi des enfants placés ? J'ai été alertée par certains professeurs qui m'ont indiqué que, du jour au lendemain, on leur enlevait un enfant sans qu'ils aient le temps de préparer son départ. Comment pourrait-on améliorer la situation ?

Quel est le nombre de professeurs de l'Éducation nationale détachés dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance ? Il m'a été indiqué que l'on arrache souvent les enfants des foyers d'urgence. Dans ces cas-là, comment conserver le suivi de la scolarité ou du moins remettre le pied à l'étrier aux enfants quand ils ne sont pas en mesure d'aller à l'école ?

Comment êtes-vous formés aux informations préoccupantes ? Pensez-vous qu'il manque une formation des professeurs au titre de la prévention et de la détection des maltraitances ?

Enfin, avez-vous des idées pour mieux prévenir les ruptures de parcours et les échecs scolaires ?

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Nathalie Andrieux-Hennequin, co-secrétaire générale du Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

S'agissant de la détection, notre porte est ouverte.

Le premier travail consiste à se présenter aux enfants en début d'année pour leur expliquer que des adultes dans les établissements scolaires sont là pour les entendre. Certes, il est un peu compliqué d'expliquer ce qu'est une assistante sociale, mais nous leur disons de venir rencontrer l'adulte avec lequel ils se sentent le mieux et que nous saurons les orienter en cas de problème. Il s'agit d'un travail d'équipe.

Certains enfants viennent d'eux-mêmes et des familles demandent à nous rencontrer. Il existe une cellule de veille et les assistants sociaux dont le travail réclame leur présence dans l'établissement le plus souvent possible. Nous passons du temps en salle des professeurs pour créer du lien et échanger. Les cellules de veille permettent de soulever la difficulté d'un enfant et d'échanger, mais il y a aussi tous ces temps d'échange « à la machine à café », dirai-je, qui sont importants. Des enseignants nous interpellent, nous exposent le cas d'un enfant, sa façon d'être en classe. Nous disons le manque criant d'assistants sociaux. Ne pas être présent régulièrement et longtemps dans un établissement empêche ces échanges.

Nous savons que les situations des enfants sont difficiles et que les enseignants ne sont pas formés. Les enseignants ne sont pas des travailleurs sociaux. Les assistants sociaux obtiennent un diplôme d'État après trois ans de formation, dont la moitié est constituée de stages. L'évaluation de l'entretien et l'évaluation sociale qui l'accompagnent font partie de leur formation.

Pour résumer, l'information arrive à nous grâce aux échanges et au temps passé dans un établissement, tant au cours des réunions formelles que des échanges informels. Lorsque nous sommes là, nous ouvrons la porte et l'enseignant peut nous demander ce que nous pensons de la situation de tel ou tel élève.

Si notre travail nécessite une présence, il nécessite aussi de la confiance. Le travail social, par notre présence, infuse dans l'Éducation nationale. C'est notre présence qui permet que l'on nous fait confiance car il faut effacer cette image, toujours actuelle, de l'assistant social qui place les enfants. Par notre présence et le travail en commun, nous devons montrer ce que peuvent apportent les travailleurs sociaux. Cette problématique est très générale et elle est d'autant plus accentuée à l'Éducation nationale.

S'agissant des échanges avec les conseils départementaux, bien souvent, ils ne peuvent se faire, faute de temps. Nous sommes soumis au secret professionnel. Notre expertise est de « savoir faire avec », d'expliquer aux familles et aux enfants l'intérêt à échanger, puis de faire appel à nos collègues du conseil départemental. Nous avons les mêmes formations, nous nous comprenons, on sait comment fonctionne l'aide sociale à l'enfance. Les échanges informels ou demander une réunion pour échanger autour d'une situation sont tout aussi importants.

Nous n'avons pas de difficultés à travailler avec nos collègues du conseil départemental, la seule difficulté consiste à trouver le temps car nous sommes surchargés, comme le sont pareillement nos collègues des conseils départementaux, ne serait-ce que pouvoir se joindre.

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Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

L'ensemble des personnels de l'Éducation nationale doit recevoir une formation initiale et continue, tel que prévu à l'article 542-1 du code de l'éducation.

Cette formation est organisée en formation initiale par ce que l'on appelait jusqu'alors les ESPE, écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Elle est également dispensée de manière continue dans le cadre des plans académiques de formation. À cet égard, les conseillers techniques de service social y apportent toute leur expertise.

Nous avons renforcé la sensibilisation et la formation en matière de protection de l'enfance parce que si les assistants de service social sont les premiers experts en termes de contact avec les familles et d'interface avec les services sociaux départementaux, il faut considérer que le temps que l'élève passe à l'école est un temps avant tout pédagogique et que les professeurs sont les premières personnes-ressources du repérage des situations à risque ou des situations de mal-être.

Au regard des chiffres qui nous sont remontés, les enseignants sont les plus pourvoyeurs, notamment dans le premier degré, des informations préoccupantes et des signalements. Cela n'a rien d'étonnant dans la mesure où un enseignant voit l'élève évoluer chaque jour, semaine après semaine, au cours d'une année scolaire, parfois sur plusieurs années lorsque l'élève est amené à rencontrer le même professeur des écoles ou du collège d'une année sur l'autre. Peu d'enseignants restent insensibles à cette thématique ; la très grande majorité des enseignants a pour objectif la réussite scolaire de leurs élèves. C'est leur coeur de métier, ils savent parfaitement que les apprentissages sont assimilés si l'enfant connaît des conditions de sécurité psycho-affectives minimales. Ils sont donc les premiers pourvoyeurs de signalements.

Je vais vous faire part de mon expérience. Avant de travailler à l'administration centrale, j'ai été vingt-six ans sur le terrain ; j'étais chef d'établissement. Les enseignants étaient les premiers à frapper à la porte de mon bureau. Les enseignants signalent soit directement à l'assistant de service social s'il ou elle est là ce jour-là, soit à un autre personnel de l'Éducation nationale. Ce peut être le chef d'établissement, son adjoint ou le conseiller principal d'éducation, mais, en tout état de cause, c'est l'enseignant qui repère les situations de mal-être, les situations problématiques ou les conduites à risques. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il sait bien faire et de toute façon tel n'est pas son métier. Nous revenons au travail en équipe déjà évoqué : chacun doit agir en fonction de son expertise et surtout dans le cadre du respect de ses missions.

