L'ensemble des personnels de l'Éducation nationale doit recevoir une formation initiale et continue, tel que prévu à l'article 542-1 du code de l'éducation.
Cette formation est organisée en formation initiale par ce que l'on appelait jusqu'alors les ESPE, écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Elle est également dispensée de manière continue dans le cadre des plans académiques de formation. À cet égard, les conseillers techniques de service social y apportent toute leur expertise.
Nous avons renforcé la sensibilisation et la formation en matière de protection de l'enfance parce que si les assistants de service social sont les premiers experts en termes de contact avec les familles et d'interface avec les services sociaux départementaux, il faut considérer que le temps que l'élève passe à l'école est un temps avant tout pédagogique et que les professeurs sont les premières personnes-ressources du repérage des situations à risque ou des situations de mal-être.
Au regard des chiffres qui nous sont remontés, les enseignants sont les plus pourvoyeurs, notamment dans le premier degré, des informations préoccupantes et des signalements. Cela n'a rien d'étonnant dans la mesure où un enseignant voit l'élève évoluer chaque jour, semaine après semaine, au cours d'une année scolaire, parfois sur plusieurs années lorsque l'élève est amené à rencontrer le même professeur des écoles ou du collège d'une année sur l'autre. Peu d'enseignants restent insensibles à cette thématique ; la très grande majorité des enseignants a pour objectif la réussite scolaire de leurs élèves. C'est leur coeur de métier, ils savent parfaitement que les apprentissages sont assimilés si l'enfant connaît des conditions de sécurité psycho-affectives minimales. Ils sont donc les premiers pourvoyeurs de signalements.
Je vais vous faire part de mon expérience. Avant de travailler à l'administration centrale, j'ai été vingt-six ans sur le terrain ; j'étais chef d'établissement. Les enseignants étaient les premiers à frapper à la porte de mon bureau. Les enseignants signalent soit directement à l'assistant de service social s'il ou elle est là ce jour-là, soit à un autre personnel de l'Éducation nationale. Ce peut être le chef d'établissement, son adjoint ou le conseiller principal d'éducation, mais, en tout état de cause, c'est l'enseignant qui repère les situations de mal-être, les situations problématiques ou les conduites à risques. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il sait bien faire et de toute façon tel n'est pas son métier. Nous revenons au travail en équipe déjà évoqué : chacun doit agir en fonction de son expertise et surtout dans le cadre du respect de ses missions.
Nous sensibilisons les enseignants à la protection de l'enfance, à repérer les signes de mal-être, les situations ou les conduites à risques et à orienter rapidement, à ne pas garder pour eux cette situation problématique et donc à ne pas se placer dans la posture du sauveur, qui serait très problématique, à la fois pour l'enfant mais aussi pour la personne adulte. D'où l'importance des commissions ad hoc ou des cellules de veille que nous avons évoquées. On parle de cellules de veille dans le second degré, mais dans le premier degré, il peut y avoir d'autres types de réunions et d'enquêtes.
Dans le cadre des cellules de veille, un certain nombre de choses peuvent être dites, dans la mesure où elles sont de formation restreinte. Y assistent le chef d'établissement etou son adjoint, l'assistant de service social, l'infirmier, le médecin, s'il le peut, le CPE, soit cinq ou six personnes. Les professeurs n'ont pas vocation à y participer.
Vous évoquiez le fait qu'un enfant pouvait être placé rapidement, ce qui arrive très rarement. Il faut vraiment qu'une situation d'une extrême violence ait eu lieu pour que le procureur prenne une décision aussi urgente. En l'occurrence, ce n'est pas le rôle de l'enseignant de le préparer. Il arrive que l'assistant de service social ne soit pas présent ce jour-là. J'ai eu à connaître des situations où nous avons été prévenus le matin et l'enfant est sorti de cours à la suite. J'étais proviseur lorsque cela s'est produit pour un élève de seconde ; dans le même temps, le même jour, son frère et sa petite soeur ont été retirés, l'un du collège, l'autre de l'école primaire.
Dans ces cas-là, les personnes qui sont prévenues, à savoir le chef d'établissement, le directeur d'école, l'assistant de service social font le lien. Immédiatement, nous avons été en communication téléphonique – assistant de service social, directeur d'école, principal et proviseur. Nous nous connaissions, un travail en réseau s'est mis en place entre les écoles, le collège et le lycée de secteur.
Les assistants de service social, les infirmières ou les infirmiers sont rattachés à un secteur qui compte plusieurs collèges et écoles, mais entre personnels de direction et directeurs d'école du premier degré, les personnes se connaissent. Elles ont l'habitude de se rencontrer dans le cadre de réunions institutionnelles. Il n'appartient pas au professeur de gérer une situation d'urgence, même si cela se produit pendant le temps scolaire. On laisse le cours se terminer, on ne vient pas chercher l'enfant en cours.
Le chef d'établissement ou le CPE n'a pas à se transformer en travailleur social, ce qu'il n'est pas d'ailleurs, et il ne le revendique pas, mais il peut accompagner l'enfant car il a aussi une formation en protection de l'enfance.
Les enseignants sont formés à repérer. Nous les accompagnons ensuite dans la rédaction de l'information préoccupante car la tâche n'est pas simple. Même si la situation a bien évolué depuis quinze ou vingt ans, il reste encore quelques enseignants qui peuvent, non par résistance malsaine mais par souci de mal faire, ne pas vouloir la rédiger. Cela arrive encore parfois, même si nous les accompagnons. Normalement, c'est la personne qui reçoit la parole de l'enfant en toute confiance et qui a été choisie par l'enfant comme personne-ressource qui doit rédiger l'IP afin d'éviter toute transformation. Quand ils sont là, les assistants de service social peuvent réaliser cet accompagnement, mais il peut également être fait par un autre personnel de l'établissement. Sans doute reste-t-il une marge d'amélioration en la matière.
Sur la question relative aux professeurs détachés dans les foyers de l'ASE, la DGCS demande que des professeurs y soient détachés. De cette question nous débattons avec elle depuis un an. Cette formule existait voilà une trentaine d'années. Le résultat n'est peut-être pas totalement probant car nous militons plutôt pour une école inclusive.
Trois cent quarante mille enfants sont placés à l'ASE, mais bien d'autres enfants ne sont pas placés qui ont besoin d'une protection particulière. Nous accueillons, en effet, des adolescents qui reviennent de RDC, qui ont vu des choses très dures, ou des mineurs de retour de zones de regroupement de terroristes.
Quantité de mineurs que nous accueillons ont des parcours de vie singuliers pour lesquels une protection est nécessaire. Dans la très grande majorité des cas, il est plus profitable pour l'enfant ou l'adolescent d'être inséré dans le groupe des élèves, ce qui normalise son parcours, plutôt que de rester dans un foyer de l'ASE où les enfants ayant connu des parcours singuliers et des souffrances singulières restent entre eux. Nous visons plutôt une école inclusive. Cela ne signifie pas que des aménagements ne soient pas possibles. Par exemple, plutôt que de viser une scolarisation à temps plein quand un enfant est en situation de stress post-traumatique après avoir été retiré d'une famille maltraitante et placé en foyer, il ne sera pas scolarisé à temps plein. Nous procédons à des aménagements d'emploi du temps, nous le faisons régulièrement. Pour autant, envoyer un enseignant faire cours au sein du foyer de l'ASE nous semble à moyen terme plus délétère pour l'enfant. Il faut se poser la question de la pérennisation de ce type de dispositif.