La création du DDAEOMI procède d'une application à la lettre de la circulaire Taubira et du décret du 24 juin 2016 relatif à l'accueil et aux conditions d'évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Nous sommes souvent accusés d'être une gare de tri mais nous ne faisons qu'appliquer les textes grâce à une méthodologie précise. L'évaluation, qui coûte environ 3 000 euros, doit être réalisée en cinq jours, délai qui peut aller jusqu'à treize jours quand il y a des doutes, voire vingt et un jours quand ils n'ont pu être levés.
Ce dispositif existe en Haute-Garonne, dans l'Ariège et dans le Gers. Le Tarn, dans l'attente du lancement d'un appel à projets, s'est doté d'un dispositif expérimental d'évaluation (DEE). Nous allons ouvrir le 1er juillet un DDAEOMI à Clermont-Ferrand car le Puy-de-Dôme a connu 600 entrées en une année, ce qui a provoqué une saturation des hôtels du département. Nous n'arrivons pas à répondre à toutes les demandes et il y a déjà sept départements en attente.
Notre politique est simple : pas de jugement au faciès mais un accueil inconditionnel, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par an.
La première de nos missions est la mise à l'abri. Nous donnons aux personnes qui arrivent de la nourriture et nous les laissons se reposer dans une chambre. Elles sont ensuite examinées par notre service de santé. Dans un souci éthique, pour que ce dispositif réponde de la manière la plus précise qui soit à la loi, nous avons collaboré étroitement avec le parquet de Toulouse, notamment avec Mme Florence Poudens, procureure de la République adjointe près le tribunal de grande instance de Toulouse.
Après cette phase d'accueil, le parcours d'évaluation du jeune se déroule en trois étapes. Il commence par un entretien visant à comprendre son parcours migratoire. L'entretien suivant est consacré à sa vie dans son pays d'origine et aux raisons pour lesquelles il a voulu le quitter. Vient ensuite un troisième entretien qui établit un faisceau d'indices permettant à chacun des partenaires avec lesquels nous travaillons régulièrement de trouver les réponses dont il a besoin : le parquet, le juge des enfants, la préfecture, la police aux frontières.
De manière générale, nous ne nous lançons pas dans la mise en place d'un nouveau dispositif tant que nous n'avons pas pu réunir les parties concernées. Dans la perspective de l'ouverture du DDAEOMI de Clermont-Ferrand, nous avons déjà ainsi eu deux réunions d'ensemble. Il est essentiel que nous nous assurions que nous avançons tous dans le même sens et que nous partageons les mêmes codes sinon l'évaluation risque de perdre de son sens.
Chaque évaluation nécessite une douzaine d'heures de travail. Le rapport final comprend six à sept pages, dont la moitié est consacrée à une analyse. Nous ne nous contentons pas de retranscrire le récit de vie fait par la personne ; nous tentons de mettre au jour d'éventuelles contradictions.
À cela s'ajoute une évaluation scolaire qui nous permet d'avoir une meilleure connaissance du parcours du jeune dans son pays d'origine ainsi qu'une évaluation de son comportement dans la structure d'hébergement, fournie par les éducateurs.
Les seules personnes qui ne participent pas à l'évaluation sont les membres du service de santé et les psychologues. Ces derniers se consacrent aux problématiques psychiques que rencontrent ces jeunes et elles sont nombreuses, je ne vous le cache pas. Il y a beaucoup de pathologies de santé et les soins qu'elles nécessitent sont financés en totalité par les conseils départementaux – les agences régionales de santé sont totalement absentes du dispositif. Nous avons accès aux permanences d'accès aux soins de santé (PASS) mais vous savez comme moi qu'elles sont saturées. Les médicaments et les soins sont payés par le DDAEOMI et sont dispensés par une équipe d'infirmiers et d'infirmières au top, ayant une connaissance fine des problèmes rencontrés par les jeunes de vingt-quatre nationalités différentes que nous accueillons aujourd'hui. Même si le DDAEOMI 31 n'a ouvert qu'en juillet 2016, nous avons l'impression d'avoir une expérience bien plus ancienne : chaque année semble valoir cinq ans dans une autre structure tant le flux de nouveaux arrivants est nourri. Nous faisons tout pour maintenir une attitude bienveillante à leur égard car il s'agit bien souvent de victimes. Il arrive, bien sûr, que certains viennent en France avec un visa touristique et un cartable tout prêt au dos mais beaucoup ont subi des violences. En Haute-Garonne, nous accueillons des jeunes filles guinéennes victimes de traite. Une interruption volontaire de grossesse est pratiquée chaque mois. Il faut savoir que les garçons aussi sont abusés. Ceux qui sont passés par la Libye ont été considérés plus comme des objets que comme des êtres humains. Ils y ont été matraqués, harcelés, abîmés. Nous avons pu croire que le fait que ce pays ne soit plus un point de passage obligé était une bonne nouvelle mais apparemment, ils subissent aussi des sévices lorsqu'ils transitent par l'Espagne, mais dans une moindre mesure.