Nous sensibilisons les enseignants à la protection de l'enfance, à repérer les signes de mal-être, les situations ou les conduites à risques et à orienter rapidement, à ne pas garder pour eux cette situation problématique et donc à ne pas se placer dans la posture du sauveur, qui serait très problématique, à la fois pour l'enfant mais aussi pour la personne adulte. D'où l'importance des commissions ad hoc ou des cellules de veille que nous avons évoquées. On parle de cellules de veille dans le second degré, mais dans le premier degré, il peut y avoir d'autres types de réunions et d'enquêtes.

Dans le cadre des cellules de veille, un certain nombre de choses peuvent être dites, dans la mesure où elles sont de formation restreinte. Y assistent le chef d'établissement etou son adjoint, l'assistant de service social, l'infirmier, le médecin, s'il le peut, le CPE, soit cinq ou six personnes. Les professeurs n'ont pas vocation à y participer.

Vous évoquiez le fait qu'un enfant pouvait être placé rapidement, ce qui arrive très rarement. Il faut vraiment qu'une situation d'une extrême violence ait eu lieu pour que le procureur prenne une décision aussi urgente. En l'occurrence, ce n'est pas le rôle de l'enseignant de le préparer. Il arrive que l'assistant de service social ne soit pas présent ce jour-là. J'ai eu à connaître des situations où nous avons été prévenus le matin et l'enfant est sorti de cours à la suite. J'étais proviseur lorsque cela s'est produit pour un élève de seconde ; dans le même temps, le même jour, son frère et sa petite soeur ont été retirés, l'un du collège, l'autre de l'école primaire.

Dans ces cas-là, les personnes qui sont prévenues, à savoir le chef d'établissement, le directeur d'école, l'assistant de service social font le lien. Immédiatement, nous avons été en communication téléphonique – assistant de service social, directeur d'école, principal et proviseur. Nous nous connaissions, un travail en réseau s'est mis en place entre les écoles, le collège et le lycée de secteur.

Les assistants de service social, les infirmières ou les infirmiers sont rattachés à un secteur qui compte plusieurs collèges et écoles, mais entre personnels de direction et directeurs d'école du premier degré, les personnes se connaissent. Elles ont l'habitude de se rencontrer dans le cadre de réunions institutionnelles. Il n'appartient pas au professeur de gérer une situation d'urgence, même si cela se produit pendant le temps scolaire. On laisse le cours se terminer, on ne vient pas chercher l'enfant en cours.

Le chef d'établissement ou le CPE n'a pas à se transformer en travailleur social, ce qu'il n'est pas d'ailleurs, et il ne le revendique pas, mais il peut accompagner l'enfant car il a aussi une formation en protection de l'enfance.

Les enseignants sont formés à repérer. Nous les accompagnons ensuite dans la rédaction de l'information préoccupante car la tâche n'est pas simple. Même si la situation a bien évolué depuis quinze ou vingt ans, il reste encore quelques enseignants qui peuvent, non par résistance malsaine mais par souci de mal faire, ne pas vouloir la rédiger. Cela arrive encore parfois, même si nous les accompagnons. Normalement, c'est la personne qui reçoit la parole de l'enfant en toute confiance et qui a été choisie par l'enfant comme personne-ressource qui doit rédiger l'IP afin d'éviter toute transformation. Quand ils sont là, les assistants de service social peuvent réaliser cet accompagnement, mais il peut également être fait par un autre personnel de l'établissement. Sans doute reste-t-il une marge d'amélioration en la matière.

Sur la question relative aux professeurs détachés dans les foyers de l'ASE, la DGCS demande que des professeurs y soient détachés. De cette question nous débattons avec elle depuis un an. Cette formule existait voilà une trentaine d'années. Le résultat n'est peut-être pas totalement probant car nous militons plutôt pour une école inclusive.

Trois cent quarante mille enfants sont placés à l'ASE, mais bien d'autres enfants ne sont pas placés qui ont besoin d'une protection particulière. Nous accueillons, en effet, des adolescents qui reviennent de RDC, qui ont vu des choses très dures, ou des mineurs de retour de zones de regroupement de terroristes.

Quantité de mineurs que nous accueillons ont des parcours de vie singuliers pour lesquels une protection est nécessaire. Dans la très grande majorité des cas, il est plus profitable pour l'enfant ou l'adolescent d'être inséré dans le groupe des élèves, ce qui normalise son parcours, plutôt que de rester dans un foyer de l'ASE où les enfants ayant connu des parcours singuliers et des souffrances singulières restent entre eux. Nous visons plutôt une école inclusive. Cela ne signifie pas que des aménagements ne soient pas possibles. Par exemple, plutôt que de viser une scolarisation à temps plein quand un enfant est en situation de stress post-traumatique après avoir été retiré d'une famille maltraitante et placé en foyer, il ne sera pas scolarisé à temps plein. Nous procédons à des aménagements d'emploi du temps, nous le faisons régulièrement. Pour autant, envoyer un enseignant faire cours au sein du foyer de l'ASE nous semble à moyen terme plus délétère pour l'enfant. Il faut se poser la question de la pérennisation de ce type de dispositif.

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J'entends ce que vous indiquez. Selon différents témoignages, des enfants restent déscolarisés entre deux mois à six mois dans les foyers. Je comprends et je partage l'objectif de les emmener vers l'école inclusive mais, dans ce cas-là, pourquoi à partir du moment où ils sont placés, les déscolarise-t-on ? Il est dommage d'interrompre la scolarité, même pour de bonnes raisons.

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Cette situation concerne surtout les foyers d'urgence où, effectivement, les jeunes sont placés en attente, mais on sait bien que l'attente peut tout aussi bien être d'un jour ou de six mois. Au cours de cette période, nous trouverions intéressant que les jeunes poursuivent leur scolarité en interne pour ne pas leur demander d'intégrer une école alors qu'ils sont confrontés à des difficultés et alors que l'on sait pertinemment qu'ils n'y resteront pas puisqu'ils sont en attente d'un placement ailleurs. Comment procéder pour qu'une fois le placement définitif est effectif, l'enfant n'ait pas à récupérer le temps scolaire perdu ?

