Merci. Bonjour à toutes et à tous. Merci d'accueillir le Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert (CNAEMO) que je représente aujourd'hui et que je préside depuis 2015. Le Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert est un mouvement national qui représente aujourd'hui une centaine d'associations et de services. Je rappelle qu'il existe environ 160 services prenant en charge des enfants dans le cadre de leur milieu d'origine. On peut remplacer le mot « milieu ouvert » par « milieu d'origine ». 10 000 enfants sont aujourd'hui pris en charge, en protection de l'enfance, à partir de leur milieu naturel et non par une autre modalité. Il convient de le repréciser. Le Carrefour national de l'action éducative représente également environ 4 900 professionnels et comprend 200 adhérents personnes physiques.
Il existe depuis 40 ans. Sa création coïncide aux premières lois de décentralisation. Un certain nombre d'acteurs, sur le territoire, se sont demandés si la décentralisation ne risquait pas d'instaurer des iniquités territoriales, question qui est posée encore aujourd'hui. Nous fêterons, l'année prochaine, les 40 ans d'existence de ce mouvement, sachant qu'un certain nombre de questions posées à l'époque se posent toujours aujourd'hui. Certains acteurs, notamment de Normandie, de la région lyonnaise et de la région parisienne, s'étaient entretenus et ont créé le Carrefour pour veiller aux effets provoqués par les lois de décentralisation du début des années 80. Tel est le contexte historique.
Quelques mots de façon plus générale. J'interviens régulièrement pour le Carrefour national en tant que président et nous mettons souvent en avant les disparités territoriales. Qui dit disparités territoriales dit chances inégalitaires pour les enfants et les familles. Au vu des territoires, les dispositifs sont aujourd'hui extrêmement variés. Un dispositif à un endroit précis ne correspond absolument pas à un autre. Cette disparité est très marquée sur le territoire. À l'époque de la création du CNAEMO, il existait grosso modo deux possibilités en protection de l'enfance, soit le milieu ouvert avec l'accompagnement à domicile, soit le placement. Nous avons donc beaucoup réfléchi et écrit sur la manière de sortir du mode binaire entre milieu ouvert et placement. Il existe aujourd'hui une palette de dispositifs et de services diversifiés entre le milieu ouvert traditionnel et le placement. Nous avons écrit un livre, que nous avons reçu hier de notre éditeur et qui s'intitule « Protection de l'enfance, la diversification dans tous ses états », où nous expliquons la palette existant aujourd'hui sur le territoire national. Cet ouvrage fait suite aux Assises nationales que nous avions organisées à Évreux et que la ministre de l'époque, Madame Rossignol, avait ouvertes, neuf jours après la promulgation de la loi de 2016. Nous avons essayé de faire état de ce qui existe aujourd'hui sur le territoire, sachant que l'ensemble des dispositifs entre le milieu ouvert et le placement ne répondent pas à une loi ou à une réglementation très précise.
Je dirige pour ma part le service des SEMO. En 1974, deux personnes, au sein de l'association l'ACSEA où je travaille aujourd'hui, se sont dit que certaines situations étaient trop complexes pour être suivies en milieu ouvert traditionnel, mais n'étaient pas assez dégradées pour conduire au placement. D'où l'idée, qui date de 1974 et qui a été expérimentale jusqu'à la loi de 2007, de créer de l'AEMO renforcée avec hébergement, que je pourrai, si vous le souhaitez, vous présenter plus en détail. Avec la loi de 2007 et tous ses enjeux de diversification, ce dispositif a été rendu beaucoup plus visible et n'a plus été expérimental. Cette expérimentation tenait d'une volonté politique des différents acteurs, à la fois du Conseil départemental, de l'association qui l'avait créée et des magistrats du tribunal de grande instance de Caen. La protection de l'enfance comprend aujourd'hui, en France, une multitude de dispositifs qui sont très différents selon les territoires.
