Intervention de Jean-Philippe Vinquant

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 17h30
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) :

Il faut que l'État s'assure que les Conseils départementaux font ce qu'ils doivent faire, selon des modalités qui peuvent être différenciées. Comme je l'ai dit hier au président d'un territoire au sein du groupe de travail, lorsqu'une collectivité a une compétence à exercer et des obligations correspondantes, elle n'a pas le choix de ne pas faire. Elle peut le faire de façon différente, comme le veut la libre administration, mais elle ne peut pas décider de ne pas faire.

Au moment de la décentralisation, l'Inspection générale des Affaires sociales s'est vue confier la compétence de contrôler et d'auditer les Conseils départementaux au titre de l'aide sociale à l'enfance. Cette compétence n'a pas été mise en oeuvre pendant un certain temps et l'IGAS l'a reprise depuis plus d'une dizaine d'années, mais elle ne lui permet pas de contrôler plus de deux ou trois Conseils départementaux par an. Cette année, trois Conseils départementaux sont au programme de ces contrôles de l'Inspection générale des Affaires sociales. C'est pourquoi l'IGAS a construit une grille d'auto-évaluation par les Conseils départementaux sur la façon dont ils remplissent leurs missions et leurs obligations au titre de l'aide sociale à l'enfance. Le guide a été réactualisé à plusieurs reprises, la dernière version date de 2014. L'IGAS est d'accord pour actualiser ce guide et pour faire en sorte qu'il soit en adéquation avec les nouvelles dispositions de la loi de mars 2016. L'Inspection générale a donc réalisé un investissement particulier pour contrôler davantage les Conseils départementaux. Les Chambres régionales des comptes peuvent également contrôler les Conseils départementaux et la Cour des comptes vient de lancer une grande enquête sur la protection de l'enfance.

Néanmoins, au vu du nombre de Conseils départementaux qui seront contrôlés et qui se livreront à un auto diagnostic, la fréquence des contrôles ne sera pas tous les trois ans ou tous les quatre ans. Dans le cadre de la rénovation du pilotage et de la gouvernance de la politique de la protection de l'enfance, nous pourrions mettre en place une plus grande transparence sur ce que font les Conseils départementaux en matière de souscription à leurs obligations légales, réglementaires et d'exercice de leurs compétences. Un tel pilotage de la politique de la protection de l'enfance pourrait être initié, comme il existe avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie où les Conseils départementaux, sur la base d'un certain nombre d'objectifs déterminés conjointement et pertinents, rendent des comptes sur leurs actions.

Avant les crédits de la Stratégie pauvreté, il n'y avait pas de financement spécifique de l'État sur la protection de l'enfance. Cette politique a été décentralisée et compensée en 1983 et depuis, la protection de l'enfance est financée sur la base des dotations de décentralisation et des recettes fiscales qui ont été dévolues aux Conseils départementaux. Il n'est jamais voté, dans le PLF, une ligne de crédits qui finance la protection de l'enfance. Ces financements sont dans le bloc historique de compensations aux Conseils départementaux. Quand les dépenses progressent plus vite que les dotations et les concours versés aux Conseils départementaux, les Conseils départementaux disent qu'ils sont en situation de crise entre leurs recettes et leurs dépenses et qu'ils ne peuvent plus faire face à leurs obligations. D'où un dialogue très approfondi entre l'État, la mission d'Alain Richard et de Dominique Bur et les Conseils départementaux et l'accord qui a été trouvé entre l'État et l'Association des départements de France (ADF). L'État va financer davantage un certain nombre de missions des Conseils départementaux en matière de protection de l'enfance, notamment liées aux mineurs non accompagnés, un sujet catalyseur des difficultés de la protection de l'enfance. L'État va également apporter des crédits dans le cadre de la Stratégie pauvreté, en plus d'un fonds de stabilisation pour les Départements en situation financière très critique.

Nous pourrions imaginer que dans le cadre d'une contractualisation sur objectif entre l'État et les Conseils départementaux, une partie des crédits finançant la protection de l'enfance soit consacrée à une modulation à la hausse ou à la baisse, en fonction de ce que font ou non les Conseils départementaux. Je lance cette idée, mais elle n'a pas été soumise à concertation. Je ne sais pas si le Gouvernement et les Conseils départementaux souhaiteraient s'inscrire dans une logique de donnant-donnant et de modulation, avec la possibilité de sanctionner le non-respect d'un certain nombre d'obligations ou de dispositifs. Quand des concours spécifiques sont prévus pour certaines actions, il est facile pour l'État de payer quand elles sont réalisées. Par exemple, la rénovation du financement des évaluations pour les mineurs non accompagnés conduit à un paiement sur facture. Les évaluateurs transmettent les factures et sont remboursés par l'Agence des services de paiement. S'agissant d'actions très anciennes et décentralisées depuis 1983, il est plus difficile de nouer une contractualisation. Une réflexion est nécessaire si nous voulons rentrer dans cette démarche de contractualisation.

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