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Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

Avec la Direction générale de la cohésion sociale, nous avons essayé de comprendre pourquoi des enfants étaient déscolarisés, alors que la scolarisation est obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans. On nous a informés de situations concernant des élèves du CM2. Cela nous a semblé très étonnant dans la mesure où tout maire qui voit arriver une famille dans sa commune doit inscrire l'enfant à l'école. L'école est encore le seul service public qui accueille tous les enfants de la République, quels que soient la nationalité, le parcours de vie, etc. Les directeurs d'école y sont particulièrement sensibles. Le temps d'attente est le fait des familles d'accueil qui parfois préfèrent garder l'enfant pendant trois à quatre semaines à la maison, dans la famille, plutôt que de l'inscrire à l'école du secteur alors qu'elles attendent que le juge procède à une décision.

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Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

Je l'ai compris. Mais s'agissant des situations qui nous ont été remontées et que nous étudions avec la DGCS, des familles d'accueil étaient concernées. Il ne s'agit nullement de pointer qui que ce soit du doigt, mais de comprendre les rouages du système qui peuvent, à un moment, se gripper. La temporalité de la justice, de l'action sociale et du système éducatif serait à creuser. Cela dit, je note votre question relative aux foyers d'accueil et la porterai au niveau national.

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Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA)

On trouve en général un foyer d'accueil d'urgence par département, les gros départements peuvent en compter plusieurs.

La rescolarisation ou la poursuite de scolarisation me paraît être une des priorités des directeurs d'établissement. Si la distance le permet, on essaye de maintenir la scolarité dans l'école d'origine, sauf à imaginer que cela pourrait contrevenir à l'intérêt de l'enfant. On essaye de maintenir la scolarité si d'autres enfants de la fratrie restent dans le même établissement ou si cela permet aux parents de voir l'enfant.

Chaque situation est étudiée cas par cas. En tout cas, pour l'aide sociale à l'enfance, la scolarité est une priorité. S'agissant d'un foyer d'urgence, a priori, on ne connaît pas la durée d'attente, et on procède, dans les quinze jours qui suivent, à une rescolarisation, ce qui nécessite un partenariat étroit avec les services de l'Éducation nationale. On essaye de trouver une place parmi les écoles primaires ou les collèges en faisant fi de la carte scolaire proprement dite, on travaille sur un réseau plus large pour offrir une réponse adaptée. Si un jeune est scolarisé dans un lycée professionnel au métier particulier et se retrouve à 80 kilomètres, il ne sera pas simple de revoir sa situation dans un délai raisonnable.

Scolariser l'enfant ne relève pas de la responsabilité des assistants familiaux, mais des cadres du service. Si l'on sait, par avance, que la situation est temporaire, il est possible qu'une déscolarisation puisse s'envisager. Cela dit, je suis un peu surprise, je travaille moi-même à l'ASE, je n'ai jamais rencontré ce genre de situation.

Le département dans lequel je travaille a employé un temps un enseignant dans des structures de protection de l'enfance. Je rejoins tout à fait la DGESCO, ce n'est pas un système des plus pertinents, car on mélange un petit peu les genres. Dans la mesure où un travail approfondi de concertation entre l'Éducation nationale et le conseil départemental est entrepris, il n'y a pas trop de déperdition, même si des dysfonctionnements peuvent survenir, comme cela se produit n'importe où. Par contre, dans toutes les structures qui accueillent des jeunes, y compris les foyers d'urgence, des référents dits scolaires accompagnent, soutiennent, aident le jeune à retravailler. Parfois, des ateliers relais sont inclus dans les structures qui permettent à l'enfant de rebondir et de se réintégrer.

Les ateliers relais sont une entité un peu plus souple, davantage tournée vers le professionnel qu'une classe relais. Les classes relais relèvent souvent de cofinancements Éducation nationalePJJ. Les intervenants remettent le pied à l'étrier aux jeunes en les réintroduisant dans un circuit de droit commun. L'atelier relais est un peu plus souple, il est destiné à des jeunes qui sont déjà déscolarisés et qui ne sont même pas prêts à aller vers une mission locale – cela pour vous donner un peu une idée du profil.

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Nathalie Andrieux-Hennequin, co-secrétaire générale du Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

S'agissant de la détection, nous sommes un peu étonnés de la réponse de la DGESCO qui a indiqué qu'il était préconisé aux enseignants de dresser eux-mêmes les IP. Ce n'est pas ce que l'on peut voir sur le terrain.

Pour ce qui relève des abus sexuels, il n'y a rien à évaluer. Les mots de l'élève sont repris par la personne qui a reçu la confidence, les écrit et envoie l'IP. Pour les autres maltraitances, on évalue et pour évaluer on ne reste pas seul. Si l'enseignant est celui qui dispose de l'information, on échange et on évalue ensemble la situation. Lorsque ces situations se produisent, même si les services sociaux n'interviennent pas directement dans le primaire, il y a échange avec les directeurs d'école et les IEN sur leur écrit afin de les aider à évaluer car évaluer est un travail d'équipe, excepté pour tout ce qui concerne les abus sexuels qui nécessitent de reprendre la parole de l'enfant avant de l'envoyer directement sous la forme d'une information préoccupante. Tout le reste nécessite une évaluation et des personnels formés, le but n'étant pas d'envoyer des informations préoccupantes qui risquent de casser le lien de confiance entre l'école et la famille C'est pourquoi une première évaluation s'impose avant de procéder à une IP.

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Monsieur Castel, vous avez indiqué qu'il serait utile que le service social scolaire intervienne dans le premier degré.

Je suis une travailleuse sociale du xxe siècle. C'était il y a longtemps. J'ai souvenir qu'au moment du passage entre la dernière année de maternelle et le CP, des commissions se réunissaient qui regroupaient le médecin scolaire, l'infirmière, le service social du secteur, la PMI éventuellement. Ces réunions pluridisciplinaires portaient sur les situations d'enfants qui avaient été repérés en difficulté, sociales ou médicales. Ces dispositifs d'échange entre services ont-ils disparu ou existent-ils encore ?