Depuis que plusieurs DDAEOMI ont été mis en place, force est de constater que les taux de reconnaissance de minorité par les parquets sont inférieurs à 20 % – 11,9 % en Haute-Garonne, 5 % dans le Gers.
Nous pouvons aussi tenter de savoir si les jeunes reconnus mineurs sont vraiment mineurs. En Haute-Garonne, la mission est séparée en trois unités bien distinctes : l'unité de mise à l'abri ; l'unité d'évaluation qui héberge les jeunes le temps des entretiens ; l'unité d'orientation qui prend en charge ceux qui sont déclarés mineurs par le parquet. Une fois la minorité reconnue, deux parcours sont possibles : si le département bénéficie de la péréquation, les jeunes sont orientés par la cellule nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) vers les départements censés avoir des places ; si le département n'en bénéficie pas, ils sont placés en Haute-Garonne qui reçoit en plus des mineurs d'autres départements.
Petit aparté sur la péréquation. Dans le principe, c'est une bonne chose puisqu'elle repose sur la solidarité nationale : une clef de répartition s'appliquant à l'ensemble du territoire national permet de soulager les départements saturés. En réalité, les départements qui font l'effort d'appliquer la loi sont punis, comme j'ai eu l'occasion de le dire à Mme Belloubet lors de sa visite au DDAEOMI, il y a quinze jours. Le nombre d'entrées dans le département est divisé par deux dès que nous apposons une plaque DDAEOMI. Dans un premier temps, nous servons beaucoup de dispensaire : des jeunes et des moins jeunes viennent se faire soigner et nous les recevons tous car nous avons pour principe de pratiquer un accueil inconditionnel. Comme nous appliquons la loi, tout leur est expliqué dans leur langue d'origine. En règle générale, 40 % des jeunes nous quittent avant la fin de l'évaluation et 30 % fuguent. Certains ne passent que quelques jours, en transit entre l'Espagne et la région parisienne.
En 2018, en Haute-Garonne, nous avons réalisé 1 079 évaluations qui ont été remises au conseil départemental qui les a ensuite transmises au parquet. Toutes les décisions appartiennent au procureur. Le président du conseil départemental n'a pas à se prononcer. À Clermont-Ferrand, la juge des enfants va être déchargée en grande partie de ses dossiers et le procureur décidera, au vu des éléments fournis dans notre avis.
Nos avis aboutissent à trois types de conclusion.
Première possibilité : nous reconnaissons la minorité. Le procureur peut bien sûr prendre une décision autre, au vu de l'évaluation que nous lui fournissons.
Deuxième possibilité : les éléments rassemblés ne nous permettent pas de déterminer si la personne est bien mineure, ce qui aboutit à une prolongation de la prise en charge au-delà des cinq jours. Des investigations complémentaires sont décidées. Si les papiers sont envoyés à la police aux frontières, ils sont le plus souvent déclarés « techniquement valables », ce qui veut dire que le tampon est placé au bon endroit alors même qu'ils peuvent être faux. Un simple exemple : l'état civil en Guinée étant déclaratif, une personne, une fois arrivée à Paris, peut faire aisément établir une carte consulaire à l'ambassade de Guinée, qui lui permet ensuite d'obtenir un passeport biométrique guinéen moyennant une centaine d'euros. Nous évitons donc au maximum de passer par la case « police aux frontières » (PAF) car les avocats peuvent se saisir de ses analyses pour faire des recours auprès du juge des enfants qui déclarera la minorité – même si la personne a quarante-cinq ans – en vertu de l'article 47 du code civil aux termes duquel : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
C'est un problème éthique, nous sommes dans le cadre de la protection de l'enfance, et il est nécessaire que le budget consacré aux enfants leur bénéficie, et non à des adultes.