Un autre aspect me paraît important. Très souvent, on oppose le suivi d'un enfant ou d'un adolescent en protection de l'enfance aux aides ou au suivi de la famille et des parents. Il nous paraît important d'affirmer que les deux ne sont pas en opposition. Certaines lois se sont centrées sur l'intérêt de l'enfant, d'autres sur l'environnement à prendre en compte. Nous avions répondu à un rapport de la Cour des comptes, en 2009-2010 et à un rapport sur le milieu ouvert de l'ONED, en 2013. Nous avions créé un groupe de travail conjoint avec deux fédérations, le CNAEMO et la FNAAFP. Nous avions réuni des professionnels autour de 11 critiques et questions et avions essayé de répondre de façon assez simple à ce qu'était le travail en milieu ouvert. Est-il plutôt centré sur l'enfant ou sur la famille ? Est-il centré sur les deux ? Est-ce qu'il travaille sur les compétences parentales ou non ? Comment être garant d'une certaine protection de l'enfant tout en travaillant d'autres aspects qui ne répondent pas aux premiers objectifs du magistrat dans une mesure d'AEMO ? Nous avons réalisé un document dit de vulgarisation pour expliquer très simplement les critiques émises sur le milieu ouvert. Notamment, comment l'AEMO peut-elle à la fois protéger l'enfant et avoir un impact sur le fonctionnement familial ? Nous avons essayé d'y répondre assez simplement. Une autre question souvent posée est de savoir si le nombre de mesures par éducateur a un impact sur la qualité de l'intervention. Nous pouvons penser que la réponse est « oui », mais nous avons expliqué que de nombreux facteurs intervenaient, notamment la façon dont le territoire et les services eux-mêmes étaient organisés, la présence de fonctions supports ou pas, la présence de psychologues et de psychiatres dans les services, etc. Nous avons essayé d'apporter des explications simples. Ce document a été largement diffusé et a rencontré un franc succès puisqu'il reprend les questions qui peuvent se poser sur les mesures de milieu ouvert.
En termes d'iniquités territoriales, comme je l'ai dit récemment dans un groupe de travail au Sénat, les professionnels des associations ne cherchent pas à disposer tous des mêmes moyens. Nous cherchons plutôt à avoir les mêmes chances pour les enfants, les adolescents et leurs familles. On nous oppose souvent les moyens en disant que les moyens sont insuffisants sur tel ou tel territoire. Quelles mêmes chances pouvons-nous donner aux uns et aux autres ? Cette question nous paraît importante.
Le CNAEMO réfléchit et écrit également beaucoup sur l'articulation entre les Départements et les associations et entre les Départements et l'État dans le champ de la protection de l'enfance. Dans certains territoires, cette articulation fonctionne bien, mais dans beaucoup d'autres, elle est extrêmement compliquée, ce qui a un impact sur les réponses apportées aux enfants et aux adolescents.
Voilà un panorama rapide du milieu ouvert et de la fédération du CNAEMO qui existe depuis une quarantaine d'années. Nous avons une expertise de terrain grâce à 17 délégations régionales. Je suis seul aujourd'hui à cette audition puisqu'a lieu, à Lille, notre séminaire politique qui présente toutes les actions réalisées cette année et celles prévues l'an prochain. Je l'ai ouvert ce matin et je repars à Lille tout à l'heure pour poursuivre les travaux. La fédération a la particularité de regrouper des personnes en activité, de toutes les fonctions, tant des directeurs généraux que des travailleurs sociaux, des psychologues, des secrétaires, etc. ce qui nous permet d'avoir un regard multiple. Les associations et les professionnels adhérents de la fédération ont également une vision sur le milieu rural. La protection de l'enfance en milieu rural est tout à fait différente de la protection de l'enfance dans les grandes villes ou à Paris. Sont souvent évoquées les situations d'un département à l'autre, mais avec notre vision du terrain, nous pensons qu'il faut affiner cette analyse par bassin de population et par bassin de vie. Il est inutile que je vous présente par exemple l'état des mesures en attente dans le Calvados, sachant que dans ce département, Caen et son agglomération connaissent une suractivité et les autres territoires, plus ruraux, une sous-activité. Il faut donc aller au-delà des études et des chiffres par département pour avoir une vision globale de l'état actuel de la protection de l'enfance.