Madame Gasté, j'ai été surprise par votre propos selon lequel l'accompagnement social serait fait par le travailleur social ou par d'autres personnes de l'établissement.

J'ai entendu les travailleurs sociaux ici présents demander à occuper leur juste place au sein du dispositif de l'Éducation nationale. Je comprends pourquoi ils l'expriment et je me demande s'il ne serait pas nécessaire que l'administration de l'Éducation nationale revoie ses process afin que chacun occupe sa juste place et que les enfants puissent être mieux pris en charge.

Vous avez évoqué le recueil de la parole de l'enfant, si ce n'est que, le plus souvent, l'enfant ne dit rien. Ce qu'il faut c'est du personnel suffisamment formé pour aller chercher cette parole. L'enseignant peut être un lanceur d'alerte, mais ce qui suit relève du travailleur social.

Je voulais savoir si vous travaillez pour que chacun reprenne sa place.

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Brice Castel, co-secrétaire général du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Je n'ai pas connu l'époque que vous évoquez. Les commissions que vous rappelez n'existent plus depuis 1983-1984, me souffle Mme Andrieux-Hennequin.

Nous pensons qu'un étayage et des temps de rencontre avec les enseignants du premier degré sont nécessaires. Plus nous sommes présents, plus les échanges sont fréquents.

Je vous rejoins sur le repérage qui se fait par des signes, faibles le plus souvent. Les enseignants et les autres personnels parfois s'interrogent sur un enfant et nous en font part. Nous rencontrons ensuite l'élève et sur la base de nos compétences, nous essayons de libérer la parole, nous faisons en sorte que l'enfant s'autorise à se confier, ce qui demande du temps et une vraie relation de confiance avec les enseignants qui sont capables de repérer. D'après mon expérience, dans l'ensemble, ils ont une réelle capacité à relever les signes. La question qui se pose ensuite est de savoir ce que l'on fait une fois ces signes repérés. Cela m'amène à l'IP. La difficulté n'est pas tant de rédiger l'IP, mais d'expliquer aux parents que l'on va faire une IP qui est une obligation légale. Les en informer est extrêmement compliqué si l'on n'est pas formé. Nous utilisons la synergie entre les différents professionnels, pas plus qu'un autre, chacun dans son champ de compétence. Nous nous complétons pour protéger ou orienter les enfants qui en ont besoin.

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Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

Je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés ou peut-être me suis-je mal exprimée. J'ai évoqué une situation très particulière. Ce jour-là, le principal avait à ses côtés l'assistante de service sociale, celle du lycée était absente. Cela rejoint les propos des collègues qui ont évoqué le fait que travaillant sur un secteur comprenant plusieurs établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), ils ne sont pas là tous les jours. J'ai évoqué une réalité tangible. Le jour même, trois enfants ont été retirés l'un de l'école, l'un du collège, l'un du lycée. Nous avons agi de concert, en douceur. Je replace les faits dans leur contexte. Dès le début, j'ai dit que nous étions très soucieux que chacun intervienne dans le respect des compétences et des expertises de chacun. L'enfant choisit souvent un enseignant comme personne-ressource. Quel adulte ne se souvient pas de telle figure, de tel enseignant qui l'a porté à un moment donné ? Un enseignant est choisi comme figure de résilience ou d'accompagnateur de parcours scolaire, non de parcours social.

L'enseignant repère une situation de mal-être ou de conduite à risque, mais ne peut identifier ce qui relève du symptôme social. Nous travaillons avec les médecins et les infirmiers qui ont leur rôle à jouer. C'est ainsi que nous avons besoin des compétences de chacun, d'où l'importance de travailler en équipe. Nous avons évoqué les temps formels et les cellules de veille ; les temps informels sont également importants dans les mesures où les personnels apprennent à se connaître et à se reconnaître dans ces espaces temps.

Si une enseignante ne pense pas prévenir quelqu'un que tel enfant ne va pas bien, elle pensera à le dire à l'assistante de service social dans la salle des professeurs. Ce travail en équipe est fondamental, chacun à sa place. La DGESCO n'a jamais mélangé les rôles et les expertises ; au contraire, nous avons besoin des assistants de service social comme premiers experts en matière d'accompagnement social. Si je me suis mal exprimée, je rectifie mes propos.

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Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA)

Je répondrai au sujet des commissions évoquées. D'après ce que vous décrivez, je pense que vous faites référence à la commission qui traitait du passage de grande section de maternelle au CP d'enfants qui posaient problème, soit parce que les parents demandaient un passage plus rapide, soit parce que l'institution, au contraire, se demandait s'il fallait ou non faire passer cet enfant. Il s'agissait d'une minorité de situations qui reposaient uniquement sur l'articulation entre un niveau scolaire et la maturité de l'enfant. La question connaissait des déclinaisons dans le cadre des commissions de circonscription préscolaire et élémentaire (CCPE) et des commissions de circonscription du second degré, qui étaient rattachées aux commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) de l'époque. Ces commissions ont pris fin avant 1985.

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Nathalie Andrieux-Hennequin, co-secrétaire générale du Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Tout dépend beaucoup de chaque lieu, de chaque conseil départemental, du lien entre le primaire et le collège, de chaque équipe, des liens qui se créent et de ce qui se fait dans chaque conseil départemental. En fonction des possibilités et selon les crises, il faut créer du lien pour que des choses s'installent.

À l'heure actuelle, à défaut de moyens, nous essayons de faire le maximum. La difficulté pour un professionnel qui change de département, voire quand il reste sur le même département, c'est de s'organiser avec les moyens dont il dispose au vu des changements de politique car il faut souligner que les politiques changent souvent. Les assistants sociaux de l'Éducation nationale doivent arriver à suivre. Imaginez pour un enseignant quand il change de département. D'un département à l'autre, l'organisation diffère, mais ce qu'il a pu connaître peut exister encore. Cela dépend de l'équipe et de ce qui se passe sur un secteur. Et d'ailleurs ce serait bien que cela existe. Nous demandons un service social en primaire. Cela relèverait de notre façon de fonctionner puisque c'est ainsi que nous fonctionnons dans le second degré.