Nous avons fait part de ces difficultés à Mme Nicole Belloubet, et il semble que l'hypothèse retenue serait d'ajouter un alinéa à l'article 47 pour reconnaître l'évaluation lorsqu'elle est menée conformément au décret du 24 juin 2016. Le juge des enfants pourrait s'appuyer sur cet alinéa pour rejeter la demande de reconnaissance de minorité.
Actuellement, sur le département de la Haute-Garonne, près de 70 % des personnes intentant un recours sont reconnues mineures grâce à cet article 47 du code civil, et reviennent ainsi dans le champ de l'aide sociale à l'enfance. Ce n'est pas le cas dans tous les départements, le juge des enfants est souverain et peut appliquer la première phrase de l'article 47 avec plus ou moins d'exceptions. Nous espérons donc que cet article sera complété.
J'en viens aux péréquations. Aujourd'hui, certains départements bien identifiés, qui ne veulent pas appliquer le décret, déclarent un taux de minorité de 90 %, voire 100 %. Si un département qui a accueilli 800 personnes cette année, dont 200 MNA, déclare les 600 autres personnes comme mineures, il bénéficiera du système de péréquation. Les jeunes seront instantanément réorientés dans les autres départements, et même s'ils ne sont pas réorientés, ils seront à la charge du département d'accueil. De ce fait, les départements qui ne jouent pas le jeu sont très nombreux, et cette péréquation constitue un problème majeur.
Nous avons prévu d'en discuter avec la directrice nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Il suffirait que la cellule nationale de la PJJ s'intéresse aux conditions d'application du décret et détermine si l'évaluation a été pluridisciplinaire, si elle s'est accompagnée d'une analyse ou s'il s'agit juste d'un recueil de données, avant de donner accès à cette péréquation. Les départements qui n'appliquent pas la loi seront dans l'obligation de le faire, ou subiront très rapidement un préjudice financier.
Aujourd'hui, les départements qui jouent le jeu de l'accueil inconditionnel sont victimes de ce système. Sans aller jusqu'à dire que les départements sont poussés à déclarer la minorité, notre mission, qui est de faire en sorte que les mineurs ne soient pas traités comme les majeurs, est galvaudée.
Avant la création du DDAEOMI, tous ces jeunes étaient parqués dans des hôtels, et le coût était de 21 millions d'euros pour le département de la Haute-Garonne. Le DDAEOMI coûte 4 millions d'euros, les frais pour le département sont donc divisés par cinq, simplement en appliquant la loi. Nous souhaitons que l'ensemble des départements fassent de même. Cela impose une organisation spécifique, la construction d'une évaluation n'est pas aisée et une formation continue est prévue sur l'ensemble des départements. Nos hébergements sont solidaires, nous croyons à la mutualisation des moyens et nous pensons qu'il serait préférable d'avoir des plateformes régionales, même si une entité existe dans chaque département.
Nous mettons en place une équipe mobile d'évaluateurs. Dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, beaucoup de personnes se prétendent MNA alors qu'elles sont majeures. Nous souhaitons donc y intervenir pour réaliser une évaluation qui fournira un certain nombre d'éléments au parquet. Aujourd'hui, nous mélangeons aux mineurs des personnes adultes, parfois âgés. Certaines des personnes qui se présentent ont mon âge ! On peut le comprendre sachant que la seule alternative est le Samu social, pour ceux qui veulent être protégés ou soignés, le DDAEOMI est une possibilité. Pour autant, ils n'ont pas à entrer dans le cadre de l'article 375 du code civil.
La péréquation doit donc être modérée, la directrice nationale de la PJJ est d'accord, il faut trouver les moyens pour qu'elle ne bénéficie qu'aux départements qui respectent la loi.
