Intervention de Jean-Jacques Coiplet

Réunion du jeudi 13 juin 2019 à 9h15
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Jean-Jacques Coiplet, directeur général de l'ARS des Pays-de-la-Loire :

Vous avez raison de souligner l'importance du parcours de santé et de vie. Les mille premiers jours de la vie d'un enfant – de la conception à deux ans – sont fondamentaux. C'est sur cette période que tous les acteurs, tous les financements, tous les dispositifs doivent converger et être mieux coordonnés, afin de prévenir, diagnostiquer et dépister dès le plus jeune âge. Beaucoup d'initiatives se sont développées : soutien parental, équipes mobiles, etc. Reste à mieux les coordonner au niveau territorial, voire infraterritorial.

Vous aurez compris dans nos propos que nous mettons beaucoup d'espoir dans l'expérimentation portée par le docteur Vabres du CHU de Nantes : grâce à l'article 51 de la LFSS 2018, son financement est souple et forfaitaire ; elle valorise des intervenants non pris en compte dans le droit commun – psychologues, psychomotriciens ; elle s'inscrit dans une dynamique de parcours, avec une première consultation, longue et complexe.

Pourquoi les professionnels de santé ne sont-ils pas en mesure de détecter la maltraitance ? Il y a de multiples raisons, mais leur formation initiale et continue ne les y prépare pas. Ils ne sont pas toujours sensibilisés aux problématiques sociales. En outre, dans certains territoires, la démographie médicale est en berne et il faut avoir du temps pour mener ce type d'analyse, tout en disposant d'une bonne connaissance du territoire.

C'est tout l'intérêt de l'expérimentation menée par le docteur Vabres et ses équipes : elle permettra une consultation longue et complète – un dépistage en amont – au service de la traçabilité et du suivi du parcours de ces enfants. Vous avez raison concernant leur carnet de santé, extrêmement important : très souvent, l'historique de leur parcours n'est pas connu ; il est parfois perdu entre les différentes institutions.

Une deuxième expérimentation intéressante est désormais menée dans de nombreux territoires : il s'agit du développement des compétences psychosociales des enfants. Certaines expériences sont menées dès deux ou trois ans à l'école maternelle. Elles visent à apprendre aux enfants à mieux exprimer leurs sentiments, à verbaliser, à échanger et à s'écouter. En Loire-Atlantique, près de 8 000 jeunes de CM1 et CM2 en ont bénéficié, avec des enseignants formés. Ces compétences sont probantes – elles ont fait leurs preuves : nous formons de futurs citoyens capables d'exprimer leurs sentiments, d'échanger, de s'écouter et de se respecter. Cela fonctionne également avec les parents, qui peuvent avoir des difficultés, ou des jeunes adultes. L'apprentissage de ces compétences est en cours de généralisation dans certains territoires, en partenariat, et nous souhaiterions qu'il puisse se déployer à l'école.

D'autres expériences sont intéressantes, comme le programme de promotion de la santé et de l'attachement des nouveau-nés et de leurs jeunes parents (PANJO), dispositif de soutien aux puéricultrices de la protection maternelle et infantile (PMI) mis en place dans de nombreux départements, qui vise à les aider dans leur travail de supervision et à développer les visites à domicile.

« Ecout'Emoi » oriente des jeunes de 11 à 25 ans vers des consultations de psychologues prises en charge par l'assurance maladie.

Ces expérimentations sont complémentaires – notre collègue de la DGOS l'a bien décrit : le déficit en pédopsychiatres ou psychiatres est réel, mais il est aussi important de développer les interventions pluridisciplinaires – pratiques avancées, délégation de tâches, etc. Le décloisonnement, la souplesse, les réponses partagées sont fondamentaux : quand les enfants de l'ASE rencontrent des difficultés, on est tenté de renvoyer la faute au pédopsychiatre ou aux acteurs médico-sociaux ou sociaux. Il faut dépasser cette vision des choses – les agences tentent de le faire, en liaison avec les conseils départementaux – et inventer des solutions différentes : financement d'équipes mobiles qui se déplacent sur le lieu de vie des enfants ; financements croisés entre le conseil départemental et l'ARS ; mise en place de structures innovantes. Ainsi, en Loire-Atlantique, nous avons imaginé un nouveau type de familles d'accueil avec le conseil départemental, à la hauteur de nos moyens, de nos ambitions, des projets de chacun et dans le respect des compétences des uns et des autres. Auparavant, souvent, pendant le week-end, les jours fériés ou les vacances, les jeunes étaient transférés de la pédopsychiatrie au médico-social – et inversement – ou du médico-social et de la pédopsychiatrie vers l'aide sociale à l'enfance. En partant de l'ASE, nous avons donc imaginé une formule innovante de familles d'accueil « étayée », soutenue par le sanitaire et le médico-social. Cette formule hybride démontre que nous pouvons apporter des réponses innovantes, mieux coordonnées, financées de manière souple et forfaitaire, mais surtout inclusives. Nous encourageons les acteurs du champ médico-social dans cette direction, mais cela vaut également pour l'aide sociale à l'enfance et la pédopsychiatrie, Cela ne veut pas dire que nous n'aurons plus besoin de structures « contenantes », mais nous devons imaginer des formules plus souples et des équipes plus mobiles, allant vers les besoins, plutôt que d'amener les enfants dans les institutions.

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