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J'ai été enseignante en élémentaire en réseau d'éducation prioritaire (REP) et puis en classe Pôle éducatif accompagnement des adolescents (PE2A), dans deux villes différentes. Je peux témoigner d'un climat totalement différent. Une mairie avait fait le choix de payer une assistante sociale pour six ou sept écoles. Des réunions de synthèse avec les enseignants et les infirmières et des temps informels au moment du déjeuner ou du café étaient organisés. On discutait des enfants. C'était très rassurant. L'autre mairie avait fait le choix de ne pas employer d'assistante sociale. Le climat était beaucoup plus anxiogène. Je me souviens d'un directeur qui voulait envoyer une information préoccupante. Je considérais, quant à moi, qu'elle n'était pas appropriée. J'avais le sentiment que l'on naviguait un peu à vue. Alors que les élections municipales se profilent, il me semblerait intéressant de poser la question du rôle des mairies à l'école élémentaire.

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Nathalie Andrieux-Hennequin, co-secrétaire générale du Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Ce travail de lien fait partie du B-A-ba du diplôme d'assistante sociale et de travailleur social. Pendant un temps, il avait été envisagé de transférer les assistantes sociales de l'Éducation nationale et de les réintégrer dans les conseils départementaux. Nous nous sommes battus bec et ongles en expliquant que le travail de lien devait se faire avec les enseignants. Il suffit de pousser une porte, il est inutile de s'écrire pour échanger. Cet échange simple est essentiel, et si donc vous ne faites plus partie de la même institution, ces échanges ne peuvent pas se faire de la même manière. Notre formation porte sur l'entretien social, sur l'évaluation, mais notre travail premier consister à créer du lien : entre l'école et la famille, entre l'école et les autres services, entre l'enfant et l'école.

La DGESCO dit la place qu'elle accorde au service social. Nous aimerions bien rencontrer ses représentants pour évoquer le service social dans la mesure où nous avons un peu de mal à nous faire entendre.

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Je suis éducatrice spécialisée, j'ai travaillé dans des foyers de l'ASE et j'ai été directrice des politiques sociales dans un département. Nous nous disions en aparté avec mes collègues députées qu'en tant que « vieilles travailleuses sociales », nous avions peut-être connu des jours meilleurs, je n'en sais rien, mais j'ai l'impression d'avoir travaillé toute ma vie dans le cadre d'un partenariat, dans l'intérêt de l'enfant, dans ce lien, dans ce passage, non devant la machine à café, mais dans un lieu dédié où le secret professionnel était préservé ; on n'était pas obligé de tout raconter pour signaler quelque chose. Je fais plutôt partie de cette école. C'est pourquoi j'ai envie de vous demander s'il existe aujourd'hui un partenariat avec l'aide sociale à l'enfance, indépendamment des situations d'urgence, c'est-à-dire indépendamment d'un signalement ou d'une IP ?

J'ai été responsable de ce que l'on appelait alors des équipes techniques de l'ASE auxquelles participait du personnel de l'Éducation nationale. Elles se réunissaient à propos de tel enfant ou de tel adolescent qui était déjà placé à l'aide sociale à l'enfance mais qui allait à l'école régulièrement. Ces réunions existent-elles de manière régulière ou exceptionnelle, selon le bon vouloir de tel ou tel ? Qu'en est-il aujourd'hui ?

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Tiphaine Jouniaux, secrétaire générale du Syndicat national des assistants sociaux de l'Éducation nationale

Nous allons vous répondre que ce n'est malheureusement pas le cas. Nous avons de moins en moins de liens avec nos collègues de l'ASE. Nous avons encore des liens avec les services sociaux du conseil départemental et des temps de concertation, mais ils restent très limités. Nous avons de plus en plus de mal à organiser des réunions en commun ou des réunions de synthèse, c'est extrêmement compliqué, faute d'instances de concertation. Lorsque les éducateurs se déplacent au sein de l'école, nous ne sommes pas présents. Ils prennent alors l'attache auprès des CPE. Les échanges d'informations ne nous satisfont pas, car il n'y a pas de nécessité de tout partager. Nous pensons que nous jouons le rôle d'interface entre le milieu scolaire et l'aide sociale à l'enfance et qu'il n'est pas nécessaire qu'un CPE ou un enseignant soit informé de la totalité de la situation d'un enfant pour l'aider dans sa scolarité.

Nous souhaiterions des instances partenariales. Nous déplorons un manque criant d'effectifs chez nos collègues qui sont très surchargés et qui donc n'arrivent pas à trouver le temps. Souvent, nous pensons que l'école ne semble pas être la priorité, ce qui est dommage, dans la mesure où l'enfant y passe beaucoup de temps.

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On a le sentiment, en effet, que ce n'est pas la priorité de l'ASE.

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Tiphaine Jouniaux, secrétaire générale du Syndicat national des assistants sociaux de l'Éducation nationale

Les interlocuteurs sont parfois la famille d'accueil, parfois les parents, parfois l'éducateur. Se pose un problème d'intermédiaire entre l'aide sociale à l'enfance et l'Éducation nationale. Les lieux où nous pouvons échanger entre nous sont insuffisants. C'est un constat.

S'agissant des cellules de veille, Mme Gasté a relevé qu'elles étaient limitées. Nous constatons que c'est de moins en moins le cas dans la mesure où de plus en plus de professionnels d'horizons divers participent à ces instances et que leur présence pose la question du secret partagé. Est-ce la place de la gendarmerie ou de la police de participer à une cellule de lutte conte le décrochage scolaire ? Cela pose question.

Nos collègues sont souvent en difficulté professionnelle parce que nous défendons une déontologie et des valeurs de la profession, qui sont parfois mises à mal par le fonctionnement et l'organisation.