Nous avons un autre problème, lié au décret relatif au fichier national biométrique pour les mineurs non accompagnés. Nous avons été invités à Paris au mois de novembre pour discuter de la rédaction de l'arrêté qui le met en oeuvre. Nous étions tous favorables à ce fichier national, mais tel qu'il est prévu par le décret, c'est un non-sens. Tout d'abord, il est géré par le ministère de l'intérieur, il s'agit donc plutôt d'un fichier de police que de protection. Ensuite, les rédacteurs du décret imaginaient que les personnes se présenteraient spontanément à la préfecture pour donner leurs empreintes et s'acquitter de toutes les formalités.
Nous ne mettons pas en oeuvre cette procédure, car les personnes intéressées préfèrent saisir le juge des enfants. Ce dernier va édicter une ordonnance de placement provisoire, qui n'est utilisée que pour les mineurs, et de ce fait attribuer un statut à la personne avant qu'elle ait été évaluée. C'est autant de grain à moudre pour les avocats, et l'aide juridictionnelle fonctionne à plein pot. Le décret sur le fichier national est une manne pour eux, car il y aura des recours en permanence.
Une fois que le juge des enfants a édicté une ordonnance de placement provisoire, le jeune est installé dans un établissement en attendant une décision qui prend trois à six mois. Vous imaginez bien que lorsque l'on a créé des liens privilégiés avec une personne, on ne s'en débarrasse pas trois ou six mois après car on considère qu'une erreur a été commise. Il n'est pas possible de traiter les gens de la sorte.
Pourquoi ne pas avoir mis en place ce fichier au niveau de la cellule nationale de la PJJ, qui a toutes les informations ? Je ne comprends pas que ce fichier ait été installé en préfecture. Lors de la réunion préparatoire pour la rédaction de l'arrêté, la directrice de la cohésion sociale nous a expliqué que cinquante postes de fonctionnaires seraient créés dans les préfectures pour absorber l'afflux de nouveaux arrivants. Une juge des enfants du département de Seine-Saint-Denis lui a répondu qu'il serait préférable de créer trois cents postes de juge des enfants, car tout le monde serait orienté vers le tribunal pour enfants. Les passeurs et les collectifs qui organisent le système sont très réactifs, bien plus rapides que nous. Nous risquons très rapidement de nous trouver en difficulté, avec des taux de minorité proches de 100 % et des maisons pour enfants remplies de personnes majeures.
Je souhaite lancer un cri d'alerte, car la population que nous accueillons est vraiment très abîmée. La pédopsychiatrie est inexistante, pour avoir des soins, je demande à la procureure d'édicter une ordonnance, sinon il n'est pas possible d'avoir une place en hospitalisation.
Quant aux agences régionales de santé, nous ne les connaissons pas. Nous avons eu deux réunions avec elles pour monter un système permettant aux jeunes de recevoir l'aide médicale d'État, et nous avons eu l'impression de demander une chose inconcevable. L'ARS craignait une saturation des « pass santé », je leur ai expliqué que tant que le jeune n'était pas déclaré majeur, la loi le considère mineur, et n'a donc rien à faire dans le système des « pass santé ». J'ai assisté aux deux premières réunions, puis j'ai abandonné, ce n'était pas de la mauvaise volonté de la part de l'ARS, mais nous sommes dans un système technocratique tellement fermé qu'il est très difficile d'y insuffler un peu de logique pour faire face aux enjeux actuels et futurs.
Je travaille avec la protection judiciaire de la jeunesse depuis trente ans, et elle a été progressivement déshabillée. Ils sont toujours de bonne volonté, mais les moyens dont ils disposent sont insuffisants.
Aujourd'hui, les enfants sont donc confrontés à une pédopsychiatrie moribonde, à une PJJ qui fait ce qu'elle peut, à des ARS absentes, et nous. Si nous ne donnons pas la priorité aux mineurs dans nos établissements et dans nos maisons d'enfants, nous aurons rapidement de graves problèmes d'ordre public. Si nous n'accompagnons pas ces jeunes, ils seront pris en charge par des personnes qui leur expliqueront comment fonctionner, et nous risquons de nous retrouver dans des situations malheureuses. La France a connu dans son passé récent des problèmes de radicalisation, et un certain nombre des jeunes concernés sont passés dans nos établissements. Ils en sont arrivés à cette situation car nos établissements sont sursaturés, ce n'est pas une plainte, c'est un constat.