Je reviens aux informations préoccupantes. Parfois, les informations préoccupantes prennent la forme d'informations parapluie. Certains établissements signalent des faits qui ne relèvent pas du département ou d'une évaluation d'une information préoccupante. Nos collègues ont l'expertise et apportent des éléments, qui parfois engorgent la cellule de recueil des informations préoccupantes. C'est pourquoi nous pensons qu'un conseil technique destiné aux enseignants que nous sentons démunis est nécessaire. Rédiger une IP ou informer les familles n'est pas simple et les enseignants sont souvent très demandeurs de conseils techniques. C'est pourquoi nous souhaiterions que soient renforcés les moyens du premier degré afin d'accompagner les enseignants.

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Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA)

Il a été fait état des difficultés à se concerter. Il est important de noter que ce n'est pas par manque de volonté de part et d'autre mais en raison de la montée en puissance du nombre de situations qui obligent à un suivi plus réactif que proactif de l'aide sociale à l'enfance.

Suivant les départements, le nombre d'établissements peut grimper à trente ou à quarante. Nous ne pouvons visiter les établissements scolaires comme par le passé. Cela m'amène au rôle des cadres et des dirigeants de l'Éducation nationale sur les territoires qui s'impliquent dans l'observatoire départemental et l'application des schémas départementaux. À un niveau méta, hors crise et hors situation individuelle, on se connaît, on se parle, on échange des informations. Par ailleurs, les schémas départementaux peuvent contenir explicitement des actions de partenariat destinées à mieux se connaître. C'est exactement ce qui figure dans celui du département de la Dordogne qui vient de voir le jour. Il comprend des engagements réciproques de s'informer à chaque changement d'organisation ou de procédure et à venir présenter la façon dont on est organisé, l'intitulé de telle ou telle fonction, etc.

Si ces procédures ne sont pas alimentées régulièrement, année après année, à chaque rentrée scolaire, la substance se dilue. Nous constatons cette dilution sous l'effet de la masse de dossiers des mesures de protection de l'enfance. Sur le terrain, la disponibilité fléchit. Au niveau des cadres, la situation se délite, faute de prendre le temps de se parler, de se connaître et d'alimenter le partenariat au niveau départemental.

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Brice Castel, co-secrétaire général du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Je crois que ce travail approfondi, ou non, dépend des départements et des secteurs. Lorsque j'arrive dans un nouveau secteur, après m'être présenté à l'établissement, la première chose que je fais est de rencontrer la circonscription d'action sociale, les travailleurs sociaux du département pour faire connaissance et pour voir comment travailler ensemble. Je pense qu'à peu près tous mes collègues le font en arrivant sur un secteur. La difficulté est de tenir sur la durée. Au sein de notre service, nous avons des difficultés à nous rencontrer. Le découpage en bassins d'éducation ne favorise pas les rencontres à échéance régulière. Lorsque l'on prend chacun nos agendas pour fixer une date, on ne parvient jamais à prendre rendez-vous avant un mois et demi deux mois. Sur la durée, la relation avec les collègues du département ne se fait pas de manière formalisée mais de manière beaucoup plus informelle, par exemple, quand nos collègues nous donnent un petit coup de téléphone avant de présenter une synthèse pour expliquer la situation. Chacun est absorbé par son quotidien et le travail relationnel a tendance à passer un peu à la trappe.

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Nous sommes face à trois mammouths, si je peux me permettre : tout d'abord, les travailleurs sociaux, où, en général, sévit l'omerta la plus totale. Ensuite, l'Éducation nationale qui est une véritable forteresse. Enfin, le Conseil de l'Ordre qui oppose le secret médical, qui devient un frein au signalement. Je pense toutefois que nous sommes en pleine mutation et que la situation est en train d'évoluer. J'aimerais savoir si cette évolution ne pourrait pas être accélérée, tout en ayant conscience des dangers que cela suppose mais il conviendrait que chacun sorte un peu de son pré carré. Mme Jouniaux considère que la gendarmerie n'a pas sa place dans les cellules de veille. Et pourquoi pas ? À partir de 16 heures 30 le vendredi et jusqu'au lundi, n'est-ce pas la gendarmerie qui gère les signalements, récupère les enfants ?

Je citerai un exemple. À Toulouse, nous avons vécu les premiers attentats. Il s'est avéré qu'une cellule de crise s'est organisée très rapidement sous l'égide de la préfecture. Elle fonctionne bien et sur la durée, puisqu'elle se réunit une fois par mois. Cela a été absolument révolutionnaire, voire dramatique au départ pour un travailleur social de parler en présence d'un policier. La situation était si incongrue que l'on n'imaginait pas une seule seconde pouvoir aller plus loin. À l'Éducation nationale s'est greffée le département, l'Agence régionale de santé, la psychiatrie. Pour l'instant, cela fonctionne. Tout le monde essaie de retisser du lien familial et de se rapprocher des familles. L'école est le seul endroit où les familles sont présentes.

Pourrait-on travailler à retisser du lien de manière plus professionnelle, sous la forme d'une pratique dédiée car faute d'un temps spécifique et d'un lieu dédié à la rencontre, le projet peut tomber à l'eau ? C'est le premier élément sur lequel vous pourriez travailler, si vous en avez le temps, avec les familles. Je ne parle pas du signalement, mais de ce que l'on peut désamorcer. Au cours de la mission d'information, nous nous sommes bien rendu compte que tout se désagrège au fil des mois, des années. Le gâchis est monumental.

Pour en venir aux enfants, à partir de quand parlent-ils ? À partir de quand les écoute-t-on, comment prend-on en compte leur parole ? Combien de temps s'écoule-t-il avant que quelque chose se passe ? Les actions s'adressent-elles en premier lieu aux enfants ? Sont-elles transmises rapidement aux parents, à la hiérarchie ?

Vous avez évoqué les enfants qui rentrent de RDC ou qui rentrent de zone de regroupement terroriste ; ils sont un peu hors champ et un peu incasables.

Une rectrice me disait que certaines écoles accueillaient un grand nombre d'enfants de l'ASE, en sureffectif dans certaines écoles rurales avec peu d'effectifs.

Désolée pour l'éclectisme de mes questions, mais nous ne sommes pas tous des professionnels. Personnellement, je n'étais pas éducatrice.

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Brice Castel, co-secrétaire général du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Pour répondre à la question sur les psychologues de l'Éducation nationale, ma réponse tiendra en trois mots. Dans nos établissements, nous partageons le même bureau. C'est dire que nous ne travaillons pas le même jour, nous ne nous voyons jamais. Telle est la réalité de notre pratique en tant qu'assistant social : nous les croisons très peu. En l'espace de six ans, j'ai dû rencontrer deux fois la psychologue de l'Éducation nationale qui travaille dans mon établissement.

Vous avez interrogé sur les espaces destinés à accueillir les parents et sur la relation avec les familles. La loi de refondation de l'école crée des espaces « parents » dans les établissements scolaires. Dans les faits, ils existent dans certains endroits, dans d'autres, ils n'existent pas, faute d'espace suffisant dans les locaux. Mais la raison majeure tient au manque de professionnels pour animer ces lieux, nécessaires que cette action prenne du sens. Qui dit professionnel dit disponibilité et temps de présence. Cela dit, c'est un outil utile. Je vous rejoins sur la question d'éviter l'entrée des enfants dans le dispositif ASE quand c'est possible et des familles pour travailler en prévention en amont, ce qui permettrait aussi de dégager des moyens au niveau de l'ASE pour les situations qui nécessitent un réel étayage et un accompagnement.

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L'école pourrait-elle être le premier lien avec les familles ?

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Brice Castel, co-secrétaire général du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Nous sommes persuadés du rôle central de l'école. Nous partons d'un postulat très simple : l'école est le seul endroit où toutes les familles et tous les enfants sont présents et où l'enfant passe la majeure partie de son temps. Tout ce que l'enfant y vit s'exprimera à un moment donné sous une forme ou sous une autre au sein de l'établissement scolaire. À nous, adultes professionnels, de l'identifier, de le repérer et de savoir ce qu'on en fait.

Vous avez évoqué la parole de l'enfant, vous avez demandé si nous travaillions avec l'enfant, si nous rencontrions rapidement les parents. J'ai envie de vous dire, cela dépend. Le travail de l'assistant social est un travail de dentelle, nous adaptons notre réponse au cas par cas, nous sommes en permanence dans le réajustement. À chaque moment de l'accompagnement, nous nous demandons si nous faisons bien, s'il ne faudrait pas plutôt se réorienter, nous échangeons avec nos collègues. En ce qui me concerne, je ne pourrai vous fournir une règle générale, je laisserai mes collègues préciser s'ils le souhaitent.

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Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l'action sociale, de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

Je vais fournir quelques repères sur les instances qui ont été évoquées car il me semble avoir relevé quelques confusions. Peut-être en existe-t-il aussi sur le terrain,

Les établissements scolaires comptent un certain nombre d'instances.

La cellule de veille est une cellule réunie par le chef d'établissement avec les personnels sociaux et de santé afin que des choses puissent se dire ailleurs que dans la salle des professeurs.

Le groupe de prévention de décrochage scolaire (GP-DS) a vocation à accueillir plus de personnes dans le cadre des alliances éducatives ainsi que nous les avions nommées en 2015-2016 quand nous avions travaillé sur ce sujet avec l'inspection générale. Dans cette instance GP-DS, qui existe aussi dans tous les établissements du second degré et qui est pilotée par le chef d'établissement, nous retrouvons le psychologue de l'Éducation nationale, l'infirmier etou le médecin, l'assistant de service social, le CPE, un professeur ou plusieurs professeurs principaux et les services sociaux. Ainsi que cela a été préconisé, ces groupes de prévention de décrochage scolaire sont destinés à tisser du lien.

Dans les cellules de crise, nous travaillons – et heureusement – avec les policiers etou les gendarmes puisque depuis le protocole de Dreux de 2004, il existe un policier ou un référent, un policier ou un gendarme selon la zone référente du chef d'établissement et de l'établissement public local d'enseignement. À l'origine, le protocole de Dreux prenait en compte la prévention des violences. Ces cellules ont singulièrement amélioré les relations entre la police, la gendarmerie et le milieu scolaire. Le milieu scolaire a vu arriver ces policiers, ces gendarmes pleins d'interrogations ; in fine, leur présence a largement participé à la sécurisation des établissements scolaires. Les champs sont différents ; pour autant, ils interviennent quand ils sont formés, et ils sont bien formés, dans le cadre de la prévention, par exemple, des conduites addictives. À cet égard, nous travaillons avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Ils sont formés pendant quatre semaines aux compétences psychosociales dans une école à Clermont-Ferrand.

L'enjeu c'est bien la synergie de tous en faveur de l'enfant et de l'adolescent afin de construire un parcours de vie qui intègre son parcours scolaire, mais aussi ce que l'enfant vit à l'extérieur. La loi de refondation a inscrit pour la première fois dans le code de l'éducation le mot « enfant ». C'est un changement de paradigme, qui est tout sauf anodin. On ne parle pas uniquement de l'élève au sein de l'école, on parle de l'enfant. Si les acteurs de terrain parlaient déjà d'enfants ou d'adolescents, le fait que ce soit inscrit dans le code de l'éducation depuis la loi de refondation revêt du sens. Des changements d'approches se sont opérés.

L'ensemble des compétences va nous permettre de progresser pour que l'enfant puisse grandir et réaliser son parcours scolaire en toute sécurité.

La question du secret revient en permanence. Nous différencions le secret professionnel du secret médical. Le secret médical, par définition, est dévolu aux seuls médecins. Nous connaissons les positions du Conseil de l'ordre en la matière. Nous réfutons le terme de secret partagé qui n'existe pas en droit ; par définition, nous partageons des informations, non un secret, et nous sommes attentifs à ce que les personnels sociaux et de santé exercent dans le respect de ce fondement de leur action – il s'agit d'une prérogative essentielle. Des enfants peuvent se confier dans un dialogue singulier avec un infirmier, un médecin ou un assistant de service social parce qu'ils savent que ce secret est protecteur vis-à-vis de leurs parents ou d'autres adultes. Nous le rappelons régulièrement au cours de la formation.

S'agissant donc du secret partagé, nous revenons régulièrement à des notions de droit. Sans doute faut-il encore améliorer la sensibilisation.