Il faut que nous arrivions à régler certains des problèmes dont je vous ai fait part : fichier national, péréquation, mention de l'évaluation à l'article 47 du code civil. Pourquoi le décret du 24 juin 2016 n'est pas appliqué sur le territoire national ? Les conseils départementaux sont chefs de file, mais pourquoi s'autorisent-ils à ne pas appliquer ce décret par souci d'économie ? Ce système est absurde.
Je vous fais part de ma vérité, après trente et un ans passés au service des enfants. J'ai écrit le projet du DDAEOMI, mes collaborateurs l'ont enrichi, et aujourd'hui, toute une équipe fait fonctionner ce dispositif. Je serais naturellement favorable à la généralisation des DDAEOMI à l'échelle nationale, ou régionale. Dans notre région, un dispositif de mutualisation va nous permettre d'améliorer notre efficacité. Il ne faut pas plus d'argent, aujourd'hui, nous dépensons plus que nécessaire, car tout le monde est enfermé dans une case. La gestion des MNA se fait par flux, il y a des périodes basses et des périodes hautes, et elles ne sont pas concomitantes dans tous les départements. Des équipes nombreuses ont parfois moins de travail, la mutualisation permet donc non seulement d'enrichir l'expérience de chacun, mais aussi de préserver le budget du conseil départemental afin qu'il continue d'exercer sa mission.
La compétence sur la protection de l'enfance reste sous l'autorité du président du conseil départemental, nous avons donc peu de liens avec Toulouse métropole. Mais le maire de Toulouse met gratuitement à notre disposition les médecins du CCAS pour soigner les MNA qui présentent des pathologies avérées. À ce propos, nous accueillons des centaines de migrants dans nos dispositifs, sans médecins et sans que nous ne puissions détecter si certains sont atteints de pathologies dangereuses pour eux-mêmes ou pour les autres. Nous détectons la gale, l'hépatite et la tuberculose, mais il y a d'autres pathologies que nous ne pouvons détecter.
Nous espérons rajouter un élément à notre évaluation, qui n'est pas prévu par le décret du 24 juin 2016, sur la vulnérabilité. Nous considérons qu'il est important de prendre en compte la vulnérabilité de la personne, quel que soit son âge. En appliquant la loi, nous pouvons réaliser des économies substantielles : les dépenses du département du Gers pour les MNA sont passées de 7 millions d'euros à 780 000 euros. Une petite partie des fonds ainsi économisés pourrait être consacrée à des personnes vulnérables.
Quelles sont ces personnes ? J'ai à l'esprit l'exemple d'une jeune femme guinéenne qui a déclaré à peu près quatorze viols, qui porte un enfant, et qui est contaminée par le HIV. Bien qu'elle ait été déclarée majeure, nous ne pouvons pas la laisser au Samu social. Il serait donc nécessaire de nous permettre de conserver cette personne jusqu'à ce que les dispositifs nécessaires pour l'accompagner soient mis en place.
Autre exemple, un jeune qui a été fortement maltraité, dont une jambe a été mal remise en place, qui a du mal à se déplacer et a perdu un oeil. S'il est déclaré majeur, il va se retrouver à la rue.
C'est pour ce type de situations que nous souhaiterions pouvoir ajouter la notion de vulnérabilité à notre évaluation. Nous commençons à travailler à cette grille de lecture et le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme est d'accord pour expérimenter cette nouvelle ligne d'évaluation dans son département, en lien avec les services de santé, de façon à élaborer une grille de lecture aussi pertinente que possible. Nous devons prendre garde à éviter que ce critère n'amène les jeunes à se faire mal volontairement pour rester dans nos dispositifs.
Cette grille de lecture devrait être disponible l'été prochain, c'est un gros travail que nous réalisons dans le cadre de notre formation continue sur l'évaluation. Le chef de service du DDAEOMI du Gers s'en occupe, la directrice de la cellule nationale lui a d'ailleurs demandé d'être formateur pour les évaluateurs. Nous n'avons pas le temps de le faire, mais c'est une reconnaissance de la qualité des évaluations.