Les enfants qui reviennent de zones de regroupement terroriste sont fort peu nombreux – le chiffre nous est régulièrement donné par les médias. Par une instruction en date de février 2018, un dispositif a été construit dans un cadre interministériel à la demande du Président de la République. L'ensemble des ministères sont concernés. C'est ainsi que le ministère de l'Intérieur – cette politique est sous l'égide des préfets de département autour des cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF) –, le ministère de la Santé et des Solidarités en lien avec l'ARS, le ministère de la Justice et le ministère de l'Éducation nationale travaillent de concert dans le cadre d'un comité de pilotage et les acteurs dans les territoires.

Un dispositif de double mesure a été mis en oeuvre pour que ces enfants puissent en bénéficier. Les services de l'ASE sont dans la boucle. Si certains enfants peuvent être confiés à leurs parents biologiques ou à leurs grands-parents après que ceux-ci ont fait l'objet d'une évaluation des compétences parentales et qu'ils n'ont pas été identifiés comme terroristes, d'autres enfants sont placés à l'ASE. Nous disposons donc d'un dispositif particulier. Les enfants ne sont pas hors cadre et bénéficient d'une attention toute particulière.

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Christine Coq-Moutawakkil, chargée de mission à l'Union nationale des syndicats représentatifs (UNSA)

Le secret professionnel n'est pas un droit des travailleurs sociaux, c'est une obligation au regard du respect de la vie privée, qui est un droit constitutionnel. Les travailleurs sociaux qui travaillent à l'Éducation nationale ou ceux qui sont en contact avec les enseignants ou les chefs d'établissement doivent mesurer et peser l'information qui est strictement nécessaire et qu'il est possible de transmettre pour éclairer l'action du professionnel qu'il a face à lui.

Ce partage d'informations ne peut intervenir qu'avec l'accord des intéressés et sert de cadre. Il ne s'agit donc pas d'une protection qui nous pousserait à être en retrait ou à refuser à transmettre des informations, nous nous fondons sur l'attention particulière qui doit être portée au respect de la vie privée. Peut-être une dimension particulière s'attache-t-elle à l'Éducation nationale. Les enseignants sont animés de la volonté d'adapter leur pédagogie, leur contact et leur accueil à l'enfant en difficulté. La tentation est de penser que plus elle en saura, mieux elle adaptera son comportement. En fait, on aboutit à un non-sens. L'enseignant doit connaître un minimum pour ajuster son action mais connaître les détails, au contraire, aura un effet pervers que les enseignants et les pédagogues connaissent bien sous le nom de Pygmalion. Dès lors que l'on a une image très marquée de quelqu'un, on pense que l'on va s'adapter pour faire évoluer la personne. Au contraire, cela la pénalise. C'est pourquoi je rejoins la DGESCO et mes collègues syndiqués sur la nécessité d'entreprendre un large travail d'explicitation auprès des professionnels de l'Éducation nationale. Des connaissances juridiques doivent être diffusées auprès des institutions pour que tout le monde soit plus à l'aise avec ces notions et que ce ne soit pas une guerre de tranchées. Tel n'est pas le sujet, qui reste l'enfant et ses parents.

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Nathalie Andrieux-Hennequin, co-secrétaire générale du Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Un service social est nécessaire dans le premier degré ; en effet, nous sommes persuadés que la protection de l'enfance repose sur la prévention. Si les difficultés familiales ont des conséquences sur la scolarité, une scolarité qui se passe mal a des répercussions dans les familles.

Il est nécessaire d'avoir du personnel formé pour aider à une compréhension commune. C'est ce à quoi nous nous attachons déjà dans le second degré, nous expliquons aux familles ce qui est attendu, aux enseignants les difficultés rencontrées avec telle famille, nous organisons des entretiens. Quand on connaît la famille et qu'elle nous fait confiance, il est important de la rencontrer avec les enseignants lors d'un premier entretien afin qu'elle se rende compte qu'elle n'a pas à craindre un enseignant ; parallèlement, l'enseignant n'a pas à craindre la famille. Il faut oeuvrer en ce sens. C'est ce lien que nous souhaiterions également créer dans le premier degré. La protection de l'enfance repose sur un champ beaucoup plus large, elle passe par l'éducation de chacun.

Un projet de loi a été débattu sur la fin de la fessée. Ce sont des principes qui doivent s'apprendre, sur lesquels il faut échanger et travailler, y compris avec les enfants, dans le cadre de séances sur la protection de l'enfance, sur le droit, sur les droits propres de l'enfant. L'école est le lieu où on peut rencontrer les enfants, sans que les familles soient montrées du doigt comme étant passées par l'aide sociale à l'enfance. L'école présente l'avantage de voir tous les enfants et d'avoir un lien avec les parents. C'est pourquoi nous souhaiterions un vrai service social avec des moyens accordés au premier degré et non au détriment du second degré car les situations entre le premier degré et le second degré ne sont pas les mêmes. Ce n'est pas parce que l'on fait de la prévention dans le premier degré que des difficultés n'apparaîtront pas au collège et plus encore au lycée.

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Nathalie Andrieux-Hennequin, co-secrétaire générale du Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU)

Je veux rappeler que le terme de burn out a été inventé pour les accompagnants, notamment les travailleurs sociaux. C'est une réalité. Nos collègues tirent le signal d'alarme, car la situation devient insupportable à vivre avec les MNA. Ils ont choisi un métier pour aider alors qu'ils se retrouvent avec pour seule possibilité d'écouter, de pleurer avec les enfants et de ne rien pouvoir leur apporter de plus. Cela devient insupportable pour les travailleurs sociaux.

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Mesdames, monsieur, nous vous remercions beaucoup de votre participation.

La réunion s'achève à seize heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information de la Conférence des présidents sur l'aide sociale à l'enfance

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 14 heures

Présents. – Mme Jeanine Dubié, Mme Perrine Goulet, Mme Monique Limon, Mme Sandrine Mörch, Mme Bénédicte Pételle, M. Alain Ramadier

Excusés. – Mme Delphine Bagarry, M. Paul Christophe, Mme Françoise Dumas, M. Franck Marlin